Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 105/2006
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Arrêt du 10 juillet 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella et Kernen.
Greffière: Mme Fretz.

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________ SA,

5. S.________, recourants,
tous représentés par Me Mercedes Novier, avocate, Mon Repos 14, 1001
Lausanne,

contre

SUPRA Caisse Maladie, chemin de Primerose 35, 1000 Lausanne 3, intimée,
représentée par Me Michel Bergmann, avocat, 1211 Genève 11.

Assurance-maladie,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal arbitral des
assurances du canton Vaud du 29 juin 2006.

Faits:

A.
Le 26 avril 2002, Me Nordmann, avocat à Lausanne, a introduit une demande
auprès du Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud au nom et pour
le compte de 216 pharmaciens et sociétés de pharmacie établis à G.________ et
dans le canton de Vaud; la procédure a été inscrite sous numéro d'ordre T.
arb. 2/02. Les conclusions des demandeurs étaient dirigées contre Supra
Caisse-maladie et tendaient, principalement, à ce que celle-ci fût reconnue
débitrice de différents montants les concernant individuellement, soit au
total la somme de 1'685'273 fr. 40. Les demandeurs se prévalaient d'un
enrichissement illégitime de la défenderesse en raison de la non adhésion de
celle-ci à la convention pour l'introduction du nouveau mode de rémunération
(CINMR) du 14 janvier 2000, à la convention de transition 2000 du même jour,
au contrat relatif au mode de rémunération basée sur les prestations des 6
avril et 14 juin 2000 et à la convention tarifaire version 17 du 30 janvier
2001, passés entre la Société suisse de pharmacie et le Concordat des
assureurs-maladie suisse.

Le 9 mai 2005, Me Nordmann a fait savoir au tribunal arbitral qu'il n'était
plus consulté dans cette affaire. Après que Me Monnard Séchaud eut informé la
juridiction qu'elle avait repris le mandat, Supra Caisse-maladie a requis que
les demandeurs produisent des procurations expresses en faveur de leur
avocate.

Par écriture au tribunal arbitral du 8 décembre 2005, Me Monnard Séchaud a
réitéré au nom et pour le compte de 212 pharmaciens et sociétés de pharmacie
établis à G.________ et dans le canton de Vaud, ainsi que pour 5 demandeurs
conjoints, les conclusions déposées le 26 avril 2002; les procurations des
demandeurs étaient jointes à l'envoi. A cet égard, les prétentions de
S.________, s'élevaient à 16'880 fr. 95, celles de A.________, à 43'485 fr.,
celles de B.________, à 11'567 fr., celles de D.________ SA, à 16'266 fr. 15
et celles de C.________, à 11'818 fr. 20; les procurations de ces demandeurs
- n° 10, 20, 21, 109 et 120 - en faveur de Me Monnard Séchaud portaient la
date du 1er, respectivement 2 novembre 2005.

B.
Sous l'égide du président du tribunal arbitral, au terme d'une audience de
conciliation de près de quatre heures, qui réunissait les parties, par leur
mandataire, et des représentants de leur association professionnelle
respective, l'accord suivant est intervenu le 29 juin 2006 :

I. Sans reconnaissance de responsabilité et pour éviter des frais
supplémentaires, Supra Caisse-maladie versera aux demandeurs représentés par
Me Monnard Séchaud, selon procurations au dossier, la somme de 70'000 fr.
dans les dix jours à compter de la présente audience, en mains de Me Monnard
Séchaud.
II. Supra Caisse-maladie regrette les problèmes et les désagréments causés
par le passage du système du tiers payant à celui du tiers garant au 1er
janvier 2002.
III. Chaque partie garde ses frais de justice et d'avocat.
IV. Parties requièrent le Président de prendre acte de la présente
transaction pour valoir jugement au fond dans la présente cause, en tant
qu'elle les divise.

Par décision du même jour, le président du tribunal arbitral a pris acte de
la transaction pour valoir jugement au fond entre les parties à la
convention.

C.
C.aA.________, B.________, C.________, D.________ SA et S.________ ont
interjeté un recours de droit administratif contre cette décision et conclu à
son annulation en ce qui les concernait, notamment au motif que leur
mandataire de l'époque n'était pas habilité à transiger.

Supra Caisse-Maladie a conclu au rejet des recours dans la mesure où ils
étaient recevables et le Tribunal arbitral s'est exprimé sur les règles de
procédure cantonales. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se
déterminer. Les recourants ont versé une écriture complémentaire à la
procédure.

C.b Les mêmes fournisseurs de prestations ont interjeté également un recours
de droit public contre la décision précitée et conclu à son annulation en ce
qui les concernait. L'intimée n'a pas été invitée à se déterminer sur cette
écriture.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

1.1 La décision attaquée, par laquelle le président du tribunal arbitral a
pris acte de la transaction intervenue entre les parties pour valoir jugement
au fond, met un terme à l'instance en ce qui les concerne. Il s'agit donc
d'une décision finale contre laquelle le recours de droit administratif est
ouvert (art. 97, 98 let. g, 98a et 128 OJ; art. 5 al. 1 PA).

Les jugements incidents et finaux rendus par des tribunaux cantonaux dans des
litiges ressortissant au droit fédéral des assurances sociales et tranchant
une question de droit de procédure cantonal peuvent être déférés au Tribunal
fédéral par la voie du recours de droit administratif, indépendamment du
point de savoir si un recours est interjeté sur le fond (ATF 126 V 143
consid. 2b p. 147 ss; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 5/98 du 3
avril 2000 publié in: SVR 2001 BVG n° 3 p. 7).

1.2 Le litige ne concerne pas l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance. Le Tribunal fédéral doit se borner à examiner si les premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou l'abus de leur
pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés de
manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 OJ en relation avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
2.1 En matière de représentation par un avocat, il convient de distinguer,
d'une part, les rapports internes entre la partie et son mandataire, et,
d'autre part, les effets externes, soit les pouvoirs de représentation de
l'avocat à l'égard du juge ou des autres parties. Contrairement aux rapports
internes, qui ressortissent au droit privé, les pouvoirs externes relèvent du
droit de procédure, conformément à la réserve de l'art. 396 al. 3 CO
(Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I,
Berne 1990, n. 2.2.1. ad art. 29, p. 152).

2.2 Selon l'art. 89 al. 5 LAMal, la procédure devant le tribunal arbitral
cantonal appelé à statuer sur un litige entre assureurs et fournisseurs de
prestations est régie par le droit cantonal, sous réserve de certaines
exigences minimales fédérales. Les dispositions de la LPGA ne sont en
revanche pas applicables (art. 1 al. 2 let. e LAMal). Dans le canton de Vaud,
la procédure devant le tribunal arbitral cantonal en matière
d'assurance-maladie est réglée par les dispositions générales de procédure de
la loi du 2 décembre 1959 sur le Tribunal des assurances (LTAs; Recueil
systématique de la législation vaudoise [RSV] 173.41), qui sont applicables
par analogie (art. 62 LTAs).

Aux termes de l'art. 63 LTAs, l'action est introduite par une requête
répondant aux exigences de l'art. 54 LTAs. Selon la première phrase de cette
disposition, «l'action est introduite par le dépôt d'une requête en deux
exemplaires contenant, outre la désignation des parties, l'exposé articulé
des faits rangés sous des numéros d'ordre et les conclusions». Pour la
procédure de recours devant le tribunal cantonal des assurances, l'art. 8
LTAs stipule que «sous réserve de l'art. 40, l'acte de recours doit indiquer
les moyens et les conclusions du recourant. Cet acte est accompagné des
pièces utiles, en particulier de la décision attaquée et de la procuration du
mandataire. Les avocats pratiquant dans le Canton de Vaud peuvent signer les
recours sans procuration. Ils justifient de leurs pouvoirs s'ils en sont
requis» (art. 8 al. 1 et 2 LTAs). Selon l'art. 8 al. 3 LTAs, «si l'acte de
recours ne répond pas aux exigences fixées à l'alinéa 1 ci-dessus, le juge
instructeur fixe au recourant un délai pour le compléter en l'informant qu'à
ce défaut le recours sera écarté préjudiciellement». Aux termes de l'art. 28
LTAs, «sont applicables par analogie, sauf dispositions contraires de la
présente loi, les règles de la procédure civile contentieuse concernant,
[notamment], la représentation et l'assistance des parties».

Selon l'art. 68 al. 1 du Code de procédure civile du 14 décembre 1966 (CPC;
RSV 270.11), «le mandataire doit justifier sa vocation par la production des
pouvoirs et des autorisations nécessaires». Conformément à l'art. 69 CPC, «le
juge doit inviter le mandataire à justifier de ses pouvoirs dans le délai
qu'il fixe ou au plus tard à l'ouverture de l'audience de jugement. A défaut
de cette justification, le mandataire est éconduit d'instance et condamné aux
dépens. Il y a recours au Tribunal cantonal. Toutefois, les avocats [...]
autorisés à pratiquer dans le canton ne doivent justifier de leurs pouvoirs
que s'ils en sont expressément requis avant l'audience de jugement. L'art.
72, alinéa 3 est réservé». En vertu de l'art. 70 al. 1 CPC, la procuration et
l'autorisation de plaider doivent être spéciales et littérales. Selon
l'art. 72 CPC, «la procuration confère le pouvoir d'accomplir tous les actes
nécessaires pour obtenir le jugement et pour en poursuivre l'exécution.
Lorsqu'un mandataire est constitué, les actes judiciaires lui sont adressés.
Un pouvoir exprès est nécessaire pour se désister, transiger, compromettre,
passer expédient ou recevoir notification, en lieu et place de la partie, des
citations à comparaître personnellement».

2.3 Par procuration du 1er, respectivement 2 novembre 2005, chacun des
recourants a déclaré personnellement donner mandat à titre individuel à Me
Monnard Séchaud aux fins de le représenter et d'agir en son nom dans le cadre
du litige contre l'intimée. La procuration comportait les pouvoirs de faire
tous les actes jugés utiles à l'accomplissement du mandat, en particulier
d'agir par toutes voies amiables ou judiciaires pour le compte du mandant et
de le représenter valablement devant toutes les juridictions civiles,
pénales, administratives ou arbitrales [...], de rédiger toutes procédures,
prendre toutes conclusions, [...], plaider, transiger, passer expédient, se
désister, signer un compromis arbitral [...]. Chacun des recourants déclarait
également élire domicile en l'étude du mandataire, y compris aux fins de
notification des citations à comparaître personnellement.

Au vu de la teneur de ces actes, les procurations données par les recourants
à Me Monnard Séchaud remplissent les conditions posées par les règles
cantonales de procédure; celles-ci et l'autorisation de plaider qu'elles
contiennent sont spéciales et littérales (art. 70 al. 1 CPC) et elles
confèrent le pouvoir d'accomplir tous les actes nécessaires pour obtenir le
jugement, ainsi que le pouvoir exprès pour se désister, transiger,
compromettre, passer expédient ou recevoir notification, en lieu et place de
la partie, des citations à comparaître personnellement (art. 72 CPC). Dans la
mesure où dans les rapports externes avec le juge ou une autre partie, seuls
comptent les pouvoirs externes soumis au droit de procédure cantonal (supra
consid. 2.1), les recourants étaient représentés de manière parfaitement
valable lors de l'audience du 29 juin 2006 et avaient conféré à leur
mandataire tous les pouvoirs nécessaires à la conclusion d'une convention.
Dès lors, le président du tribunal arbitral pouvait prendre acte de la
transaction passée par leur mandataire et le représentant de l'intimée, pour
valoir jugement au fond dans l'affaire qui les opposait. Les recourants sont
ainsi liés par la transaction du 29 juin 2006 et la décision du juge en
prenant acte pour valoir jugement au fond.

2.4 A cet égard, les nombreux griefs soulevés par les recourants n'y peuvent
rien changer. S'il est vrai que le contentieux de l'assurance-maladie sociale
relevant du tribunal arbitral est régi par la maxime d'office (art. 89 al. 5
LAMal), les obligations du juge en matière de représentation et de pouvoirs
conférés à l'avocat sont remplies lorsque les parties ont versé à la
procédure - à la demande du juge ou d'une autre partie - les procurations
idoines conformes aux exigences du droit de procédure cantonal. Admettre le
contraire reviendrait à priver de portée la représentation en justice des
avocats, tout acte de procédure ou convention devant alors être muni de la
signature du mandant et de l'avocat. Sur ce point, on ne voit pas non plus en
quoi la juridiction cantonale aurait appliqué le droit de procédure cantonal
de manière arbitraire en reconnaissant les pouvoirs conférés à l'époque au
mandataire des recourants, d'autant moins que le contenu de la procuration
est clair, simple et sans équivoque sur les droits accordés.

Il en va de même lorsque les recourants contestent que le président du
tribunal arbitral s'est assuré que la convention passée le 29 juin 2006 était
valable. Il ressort du procès-verbal des opérations de la procédure T. arb.
2/02, que la transaction est intervenue lors de la troisième audience de
conciliation fixée dans cette affaire, la deuxième remontant au 1er juillet
2005 et la première au 30 mai 2002. L'audience de conciliation faisait suite
à une interpellation du président du tribunal arbitral du 13 avril 2006, qui
s'interrogeait sur l'opportunité de tenir une telle audience, laquelle seule
lui paraissait de nature à aboutir à une solution rapide au regard des
nombreuses décisions de procédure et de dépens à prendre et par rapport aux
honoraires et frais de procédure que les parties auraient encore à assumer.
Sous l'égide du président, la transaction est intervenue après avoir été
discutée par les parties pendant plus de trois heures et demi d'une audience
dont elle a été l'unique objet. Dans ces conditions, les recourants ne
peuvent reprocher au juge de s'être contenté de prendre acte d'une convention
conclue entre les parties et d'avoir ainsi radié l'affaire du rôle au motif
que la transaction avait mis fin au litige. Ils ne sauraient non plus se
prévaloir d'une application arbitraire des règles de la procédure civile
cantonale relative à la transaction (art. 158 CPC).

Enfin, contrairement à ce qu'allèguent les recourants, les procurations
données à leur mandataire contenaient tant une élection de domicile qu'un
pouvoir exprès pour recevoir des citations à comparaître personnellement.
Quant au prétendu défaut de comparution personnelle d'une partie, il suffit
de relever que sa sanction réside principalement dans le droit de l'autre
partie de requérir le jugement par défaut (art. 305 CPC), ce que l'intimée
n'a pas fait.

2.5 En réalité, les recourants se plaignent d'une mauvaise exécution de son
mandat par leur mandataire de l'époque; implicitement ils lui reprochent
d'avoir mal défendu leurs intérêts en signant la transaction en leur nom. De
telles critiques relèvent d'un contentieux de droit civil; ils ne permettent
cependant pas aux recourants, pas plus que leurs autres griefs, d'établir que
la décision du président du tribunal arbitral de prendre acte pour valoir
jugement au fond de la transaction passée devant lui le 29 juin 2006 ait été
prise en violation du droit fédéral en rapport avec le droit des assurances
sociales. Les recours doivent dès lors être rejetés.

3.
La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). Les parties sont
représentées par un avocat. Les recourants qui succombent ne sauraient
prétendre de dépens (art. 159 al. 1 en relation avec l'art. 135 OJ).
L'assureur intimé ne saurait non plus en prétendre dans la mesure où les
autorités chargées de tâches de droit public (art. 159 al. 2 OJ; voir
également consid. 6 non publié de l'ATF 120 V 352) n'y ont droit que dans des
circonstances exceptionnelles qui ne sont pas réunies en l'espèce (cf. ATF
119 V 448 consid. 6b p. 456; RAMA 1995 n° K 955 p. 6 et les références).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les recours sont rejetés.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 5000 fr., sont mis à la charge des
recourants à raison de 1000 fr. chacun et sont compensés avec les avances de
frais d'un montant de 1000 fr. qu'ils ont versées.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal arbitral des
assurances et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 juillet 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière: