Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 101/2006
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Cause {T 7}
K 101/06

Arrêt du 3 novembre 2006
IVe Chambre

MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme von
Zwehl

Universa Caisse-maladie, Administration, rue du Nord 5, 1920 Martigny,
recourant,

contre

M.________, intimée

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances,
Porrentruy

(Jugement du 30 juin 2006)

Faits:

A.
M.________ est assurée à la caisse-maladie Universa, notamment pour
l'assurance obligatoire des soins, avec une franchise annuelle de 1'500 fr.
Alors qu'elle était enceinte, elle a subi ambulatoirement, le 3 avril 2004,
une injection de Rhophylac destinée à la prophylaxie anténatale de la
sensibilisation rhésus en cas de possible incompatibilité de rhésus entre la
mère et le foetus. Le coût de cette injection s'est élevé à 162 fr. 60.
Universa a réglé cette facture à l'Hôpital X.________, avant d'en réclamer le
remboursement à son assurée au titre de participation (franchise). L'assurée
n'ayant pas procédé au remboursement, Universa lui a envoyé un rappel, puis,
le 21 juin 2005, une sommation. Elle lui a fait notifier un commandement de
payer portant sur le montant de 162 fr. 60, plus des frais de sommation par
20 fr. et des frais d'ouverture de dossier par 30 fr. La poursuivie a fait
opposition.

Le 14 octobre 2005, Universa a rendu une décision par laquelle elle a levé
cette opposition. M.________ a formé opposition à cette décision, en faisant
valoir qu'aucune participation ni aucune franchise ne pouvait être exigée en
cas de maternité. Le 8 novembre 2005, Universa a répondu que, selon les
dispositions légales en vigueur, les médicaments tel que le Rhophylac ne
figuraient pas sur la liste des prestations spécifiques en cas de maternité.
Par conséquent, et pour autant qu'ils fassent partie de la liste des
spécialités (LS), ils étaient pris en charge sous déduction de la franchise
et de la quote-part de 10 pour cent.

B.
Par écriture du 29 novembre 2005, M.________ a recouru devant le Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura (Chambre des assurances), qui a
admis son recours et annulé les décisions d'Universa des 14 octobre et 8
novembre 2005 (jugement du 30 juin 2006).

C.
Universa interjette un recours de droit administratif dans lequel elle
conclut à l'annulation de ce jugement, en demandant au Tribunal fédéral des
assurances de dire que l'assurée est tenue de payer la somme due à titre de
participation aux coûts.

M.________ conclut au rejet du recours. Quant à l'Office fédéral de la santé
publique, il ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral des assurances examine d'office les conditions formelles
de validité et de régularité de la procédure précédente, en particulier si
c'est à juste titre que la juridiction cantonale est entrée en matière sur le
recours (ATF 128 V 89 consid. 2a et les références).

Bien que la lettre d'Universa du 8 novembre 2005 soit dépourvue de
l'indication des voies de droit et qu'elle ne contienne pas la mention de
décision (voir art. 52 al. 2 LPGA), il y a lieu de considérer, à l'instar des
premiers juges, qu'elle avait le caractère d'une décision sur opposition
sujette à recours devant le tribunal cantonal des assurances compétent.

2.
La question est de savoir si la caisse-maladie recourante peut réclamer une
participation aux coûts (art. 64 LAMal), dans les limites de la franchise
annuelle, pour les frais facturés par l'Hôpital X.________.

3.
3.1 Selon l'art. 29 al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en
charge, en plus des coûts des mêmes prestations que pour la maladie, ceux des
prestations spécifiques de maternité. Ces prestations comprennent selon
l'alinéa 2 les examens de contrôle, effectués par un médecin ou une
sage-femme ou prescrits par un médecin, pendant et après la grossesse (let.
a), l'accouchement à domicile, dans un hôpital ou dans une institution de
soins semi-hospitaliers ainsi que l'assistance d'un médecin ou d'une
sage-femme (let. b), les conseils nécessaires en cas d'allaitement (let. c)
et les soins accordés au nouveau-né en bonne santé et son séjour, tant qu'il
demeure à l'hôpital avec sa mère (let. d).

Le Conseil fédéral, chargé d'édicter les dispositions d'exécution de la
loi (art. 96 LAMal), a délégué cette compétence, pour autant qu'elle
concernait les prestations visées à l'art. 29 al. 2 let. a et c LAMal, au
Département fédéral de l'intérieur (art. 33 let. d OAMal). Celui-ci a édicté
le 29 septembre 1995 l'ordonnance sur les prestations de l'assurance
obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS; RS 832.112.31). Les
prestations spécifiques en cas de maternité sont réglées aux art. 13 à 16
OPAS (examens de contrôle, préparation à l'accouchement, conseils en cas
d'allaitement et prestations des sages-femmes).

D'autre part, selon l'art. 64 al. 7 LAMal (voir aussi l'art. l'art. 104 al.2
let. b OAMal), l'assureur ne peut exiger aucune participation s'il s'agit de
prestations en cas de maternité.

3.2 Dans l'arrêt ATF 127 V 268, le Tribunal fédéral des assurances,
confirmant la jurisprudence rendue sous le régime de la LAMA, a précisé que
selon le nouveau droit également, les frais de traitement en cas de
complications survenues en cours de grossesse constituent des frais de
maladie, ce qui entraîne l'obligation des assurées de participer aux coûts
des prestations dont elles bénéficient. Il en va ainsi, par exemple, des
traitements destinés à éviter un accouchement prématuré ou une fausse couche.
La distinction entre les prestations obligatoires lors d'une grossesse
normale et celles en cas de grossesse avec complications est en effet
compatible avec le sens et le but de la réglementation prévoyant la
libération de toute participation aux coûts des prestations en cas de
maternité (voir également RAMA 2004 n° KV 300 p. 383).

Il ressort de cette jurisprudence que les prestations en cas de maternité
pour lesquelles une participation ne peut pas être exigée sont les
prestations prévues à l'art. 29 al. 2 LAMal. Les prestations médicales en cas
de complications survenues pendant la grossesse ne sont pas considérées comme
des prestations de maternité mais, comme des prestations en cas de maladie
qui ne bénéficient pas du privilège de l'art. 64 al. 7 LAMal (voir ATF 127 V
273 consid. 3b, ainsi que l'arrêt H. du 14 octobre 2002 [K 14/01], à propos
d'un traitement médicamenteux).

4.
4.1 L'injection administrée à l'intimée est un traitement préventif permettant
de neutraliser les anticorps maternels dirigés contre les érithrocytes de
l'enfant en cas d'incompatibilité des groupes sanguins rhésus de la mère et
de l'enfant. Ce type de traitement ne fait pas partie des prestations en cas
de maternité énumérées à l'art. 29 al. 2 LAMal. En outre, il ne s'agit pas
d'un examen de contrôle (art. 29 al. 2 let. a LAMal en corrélation avec l'
art. 13 OPAS).  On est en présence d'une mesure thérapeutique qui donne lieu
à participation aux coûts. Il n'est pas décisif, à cet égard, que la
nécessité du traitement soit apparue à l'occasion d'un examen de contrôle
(ATF 97 V 193).

4.2 Les premiers juges s'appuient sur l'avis de Gebhard Eugster, selon
lequel le privilège de l'art. 64 al. 7 LAMal viserait également les
prestations énumérées à l'art. 29 al. 1 LAMal, dans la mesure où il s'agit de
soins médicaux liés aux risques typiques de la grossesse
(Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR],
Soziale Sicherheit, 1998, p. 187 sv., ch. 344). Cette question a toutefois
été tranchée entre temps de manière négative dans l'arrêt ATF 127 V 268.

La juridiction cantonale se prévaut également de la critique de cet arrêt par
Ueli Kieser (Leistungen der Krankenversicherung bei Mutterschaft -
Kostenbeteiligung der Mutter, PJA 2002 p. 581 sv.). Dans un arrêt plus
récent, le Tribunal fédéral des assurances a cependant répondu clairement à
cette critique, en rappelant en particulier que rien dans les travaux
préparatoires de la LAMal ne permettait de considérer que le législateur ait
voulu modifier le régime antérieur en matière de participation aux coûts en
cas de maternité (RAMA 2004 n° KV 300 p. 387 sv. consid. 6).

4.3 Dans ces conditions, il n'y a pas de raison de se départir de la
jurisprudence susmentionnée. Le fait, invoqué par l'intimée, que la caisse a
pris en charge des injections du même type administrées lors d'une précédente
grossesse et le lendemain de son accouchement en 2004 ne saurait être décisif
: en dehors des conditions - non réalisées ici - du droit à la protection de
la protection foi, l'assurée ne saurait déduire de cette circonstance un
avantage contraire au droit en vigueur.

Le recours de droit administratif est dès lors bien fondé.

5.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (cf. ATF 102 V 206 consid.
3).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal de la République et
canton du Jura (Chambre des assurances) du 30 juin 2006 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'avance de frais versée par la recourante, d'un montant de 500 fr., lui est
restituée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura (Chambre des assurances), et à l'Office fédéral
de la santé publique.

Lucerne, le 3 novembre 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: La Greffière: