Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen C 88/2006
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Cause {T 7}
C 88/06

Arrêt du 25 août 2006
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.
Piguet

A.________, recourante, représentée par Me Jean-Luc Addor, avocat, avenue de
Tourbillon 3, 1951 Sion,

contre

Caisse de chômage de la CVCI, avenue d'Ouchy 47, 1006 Lausanne, intimée,

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 15 février 2006)

Faits:

A.
A. ________, née en 1961, a travaillé du 18 novembre 2002 au 8 février 2005
en qualité de conseillère scientifique au service de l'Organisation mondiale
de la santé (OMS). Rattachée au bureau régional pour l'Europe à Copenhague,
elle a annoncé son départ au contrôle des habitants de la commune de Lausanne
et s'est installée au Danemark, où elle était au bénéfice d'une autorisation
de séjour. Pendant son séjour dans ce pays, elle n'a pas cotisé aux
assurances sociales suisses. Elle était en revanche affiliée à la Caisse de
pensions du personnel des Nations Unies ainsi qu'à l'assurance-maladie et
accidents du personnel de l'OMS.
De retour en Suisse, A.________ s'est annoncée à l'assurance-chômage le 6
avril 2005 et a demandé le versement de l'indemnité de chômage à compter du 7
mars 2005. Par décision du 12 mai 2005, confirmée sur opposition le 31 août
suivant, la Caisse de chômage de la CVCI a nié le droit à l'indemnité de
chômage, motif pris que l'intéressée ne justifiait d'aucune période
d'activité soumise à cotisation en Suisse durant les deux années précédant le
dépôt de sa demande de prestations (délai-cadre de cotisation).

B.
Par jugement du 15 février 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud
a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision.

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut à la
reconnaissance de son droit à l'indemnité de chômage à compter du 7 mars
2005.
La caisse de chômage s'en remet à justice, tandis que le Secrétariat d'Etat à
l'économie (seco) propose le rejet du recours, en se référant à sa prise de
position devant le Tribunal administratif.

Considérant en droit:

1.
1.1 Par le passé, les fonctionnaires de nationalité suisse au service
d'organisations internationales établies en Suisse étaient affiliés
obligatoirement aux assurances sociales suisses (AVS/AI/APG/AC). Ils avaient
toutefois la possibilité, sous certaines conditions, d'en être exemptés. Dans
l'arrêt ATF 117 V 1, le Tribunal fédéral des assurances avait toutefois jugé
que cette exemption ne s'étendait pas à l'assurance-chômage. A la suite de
cet arrêt, les organisations internationales établies en Suisse ont fait
connaître qu'elles ne pouvaient souscrire à une telle affiliation obligatoire
à l'assurance-chômage. Elles ont invoqué la liberté et l'indépendance dont
les organisations internationales et leurs fonctionnaires doivent jouir par
rapport à l'Etat hôte, ainsi que le principe fondamental de l'égalité de
traitement entre fonctionnaires. Elles se sont prévalues, en outre, du statut
particulier dont bénéficiaient les organisations internationales en vertu des
accords de siège conclus avec le Conseil fédéral.

1.2 Les parties concernées ont alors décidé de régler la question par le
biais d'accords internationaux, sous la forme d'échanges de lettres destinés
à compléter les accords de siège existants. Sur proposition du Conseil
fédéral, il a été décidé que ces accords régiraient également l'affiliation
aux assurances sociales suisses des conjoints des fonctionnaires
internationaux de nationalité suisse (sur ces questions, voir ATF 123 V 1).

S'agissant de l'OMS, un échange de lettres a été signé entre la Confédération
suisse et cette organisation les 26 octobre/21 novembre 1994. Il a été
approuvé par l'Assemblée fédérale le 4 mars 1996 (RS 0.192.120.281.11). Selon
cet accord, les fonctionnaires de nationalité suisse de l'OMS ne sont plus
considérés par la Confédération suisse comme étant obligatoirement assurés à
l'AVS/AI/APG/AC à partir du 1er janvier 1994, pour autant qu'ils soient
affiliés à un système de prévoyance prévu par l'organisation précitée. Ils
ont toutefois la possibilité d'adhérer, sur une base volontaire, soit à
l'AVS/AI/APG/AC, soit à l'assurance-chômage uniquement, une telle affiliation
individuelle n'entraînant aucune contribution financière obligatoire de la
part de l'Organisation.

1.3 Ces échanges de lettres, qui sont des accords de droit international (ATF
123 V 4 consid. 4), ont trouvé leur expression en droit interne aux art. 1er
al. 4 let. b LAVS, (actuellement l'art. 1a al. 4 let. b LAVS) ainsi qu'à
l'art. 2a LACI (voir à ce sujet le Message du Conseil fédéral concernant une
modification de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants
[révision de l'assurance facultative] du 28 avril 1999, FF 1999 4625 et
4630). Selon la première de ces dispositions, les personnes qui ne sont pas
assurées en raison d'un échange de lettres conclu avec une organisation
internationale concernant le statut des fonctionnaires internationaux de
nationalité suisse à l'égard des assurances sociales suisses peuvent adhérer
à l'assurance. Quant à la seconde, elle prévoit que ces mêmes fonctionnaires,
qui ne sont pas assurés en vertu de la LAVS, peuvent néanmoins payer des
cotisations à l'assurance-chômage.

2.
A titre préliminaire, la recourante relève que l'art. 2a LACI ne lui serait
pas applicable, en soutenant qu'elle n'avait pas le statut de fonctionnaire
international au sens de cette disposition pendant la durée de son engagement
au service de l'OMS. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais eu de contrat d'une
durée indéterminée, mais seulement trois contrats successifs, de durée
déterminée, les deux premiers de onze mois et le troisième de trois mois, qui
relèveraient du droit privé.

Cette argumentation n'est pas fondée. Selon le ch. 1.1 du Règlement du
personnel et statut du personnel de l'OMS (qui peut être consulté sur
Internet à l'adresse suivante:
www.who.int/employment/staff_regulations_rules/who_staff_rules/FR_205.pdf),
tous les membres du personnel de l'OMS sont des fonctionnaires
internationaux. Selon les principes régissant les engagements (ch. 420 ss),
les engagements à durée indéterminée ne sont accordés qu'après cinq ans au
minimum de services accomplis au titre d'engagements à durée déterminée. Tous
les membres du personnel, y compris ceux qui sont détachés auprès de
l'Organisation, sont initialement engagés pour une durée déterminée
(c'est-à-dire limitée à un an ou plus) ou à titre temporaire (pour une
période n'excédant pas onze mois). La qualité de fonctionnaire international
au sens de la réglementation de l'OMS ne dépend donc pas de la durée des
rapports de service. Du reste et de manière plus générale, la notion de
fonctionnaire international est une notion large, qui englobe également les
membres du personnel temporaire travaillant de façon continue et exclusive
(par opposition à un consultant) au service, notamment, d'un organisme
agissant au nom de plusieurs Etats, comme ici une organisation internationale
(voir sur la définition du «fonctionnaire international», Gérard Ménétrey,
Les privilèges fiscaux des fonctionnaires internationaux, RDAF 1973, p. 237
ss).

3.
Cela étant, comme cela ressort de l'échange de lettres en question, auquel
renvoient explicitement les dispositions légales précitées, la possibilité
d'une assurance volontaire est réservée aux fonctionnaires de nationalité
suisse qui sont domiciliés en Suisse. Ainsi, selon cet accord, la requête
d'adhésion doit-elle être présentée «auprès de la caisse de compensation du
canton de leur domicile». De même est-il fait référence aux conjoints,
suisses ou étrangers, des fonctionnaires internationaux de nationalité suisse
«qui sont domiciliés en Suisse» .

En l'espèce, il est douteux que la recourante ait conservé un domicile en
Suisse pendant la durée de son engagement au service de l'OMS. La recourante
admet d'ailleurs qu'elle n'avait plus de domicile en Suisse; elle allègue
toutefois qu'elle ne s'en était pas pour autant constitué un au Danemark et
se prévaut, implicitement, de l'art. 24 al. 1 CC, selon lequel toute personne
conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un
nouveau.

La question du domicile de la recourante peut cependant rester indécise en
l'espèce, car le droit aux prestations doit être nié, indépendamment du
domicile en Suisse ou au Danemark de la recourante durant la période en
cause, comme on le verra ci-après.

4.
La recourante fait valoir qu'en tout état de cause, elle était dans
l'impossibilité de cotiser à l'assurance-chômage, obligatoirement tout au
moins, tant en Suisse qu'au Danemark. Cela étant, alors qu'elle disposait
d'un contrat de travail régulier dans un pays de l'Union européenne, elle ne
bénéficiait pas d'un traitement égal par rapport aux salariés danois. Cette
inégalité de traitement serait contraire aux objectifs de l'Accord du 21 juin
1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne
et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes
(ALCP), qui tendent à une coordination des systèmes de sécurité sociale.

Cette situation découle toutefois précisément de son statut de fonctionnaire
au service d'une organisation internationale, exemptée de l'affiliation
obligatoire aux assurances sociales, tant suisses que danoises. Du reste,
même si elle avait cotisé à l'assurance-chômage danoise, cela ne lui
donnerait pas un droit à des prestations de l'assurance-chômage suisse. En
matière de prestations de chômage, l'art. 67 du Règlement n° 1408/71 du
Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité
sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux
membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté -
applicable en vertu de l'art. 1 par. 1 de l'annexe II de l'ALCP - permet la
totalisation des périodes d'assurance ou d'emploi accomplies sous la
législation d'un Etat membre autre que l'Etat compétent. En vertu du par. 3
de cette disposition, l'application du principe de totalisation est cependant
subordonnée à la condition que l'intéressé ait accompli, suivant
l'éventualité consacrée, soit des périodes d'assurance, soit des périodes
d'emploi en dernier lieu dans l'Etat membre prestataire (sous réserve des cas
prévus par l'art. 71 par. 1 let. a point ii et let. b point ii du Règlement
n° 1408/71). Or, à la date où la recourante s'est annoncée à
l'assurance-chômage, elle n'aurait de toute façon pas pu prétendre à ce que
des périodes d'assurance accomplies au Danemark fussent, le cas échéant,
prises en considération au sens de l'art. 67 par. 3 du Règlement n° 1408/71,
dès lors qu'elle n'a pas occupé, en dernier lieu, un emploi en Suisse et donc
été soumise aux assurances sociales suisses immédiatement avant la survenance
de son chômage (voir à ce sujet ATF 132 V 196).

5.
Les autres moyens soulevés par la recourante ne sont pas davantage fondés que
les précédents. En particulier, on ne voit pas qu'il y ait une lacune dans la
loi, susceptible d'être comblée par le juge, dès lors que le législateur a, à
l'art. 2a LACI, expressément voulu réserver le droit de s'assurer
facultativement aux fonctionnaires internationaux de nationalité suisse
domiciliés en Suisse. Le texte clair de l'art. 14 al. 3 LACI exclut par
ailleurs que les Suisses de retour au pays après avoir travaillé dans un état
membre de la CE ou de l'AELE puissent être libérés des conditions relatives à
la période de cotisation. Quant au fait d'avoir cotisé à l'assurance-chômage
des années durant, il ne donne pas ultérieurement un droit acquis aux
prestations de l'assurance-chômage lorsque les conditions mises à l'octroi de
ces prestations ne sont pas remplies. Contrairement à ce que soutient la
recourante, on ne saurait y voir une violation du principe de
proportionnalité.

6.
La recourante se prévaut en dernier lieu de l'obligation de renseigner et de
conseiller consacrée par l'art. 27 LPGA. Elle fait valoir que, lorsqu'elle a
quitté la Suisse, son attention n'a pas été attirée sur le fait qu'elle ne
serait plus assurée contre le risque de chômage en Suisse en raison de son
affiliation à la Caisse de pensions des Nations Unies et du retrait de ses
papiers de son ancien domicile. Elle aurait annoncé son départ à l'étranger
«à toutes les caisses concernées», mais elle n'aurait pas reçu, de leur part,
la moindre information à ce sujet.

Il est vrai que le devoir de renseigner et de conseiller institué à l'art. 27
LPGA est notablement plus étendu que la pratique existant jusque-là. (voir
ATF 131 V 476 consid. 4). En l'espèce toutefois, il n'y a pas lieu d'examiner
le cas sous l'angle de cette disposition, qui est entrée en vigueur le 1er
janvier 2003, soit postérieurement au départ de la recourante de la Suisse
pour le Danemark. Auparavant, il n'existait pas d'obligation légale et
générale de renseigner et rien ne permet d'admettre - cela n'est du reste pas
allégué - que la recourante ait reçu, en octobre ou novembre 2002, un
renseignement inexact propre à fonder le droit à la protection de la bonne
foi (voir p. ex. ATF 124 V 220 consid. 2b/aa.).

Quoi qu'il en soit, comme l'ont relevé les premiers juges, il existe à Genève
la Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et
des autres organisations internationales qui renseigne les fonctionnaires
internationaux, notamment en matière de sécurité sociale. Le site internet de
la mission permanente contient d'ailleurs des explications détaillées sur les
régimes des assurances AVS/AI/APG/AC, de l'assurance-maladie et des impôts
applicables aux fonctionnaires suisses.

7.
7.1 Au vu de ce qui précède, la recourante ne remplit pas l'exigence relative
à la période de cotisation pendant le délai-cadre (art. 13 al. 1 LACI) et ne
peut prétendre de ce fait un droit à l'indemnité de chômage. Elle ne peut se
prévaloir des dispositions du Règlement n° 1408/71, ni de la libération des
conditions relatives à la période de cotisation (art. 14 al. 3 LACI), et ne
saurait déduire un droit d'une prétendue violation de l'obligation de
renseigner.
Il s'ensuit que le recours se révèle en tous points mal fondé.

7.2 La procédure est gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le
refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ). Assistée d'un avocat, la
recourante, qui succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale (art. 159 OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à Office régional de placement
de Pully, au Tribunal administratif du canton de Vaud et au Secrétariat
d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 25 août 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: