Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen C 87/2006
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Cause {T 7}
C 87/06

Arrêt du 21 juillet 2006
IVe Chambre

MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme Fretz

Société X.________ SA, recourante, représentée par Me Christophe Piguet,
avocat, place St-François 5, 1003 Lausanne,

contre

Service de l'emploi du canton de Vaud, Instance Juridique Chômage, rue
Marterey 5, 1014 Lausanne, intimé,

concernant
1. Office régional de placement, Site de Vevey, rue des Bosquets 33, 1800
Vevey,

2. D.________

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 1er mars 2006)

Faits:

A.
D. ________, né en 1961, dessinateur-paysagiste de formation, a touché des
indemnités de chômage à partir du 1er décembre 2003. Le 15 avril 2004, il a
été engagé en qualité de paysagiste-chef d'équipe, à partir du 19 avril 2004,
par la société X.________ SA. Le salaire de base convenu était de 27 fr. de
l'heure. Auparavant, le 14 avril 2004, le prénommé a déposé auprès de
l'Office régional de placement (ORP) une demande d'allocations en vue d'une
initiation au travail auprès de ce même employeur. Le 16 avril 2004,
l'employeur a rempli et signé à l'intention de l'ORP une «confirmation
relative à l'initiation au travail». Dans ce document, l'employeur déclarait
s'engager à limiter le temps d'essai à un mois; après la période d'essai, le
congé ne pouvait pas être donné avant la fin de l'initiation, les cas de
justes motifs au sens de l'art. 337 CO demeurant réservés; au terme de
l'initiation, le contrat de travail pouvait être résilié en respectant le
délai de congé prévu par l'art. 335c CO.

A.a Par décision du 5 mai 2004, l'ORP a alloué les indemnités prétendues pour
la période du 19 avril 2004 au 18 octobre 2004. Dans cette décision,
communiquée à l'employeur, il était précisé que les allocations d'initiation
au travail étaient accordées sous réserve du respect du contrat de travail du
15 avril 2004 et de la confirmation de l'employeur. A défaut, la restitution
des prestations pourrait être exigée. La part mensuelle des allocations était
dégressive pendant la période de six mois. Elle était de 1'385 fr. 90
(avril), 3'464 fr. 70 (mai), 3'002 fr. 70 (juin), 2'309 fr. 75 (juillet),
1'847 fr. 80 (août), 1'154 fr. 90 (septembre) et 692 fr. 95 (octobre).

A.b Par lettre du 19 août 2004, l'employeur, se référant à plusieurs demandes
orales de la part du responsable des chantiers, a rendu attentif le salarié
au fait que ses «comportements et attitudes» ne pouvaient pas continuer. Il
était en particulier reproché au salarié d'arriver régulièrement en retard
chaque matin, d'avoir demandé des congés pour divers motifs et d'avoir émis
des réclamations pour le paiement d'heures supplémentaires, jugées infondées
par l'employeur. Il était demandé au salarié de prendre rendez-vous pour un
entretien. A la suite d'un entretien qui a eu lieu le 30 août 2004, sur un
chantier à Y.________, l'employeur a écrit au salarié, le 2 septembre 2004,
en vue de lui confirmer «notre entente». Il était indiqué, en particulier,
que le travail à l'extérieur avec les intempéries, ne convenait pas aux
aptitudes physiques de l'intéressé. L'employeur prenait acte des démarches de
celui-ci pour trouver un emploi plus facile et mieux adapté à son état de
santé. L'employeur déclarait admettre les remarques du salarié et déclarait
attendre de sa part la résiliation de son contrat de travail pour le 15
octobre au plus tard. Le salarié a répondu, le 23 septembre 2004, que la
discussion du 30 août 2004 n'avait aucunement abouti à une entente et qu'il
avait par ailleurs dû faire face à des ennuis de santé. En accord avec son
médecin traitant, il avait cependant décidé de ne pas interrompre son
activité professionnelle. Par lettre du 24 septembre 2004, l'employeur a
résilié les rapports de travail avec effet au 15 octobre 2004, en insistant
sur le fait que les travaux sur les chantiers et par n'importe quel temps ne
convenaient pas à l'état de santé du salarié.

A.c Par décision du 16 novembre 2004, l'ORP a révoqué sa décision du 5 mai
2004 en indiquant que la demande d'allocations d'initiation au travail du 16
avril 2004 était rejetée. L'ORP a retenu que les motifs invoqués par
l'employeur (problèmes de santé) ne pouvaient être considérés comme des
justes motifs de résiliation des rapports de travail, de telle sorte que les
conditions d'octroi des prestations n'étaient pas remplies. Cette décision a
été communiquée à l'employeur, ainsi qu'à l'assuré.

La société X.________ SA a formé une opposition à cette décision, que le
Service de l'emploi du canton de Vaud a rejetée le 4 juillet 2005.

B.
Par arrêt du 1er mars 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud a
rejeté le recours formé contre cette décision par la société X.________ SA.

C.
La société X.________ SA interjette un recours de droit administratif dans
lequel il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens
qu'il a définitivement droit aux allocations d'initiation au travail.
Subsidiairement, il conclut à l'annulation de cet arrêt et au renvoi de la
cause au Tribunal administratif pour instruction complémentaire et nouveau
jugement.

L'ORP et le Service de l'emploi renoncent à répondre au recours. Quant à
D.________, il conclut à son rejet. Enfin, le Secrétariat d'Etat à l'économie
(seco) ne s'est pas déterminé sur le recours.

Considérant en droit:

1.
Il s'agit de savoir si l'ORP était en droit de révoquer sa décision du 5 mai
2005 et de refuser ainsi l'allocation d'initiation pour la période du 19
avril au 18 octobre 2004. La question de la restitution - qui doit être
décidée par la caisse de chômage - n'est pas litigieuse à ce stade.

2.
La recourante demande qu'un délai supplémentaire lui soit accordé après la
réponse de l'autorité intimée, pour déposer un mémoire ampliatif et produire
éventuellement de nouvelles pièces.

Dans l'art. 110 al. 4 OJ, un échange ultérieur d'écritures n'a lieu
qu'exceptionnellement, notamment lorsque l'autorité intimée fait valoir dans
sa réponse au recours des éléments nouveaux sur lesquels le recourant n'a pu
se déterminer précédemment. Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque tant
l'ORP que le Service de l'emploi ont renoncé à se déterminer. Quant aux
pièces nouvelles, elle ne peuvent pas être produites après l'échéance du
délai de recours, sauf dans le cadre d'un deuxième échange d'écritures (ATF
127 V 353).

3.
Dans sa décision précitée du 5 mai 2004, l'ORP réservait l'éventualité d'une
restitution des prestations si le contrat de travail était résilié, en dehors
du temps d'essai et sans juste motif, pendant la période d'initiation au
travail. Une telle réserve doit être comprise en ce sens que le versement des
allocations a lieu sous condition résolutoire, appelée aussi réserve de
révocation. Elle est tout à fait admissible au regard du but de la mesure qui
est de favoriser l'engagement durable de personnes au chômage dont le
placement est fortement entravé; il s'agit également d'éviter une
sous-enchère sur les salaires, ainsi qu'un subventionnement des employeurs
par l'assurance-chômage (ATF 126 V 45 consid. 2a).

4.
C'est à tort, tout d'abord, que la recourante soutient que c'est l'employé
qui a mis fin aux relations de travail. Comme le relève le tribunal
administratif, cette version des faits ne peut pas être déduite de la lettre
du 2 septembre 2004. En effet, si l'on peut retenir que, lors de l'entretien
du 30 août 2004, le salarié a déclaré que le travail ne lui convenait pas et
qu'il allait chercher un emploi mieux adapté à son état de santé, voire que
l'éventualité d'une résiliation a été évoquée, il ne ressort nullement de
cette lettre qu'il avait déjà donné son congé ou que les parties avaient
décidé de mettre fin aux rapports de travail d'un commun accord. Le salarié a
réagi à cette lettre en contestant toute entente entre les parties sur ce
point. Un accord sur la résiliation des rapports de travail doit être
interprété restrictivement et ne peut constituer un contrat de résiliation
conventionnel que dans des circonstances exceptionnelles, notamment
lorsqu'est établie sans équivoque la volonté des deux parties de se départir
du contrat (Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, Commentaire du contrat de travail,
3ème éd. Lausanne 2004, n. 15 ad art. 335; Brühwiler, Kommentar zum
Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., note 7 ad art. 335 CO; SJ 1999 I p. 279 consid.
2c). Ce n'est pas le cas en l'espèce.

Contrairement à ce que soutient la recourante, le tribunal administratif
pouvait statuer sur ce point sans entendre les personnes présentes à
l'entrevue du 30 août 2004, car l'échange de correspondance entre les parties
a plus de poids que les déclarations qui seraient faites ultérieurement par
les personnes qui auraient assisté à cette entrevue. Au demeurant, la
recourante indique, sans autres précisions, que l'entrevue a eu lieu en
présence de ses «représentants» et de l'employé. Si l'on se reporte aux
écritures de la recourante en procédure cantonale, ces représentants étaient
T.________ et B.________, respectivement responsable technique et responsable
commercial de la société recourante. On est donc fondé à considérer que
l'audition de ces personnes mettrait en présence deux versions
contradictoires des faits (celle de l'employeur et celle de l'intimé), de
sorte qu'un complément d'instruction ne permettrait certainement pas
d'établir une volonté sans équivoque du salarié de ne plus faire partie du
personnel de la recourante.

5.
A titre subsidiaire, la recourante soutient qu'elle était, quoi qu'il en
soit, en droit de licencier le salarié pour juste motif. Elle reproche au
tribunal administratif d'avoir refusé d'instruire la question de l'existence
des justes motifs de licenciement (audition de témoins). Elle invoque les
absences injustifiées du salarié (dont elle a produit une liste dans un
courrier adressé au Service de l'emploi le 30 novembre 2004), ainsi que des
retards au travail (l'employé arrivait au dire de la recourante deux à trois
fois par semaine en retard d'une demi-heure à trois quarts d'heure).
Selon la jurisprudence, le refus de travailler ou les absences injustifiées
ou encore des retards au travail ne constituent un juste motif de renvoi
immédiat qu'en présence d'une attitude persistante du travailleur; il faut en
outre que celui-ci ait reçu un avertissement comportant la menace claire d'un
renvoi immédiat (ATF 108 II 303 consid. 3b; arrêt K du 21 décembre 2005
[4C.294/2005]: voir aussi ATF 127 III 156 consid. 1b). En l'espèce, il ne
ressort pas de la correspondance des parties que le salarié ait jamais été
menacé d'un licenciement immédiat. La recourante ne le prétend du reste pas.
Pour cette raison déjà, les conditions d'un renvoi pour juste motif ne sont
pas réalisées. Il était, dans ces conditions, superflu d'entendre des
témoins.

Au demeurant, et comme l'ont relevé les premiers juges, le contrat de travail
n'a pas été résilié avec effet immédiat, mais la recourante a opté pour un
congé ordinaire en respectant les délais contractuels, conformément à la
convention collective de travail des paysagistes et entrepreneurs de jardins
du canton de Vaud du 1er janvier 2002 (voir l'art. 2 ch. 2.3 concernant le
congé jusqu'à la fin de la première année de service des travailleur payés à
l'heure). Or, lorsque l'employeur opte pour la résiliation ordinaire, il
renonce définitivement au droit de résiliation immédiate, du moins en tant
qu'il se fonde sur la même circonstance que celle ayant entraîné la
résiliation ordinaire du contrat (ATF 123 III 87 consid. 2b).

6.
Enfin, c'est en vain que la recourante soutient qu'on ne saurait, en dehors
de la notion juridique indéterminée de juste motif, transposer dans
l'assurance-chômage d'autres notions et restrictions fondées sur l'art. 337
CO. En effet, la notion de juste motif est, dans le présent contexte, la même
que celle définie à l'art. 337 CO (ATF 126 V 45 consid. 2a). Cette notion est
indissociable des restrictions qui découlent de l'art. 337 al. 2 CO et de la
jurisprudence y relative au droit de l'employeur de résilier les rapports de
travail.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Vaud, à l'Office régional de placement, Vevey, à D.________, à la
Caisse cantonale de chômage et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 21 juillet 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: La Greffière: