Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen C 72/2006
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C 72/06

Arrêt du 16 avril 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme Berset.

F. ________, recourant,

contre

Caisse de chômage des organisations chrétiennes sociales du Valais, rue de la
Porte-Neuve 20, 1951 Sion, intimée.

Assurance-chômage,

recours de droit administratif contre le jugement de la Commission cantonale
de recours en matière de chômage du canton du Valais du 24 novembre 2005.

Faits:

A.
Fondée en septembre 2000, la société X.________ Sàrl était dotée d'un capital
social de 20'000 fr. détenu à raison de 19'000 fr. par F.________,
associé-gérant au bénéfice de la signature individuelle et de 1'000 fr. par
son frère, P.________, associé sans droit de signature.

Le 1er février 2005, l'entreprise a cessé totalement ses activités en raison
d'une interdiction d'exploitation liée à un danger d'éboulement ainsi que du
surendettement de la société. Licencié le même jour avec effet immédiat,
F.________ s'est inscrit au chômage le 11 février 2005. L'attestation
d'employeur du 14 février 2005 (munie du sceau de l'entreprise et signée par
P.________) indique que 40'496 fr. et 61'835 fr. bruts ont été versés à
F.________ respectivement du 1er février 2003 au 31 janvier 2004 et du 1er
février 2004 au 31 janvier 2005.

Par décision du 21 mars 2005, la caisse de chômage des Organisations
Chrétiennes Sociales (ci-après : la caisse) a dénié à l'intéressé le droit à
une indemnité de chômage dès le 11 février 2005, au motif qu'il était encore
inscrit au registre du commerce comme associé-gérant.

Le 30 mars 2005, F.________ s'est opposé à cette décision et a annoncé la
prochaine mise en faillite de la société, laquelle a été prononcée le 8 avril
2005. Le 21 avril 2005, le prénommé a certifié qu'il avait reçu l'intégralité
de ses salaires jusqu'au 31 octobre 2004; ceux-ci lui avaient été versés au
comptant et il ne disposait pas de quittances. Le 22 avril 2005, la Caisse de
compensation du canton du Valais a attesté, à la demande de l'intéressé, que
la société X.________ Sàrl avait été affiliée auprès d'elle comme employeur
du 1er octobre 2000 au 31 janvier 2005. Le 26 avril 2005, F.________ a déposé
trois fiches de salaires-type pour les périodes du 1er janvier 2003 au 31
décembre 2003, du 1er janvier au 31 mars 2004 et du 1er avril 2004 au 31
janvier 2005, ainsi que les « quittances de versement des salaires 2004 »
(salaires de janvier à octobre 2004, payés par échelonnements jusqu'au 5
février 2005 pour un montant net de 42'900 fr.), munies du sceau de la
société. Il a également déposé un décompte d'employeur 2004 de la Caisse de
compensation du canton du Valais (certifié exact par la signature de son
frère P.________ apposée sur le sceau social), dont il ressort que son
salaire brut pour les mois de janvier à décembre 2004 a été de 59'753 fr. 55.
Le 11 mai 2005, la faillite de la société a été suspendue pour défaut
d'actifs.

Le 13 mai 2005, la caisse a confirmé sa décision du 21 mars précédent. Elle a
retenu que l'intéressé exerçait une position dirigeante dans la société,
qu'il n'était pas au bénéfice d'un contrat de travail et que le versement
effectif d'un salaire n'avait pas été rendu vraisemblable.

B.
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition du 13 mai 2005, la
Commission cantonale de recours en matière de chômage du canton du Valais l'a
rejeté par jugement du 24 novembre 2005.

C.
F.________ interjette recours contre ce jugement dont il requiert
l'annulation, de même que celle de la décision sur opposition du 13 mai 2005,
en concluant au versement d'indemnités de chômage dès le 11 février 2005. Il
demande que « les frais de la procédure et de décision, ainsi qu'une
équitable indemnité pour ses dépens, soient mis à la charge du fisc ».

La caisse déclare renoncer à se déterminer et invite le Tribunal fédéral à
confirmer sa décision du 13 mai 2005. Le Secrétariat d'Etat à l'économie a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L' acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le litige porte sur le droit du recourant à l'indemnité de chômage à partir
du 11 février 2005.

3.
Selon l'article 8 al. 1 lit. e LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de
chômage s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou
en est libéré (art. 13 et 14 LACI). Celles-ci sont satisfaites par celui qui,
dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a
exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation (art. 13
al. 1 LACI).

4.
Contrairement à la caisse de chômage, la juridiction cantonale a considéré
qu'aucun élément du dossier ne permettait de mettre en doute la qualité de
salarié de F.________. En revanche, l'intéressé n'avait pas rendu
vraisemblable le versement effectif des salaires attestés. Les différents
montants qu'il avait indiqués ne concordaient pas. Par ailleurs, les
assertions du recourant à propos du versement de son salaire étaient
contradictoires. Après avoir déclaré le 21 avril 2005 que l'intégralité de
ses salaires (jusqu'au 31 octobre 2004) lui avait été versée, au comptant,
sans remise de quittance, l'intéressé a produit, cinq jours plus tard, le 26
avril 2005, les quittances de salaires de janvier à octobre 2004. Sans tirer
de conclusion spécifique sur ce point, la juridiction cantonale a retenu que
de toute manière l'intéressé ne pouvait prétendre des prestations de
l'assurance-chômage au regard de l'art. 31 al. 3 let. c LACI qui exclut du
droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail les personnes
fixant les décisions que prend l'employeur ainsi que de l'arrêt ATF 123 V
234, lequel étend l'application de cette règle à l'octroi de l'indemnité de
chômage.

5.
5.1 En ce qui concerne la période de cotisation, le Tribunal fédéral des
assurances a précisé sa jurisprudence dans un arrêt récent (ATF 131 V 444).
Il a ainsi retenu que la seule condition du droit à l'indemnité de chômage
est, en principe, que l'assuré ait exercé une activité soumise à cotisation
pendant la période minimale de cotisation. Aussi, la jurisprudence exposée
dans l'arrêt ATF 128 V 189 ainsi qu'au DTA 2001 p. 225 ss (arrêt du 9 mai
2001, C 279/00) sur laquelle s'est appuyée l'administration (et que la
juridiction cantonale a citée à son tour) ne doit-elle pas être comprise en
ce sens qu'un salaire doit en outre avoir été effectivement versé; la preuve
qu'un salaire a bel et bien été payé reste seulement un indice important en
ce qui concerne la preuve de l'exercice effectif de l'activité salariée (ATF
131 V 444, consid. 3 p. 449 ss; arrêt du 26 juillet 2006, C 174/05, consid.
1.2).
5.2 Dans ce même arrêt (ATF 131 V 444), le Tribunal fédéral des assurances a
aussi retenu que lorsque l'assuré ne parvient pas à prouver qu'il a
effectivement perçu un salaire, notamment en l'absence de virement périodique
d'une rémunération sur un compte bancaire ou postal à son nom, le droit à
l'indemnité de chômage ne pourra lui être nié en application des articles 8
al. 1 let. e et 13 LACI que s'il est établi que l'intéressé a totalement
renoncé à la rémunération pour le travail effectué (cf. consid. 3.3 p. 452,
premier paragraphe). Cette renonciation ne peut être admise à la légère. Cela
s'explique en particulier par le fait qu'il n'existe pas de prescription de
forme pour le paiement du salaire. Il est habituellement soit acquitté en
espèces, soit versé sur un compte bancaire ou postal, dont le titulaire n'est
pas nécessairement l'employé (cf. pour l'ensemble des motifs: consid. 3.3 p.
492 sv., deuxième paragraphe).

6.
6.1 Il ressort de l'attestation de la caisse de compensation du canton du
Valais du 22 avril 2005 que le recourant a travaillé en qualité de salarié au
service de la société X.________ Sàrl du 1er octobre 2000 au 31 janvier 2005.
D'autres pièces du dossier (notamment  l'attestation d'affiliation au 2ème
pilier du 9 juin 2005 de la Genevoise pour la période du 1er juillet 2000 au
31 décembre 2004 et l'extrait du compte individuel de F.________ également du
9 juin 2005) le confirment. Or, ainsi que l'a considéré la juridiction
cantonale, la qualité de travailleur doit en principe être définie en matière
d'assurance-chômage selon le statut de cotisant à l'AVS (cf. art. 2 al. 1 let
a LACI; Thomas Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in : Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SVBR], Soziale Sicherheit, 2ème édition, no 27 ss,
plus spécialement no 30; Boris Rubin, Assurance-chômage: Droit fédéral,
survol des mesures cantonales, procédure, 2ème édition, ch. 3.3.3.2., p.
120). En l'espèce, aucun élément du dossier ne justifie que l'on s'écarte de
ce principe. Il s'impose dès lors de reconnaître la qualité de salarié au
recourant.

6.2 Par ailleurs, au vu de la jurisprudence récente précitée, la preuve qu'un
salaire a bel et bien été versé n'est pas décisive en ce qui concerne la
preuve de l'exercice effectif de l'activité salariée mais n'en constitue
qu'un indice. En outre, on ne saurait déduire de l'inexistence de relevés
bancaires ou postaux qu'aucun salaire n'a effectivement été versé pour cette
activité. Une telle conclusion ne s'impose que lorsqu'il est établi que
l'assuré a totalement renoncé à sa rémunération. Or, ni les pièces du dossier
ni les circonstances ne permettent de conclure à la renonciation par
l'intéressé à son salaire, si bien que l'administration n'était pas fondée à
nier le droit du recourant à l'indemnité de chômage au seul motif que la
preuve du versement effectif du salaire n'avait pas été rapportée par la
production, notamment, d'un document bancaire ou postal. On doit en déduire
que le recourant remplit la condition de la période de cotisation au sens de
l'art. 13 al. 1 LACI.

7.
7.1 Reste à examiner si, comme l'ont retenu les premiers juges, le statut du
recourant au sein de la société à responsabilité limitée qu'il a fondée avec
son frère fait obstacle au versement des indemnités de chômage.

Le jugement entrepris expose correctement la jurisprudence relative aux
travailleurs jouissant d'une situation professionnelle comparable à celle
d'un employeur, si bien qu'il suffit d'y renvoyer sur ce point. On ajoutera
que selon la jurisprudence (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb p. 238; DTA 2003 p.
240 consid. 2 p. 241 [arrêt du 14 avril 2003, C 92/02), le droit à
l'indemnité de chômage ne peut en principe pas être nié lorsque le salarié,
qui est placé dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte
définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ou rompt
définitivement tout lien avec une entreprise qui continue d'exister, car en
pareille circonstance, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder
la loi, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI (Thomas Nussbaumer, op.
cit., no 275; Boris Rubin, op. cit., ch. 3.3.3.4.3, p. 128).

7.2 La fin d'une Sàrl nécessite en priorité de procéder à sa dissolution (cf.
arrêts du 19 décembre 2006, C 267/05 et du 22 novembre 2002, C 37/02),
laquelle peut notamment intervenir par l'ouverture de la faillite (art. 820
ch. 3 CO). La société dissoute entre en liquidation, sauf en cas de fusion,
de division ou de transfert de son patrimoine à une corporation de droit
public (art. 738 CO). Pendant la liquidation, les organes sociaux conservent
leurs pouvoirs légaux et statutaires, bien que restreints aux actes
nécessaires à cette opération et qui, de par leur nature, ne sont pas du
ressort des liquidateurs (cf. art. 739 al. 2 CO). En fait notamment partie,
le choix de la poursuite des activités de l'entreprise jusqu'à sa vente ou sa
radiation (cf. VSI 1994 p. 36  consid. 6c p. 37 [arrêt du 13 septembre 1993,
H 73/91]) et les références). Cette situation exclut le droit à l'indemnité
de chômage de l'assuré (cf. DTA 2002 p. 183 consid. 3b p. 185 [arrêt du 19
mars 2002, C 373/00]).

7.3 Dans un arrêt du 3 avril 2006 (C 267/04), le Tribunal fédéral des
assurances a jugé que le principe selon lequel les travailleurs jouissant
d'une position analogue à celle d'un employeur, qui agissent en qualité de
liquidateurs après l'ouverture de la faillite, n'ont pas droit à l'indemnité
de chômage n'est pas applicable en cas de suspension de la procédure de la
faillite, faute d'actifs. En effet, dans une telle situation, il n'existe la
plupart du temps rien à liquider et la société est radiée du registre du
commerce d'office trois mois plus tard (art. 66 al. 2 ORC), si bien que le
risque d'abus est écarté (consid. 4.3). En d'autres termes, la jurisprudence
publiée au DTA 2002 p. 183 ne peut pas s'appliquer par analogie lorsque la
faillite d'une société est suspendue faute d'actif.

7.4 Les faits de la présente espèce sont comparables à ceux de l'arrêt du 3
avril 2006. La société X.________ Sàrl n'a pas été liquidée en application
des articles 739 ss CO. En effet, elle a été mise en faillite par décision
judiciaire du 8 avril 2005 et la procédure a été suspendue pour défaut
d'actifs, au sens de l'art. 230 LP, le 11 mai 2005. Le recourant n'a pas
participé d'une quelconque manière à la liquidation.

Pas plus que dans l'arrêt du 3 avril 2006, il n'existe en l'occurrence de
risque d'abus à tout le moins à partir de la date de l'ouverture de la
procédure de faillite, soit le 8 avril 2005. Le déroulement de la procédure
de faillite et en particulier la suspension de celle-ci faute d'actif rendent
en effet tout à fait improbable une éventuelle reprise par le recourant de
son activité professionnelle au sein de la société et la réalisation d'un
gain. Partant, le droit à l'indemnité de chômage ne saurait lui être nié à
partir du 8 avril 2005, pour le motif qu'il bénéficiait encore d'une position
analogue à celle d'un employeur.

8.
Il y a lieu en conséquence de renvoyer la cause à la caisse intimée pour
qu'elle vérifie si toutes les conditions - non examinées ici - du droit à
l'indemnité de chômage sont remplies et rende ensuite une nouvelle décision
sur la prétention du recourant.

9.
La procédure est gratuite (134 OJ). Bien qu'il obtienne gain de cause, le
recourant, qui n'est pas représenté par un mandataire professionnel en
procédure fédérale, n'a pas droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement de la Commission cantonale de
recours en matière de chômage du canton du Valais du 24 novembre 2005, ainsi
que la décision sur opposition de la caisse de chômage des organisations
chrétiennes sociales du 13 mai 2005, sont annulés. La cause est renvoyée à
cette dernière pour qu'elle rende une nouvelle décision concernant le droit
du recourant à des indemnités de chômage au sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de dépens.

3.
La Commission cantonale de recours statuera sur les dépens de la procédure
cantonale, compte tenu de l'issue définitive du litige.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale de
recours en matière de chômage du canton du Valais, au Service de l'industrie,
du commerce et du travail, à l'Office régional de placement et au Secrétariat
d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 16 avril 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: