Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen C 297/2006
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{T 7}
C 297/06

Arrêt du 15 mars 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mmes les Juges Ursprung, Président,
Widmer, Schön, Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl.

D. ________,
recourant,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation,
route de Chêne 54, 1208 Genève,
intimée.

Assurance vieillesse et survivants,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève du 15 mai 2006.

Faits:

A.
D. ________, ressortissant étranger, domicilié en Suisse, a travaillé auprès
de X.________ jusqu'en 1999. Il a ensuite travaillé pour le compte de
diverses organisations internationales à Genève jusqu'en 2004, puis comme
fonctionnaire au service de Y.________, dont le siège est à B.________.
Depuis le 1er avril 2006, il travaille comme fonctionnaire au service de
l'Organisation des Nations Unies (ONU), à Genève également. A ce titre, il
est affilié à la Caisse de pensions de l'ONU.
Le 6 décembre 2005, il a demandé à la Caisse cantonale genevoise de
compensation (caisse de compensation) son affiliation à l'assurance-chômage
suisse. Par décision du 12 décembre suivant, celle-ci a rejeté sa demande au
motif que les fonctionnaires internationaux étrangers n'étaient pas assurés à
l'AVS/AI/APG/AC et ne pouvaient pas y adhérer volontairement. Saisie d'une
opposition du requérant, la caisse de compensation l'a rejetée par une
nouvelle décision du 14 février 2006.

B.
Statuant le 15 mai 2006, le Tribunal cantonal des assurances sociales du
canton de Genève a rejeté le recours formé par D.________ contre cette
dernière décision.

C.
D.________ interjette un recours de droit administratif dans lequel il
demande derechef à être affilié à l'assurance-chômage.
La caisse de compensation conclut au rejet du recours, ce que propose
également l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Le Secrétariat
d'Etat à l'économie (SECO) ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit:

1.

La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 395 consid. 1.2).

2.
Selon l'art. 1a al. 2 let. a LAVS, ne sont pas assurés les ressortissants
étrangers qui bénéficient de privilèges et d'immunités, conformément aux
règles du droit international public. Sont notamment considérés comme
ressortissants étrangers bénéficiant de privilèges et d'immunités au sens de
cette disposition, les fonctionnaires internationaux des organisations
internationales avec lesquelles le Conseil fédéral a conclu un accord de
siège (art. 1b let. c RAVS). L'ONU bénéficie en Suisse d'un accord de ce type
en vertu de l'Accord sur les privilèges et immunités conclu avec le Conseil
fédéral les 11 juin et 1er juillet 1946 (RS 0.192.120.1).

Ces dispositions en matière d'AVS sont applicables mutatis mutandis à
l'obligation de cotiser en matière d'assurance-chômage (art. 2 LACI). Par
conséquent, le recourant n'est pas tenu de cotiser à cette assurance. Il
convient ainsi d'examiner s'il peut verser des cotisations volontaires.

3.
3.1
Par le passé, les fonctionnaires de nationalité suisse au service
d'organisations internationales établies en Suisse étaient affiliés
obligatoirement aux assurances sociales suisses (AVS/AI/APG/AC).  Ils avaient
toutefois la possibilité, sous certaines conditions, d'en être exemptés. Dans
l'arrêt ATF 117 V 1, le Tribunal fédéral des assurances a toutefois jugé que
cette exemption ne s'étendait pas à l'assurance-chômage. Les fonctionnaires
de nationalité étrangère n'étaient en revanche pas assujettis aux assurances
sociales suisses.

A la suite de cet arrêt, les organisations internationales établies en Suisse
ont fait connaître qu'elles ne pouvaient souscrire à une telle affiliation
obligatoire à l'assurance-chômage. Elles ont invoqué la liberté et
l'indépendance dont les organisations internationales et leurs fonctionnaires
doivent jouir par rapport à l'Etat hôte, ainsi que le principe fondamental de
l'égalité de traitement entre fonctionnaires. Elles se sont prévalues, en
outre, du statut particulier dont bénéficiaient les organisations
internationales en vertu des accords de siège conclus avec le Conseil
fédéral.

3.2
Les parties concernées ont alors décidé de régler la question par le biais
d'accords internationaux sous la forme d'échanges de lettres destinés à
compléter les accords de siège existants. Sur proposition du Conseil fédéral,
il a été décidé que ces accords régiraient également l'affiliation aux
assurances sociales suisses des conjoints des fonctionnaires internationaux
de nationalité suisse (sur ces questions, voir ATF 123 V 1).

3.3
S'agissant de l'ONU, un échange de lettres a été signé entre la Confédération
suisse et cette organisation les 26 octobre et 19 décembre 1994; il a été
approuvé par l'Assemblée fédérale le 4 mars 1996 (RS 0.192.120.111). Selon
cet accord, les fonctionnaires de nationalité suisse de l'ONU ne sont plus
considérés par la Confédération suisse comme étant obligatoirement assurés à
l'AVS/AI/APG/AC à partir du 1er janvier 1994, pour autant qu'ils soient
affiliés à un système de prévoyance prévu par l'organisation précitée. Ils
ont toutefois la possibilité d'adhérer, sur une base volontaire, soit à
l'AVS/AI/APG/AC, soit à l'assurance-chômage uniquement; une telle affiliation
individuelle n'entraîne toutefois aucune contribution financière obligatoire
de la part de l'organisation.

3.4
Ces échanges de lettres, qui sont des accords de droit international public
au même titre que des traités (ATF 131 II 132 consid. 2.1 p. 134, 123 V 1
consid. 4  p. 4) ont trouvé leur expression en droit interne aux art. 1er al.
4 let. b LAVS (actuellement l'art. 1a al. 4 let. b LAVS), ainsi qu'à l'art.
2a LACI (voir à ce sujet le Message du Conseil fédéral concernant une
modification de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants
[révision de l'assurance facultative] du 28 avril 1992, FF 1999 4625 et
4630). Selon la première de ces dispositions, les personnes qui ne sont pas
assurées en raison d'un échange de lettres conclu avec une organisation
internationale concernant le statut des fonctionnaires internationaux de
nationalité suisse à l'égard des assurances sociales suisses peuvent adhérer
à l'assurance. Quant à la seconde, elle prévoit, de la même manière, que les
fonctionnaires internationaux qui, en raison d'un échange de lettres conclu
avec une organisation internationale concernant le statut des fonctionnaires
internationaux de nationalité suisse à l'égard des assurances sociales
suisses, ne sont pas assurés en vertu de la LAVS, peuvent payer des
cotisations à l'assurance-chômage (cotisations volontaire).

3.5
Il ressort de ce qui précède que la possibilité de verser des cotisations
volontaires aux assurances sociales suisses en général, ou à
l'assurance-chômage seulement, n'est réservée qu'aux seuls fonctionnaires
internationaux de nationalité suisse et domiciliés en Suisse (arrêt C 88/06
du 25 août 2006, consid. 3).
C'est en vain que le recourant se prévaut d'une inégalité de traitement entre
fonctionnaires internationaux suisses et étrangers résidant en Suisse. L'art.
190 Cst. oblige en effet le Tribunal fédéral à appliquer le droit
international et les lois adoptées par l'Assemblée fédérale, cela même
lorsqu'il l'estimerait contraire à la Constitution, en particulier au
principe d'égalité consacré par l'art. 8 Cst. Or, en l'espèce, l'inégalité
critiquée par le recourant est non seulement consacrée par la loi, mais
également par des règles du droit international public. De ce double  point
de vue, le grief soulevé est irrecevable.

4.
4.1
Le recourant se prévaut de diverses conventions de l'OIT, plus
particulièrement de la Convention n° 168 concernant la promotion de l'emploi
et la protection contre le chômage, entrée en vigueur pour la Suisse le 17
octobre 1991 (RS 0.822.726.8). L'art. 6 de cette convention demande la
garantie de l'égalité de traitement, notamment entre femmes et hommes, entre
nationaux et étrangers, entre valides et invalides, entre générations; des
mesures spéciales justifiées par la situation de groupes déterminés ou de
besoins spécifiques sont admissibles.
En l'espèce toutefois, comme on l'a vu, le recourant est un ressortissant
étranger considéré comme étant au bénéfice de privilèges et immunités au sens
de l'art. 1a al. 2 let. a LAVS et 1b RAVS, auxquels renvoie l'art. 2 LACI. A
ce titre, il n'est pas assuré aux assurances sociales suisses. L'échange de
lettres précité l'exclut, en tant que ressortissant de nationalité étrangère,
de la possibilité d'une affiliation volontaire. Conformément à une règle
classique d'interprétation, valable aussi en cas de concurrence entre deux
traités internationaux, les dispositions de l'échange de lettres l'emportent,
en tant que règles spéciales sur l'art. 6 de la Convention n° 168 de l'OIT,
puisqu'elles traitent de catégories de personnes bien déterminées (ATF 120 V
405 consid. 5 p. 412; Andreas R. Ziegler, Introduction au droit international
public, Berne 2006, no 256; voir aussi JAAC 1984, 48/IV n° 61 p. 423).

5.
Plus généralement, l'exemption des personnes visées se fonde, en particulier,
sur la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques,
entrée en vigueur pour la Suisse le 24 avril 1964 (RS 0.191.01), interprétée
selon les usages internationaux et la pratique de l'Etat hôte
(voir à ce sujet Gérard Menetrey, Les privilèges fiscaux des
fonctionnaires internationaux, RDAF 1973 p. 233; Kieser, Alters und
Hinterlassenenversicherung, in : Ulrich Meyer [éd.], Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème édition, Bâle 2006,
no 56; Message concernant la dixième révision de l'assurance-vieillesse et
survivants du 5 mars 1990, FF 1990 II 80).

L'art. 33 par. 1 de la Convention de Vienne prévoit que, sous réserve des
dispositions du paragraphe 3 (non pertinent en l'espèce), l'agent
diplomatique est pour ce qui est des services rendus à l'Etat accréditant,
exempté des dispositions de sécurité sociale qui peuvent être en vigueur dans
l'Etat accréditaire. Il s'agit d'une immunité dite «sociale». L'art. 33 par.
4 n'exclut pas la participation volontaire au régime de sécurité sociale de
l'Etat accréditaire pour autant qu'elle soit admise par cet Etat. En
l'espèce, la possibilité d'une assurance volontaire, n'est pas prévue - on la
vu - par la législation suisse, pour ce qui est des fonctionnaires de
nationalité étrangère d'organisations internationales dont le siège est en
Suisse. Les dispositions de la Convention n° 168 de l'OIT ne font pas
obstacle à cette solution. Les règles citées de la convention de Vienne - et
l'interprétation qui en est donnée par la Suisse - l'emportent également, en
tant que règles spéciales, sur les dispositions plus générales de la
convention OIT n° 168.

6.
En résumé, le recourant n'est pas soumis obligatoirement à
l'assurance-chômage. Il n'a pas non plus la possibilité d'y adhérer à titre
volontaire.

Le recours de droit administratif est ainsi mal fondé.

7.
Vu la nature du litige, la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario).
Succombant, le recourant en supportera les frais (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais qu'il a effectuée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales, au Secrétariat d'Etat à l'économie et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 mars 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: