Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen C 27/2006
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2006
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2006


{T 7}
C 27/06

Arrêt du 25 janvier 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard
Greffier: M. Beauverd.

Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et assurance-chômage,
TCRV, Effingerstrasse 31, 3003 Berne, recourant,

contre

K.________,
intimé, représenté par Me Patrik Gruber, avocat, rue de Lausanne 38/40, 1700
Fribourg.

Assurance-chômage,

recours de droit administratif contre le jugement de la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg du 10 novembre 2005.

Faits:

A.
Depuis 1994, K.________ a travaillé en qualité de maçon au service de
X.________, lequel exploitait une entreprise sous le nom « Y.________. Au
début des rapports de travail, le salaire a été versé par l'entreprise
précitée. En revanche, dès le 1er janvier 1997, les fiches de salaire ont
porté les mentions « Y.________» et « Z.________ ». Cette société était
domiciliée à la même adresse que Y.________. En dernier lieu, les fiches de
salaire ne mentionnaient plus que la société Z.________

Par ordonnance du 8 février 1999, le président du Tribunal civil
d'arrondissement de la Sarine a prononcé la faillite de X.________.
K.________ a produit une créance de 22'811 fr. 25, montant qui comprenait
notamment des salaires impayés pour le travail effectué durant la période du
mois de décembre 1998 au mois de février 1999. Cette production ayant été
refusée, l'intéressé, représenté par le Syndicat Industrie et Bâtiment (SIB),
a ouvert action en contestation de l'état de collocation le 26 juin 2000.
Egalement représenté par le Syndicat SIB, il a ouvert action contre
X.________ devant la Chambre des Prud'hommes de l'arrondissement de la
Sarine.

Saisie d'une demande d'indemnité en cas d'insolvabilité, la Caisse publique
de chômage du canton de Fribourg (ci-après: la caisse) l'a rejetée par
décision du 22 septembre 1999, motif pris que l'assuré travaillait au
service, non pas de X.________, mais de Z.________.

B.
K.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif
du canton de Fribourg. Par décision du 15 mars 2000, le président-suppléant
de la Cour des assurances sociales dudit tribunal a suspendu la procédure
jusqu'à droit connu sur le sort de l'action pendante devant la Chambre des
Prud'hommes et de l'action en constatation de l'état de collocation.

Par décision du 20 octobre 2000, la présidente du Tribunal civil de
l'arrondissement de la Sarine a rayé du rôle la cause divisant K.________
d'avec la masse en faillite X.________ au sujet de l'état de collocation,
motif pris que l'intéressé avait fait défaut à la première audience
d'instruction. Quant à la cause concernant l'action en paiement, elle a été
classée au motif qu'elle était devenue sans objet ensuite de la radiation du
rôle de l'affaire précitée.
Par jugement du 10 novembre 2005, le tribunal administratif a admis le
recours dont il était saisi et renvoyé la cause à la caisse pour qu'elle fixe
le montant de l'indemnité en cas d'insolvabilité due à l'assuré. Il a
considéré, en résumé, que X.________ avait bel et bien la qualité d'employeur
de K.________ durant la période pour laquelle celui-ci requérait cette
indemnité.

C.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie interjette recours de droit administratif
en concluant à l'annulation du jugement cantonal.

L'intimé conclut au rejet du recours, sous suite de dépens. De son côté, la
caisse a renoncé à présenter des déterminations.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

Par ailleurs, la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine
de l'assurance-chômage. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LACI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral apprécie la légalité des décisions
attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la
décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).
Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 22 mars 2002
modifiant la LACI, entrée en vigueur le 1er juillet 2003 (RO 2003 1728),
ainsi que les dispositions de l'OACI modifiées le 28 mai 2003, entrées en
vigueur le 1er juillet 2003 également (RO 2003 1828), ne sont pas non plus
applicables.

2.
Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé a droit à l'indemnité en
cas d'insolvabilité ensuite de la faillite de X.________, qui exploitait
l'entreprise Y.________.

Aux termes de l'art. 51 al. 1 let. a LACI, les travailleurs assujettis au
paiement des cotisations, qui sont au service d'un employeur insolvable sujet
à une procédure d'exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en
Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité lorsqu'une procédure de
faillite est engagée contre leur employeur et qu'ils ont, à ce moment-là, des
créances de salaire envers lui. Selon l'art. 52 al. 1 LACI (dans sa version -
applicable en l'occurrence [ATF 127 V 467 consid. 1] - en vigueur jusqu'au 31
août 1999), l'indemnité en cas d'insolvabilité couvre les créances de salaire
portant sur les six derniers mois du rapport de travail, jusqu'à concurrence,
pour chaque mois, du montant maximum selon l'art. 3 al. 1 LACI; les
allocations dues aux travailleurs sont réputées partie intégrante du salaire.

3.
3.1 La caisse a nié le droit de l'assuré à l'indemnité en cas d'insolvabilité,
au motif que X.________ (Y.________) n'était pas l'employeur de l'assuré
durant la période pour laquelle il fait valoir des créances de salaire. Selon
la caisse, l'intéressé travaillait à cette époque au service de la société
Z.________.

De son côté, la juridiction cantonale a considéré que la qualité d'employeur
n'avait pas passé de X.________ à la société précitée, de sorte que l'assuré
avait droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité ensuite de la faillite du
prénommé.

Quant au recourant, il se place sur un autre terrain. Il invoque l'art. 55
al. 2 LACI - dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 - aux termes
duquel le travailleur est tenu de rembourser l'indemnité, lorsque sa créance
de salaire n'est pas admise lors de la faillite ou de la saisie ou n'est pas
couverte à la suite d'une faute intentionnelle ou d'une négligence grave de
sa part ou encore que l'employeur a honoré la créance ultérieurement. Faisant
valoir que la créance de salaire de l'intimé n'a pas été admise lors de la
faillite et qu'en outre l'action en contestation de l'état de collocation a
été classée ensuite du défaut de l'intéressé à la première audience
d'instruction, le recourant est d'avis que celui-ci n'a pas droit à
l'indemnité en cas d'insolvabilité.

3.2
3.2.1 Les trois éventualités mentionnées à l'art. 55 al. 2 LACI constituent
des motifs de restitution de l'indemnité en cas d'insolvabilité, restitution
qui n'entre pas en considération en l'occurrence, du moment que l'intimé n'a
pas perçu une telle prestation. Il n'en demeure pas moins que les motifs de
restitution prescrits à l'art. 55 al. 2 LACI trouvent leur fondement dans le
manquement à l'obligation du travailleur, prévue à l'art. 55 al. 1 LACI, de
prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l'employeur
(Thomas Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., n. 636 p. 2373).
L'obligation de diminuer le dommage qu'exprime l'art. 55 al. 1 LACI exige du
travailleur qui n'a pas reçu son salaire, en raison de difficultés
économiques rencontrées par l'employeur, qu'il entreprenne à l'encontre de ce
dernier toute démarche utile en vue de récupérer sa créance, sous peine de
perdre son droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité. Il s'agit d'éviter que
l'assuré ne reste inactif en attendant le prononcé de la faillite de son
ex-employeur (ATF 127 V 185 s. consid. 3c, 114 V 60 consid. 4; DTA 1999 no 24
p. 143 consid. 1c).

La production de la créance de salaire dans la faillite de l'employeur
constitue l'une de ces démarches. Certes, le Tribunal fédéral a considéré que
la caisse de chômage avait le droit d'intervenir personnellement dans la
procédure de faillite et d'intenter en son propre nom une action en
contestation de l'état de collocation. A l'ouverture de la faillite, la
qualité pour agir, relativement à la créance de salaire future exigible dès
ce moment-là, n'appartient toutefois qu'à l'assuré. Par ailleurs, la loi
interdit, en principe, à la caisse de chômage de renoncer à faire valoir ses
droits résultant de la subrogation (art. 29 al. 2 et 54 al. 1 LACI; ATF 123 V
77 consid. 2b, 120 II 365 et les références).

Etant donné les principes régissant la cession légale (transfert de la
qualité de créancier de l'assuré à la caisse de chômage, interdiction faite à
celle-ci de rétrocéder la créance à l'assuré une fois qu'elle a été subrogée
dans ses droits, absence de garantie du précédent créancier en ce qui
concerne tant l'existence de la créance que la solvabilité du débiteur), la
jurisprudence considère que l'assuré perd tout droit propre à la créance de
salaire produite dans la faillite de son employeur, jusqu'à concurrence de
l'indemnité qu'il reçoit de l'assurance-chômage. C'est pourquoi, dès qu'elle
a informé l'assuré de sa subrogation dans la procédure de faillite et qu'elle
s'est effectivement subrogée à lui avec le premier versement de l'indemnité,
une caisse de chômage ne peut subordonner le droit de l'intéressé à
l'indemnité en cas d'insolvabilité à la condition que ce dernier ait contesté
l'état de collocation (ATF 123 V 77 s. consid. 2c et 3). En revanche, avant
que la caisse ne l'informe de la subrogation dans ladite procédure, l'assuré
est tenu de contester l'état de collocation (Thomas Nussbaumer, op. cit., n.
633 p. 2372).

3.2.2 En l'espèce, l'intimé, représenté par le syndicat SIB, a effectivement
ouvert action en contestation de l'état de collocation le 26 juin 2000.
Toutefois, bien que régulièrement cité à comparaître, l'intéressé ne s'est
pas présenté à la première audience d'instruction du Tribunal civil
d'arrondissement, fixée au 20 octobre 2000, ce qui a conduit ledit tribunal à
radier la cause du rôle. Or, au moment où l'assuré aurait dû se présenter à
l'audience, la caisse de chômage n'était pas subrogée dans ses droits,
puisqu'elle avait précisément refusé d'allouer une indemnité en cas
d'insolvabilité par sa décision du 22 septembre 1999, déférée au Tribunal
administratif cantonal par écriture du 25 octobre suivant. Aussi, doit-on
considérer qu'en ne se présentant pas à l'audience, l'intimé a omis une
démarche utile en vue de récupérer sa créance, manquant ainsi à son
obligation de diminuer le dommage exprimée à l'art. 55 al. 1 LACI.

Les objections soulevées par l'intéressé dans son mémoire de réponse ne
permettent pas d'obvier à la perte de son droit à l'indemnité en cas
d'insolvabilité. Le fait qu'avec le concours du syndicat SIB il a contesté
l'état de collocation montre bien qu'il était conscient de l'importance de
faire valoir ses prétentions dans la faillite, afin de sauvegarder son droit
à ladite indemnité. Par ailleurs, si ce représentant a omis de l'informer de
la citation à comparaître qui lui avait été notifiée, l'intéressé doit s'en
laisser opposer la faute (ATF 114 Ib 69 consid. 2).

3.3 Vu ce qui précède, la caisse était fondée, par sa décision du
22 septembre 1999, à nier le droit de l'assuré à une indemnité en cas
d'insolvabilité et le recours de l'autorité de surveillance se révèle bien
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement de la Cour des assurances sociales du
Tribunal administratif du canton de Fribourg du 10 novembre 2005 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg et à la Caisse
publique de chômage du canton de Fribourg.

Lucerne, le 25 janvier 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: