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Sozialrechtliche Abteilungen C 240/2006
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C 240/06

Arrêt du 25 octobre 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Widmer et Frésard.
Greffière: Mme Berset.

V. ________,
recourant,

contre

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura, rue du
24-Septembre 1,
2800 Delémont,
intimé.

Assurance-chômage,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, du 20 septembre 2006.

Faits:

A.
V. ________, né en 1980, a obtenu une licence en droit le 16 octobre 2004. Il
a revendiqué l'indemnité de chômage dès le 19 novembre 2004. Le 14 décembre
2004, lors du premier entretien de conseil, il a indiqué qu'il était sûr
d'obtenir un poste d'assistant à l'Ecole X.________. Par courriel du même
jour, il a signalé que son engagement, prévu pour le 1er mars 2005, était
confirmé et qu'il devait en principe signer le contrat de travail en janvier
2005.

Par courrier électronique du 26 janvier 2005, V.________ a informé l'Office
régional de placement (ORP) qu'il serait engagé à la chaire de droit de
l'Ecole X.________ dès le mois d'avril 2005. Il a ajouté qu'il suivait un
cours de droit bancaire et financier à l'Université Y.________ et qu'il avait
commencé des travaux de recherches sur une thèse de doctorat, de sorte qu'il
était occupé à 100 %. Il a également déclaré qu'il désirait rester inscrit au
chômage et revendiquer l'indemnité de chômage pour janvier et pour les mois
suivants, dans la mesure où son activité à l'Université n'était pas rémunérée
et ne faisait pas l'objet d'un contrat de travail.

Par courrier électronique du 27 janvier 2005, l'ORP a demandé à la Caisse
publique de chômage Z.________ (ci-après: la caisse) de surseoir au paiement
des indemnités en faveur de V.________. Par échange de courriels du 10
février 2005, l'ORP informé le prénommé du fait qu'il avait procédé au
« blocage » des indemnités de chômage. Le 11 février 2005, l'ORP a avisé le
Service des arts et métiers et du travail (ci-après: le SAMT) de son doute
sur l'aptitude au placement de l'assuré, dès lors que celui-ci paraissait
occupé à 100 %.

Appelé à se prononcer, V.________ a déclaré, notamment, que le fait d'être
occupé ne le rendait pas forcément non disponible sur le marché du travail.
Il a précisé que le cours de droit bancaire/financier était facultatif, que
les recherches accomplies étaient purement individuelles et qu'il n'avait
encore pas effectué les quelques heures de travail sur mandat de son
directeur de thèse. Par ailleurs, il a fait valoir que le blocage du
versement des indemnités de chômage aurait dû faire l'objet d'une décision
formelle notifiée par écrit et s'est ainsi prévalu d'une irrégularité de
procédure (lettre du 16 février 2004, recte: 2005).
Le 24 février 2005, V.________ a signé avec l'Ecole X.________ un contrat de
travail, aux termes duquel il était engagé du 1er avril 2005 au 31 mars 2006
en qualité d'assistant pour l'enseignement du droit, à un taux d'occupation
de 50 %. La durée de ce contrat a été prolongée jusqu'au 30 juillet 2006.

Par décision du 18 mars 2005, le SAMT a déclaré V.________ inapte au
placement dès le 19 novembre 2004. En substance, il a retenu que le requérant
n'était pas disposé à accepter un emploi convenable, dans la mesure où les
recherches d'activité avaient porté uniquement sur des stages de durée
limitée, alors même que l'intéressé n'était pas assuré d'obtenir un poste
d'assistant à l'Ecole X.________ au début de la période de chômage. Il a
également rejeté le moyen de l'assuré tiré d'un vice de procédure.

Par acte du 11 avril 2005, V.________ a formé opposition contre cette
décision. Il a allégué qu'il disposait, depuis le 17 décembre 2004, d'une
promesse écrite, sous forme de courrier électronique, relative à son
engagement auprès de l'Ecole X.________, si bien qu'il était apte au
placement. Par ailleurs, de son point de vue, le fait que ses recherches
avaient visé des stages était sans pertinence pour apprécier son aptitude au
placement.

Par décision sur opposition du 24 mai 2005, le SAMT a confirmé sa décision
précédente. Il a considéré que le fait d'être assuré d'obtenir un emploi à
l'Ecole X.________ ne constituait qu'un motif d'assouplissement de la
condition de l'aptitude au placement et que l'obligation d'être disponible
sur le marché du travail persistait dans l'intervalle. La solution choisie
par V.________ était dictée, non par la volonté de diminuer le dommage de
l'assurance-chômage mais par un objectif personnel de formation
professionnelle. Par ailleurs, lorsque l'entrée en service était différée à
plus de quatre mois, un assuré désireux de bénéficier d'indemnités de chômage
devrait plutôt chercher immédiatement un emploi convenable. Enfin, les
recherches d'occupation de l'intéressé n'avaient porté que sur des stages, de
sorte que pour ce motif déjà, l'assuré était inapte au placement.

B.
Par acte du 21 juin 2005, V.________ a recouru devant le Tribunal cantonal de
la République et canton du Jura contre la décision sur opposition du 24 mai
2005 du SAMT. Se prévalant d'un vice de procédure, il a conclu à la nullité
de la « mesure provisionnelle » de l'ORP du 10 février 2005 (blocage des
indemnités de chômage) et de la décision du SAMT du 18 mars 2005 ainsi qu'à
l'annulation de la décision du SAMT du 25 (recte: 24) mai 2005. Il demandait
en conséquence le rétablissement de ses droits d'assuré pour les mois de
novembre 2004 à mars 2005, sous déduction du gain réalisé au cours de ce
dernier mois.

Par jugement du 20 septembre 2006, le Tribunal cantonal a rejeté le recours.

C.
Par acte du 18 octobre 2005, V.________ a interjeté un recours de droit
administratif contre ce jugement dont il a demandé l'annulation. Il a conclu,
sous suite de frais et dépens, au rétablissement de ses droits d'assuré pour
les mois de novembre 2004 à mars 2005, sous déduction du gain réalisé durant
ce dernier mois.

Le SAMT a conclu au rejet du recours. Le Secrétariat d'Etat à l'économie a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Sur le plan procédural, le recourant évoque derechef la question de
l'interruption du versement de ses indemnités et de la forme qu'aurait dû
revêtir cette opération. Dans la mesure où l'office intimé a nié l'aptitude
au placement de l'assuré pour la période du 19 novembre 2004 au 31 mars 2005,
on peut se demander si le recourant dispose  d'un intérêt actuel pour
remettre en cause la mesure prise par l'ORP pendant la période déterminante.
Quoi qu'il en soit, les juges cantonaux ont exposé de manière pertinente les
motifs pour lesquels l'administration était fondée à surseoir au versement
des indemnités dans l'attente d'une décision sur l'aptitude au placement de
l'assuré. L'on peut sur ce point renvoyer au jugement attaqué.

3.
Sur le fond, le litige porte sur le point de savoir si le recourant était
apte au placement pour la période du 19 novembre 2004 au 31 mars 2005.

4.
Le jugement entrepris expose correctement le contenu des art. 8 al. 1 let. f
LACI et 15 al. 1 LACI concernant l'exigence de l'aptitude de l'assuré à être
placé pour prétendre l'indemnité journalière de l'assurance-chômage, ainsi
que la jurisprudence y relative (ATF 123 V 214 consid. 3 p. 216 et consid. 5a
p. 217 sv., 110 V 207). Il suffit d'y renvoyer pour l'essentiel.

On rappellera seulement qu'un assuré qui prend des engagements à partir d'une
date déterminée et de ce fait n'est disponible sur le marché de l'emploi que
pour une courte période n'est, en principe, pas  apte au placement (ATF 123 V
214 consid. 5a p. 217 sv., 110 V 207 consid. 1 p. 208; cf. Thomas Nussbaumer,
Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SVBR],
Soziale Sicherheit, 2ème édition, no 266 p. 2259 sv.). Le Tribunal fédéral
des assurances a toutefois précisé que les principes jurisprudentiels
concernant l'aptitude au placement ne doivent pas conduire à pénaliser le
chômeur qui trouve et accepte une place appropriée mais non libre
immédiatement. Il n'est en effet pas raisonnablement exigible d'un assuré,
qui a fait tout son possible pour diminuer le dommage et qui a trouvé un
emploi pour une date ultérieure - relativement proche - de repousser la
conclusion du contrat de travail, dans l'espoir hypothétique de trouver une
place disponible plus tôt, mais au risque de rester finalement au chômage
plus longtemps (ATF 123 V 214 consid. 5a p. 217 sv., 110 V 207 consid. 1 p.
209 et les arrêts cités). Il convient par conséquent d'être souple dans
l'examen de l'aptitude au placement d'un assuré qui, dans le cadre de son
obligation de diminuer le dommage, accepte une telle place de travail, même
s'il est, par conséquent, probablement difficilement plaçable durant la
période précédant son entrée en fonction (Boris Rubin, Assurance-chômage:
Droit fédéral, survol des mesures cantonales, procédure, 2ème édition, ch.
3.9.8.9.3 p. 233 sv.). Il n'en reste pas moins que la jurisprudence parue à
l'arrêt ATF 110 V 207 a une portée restreinte.

4.1 La juridiction cantonale a nié l'aptitude au placement de l'assuré durant
la période déterminante aux motifs, d'une part, que l'assouplissement de la
condition de l'aptitude au placement au sens de la jurisprudence était
subordonné à certaines conditions, non satisfaites en l'espèce, et, d'autre
part, que l'intéressé avait recherché uniquement des stages temporaires. En
particulier, selon les premiers juges, l'assuré était pour ainsi dire certain
d'obtenir le poste d'assistant à l'Ecole X.________ dès mars 2005 et n'avait
manifestement pas la volonté réelle de rechercher un emploi durable en tant
que juriste, lorsqu'il s'est inscrit au chômage le 19 novembre 2004.

4.2 Les arguments du recourant à ce propos ne permettent pas de s'écarter de
la solution retenue par la juridiction cantonale. La jurisprudence relative à
l'assouplissement des conditions de l'aptitude au placement n'est pas
applicable en l'espèce. Entre le moment de son inscription au chômage (19
novembre 2004) et le début de son engagement à l'Ecole X.________ (1er avril
2005), il s'est écoulé un laps de temps de plusieurs mois. Le recourant
aurait certainement eu la possibilité de trouver un emploi temporaire, même
en dehors d'une profession juridique, pour faire en quelque sorte le « pont »
entre la fin de ses études et le début de sa carrière d'assistant. D'emblée,
le recourant a déclaré qu'il entendait se consacrer à une thèse de doctorat,
à côté de son poste d'assistanat et qu'il était déjà occupé à 100 %.
Ultérieurement, dans ses démarches auprès de divers employeurs, il exposait
qu'il entreprendrait en mars 2005 une thèse de doctorat et qu'il souhaitait
auparavant effectuer un stage pour acquérir une expérience pratique et des
connaissances techniques afin d'être mieux à même d'évaluer les enjeux
concrets que soulèvent les questions de droit qu'il aurait à traiter, mais
aussi pour satisfaire un vif intérêt personnel qu'il souhaiterait pouvoir
d'abord mettre en pratique les connaissances acquises à l'Université. C'est
dire que le recourant ne recherchait pas un emploi temporaire ou durable
normalement salarié, mais qu'il désirait avant tout acquérir des rudiments de
la pratique juridique qui viendraient appuyer son travail scientifique. Dans
ces conditions,  l'aptitude au placement doit être niée, faute de disposition
à accepter un travail normalement rémunéré.

5.
C'est en vain que le recourant se plaint d'une violation du principe de la
proportionnalité.

En vertu du principe de proportionnalité (ATF 125 V 193 consid. 4c p. 196;
cf. aussi ATF 130 V 385), l'insuffisance de recherches d'emploi doit être
sanctionnée, en premier lieu, par une suspension du droit à l'indemnité. Pour
admettre une inaptitude au placement en raison de recherches insuffisantes,
il faut que l'on se trouve en présence de circonstances tout à fait
particulières. C'est le cas, notamment, si l'assuré, malgré une suspension
antérieure de son droit à l'indemnité, persiste à n'entreprendre aucune
recherche ou lorsque, nonobstant les apparences extérieures, on peut mettre
en doute sa volonté réelle de trouver du travail. Il en va de même lorsque
l'assuré n'entreprend aucune démarche pendant une longue période ou que ses
recherches sont à ce point insuffisantes ou dépourvues de tout contenu
qualitatif qu'elles sont inutilisables (sur ces divers points, DTA 2006 n°18
p. 225 consid. 4.1, arrêt du 6 mars 2006, C 6/05).

En l'espèce, le recourant n'a effectué aucune recherche d'emploi proprement
dit en quatre mois et demi. D'entrée de cause, il a déclaré qu'il était
occupé à 100 %. On peut donc mettre sérieusement en doute sa volonté réelle
de trouver du travail, de sorte qu'en application des principes
sus-mentionnés, son aptitude au placement pouvait être niée d'emblée (cf. DTA
2000 n° 29 p. 150, arrêt C 24/98 du 3 janvier 2000). Le moyen tiré de la
violation du principe de la proportionnalité doit dès lors être écarté.

6.
6.1 Dans un autre moyen, le recourant soutient que son conseiller en personnel
aurait admis que les preuves de recherches d'activité répondaient aux
exigences légales et il se prévaut d'une violation du droit à la protection
de la bonne foi.

6.2 Ainsi que l'admet l'office intimé, il est vrai que le conseiller en
personnel n'a pas relaté dans un procès-verbal d'éventuelles réticences à
admettre que l'assuré ne postulait que pour des places de stage. Cependant
les nombreuses offres de « collaboration » émanant de l'intéressé
paraissaient de prime abord correctes. A cette époque (décembre 2004)
d'ailleurs, l'administration avait des raisons de penser que le droit à
l'indemnité de chômage pouvait encore éventuellement être reconnu à l'assuré.
En effet, la date du début d'activité de V.________ paraissait plus proche
qu'elle ne l'a été finalement; le recourant était censé travailler sur mandat
et réaliser un gain intermédiaire; il a toujours indiqué qu'il effectuait des
recherches d'emploi (alors qu'il ne recherchait que des stages). C'est dire
qu'il y a eu une certaine incertitude entre le 14 décembre 2004 et le 27
janvier 2005, date à laquelle (après discussion avec le SAMT), le conseiller
en personnel de l'ORP a demandé à la caisse d'interrompre le versement des
indemnités de chômage. A la décharge de l'administration, on relèvera que
l'ORP n'a pas laissé longtemps l'assuré dans l'ignorance de ses droits. Par
ailleurs, en sa qualité de juriste, l'assuré était censé savoir qu'un chômeur
doit effectuer des recherches d'emploi et non pas de stage.

7.
Vu ce qui précède, le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se
révèle mal fondé. Succombant, le recourant, au demeurant non représenté par
un avocat, n'a pas droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et au Secrétariat
d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 25 octobre 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière: