Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen C 204/2006
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2006
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2006


C 204/06

Arrêt du 16 juillet 2007
Ire Cour de droit social

Mme et MM. les Juges Widmer, Juge présidant,
Schön et Frésard.
Greffier: M. Beauverd.

V. ________,
recourant, représenté par Me Eric Bersier, avocat, avenue C.-F. Ramuz 43,
1001 Lausanne,

contre

Caisse d'assurance-chômage de la Société des Jeunes Commerçants, rue du
Grand-Pont 18, 1002 Lausanne,
intimée.

Assurance-chômage,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal administratif
du canton de Vaud du 27 juin 2006.

Faits:

A.
V. ________ a travaillé au service de la société E.________ jusqu'au 30 avril
2003, date à laquelle il a été licencié. Il a bénéficié d'une indemnité de
chômage durant la période du 18 juin 2003 au 1er mai 2004.

Par décision du 1er novembre 2004, la Caisse de chômage de la Chambre
vaudoise du commerce et de l'industrie (ci-après: la caisse) a nié le droit
de l'assuré à l'indemnité de chômage à partir du 18 juin 2003, motif pris
qu'il était resté en mesure, après cette date, d'influencer considérablement
les décisions de l'employeur en sa qualité de détenteur de la signature
individuelle pour la société E.________, succursale de P.________. Par une
autre décision du même jour, la caisse a réclamé à l'intéressé un montant de
60'383 fr. 55 représentant les indemnités de chômage indûment perçues durant
la période du 18 juin 2003 au 1er mai 2004.

Ces deux décisions n'ayant pas fait l'objet d'une opposition en temps utile,
la caisse a engagé une procédure de poursuite. Un commandement de payer a été
notifié le 25 février 2005 à l'épouse de l'intéressé, laquelle n'a pas
déclaré faire opposition à la poursuite.

A l'annonce de la saisie dont il devait faire l'objet le 11 avril 2005,
l'assuré a demandé à la caisse d'interrompre la poursuite en faisant valoir
qu'il n'avait pas eu connaissance des décisions du 1er novembre 2004 ni du
commandement de payer (lettre du 6 avril 2005). Par fax adressé à la caisse
le 8 avril 2005, V.________ a contesté le bien-fondé des décisions du
1er novembre 2004, en indiquant par ailleurs que son épouse n'avait pas été
en mesure de faire opposition au commandement de payer ni de l'en informer en
raison d'une grave maladie qui avait nécessité par la suite une
hospitalisation en urgence.

Invité par la caisse à lui confirmer que l'écriture du 8 avril 2005
constituait une « opposition (hors délai) » aux décisions du 1er novembre
2004, l'assuré a répondu le 26 avril 2005 que tel était bien le cas.

Par décision du 12 octobre 2005, la caisse a rejeté l'opposition au motif,
d'une part, qu'elle n'était pas fondée sur des pièces concrètes susceptibles
de justifier les faits allégués et, d'autre part, qu'elle était tardive.

B.
Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribunal administratif du canton
de Vaud l'a rejeté par jugement du 27 juin 2006.

C.
V.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, à la
suppression de l'obligation de restituer les indemnités de chômage perçues
durant la période du 18 juin 2003 au 1er mai 2004, subsidiairement au renvoi
de la cause à la caisse intimée pour nouvelle décision sur le fond. Plus
subsidiairement encore, il requiert le renvoi de la cause à la caisse pour
nouvelle instruction en ce qui concerne les justes motifs à la restitution du
délai pour former opposition à la décision du 1er novembre 2004, et nouvelle
décision sur le fond.

La Caisse d'assurance-chômage de la Société des jeunes commerçants - qui a
repris l'ensemble des dossiers de la Caisse de chômage de la Chambre vaudoise
du commerce et de l'industrie à la suite de sa fermeture définitive - s'en
remet à justice.

De son côté, le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) a renoncé à présenter
des déterminations.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Par le jugement entrepris, la juridiction cantonale a confirmé la décision
sur opposition attaquée en tant qu'elle « rejetait » l'opposition au motif
que celle-ci était tardive et qu'une restitution du délai d'opposition ne se
justifiait pas.

Le jugement attaqué n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par
l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été
constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).
Dans la mesure où, en l'occurrence, le recourant invoque notamment
l'inopportunité du jugement attaqué, ce grief n'est pas admissible dans la
présente procédure de recours de droit administratif.

3.
Selon l'art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les
trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à
l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. Le délai légal ne
peut être prolongé (art. 40 al. 1 LPGA).

En l'occurrence, il est constant que le délai de trente jours pour faire
opposition aux décisions de la caisse du 1er novembre 2004 était expiré au
moment où l'assuré a exprimé pour la première fois son désaccord par sa
lettre du 6 avril 2005. Le litige porte donc sur le point de savoir si ce
délai devait être restitué.

4.

4.1 Aux termes de l'art. 41 al. 1 LPGA, si le requérant ou son mandataire a
été empêché, sans faute de sa part, d'agir dans le délai fixé, le délai est
restitué si la demande en est présentée avec indication du motif dans les dix
jours à compter de celui où l'empêchement a cessé.
La jurisprudence en matière de restitution du délai rendue jusque-là est
également applicable dans le cadre de l'art. 41 al. 1 LPGA (arrêt du Tribunal
fédéral des assurances C 272/03 du 9 juillet 2004, in : HAVE 2004 p. 317).
L'art. 41 al. 1 LPGA - comme les art. 35 OJ, 24 PA et 13 PCF - subordonne la
restitution à l'absence de toute faute quelconque. Par « empêchement non
fautif », il faut entendre non seulement l'impossibilité objective, comme la
force majeure, mais également l'impossibilité due à des circonstances
personnelles ou à une erreur excusables (ATF 96 II 262 consid. 1a p. 265).
Ces circonstances doivent toutefois être appréciées objectivement : est non
fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur - respectivement un
mandataire - consciencieux d'agir dans le délai fixé (Poudret, Commentaire de
la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I, p. 240 n. 2.3 ad art. 35;
Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen
Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, p. 417 n. 4 ad
art. 41).

4.2 Par un premier moyen, le recourant soutient que la juridiction cantonale
a violé son droit d'être entendu en omettant d'instruire davantage au sujet
des justes motifs à l'appui d'une restitution du délai d'opposition. Si, en
dépit de ses explications fournies dans sa lettre du 6 avril 2005 et son
mémoire de recours, il avait encore des doutes quant à l'état de santé de son
épouse, le tribunal cantonal aurait dû ordonner des mesures d'instruction
utiles à cette fin.

Ce grief est mal fondé. Selon la jurisprudence, le juge peut renoncer à un
complément d'instruction sans que cela entraîne une violation du droit d'être
entendu au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b),
s'il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des
preuves fournies par les investigations auxquelles il doit procéder d'office,
que certains faits présentent un degré de  vraisemblance prépondérante et que
d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation
(appréciation anticipée des preuves; Ueli Kieser, Das Verwaltungsverfahren in
der Sozialversicherung, p. 212 n. 450; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und
Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., p. 39, n. 111 et p. 117,
n. 320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème éd. p. 274; cf. aussi
ATF 122 II 464 consid. 4a p. 469, 122 III 219 consid. 3c p. 223, 120 Ib 224
consid. 2b p. 229, 119 V 335 consid. 3c p. 344 et la référence).
Or, en l'occurrence, la juridiction cantonale n'avait pas de doutes quant à
l'existence des circonstances alléguées mais elle a considéré que celles-ci
ne justifiaient pas la restitution du délai d'opposition.

4.3 Le tribunal cantonal a constaté que l'épouse de l'assuré souffrait d'un
état de profonde fatigue lié à une maladie certes grave, mais qui n'avait
nécessité une hospitalisation que trois mois après la réception des décisions
sujettes à opposition. Aussi a-t-il considéré que ni cet état de fatigue ni
le souci de ne pas perturber son époux par l'annonce du contenu desdites
décisions ne constituaient un empêchement non fautif.

Le recourant conteste ce point de vue en se fondant sur un certificat du
docteur W.________, médecin à l'Hôpital X.________, du 9 novembre 2005 et en
produisant un certificat des docteurs Z.________ et N.________, médecins dans
la même institution, du 21 août 2006. Selon ce second avis médical,
l'affection cancéreuse a entraîné une situation psychologique difficile et
non gérable par l'intéressée, situation qui a pu probablement aussi affecter
la gestion d'autres problèmes de la vie courante apparus durant les mois
précédant l'hospitalisation.

Outre le fait que la possibilité de faire valoir des nouveaux moyens de
preuve est très restreinte lorsque, comme en l'occurrence (cf. consid. 2), le
pouvoir d'examen du tribunal est limité (ATF 121 II 97 consid. 1c p. 99, 120
V 481 consid. 1b p. 485 et les références), les arguments du recourant ne
permettent pas de s'écarter du point de vue des premiers juges. En effet, sur
le vu de l'état de santé attesté par les médecins consultés, il n'apparaît
pas, au degré de la vraisemblance prépondérante - applicable généralement à
l'appréciation des preuves en matière d'assurances sociales (ATF 126 V 353
consid. 5b p. 360, 125 V 193 consid. 2 p. 195 et les références) -, qu'à
l'époque de la réception des décisions du 1er novembre 2004, l'état de
l'épouse du recourant était tel qu'elle n'était pas en mesure d'en saisir le
sens ni la portée. Sinon, il eût appartenu à l'assuré, sous peine de se voir
reprocher une faute et, partant, refuser la restitution du délai
d'opposition, de renoncer à confier à son épouse seule la gestion des tâches
administratives liées à ses propres activités professionnelles.

4.4 Enfin, le recourant voit une violation du principe de la bonne foi dans
le fait que la caisse n'a jamais laissé entendre à aucun moment qu'elle ne se
satisfaisait pas des explications invoquées à l'appui de sa demande de
restitution du délai d'opposition. Aussi l'intéressé se serait-il contenté de
faire valoir des moyens sur le fond, persuadé que la caisse allait entrer en
matière sur son opposition.

Ce grief est mal fondé. Même à supposer qu'en l'occurrence la caisse aurait
fourni à l'assuré un renseignement erroné, l'intéressé ne pourrait invoquer
son droit à la protection de la bonne foi qu'à la condition qu'il n'eût pas
pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude dudit renseignement (ATF
121 V 65 consid. 2a p. 66 et les références). Or, à la lecture du courrier
(du 22 avril 2005) de la caisse qui indiquait que l'opposition avait été
faite « hors délai », le recourant - qui était représenté par un mandataire
professionnel - ne pouvait raisonnablement penser que ses explications
succinctes contenues dans sa lettre du 6 avril 2005 et son fax du 8 avril
suivant étaient suffisantes pour justifier la restitution du délai
d'opposition.

4.5 Vu ce qui précède, la caisse intimée était en droit de refuser de
restituer ce délai. Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable et
le recours se révèle ainsi mal fondé.

5.
Vu la nature du litige, la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario).
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais qu'il a effectuée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Vaud et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 16 juillet 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

La Juge présidant p. Le Greffier: