Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen C 142/2006
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C 142/06

Arrêt du 3 juillet 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffier: M. Métral.

Service de l'emploi du canton de Vaud, Instance Juridique Chômage, rue
Marterey 5, 1014 Lausanne, recourant,

contre

R.________,
intimée,

Assurance-chômage,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal administratif
du canton de Vaud du 4 mai 2006.

Faits:

A.
Le 11 février 1994, M.________ a engagé R.________ en qualité d'infirmière
privée. Le chiffre 4 du contrat de travail prévoyait que celui-ci prendrait
automatiquement fin et sans préavis d'aucune sorte «si l'évolution de l'état
de santé de la patiente exigeait d'autres mesures (ex. : hospitalisation ou
décès).» Un salaire horaire brut de 30 fr. était convenu, comprenant une
indemnité de vacances et un treizième salaire.

Les 4/28 octobre suivants, R.________ et l'Hôtel-résidence B.________ ont
signé un nouveau contrat de travail, conclu pour une durée indéterminée et
prévoyant la clause suivante : «Dans un premier temps, votre engagement vous
amènera à travailler pour Madame M.________ app. 053. Si l'évolution de santé
de la patiente exigeait d'autres mesures (ex. : hospitalisation ou décès),
vous acceptez d'or[e]s et déjà de travailler dans le service médical de
l'établissement.» Le salaire horaire brut convenu était de 30 fr. 29 (vacance
et treizième salaire compris).

M.________ est décédée le 29 octobre 1997. Trois jours plus tard, R.________
a informé la direction de l'Hôtel-résidence B.________ qu'elle renonçait à
travailler au service de cet établissement et qu'elle donnait ainsi son congé
«par consentement mutuel» le jour même. Elle a déposé une demande de
prestations de l'assurance-chômage à partir du 13 novembre 1997.

A la demande de la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage (ci-après :
la Caisse), elle a précisé le 22 décembre 1997 qu'à la suite du décès de
M.________, deux autres collègues ainsi qu'elle-même avaient préféré renoncer
à poursuivre leur activité dans le secteur médical de l'Hôtel-résidence
B.________. En effet, le salaire désormais proposé par cet établissement
était inférieur de 30 % à celui versé pour les soins prodigués à M.________;
d'autre part, l'employeur avait exercé une certaine pression psychologique
pour qu'elle prenne une décision le jour même en recopiant mot à mot une
lettre de démission qu'il avait lui-même rédigée. Ses deux collègues avaient
du reste recopié et signé une lettre identique.

Par décision du 9 février 1998, la Caisse a considéré que l'assuré avait
commis une faute grave en résiliant son contrat de travail et l'a suspendue
dans l'exercice de son droit aux prestations pour une durée de 40 jours. A la
suite d'un recours de l'assurée devant le Service de l'emploi de l'Etat de
Vaud, l'Hôtel-résidence B.________ a été invité à se déterminer sur les
allégations de R.________. Il a précisé que cette dernière avait eu la
possibilité de prolonger son engagement après le décès de M.________, aux
mêmes conditions salariales que précédemment. Par décision du 29 septembre
1998, le Service de l'emploi de l'Etat de Vaud (ci-après : le Service de
l'emploi) a maintenu la mesure de suspension du droit aux prestations
prononcée par la caisse.

B.
R.________ a déféré la cause au Tribunal administratif du canton de Vaud, en
demandant l'audition comme témoin de l'une de ses collègues infirmières de
l'époque.

Par jugement du 4 mai 2006, le Tribunal administratif a admis le recours,
annulé la décision du Service de l'emploi et renvoyé la cause à cette
autorité pour nouvelle décision; la mesure d'instruction proposée par
l'assurée n'était pas nécessaire, eu égard à l'admission du recours.

C.
Le Service de l'emploi a interjeté un recours contre ce jugement, dont il
demande l'annulation. L'intimée n'a pas retiré l'acte judiciaire l'invitant à
répondre au recours. La caisse s'en remet à justice et le Secrétariat d'Etat
à l'économie a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le litige porte sur le droit à des prestations de l'assurance-chômage. Le
pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est donc pas limité à la violation du
droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais
s'étend à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié
par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure et peut s'écarter
des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci
(art. 132 OJ).

3.
Selon l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est
suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre
faute. Est notamment réputé sans travail par sa propre faute celui qui a
résilié lui-même le contrat de travail sans avoir été préalablement assuré
d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il
conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b OACI). La durée de la
suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder 60
jours par motif de suspension (art. 30 al. 3 LACI). La durée de la suspension
dans l'exercice du droit à l'indemnité est de 1 à 15 jours en cas de faute
légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne et de 31 à 60
jours en cas de faute grave (art. 45 al. 2 OACI, en relation avec l'art. 30
al. 3bis LACI). Il y a en principe faute grave lorsque l'assuré abandonne un
emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi ou
lorsqu'il refuse un emploi réputé convenable sans motif valable (art. 45 al.
3 OACI); demeurent toutefois réservées des circonstances particulières
faisant apparaître, dans le cas concret, la faute comme plus légère (ATF
130 V 125; SVR 2006 ALV no 5 p. 15 [C 128/04]).

4.
Les premiers juges ont considéré que l'assurée n'avait pas abandonné un
emploi réputé convenable. Selon eux, le contrat de travail conclu le 11
février 1994 avec M.________ avait pris fin avec le décès de cette dernière,
comme le prévoyait le chiffre 4 de ce contrat. Par ailleurs, aucun élément du
dossier ne permettait de démontrer que le contrat du 28 octobre 1994 avec
l'Hôtel-résidence B.________ ait produit un quelconque effet (alors même
qu'il prévoyait expressément la poursuite des relations de travail
indépendamment de l'état de santé de M.________). Les parties semblaient au
contraire avoir tenté de négocier un nouveau contrat de travail. Dans ces
conditions, on ne pouvait reprocher à l'assurée d'avoir dénoncé un contrat
qui n'avait jamais été conclu.

Cette argumentation ne saurait être suivie. Durant toute la procédure,
l'assurée a désigné l'Hôtel-résidence B.________ comme son employeur. Dans
ses explications du 22 décembre 1997 à la Caisse, elle a précisé avoir été
engagée d'abord par la famille de M.________, cette dernière résidant à
l'Hôtel-résidence B.________, dans un appartement privé. Elle avait par la
suite été considérée comme une employée de cet établissement, en accord avec
la famille. Ces allégations sont corroborées par les contrats de travail
écrits figurant au dossier, ainsi que par la demande d'indemnités de chômage
déposée par l'assurée et l'attestation d'employeur rédigée par
l'Hôtel-résidence B.________. Que des discussions aient eu lieu entre les
parties, portant sur la négociation d'un nouveau contrat de travail, ou plus
vraisemblablement sur de nouvelles modalités de collaboration après le décès
de M.________, ne permet pas de conclure que le contrat du 28 octobre 1994
n'a jamais été suivi d'effets. Il s'ensuit que R.________ a effectivement
commis une faute en mettant fin à son contrat de travail sans être assurée de
trouver un autre emploi.

5.
5.1 L'intimée a allégué en procédure cantonale qu'elle avait été soumises à de
fortes pressions par son employeur, qui lui avait donné le choix entre le
maintien du contrat de travail à des conditions salariales nettement moins
favorables (diminution du salaire de 30 %) et une résiliation immédiate des
rapports de travail. Dans ce contexte, l'employeur l'aurait sommée, trois
jours après le décès de M.________, d'opter sans délai pour l'une ou l'autre
solution, et, dans l'hypothèse d'une résiliation des rapports de travail, de
recopier et signer une lettre de résiliation qu'il avait lui-même préparée.
Toujours selon l'assurée, l'employeur aurait agit de même avec deux autres
collègues infirmières qui s'étaient occupées de M.________ jusqu'à son décès.

Ces circonstances, si elles étaient établies, seraient de nature a atténuer
la gravité de la faute commise par l'assurée, quand bien même elle n'était
pas tenue d'accepter les nouvelles conditions salariales prétendument posées
par l'employeur; il conviendrait alors de qualifier la faute de moyenne,
plutôt que de grave. l'Hôtel-résidence B.________ a démenti les allégations
de l'intimée, mais cette dernière a produit des copies des lettres de
résiliation adressées par ses deux collègues, identiques à celle qu'elle
avait elle-même signée; elle a également proposé d'entendre l'une de ses
collègues comme témoin. Les premiers juges ont renoncé à cette mesure
d'instruction, dont la mise en oeuvre ne serait désormais plus de nature à
permettre d'établir les faits avec suffisamment de vraisemblance, plus de
huit ans après leur survenance.

5.2 Dans de telles circonstances - impossibilité, en raison de la durée
excessive de la procédure cantonale de recours, d'administrer des preuves
pertinentes proposées par l'assurée, sans que celle-ci en porte la
responsabilité - la jurisprudence admet exceptionnellement de réduire la
durée de la mesure de la suspension prononcée par l'administration, bien que
les circonstances atténuantes invoquées n'aient pas pu être démontrées (SVR
1997 ALV no 105 p. 323). En l'occurrence, la procédure devant la juridiction
cantonale a pratiquement été suspendue entre la fin de l'année 1998 et le
mois de janvier 2006, sans raison apparente, ce qui a rendu impossible
l'administration de preuves pertinentes proposées par l'assurée. Il se
justifie par conséquent de réduire de 40 à 20 jours la sanction prononcée à
l'encontre de l'intimée, ce qui correspond à une faute de gravité moyenne.

6.
La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, de
sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est partiellement admis; le jugement du
Tribunal administratif du canton de Vaud du 4 mai 2006 est annulé et la
décision sur opposition du Service de l'emploi du canton de Vaud, du
29 septembre 1998, réformée en ce sens que la durée de suspension du droit
aux prestations prononcée à l'encontre de R.________ est réduite de 40 à 20
jours.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Vaud, à la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage et au
Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 3 juillet 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: