Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen C 113/2006
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C 113/06

Arrêt du 6 juin 2007
Ire Cour de droit social

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffier: M. Métral.

P. ________,
recourante,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage,
rue Caroline 9, 1014 Lausanne,
intimée,

Assurance-chômage,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal administratif
du canton de Vaud du 14 mars 2006.

Faits:

A.
La société J.________  Sàrl (ci-après : J.________ Sàrl) est inscrite au
Registre du commerce du canton X.________ depuis le 24 février 1995.
A.________ y est inscrit en qualité d'associé gérant unique; il dispose d'une
part sociale de 20 000 fr. Son épouse, P.________, a travaillé pour la
société en qualité de dessinatrice-décoratrice dès le 1er mars 1995. Par
lettre du 24 mai 2005, elle a été licenciée avec effet dès le 31 août 2005.

P. ________ a présenté une demande d'indemnités journalières de chômage le 30
août 2005. Par décision du 3 octobre 2005, la Caisse cantonale vaudoise de
chômage (ci-après : la caisse) a rejeté sa demande, au motif que son époux
était associé-gérant de J.________ Sàrl et qu'il disposait d'un pouvoir
déterminant au sein de l'entreprise. Par décision sur opposition du 17
novembre 2005, elle a maintenu ce refus.

B.
P.________ a déféré la cause au Tribunal administratif du canton de Vaud, qui
a rejeté le recours par jugement du 14 mars 2006.

C.
L'assurée a interjeté un recours contre ce jugement, dont elle demande
l'annulation. Elle conclut à l'octroi d'indemnités journalières de chômage
dès le 1er septembre 2005. L'intimée s'en est remise à justice, alors que le
Secrétariat d'Etat à l'économie a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le litige porte sur le droit de la recourante à une indemnité journalière de
chômage dès le 1er septembre 2005. Les premiers juges l'ont nié, en
considérant que l'assurée se trouvait dans une situation comparable à celle
d'un employeur; il ont appliqué par analogie l'art. 31 al. 3 let. c LACI. La
recourante conteste se trouver dans une telle situation et soutient que le
jugement entrepris crée une inégalité de traitement entre personnes mariées
et concubins.

2.1 D'après la jurisprudence (ATF 123 V 234), un travailleur qui jouit d'une
situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à
l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une
entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer
celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on
détournerait par le biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la
réglementation en matière d'indemnités en cas de réduction de l'horaire de
travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Selon cette disposition
légale, n'ont pas droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de
travail les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou
peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre
d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une
participation financière à l'entreprise; cela vaut aussi pour les conjoints
de ces personnes qui sont occupés dans l'entreprise. Dans ce sens, il existe
un étroit parallélisme entre l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de
travail et le droit à l'indemnité de chômage. La situation est en revanche
différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à
celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la
fermeture de celle-ci. Il en va de même lorsque l'entreprise continue
d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat,
rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans
l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des indemnités de chômage
(voir plus particulièrement ATF 123 V 234 consid. 7b/bb p. 238; voir aussi
SVR 2001 ALV no 14 pp. 41 sv. [C 279/00] consid. 2a et DTA 2000 no 14 p. 70
[C 208/99] consid. 2). Cette jurisprudence est également applicable aux
associés gérants d'une société à responsabilité limitée (voir par exemple DTA
2004 no 24 p. 259 [C 65/04], 2000 no 15 p. 72 [C 295/99]).

L'analogie avec la réduction de l'horaire de travail réside dans le fait
qu'une personne licenciée qui occupe une position décisionnelle peut, à tout
moment, contribuer à décider de son propre réengagement, si bien que sa perte
de travail ressemble potentiellement à une réduction de l'horaire de travail
avec cessation momentanée d'activité (Boris Rubin, Assurance-chômage, Droit
fédéral, Survol des mesures cantonales, Procédure, 2ème éd. mise à jour et
complétée, Zurich 2006, p. 122).

2.2 La jurisprudence citée repose sur des dispositions légales qui excluent
du droit à certaines prestations le conjoint occupé dans l'entreprise de son
époux (art. 31 al. 3 let. b) ou dans l'entreprise d'une personne mentionnée à
l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Il s'agit d'éviter un risque de contribution
abusive de l'assurance et des clauses d'exclusion identiques figurent, pour
sauvegarder le même intérêt public, aux art. 51 al. 2 LACI (indemnité en cas
d'insolvabilité) et 42 al. 3 LACI (indemnité en cas d'intempéries), lequel
revoie à l'art. 31 al. 3 LACI. Il est vrai que cette jurisprudence n'est pas
directement applicable aux personnes qui entretiendraient des liens étroits
avec leur employeur sans être mariées (par exemple un concubin). Le Tribunal
fédéral des assurances a nié que cette distinction soit constitutive d'une
inégalité de traitement injustifiée, d'autant que le droit aux prestations
doit être dans tous les cas refusé en présence de procédés destinés à éluder
les conditions légales du droit aux prestations (arrêt du Tribunal fédéral
des assurances C 193/04 du 7 décembre 2004).

En l'occurrence, les premiers juges ont appliqué correctement cette
jurisprudence en niant le droit de l'assurée aux indemnités journalières
litigieuses, compte tenu des fonctions occupées par son époux dans J.________
Sàrl. Le fait qu'elle-même n'ait pas occupé de fonction dirigeante au sein de
l'entreprise au moment de son licenciement n'est pas déterminant. La
recourante ne développe par ailleurs aucun argument qui justifierait un
réexamen de la jurisprudence citée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Vaud, à l'Office régional de placement Y.________, au Secrétariat
d'Etat à l'économie et au Service de l'emploi du canton de Vaud.

Lucerne, le 6 juin 2007

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: