Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 39/2006
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B 39/06

Arrêt du 18 avril 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella et Kernen.
Greffière: Mme Fretz.

Fondation pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la
construction, Weinbergstrasse 49, 8035 Zurich, recourante, représentée par
Me Christian Bruchez, avocat, 1211 Genève 3,

contre

X.________ SA, intimée, représentée par Me Antonina Demurtas, avocate, rue
De-Candolle 16, 1205 Genève.

Prévoyance professionnelle,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 24 janvier 2006.

Faits:

A.
A.a X.________ SA, entreprise générale de revêtements de sols, parquets,
plastiques et moquettes, est inscrite au registre du commerce de Genève
depuis le 5 octobre 1978. Elle est membre de l'Association genevoise des
entreprises de revêtements d'intérieurs (AGERI) et signataire de la
convention collective genevoise du second oeuvre.

A.b Le 12 novembre 2002, la société suisse des entrepreneurs, d'une part, et
les syndicats SIB (depuis le 1er janvier 2005: UNIA) et SYNA, d'autre part,
ont conclu une convention collective de travail pour la retraite anticipée
dans le secteur principal de la construction (ci-après : CCT RA). Cette
convention, dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er juillet 2003, a pour
but de permettre aux travailleurs du secteur principal de la construction de
prendre une retraite anticipée dès l'âge de 60 ans révolus.

Afin d'assurer l'application de cette convention, les parties contractantes
ont créé, le 19 mars 2003, la Fondation pour la retraite anticipée dans le
secteur principal de la construction (ci-après : Fondation FAR). Cette
fondation est une institution de prévoyance non enregistrée.

Par arrêté du 5 juin 2003, le Conseil fédéral a étendu le champ d'application
de la CCT RA à l'ensemble du territoire suisse, à l'exception du canton du
Valais. Le conseil de fondation de la Fondation FAR a édicté, le 4 juillet
2003, sur la base de la CCT RA, un règlement relatif aux prestations et aux
cotisations de la fondation pour la retraite anticipée dans le secteur
principal de la construction (règlement RA).

A.c Un contrôle d'assujettissement de X.________ SA à la convention nationale
du secteur principal de la construction (CN) a été effectué le 16 septembre
2004 à la demande de la Commission professionnelle paritaire du canton de
Genève (CPGO). Au terme d'un rapport de contrôle établi le 15 octobre 2004,
l'entreprise X.________ SA a été qualifiée d'entreprise mixte authentique,
les secteurs d'activités définis étant séparés avec une grande précision, les
salaires et les frais étant affectés à chaque centre de charge, et le
matériel et les véhicules étant également attribués en propre à chacune des
activités.

A.d Se fondant sur les conclusions du rapport de contrôle, la CPGO a
constaté, dans une « décision du 5 novembre 2004 », que X.________ SA était
partiellement assujettie, pour son secteur chapes, à la CN et qu'elle devait
garantir à tous les travailleurs soumis au champ d'application de la CN 2005
du point de vue du personnel les conditions de travail conventionnelles et
les informer de la décision en question. Elle a par ailleurs précisé qu'elle
communiquait à la Fondation FAR copie de sa décision, celle-ci devant décider
de l'affiliation de X.________ SA à son institution.

A.e Dans une lettre du 21 décembre 2004 intitulée « décision du 10 décembre
2004 », la Fondation FAR a dit que l'entreprise X.________ SA était
partiellement assujettie, pour le secteur des chapes, à la CCT RA depuis le
1er juillet 2003 et qu'elle était tenue de verser à la Fondation FAR les
cotisations des travailleurs de 1 % et celles des employeurs de 4,66 %.

X. ________ SA ayant contesté cette décision, la Fondation FAR a confirmé sa
position dans une lettre du 17 août 2005 intitulée « décision du 8 juin 2005
et du 6 juillet 2005 (réexamen) ».

B.
B.aL'entreprise X.________ SA a saisi le Tribunal cantonal des assurances
sociales du canton de Genève d'un « recours » contre cette décision de
réexamen, en concluant à son annulation. Elle a en outre demandé au Tribunal
des assurances de constater qu'elle n'était pas assujettie à la CCT RA.

B.b Invitée à se déterminer sur le recours de X.________ SA, la Fondation FAR
a adressé au Tribunal cantonal des assurances un mémoire de réponse ainsi
qu'une demande reconventionnelle. Elle a conclu à l'irrecevabilité du mémoire
de X.________ SA en tant que recours mais à sa recevabilité en tant qu'action
en constatation de droit. Sur le fond, elle a pris les conclusions suivantes:

« Sur demande principale
- Débouter X.________ SA de toutes ses conclusions;
- Condamner X.________ SA à verser à la Stiftung für den flexiblen
Altersrücktritt im Bauhauptgewerbe (Stiftung FAR) une équitable indemnité à
titre de dépens;

Sur demande reconventionnelle
- Condamner X.________ SA à verser à la Stiftung für den flexiblen
Altersrücktritt im Bauhauptgewerbe (Stiftung FAR) les montants suivants:
- Fr. 16.250 avec intérêts à 5 % l'an dès le 31 mars 2005;
- Fr. 125.437,70 avec intérêts à 5 % l'an dès le 22 avril 2005;
Fr. 16.250 avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 juin 2005;
Fr. 16.250 avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 septembre 2005;
- Condamner X.________ SA à verser à la Stiftung für den flexiblen
Altersrücktritt im Bauhauptgewerbe (Stiftung FAR) une équitable indemnité à
titre de dépens;

Subsidiairement
Acheminer la Stiftung für den flexiblen Altersrücktritt im Bauhauptgewerbe
(Stiftung FAR) à prouver, par toutes voies de droit, les faits allégués dans
les présentes écritures ».

B.c Par jugement du 24 janvier 2006, le Tribunal cantonal des assurances a
déclaré le « recours » interjeté par X.________ SA recevable en tant qu'il
valait comme action en constatation de droit et l'a rejeté. Il a également
déclaré recevable la demande reconventionnelle déposée par la Fondation FAR
et l'a rejetée en l'état (chiffre 4 du dispositif). Il a en outre prononcé la
compensation des dépens (chiffre 5 du dispositif).

C.
La Fondation FAR a interjeté un recours de droit administratif contre ce
jugement. Elle a conclu, sous suite de dépens, à l'annulation des chiffres 4
et 5 du dispositif et le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour
qu'elle statue sur sa demande reconventionnelle et sur les dépens de la
procédure cantonale.

De son côté, X.________ SA a conclu, sous suite de dépens, à la confirmation
du jugement entrepris. Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il a
préavisé pour l'admission du recours.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
2.1 Le litige n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, le Tribunal de céans doit se borner à examiner si les premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur
pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une
manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.2 Le Tribunal fédéral, d'autre part, examine d'office les conditions
formelles de validité et de régularité de la procédure précédente, soit en
particulier le point de savoir si c'est à juste titre que la juridiction
cantonale est entrée en matière sur le recours (ou sur l'action) (ATF 125 V
21 consid. 1a p. 23, 122 V 320 consid. 1 p. 322).

3.
3.1 Selon l'art. 73 al. 1 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît,
en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de
prévoyance, employeurs et ayants droit. La voie à suivre est celle de
l'action (ATF 115 V 224 consid. 2 p. 229; cf. également Jürg Brühwiler,
Obligatorische berufliche Vorsorge, in: Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., Bâle 2007, ch.
190).

3.2 En l'espèce, la procédure a été ouverte par le « recours » de X.________
SA contre la décision de réexamen de la Fondation FAR, dans lequel elle
demandait qu'il soit constaté qu'elle n'était pas assujettie à la CCT RA. Au
regard de ces conclusions, on peut se demander si la juridiction cantonale
était habilitée à entrer en matière sur cette action compte tenu de
l'exigence posée par la jurisprudence, en ce qui concerne la recevabilité
d'une action en constatation de droit - qui plus est négative en l'espèce -,
d'un intérêt digne de protection à la constatation immédiate d'un rapport de
droit litigieux (ATF 119 V 11 consid. 2a p. 13). Dès lors toutefois que la
Fondation FAR a conclu reconventionnellement à la condamnation de X.________
SA au paiement des montants de 16'250 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le
31 mars 2005, 125'437 fr. 70 avec intérêts à 5 % l'an dès le 22 avril 2005,
16'250 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 juin 2005 et 16'250 fr. avec
intérêts à 5 % l'an dès le 30 septembre 2005, la juridiction cantonale était
en droit d'examiner le litige sous l'angle de l'obligation de l'intimée de
verser à la recourante lesdits montants litigieux (cf. arrêt B 91/05 du 17
janvier 2007, consid. 2.2).

4.
4.1 La juridiction cantonale a constaté que l'intimée était assujettie, à
partir du 1er juillet 2003, à la CCT RA pour son secteur chapes et que de ce
fait, elle était tenue de s'acquitter des cotisations conformément aux art. 6
à 9 du règlement RA. En revanche, il lui appartenait de notifier une décision
à l'intimée, au terme de laquelle elle aurait établi le montant des
cotisations dues par celle-ci. La question à résoudre est donc de savoir si
la juridiction cantonale pouvait rejeter en l'état la demande
reconventionnelle de la Fondation FAR.

4.2 L'argumentation de la juridiction cantonale selon laquelle il appartenait
à la recourante de notifier à l'intimée une décision en paiement des
cotisations dues est erronée et contient de surcroît une contradiction. En
effet, dans le considérant 3 de son jugement, le Tribunal cantonal des
assurances rappelle expressément et à juste titre que les institutions de
prévoyance de droit privé ou de droit public ne sont pas habilitées à rendre
des décisions proprement dites, leurs déclarations ne constituant pas une
décision au sens juridique du terme, mais de simples prises de position qui
ne peuvent s'imposer qu'en vertu de la décision d'un tribunal saisi par la
voie de l'action (ATF 129 V 27 consid. 2.1.1 p. 29 s., 115 V 224 consid. 2 p.
229). Saisis d'une demande expresse en paiement d'une certaine somme, il
appartenait aux premiers juges d'examiner si la recourante pouvait prétendre
de l'intimée le paiement de la créance alléguée en procédure. Dans le
considérant 15 de ce même jugement, les premiers juges enjoignent cependant à
la recourante de rendre une décision fixant le montant des cotisations dues
par l'intimée, refusant ainsi de statuer sur sa demande qu'ils ont par
ailleurs déclarée recevable. Au vu de ce qui précède, il convient dès lors
d'annuler le jugement entrepris et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal
des assurances afin qu'il se prononce sur la demande reconventionnelle de la
Fondation FAR, puis rende un nouveau jugement.

4.3 Il résulte de ce qui précède que le recours est bien fondé.

5.
Etant donné la nature du litige, la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a
contrario). L'intimée, qui succombe, supportera donc les frais de la
procédure. Bien qu'elle obtienne gain de cause, la recourante n'a pas droit à
des dépens (159 al. 2 in fine OJ; cf. ATF 128 V 323).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances
sociales du 24 janvier 2006 est annulé, la cause lui étant renvoyée pour
nouveau jugement au sens des considérants.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 3000 fr., sont mis à la charge de
l'intimée.

3.
L'avance de frais effectuée par la recourante, d'un montant de 6000 fr., lui
est restituée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 18 avril 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: