Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 23/2006
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2006
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2006


B 23/06

Arrêt du 20 avril 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Gehring.

S. _________,
recourant,
représenté par Me Monica Kohler, avocate, rue Marignac 9, 1206 Genève,

contre

Caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des
fonctionnaires de l'administration de Genève, boulevard Saint-Georges 38,
1205 Genève,
intimée.

Prévoyance professionnelle,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève du 10 janvier 2006.

Faits:

A.
S. _________, né en 1960, a travaillé comme médecin assistant jusqu'au mois
d'avril 1988. Depuis lors, il présente une incapacité totale de travail
consécutive à des troubles psychiques (schizophrénie paranoïde).

Par décision du 23 octobre 2000, l'Office cantonal AI de Genève, faisant
suite à une demande déposée en février 1998, a reconnu à S._________ le droit
à une rente entière rétroactivement au 1er avril 1989, considérant que
celui-ci présente une incapacité de travail de 100 % depuis le mois d'avril
1988. La demande ayant été présentée plus de douze mois après la naissance du
droit à la prestation, elle n'a pu lui être servie qu'à compter du 1er
février 1997, soit pour les douze mois précédant le dépôt de la requête (cf.
art. 48 al. 2 LAI).

Le 25 mars 2004, S._________ a requis l'octroi d'une rente d'invalidité de la
Caisse de Prévoyance du Personnel enseignant de l'Instruction publique et des
Fonctionnaires de l'Administration du Canton de Genève (ci-après : la CIA)
auprès de laquelle il avait été affilié à partir du 1er février 1986 jusqu'au
30 septembre 1988. Celle-ci a rejeté la demande par courriers des 16 juin et
7 septembre 2004, motif pris que le droit à la prestation était prescrit
depuis le 1er avril 1999.

B.
Par mémoire posté le 16 août 2005, S._________ a saisi le Tribunal cantonal
des assurances sociales de la République et canton de Genève d'une action
tendant à l'octroi rétroactif d'une rente servie par la CIA. Dans sa réponse,
celle-ci a conclu au rejet de la demande, en soulevant l'exception de
prescription du droit à prestations. Retenant ce motif, la juridiction
cantonale a rejeté la demande (jugement du 10 janvier 2006).

C.
S._________ a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement
dont il a requis l'annulation, en concluant à l'octroi rétroactif  d'une
rente d'invalidité, subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction
cantonale pour nouveau jugement au sens des considérants.

La CIA et l'Office fédéral des assurances sociales ont conclu au rejet du
recours.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L' acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
La contestation ici en cause relève des autorités juridictionnelles
mentionnées à l'art. 73 LPP, tant du point de vue de la compétence ratione
temporis que de celui de la compétence ratione materiae (ATF 130 V 103
consid. 1.1 p. 104, 111 consid. 3.1.2 p. 112, 128 II 386 consid. 2.1.1 p.
389, 128 V 254 consid. 2a p. 258, 120 V 15 consid. 1a et les références p.
18), de sorte que le recours de droit administratif est recevable.

3.
3.1 De l'avis de l'intimée et des premiers juges, le droit de l'assuré aux
prestations de prévoyance professionnelle est né en même temps que le droit
de celui-ci à la rente AI, soit en avril 1989, de sorte que le délai de
prescription de dix ans est échu depuis le 1er avril 1999. Les premiers juges
précisent que ce délai a commencé à courir indépendamment de la connaissance
que l'assuré avait de l'existence de son droit à prestations.

3.2 De son côté, le recourant explique qu'en considération des troubles
psychiques dont il souffre, il convient de fixer le dies a quo de la
prescription décennale de son droit aux prestations de prévoyance
professionnelle au 1er avril 1998. Se référant à un rapport du 26 avril 2005
du docteur R._________, il expose que l'affection de schizophrénie paranoïde
dont il souffre consiste en une atteinte chronique à la santé psychique
annihilant ses facultés de détermination, de discrimination ainsi que de
cognition, et se traduisant par une forme d'apragmatisme et de déni de la
maladie. Ces dysfonctionnements l'ont empêché de se prévaloir de ses droits
jusqu'en février 1998. A la faveur d'une rémission temporaire de la maladie,
il a alors enfin pu prendre conscience de ses troubles et, grâce au soutien
de tiers, déposer une demande de prestations AI. Il en déduit que le délai de
prescription décennale de son droit aux prestations de prévoyance
professionnelle ne saurait courir aussi longtemps qu'il a ignoré non
seulement l'existence de son droit à de telles prestations mais surtout celle
même de sa maladie. Il ajoute que la modification apportée au régime de la
prescription des prestations de prévoyance professionnelle - en ce sens que
le droit à celles-ci ne se prescrit pas pour autant que les assurés n'aient
pas quitté l'institution de prévoyance lors de la survenance du cas
d'assurance (art. 41 LPP en vigueur depuis le 1er janvier 2005) - traduit
l'intention du législateur de préserver les intérêts des assurés précisément
dans des cas de figure analogues au sien.

4.
La novelle du 3 octobre 2003 modifiant la LPP (première révision) est entrée
en vigueur le 1er janvier 2005 (sous réserve de certaines dispositions dont
l'entrée en vigueur a été fixée au 1er avril 2004 et au 1er janvier 2006 [RO
2004 1700]), entraînant la modification de nombreuses dispositions légales
dans le domaine de la prévoyance professionnelle (RO 2004 1677).

L'art. 41 LPP, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004, avait la
teneur suivante :
1.Les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand
elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans
dans les autres cas. Les art. 129 à 142 du code des obligations sont
applicables.

2. L'al. 1 s'applique aussi aux actions fondées sur les contrats conclus
entre institutions de prévoyance et institutions d'assurance soumises à la
surveillance des assurances.
Depuis le 1er janvier 2005, l'art. 41 LPP règle la prescription du droit aux
prestations de la manière suivante :
1.Le droit aux prestations ne se prescrit pas pour autant que les assurés
n'aient pas quitté l'institution de prévoyance lors de la survenance du cas
d'assurance.

2. Les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand
elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans
dans les autres cas. Les art. 129 à 142 du code des obligations sont
applicables.
Il n'y a cependant pas lieu de se pencher plus avant sur la portée de ces
nouvelles normes. Lorsque, comme en l'occurrence, la loi ne contient pas de
disposition transitoire en ce qui concerne le régime de prescription
applicable, la jurisprudence et la doctrine considèrent que la nouvelle
réglementation est applicable aux prétentions relevant de l'ancien droit, si
celles-ci, bien que nées et exigibles avant l'entrée en vigueur du nouveau
droit, ne sont pas encore prescrites ou périmées à ce moment-là (ATF 132 V
159 consid. 2 p. 161, 131 V 425 consid. 5.2 p. 42, 111 II 193, 107 Ib 198
consid. 7b/aa p. 203, 102 V 206 consid. 2 p. 207; Rhinow/Krähenmann,
Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, no 15 B III d p.
45; Attilio Gadola, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, in : PJA
1/95, p. 58).

Dans le cas particulier, il y a lieu d'examiner si le droit du recourant à
une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle était prescrit le 1er
janvier 2005, date de l'entrée en vigueur de l'art. 41 LPP modifié.

5.
Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 41 aLPP, la solution
consacrée par cette disposition, qui s'inspire directement des art. 127 et
128 CO (lesquels sont applicables à la prévoyance plus étendue) a pour
résultat, dans le cas d'une rente d'invalidité, que chacun des arrérages se
prescrit par cinq ans dès l'exigibilité de la créance en application de
l'art. 130 al. 1 CO, alors que le droit de percevoir les rentes comme tel,
qui ne revêt pas de caractère périodique, se prescrit dans le délai ordinaire
de dix ans dès le jour de l'exigibilité du premier terme demeuré impayé,
conformément à l'art. 131 al. 1 CO (ATF 124 III 449 consid. 3b p. 451, 117 V
329 consid. 4 p. 332; arrêt Hoirs F. du 4 août 2000, B 9/99, résumé dans RSAS
2003 p. 48 et SJ 2001 II p. 215 [consid. 2]).

5.1 De jurisprudence constante, la prescription décennale de l'art. 41 aLPP
court indépendamment de la connaissance qu'a l'assuré de l'existence de son
droit à la rente, à l'instar de ce qui prévaut pour les prescriptions
décennales des art. 60 et 127 CO (ATF 106 II 134 consid. 2a p. 136; Engel,
Traité des obligations en droit suisse, p. 804; cf. aussi Gadola, Verjährung
und Verwirkung im öffentlichen Recht, PJA 1995, p. 52ss). Il ne saurait en
aller autrement in casu, au motif que le recourant ignorait non seulement
l'existence de son droit à une rente de prévoyance professionnelle mais
également et surtout celle même de sa maladie et en particulier l'incidence
de celle-ci sur son aptitude à exercer ses droits.

En effet, s'il fallait considérer que la prescription décennale ne court pas
tant que l'assuré est empêché d'agir pour des raisons indépendantes de sa
volonté, le début du délai de prescription pourrait se trouver reporté, selon
les circonstances, de nombreuses années après la survenance de l'invalidité.
Cela favoriserait l'insécurité juridique, notamment parce que la preuve des
faits déterminants est généralement d'autant moins sûre que ceux-ci sont plus
anciens (cf. à ce propos Engel, op. cité, p. 797 et les références). Cela
mettrait en outre les institutions de prévoyance dans l'incertitude quant à
l'état de leurs engagements (cf. art. 65 LPP), puisqu'elles pourraient être
appelées à répondre de cas d'invalidité remontant à plus de dix ans après la
fin de l'assurance obligatoire. Par ailleurs, si les troubles psychiques
présentés par l'assuré dès avril 1988 s'avéraient d'une gravité telle qu'ils
l'ont empêché d'exercer convenablement ses droits, il eût incombé à son
entourage d'entreprendre les démarches nécessaires à la protection de ses
intérêts, au besoin en requérant la mise en oeuvre d'une des mesures de
protection instituées par le droit de la tutelle (voir art. 360 ss CC). Au
demeurant, le recourant a indiqué dans son courrier du 25 mars 2004 avoir
ignoré jusqu'alors que les institutions de prévoyance du deuxième pilier
servaient également des rentes d'invalidité et l'avoir appris par hasard en
lisant un article de presse. A cet égard, la Cour de céans rappelle qu'en
principe, il convient d'accorder la préférence aux premières déclarations de
l'assuré, faites alors qu'il en ignorait peut-être les conséquences
juridiques, les explications nouvelles pouvant être - consciemment ou non -
le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47, 115 V 133
consid. 8c p. 143), de sorte que le dépôt tardif de la demande de rente de
prévoyance professionnelle incombe bien d'avantage à l'ignorance du recourant
plutôt qu'à son état de santé psychique.

5.2
5.2.1 Conformément à l'art. 26 al. 1 LPP, les dispositions de la LAI (art. 29
LAI) s'appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations
d'invalidité. Si une institution de prévoyance reprend - explicitement ou par
renvoi - la définition de l'invalidité dans l'assurance-invalidité, elle est
en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation de
l'invalidité des organes de l'assurance-invalidité, sauf lorsque cette
estimation apparaît d'emblée insoutenable (ATF 126 V 308 consid. 1 in fine p.
311). Cette force contraignante vaut non seulement pour la fixation du degré
d'invalidité (ATF 115 V 208), mais également pour la détermination du moment
à partir duquel la capacité de travail de l'assuré s'est détériorée de
manière sensible et durable (ATF 123 V 269 consid. 2a et les références
citées p. 271). Cependant, l'office AI est tenu de notifier d'office une
décision de rente à toutes les institutions de prévoyance entrant en
considération (ATF 129 V 73). Lorsqu'il n'est pas intégré à la procédure,
l'assureur LPP - qui dispose d'un droit de recours propre dans les procédures
régies par la LAI - n'est pas lié par l'évaluation de l'invalidité (principe,
taux et début du droit) à laquelle ont procédé les organes de
l'assurance-invalidité.

5.2.2 L'article 28 des statuts de l'intimée reprend explicitement la notion
d'invalidité telle que prévue par la LAI. L'alinéa 5 précise que le droit à
la pension naît en même temps que le droit à la rente AI. Par décision du 23
octobre 2000, l'office AI a constaté que le droit à la rente AI du recourant
avait pris naissance le 1er avril 1989 en regard d'une incapacité totale de
travail survenue dès le 1er avril 1988. Aucun élément au dossier ne laisse
inférer du caractère insoutenable ou mal fondé de cette décision. En
particulier, les parties ne le prétendent pas. Il n'y a dès lors aucun motif
de s'en écarter. Aussi le droit du recourant à une rente d'invalidité de la
prévoyance professionnelle est-il né en même temps que le droit de celui-ci à
une rente AI, soit en avril 1989. La prescription décennale du droit du
recourant aux prestations de prévoyance professionnelle est donc échue depuis
le 1er avril 1999.

5.3 Au vu de ce qui précède, le recours est mal fondé.

6.
6.1 Le recourant, qui succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens
pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

6.2 S'agissant d'un litige qui porte sur l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ a contrario).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 avril 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: