Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 140/2006
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{T 7}
B 140/06

Arrêt du 27 mars 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

E. ________, recourant, représenté par Me François Magnin, avocat, rue
St-Pierre 2, 1003 Lausanne,

contre

Fondation de prévoyance en faveur des vignerons, 1096 Cully,
intimée.

Prévoyance professionnelle,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud
du 20 mars 2006.

Faits:

A.
E. ________, vigneron indépendant, était affilié depuis 1971 à la Fondation
de prévoyance en faveur des vignerons (ci-après: la Fondation des vignerons),
puis, dès le 1er janvier 2004, à la Fondation rurale de prévoyance
professionnelle (ci-après: la Fondation rurale). Le 29 mai 2001, il a déposé
une demande de prestations de l'assurance-invalidité, invoquant des problèmes
lombaires. Son médecin traitant, le docteur I.________, a attesté une
«invalidité» de 50 %, probablement définitive, à partir du 1er mars 1999
(certificat du 17 juin 2002). Après avoir recueilli des renseignements
économiques, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud
(ci-après: l'office AI) a évalué à 36 % le préjudice économique subi par
l'assuré (rapport d'enquête économique pour les indépendants du 6 février
2002, complété le 4 octobre 2002). Compte tenu du fait que le préjudice
économique de 36 % n'était pas suffisant pour ouvrir le droit à une rente,
l'administration a rejeté la demande de prestations par décision du 14
octobre 2002.

De son côté, le 26 mars 2003, la Fondation des vignerons a communiqué à
E.________ qu'elle lui verserait une rente d'invalidité de 3533 fr. par
année, fondée sur une invalidité de 36 %, dès le 1er mars 2000.

B.
Par demande du 9 mars 2004, l'affilié a ouvert action contre la Fondation des
vignerons et la Fondation rurale devant le Tribunal des assurances du canton
de Vaud. Il concluait, d'une part, au versement d'une demi-rente d'invalidité
par la Fondation des vignerons à partir du 1er mars 2000, avec intérêts de 5
% l'an dès le 1er janvier 2004 sur les montants dus depuis le 1er janvier
2003. D'autre part, il concluait à ce que la Fondation rurale lui alloue la
même rente dès le 1er janvier 2004, avec intérêts à 5 % l'an dès cette date.
En cours de procédure, il a retiré ses conclusions contre la Fondation
rurale.

Après avoir fait verser à la procédure le dossier AI de l'affilié et pris
acte du retrait de la demande dirigée contre la Fondation rurale, le tribunal
cantonal a rejeté la demande formée contre la Fondation des vignerons, par
jugement du 20 mars 2006.

C.
E.________ a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement.
Il en demande la réforme en ce sens que la Fondation des vignerons soit
condamnée, sous suite de frais et dépens, à lui verser une demi-rente
d'invalidité dès le 1er mars 2000, avec intérêts à 5 % l'an à partir du 1er
janvier 2004 sur toutes les rentes échues depuis plus de deux ans, déduction
faite des montants déjà versés.

La Fondation des vignerons a conclu au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132
al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

2.
Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et la
jurisprudence sur la notion d'invalidité et le droit à des prestations
d'invalidité de la prévoyance professionnelle applicables au présent cas, de
sorte qu'il suffit d'y renvoyer.

On rappellera que si une institution de prévoyance reprend - explicitement ou
par renvoi - la définition de l'invalidité de la LAI, elle est en principe
liée, lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation des organes de
cette assurance, sauf si cette estimation apparaît d'emblée insoutenable (ATF
126 V 308 consid. 1 p. 311). Il en va différemment lorsque l'institution
adopte une définition qui ne concorde pas avec celle de
l'assurance-invalidité. Dans cette hypothèse, il lui appartient de statuer
librement, selon ses propres règles. Elle pourra certes se fonder, le cas
échéant, sur des éléments recueillis par les organes de
l'assurance-invalidité, mais elle ne sera pas liée par une estimation qui
repose sur d'autres critères (ATF 118 V 35 consid. 2b/aa p. 40, 115 V 208
consid. 2c p. 212).

Par ailleurs, lorsque l'institution de prévoyance s'en tient à ce qu'a décidé
l'organe de l'assurance-invalidité quant à la fixation du degré d'invalidité
ou se fonde même sur sa décision, la question de la participation de
l'assureur-LPP dans la procédure de l'assurance-invalidité - qui, selon la
jurisprudence, est une condition de la force contraignante des constatations
juridiquement déterminantes du droit de l'assurance-invalidité à l'égard de
l'institution de prévoyance (ATF 129 V 73) - n'a plus d'objet. Dans un tel
cas, la force contraignante, voulue par le législateur et exprimée dans les
art. 23 ss LPP, s'applique sous réserve du caractère d'emblée insoutenable de
la décision de l'assurance-invalidité (voir arrêt B 39/03 du 9 février 2004,
résumé dans la RSAS 2004 p. 451).

3.
3.1 L'art. 5 al. 1 et 2 du règlement de prévoyance de la Fondation de
prévoyance en faveur des vignerons, valable dès le 1er novembre 1989, prévoit
que:
«(1) Il y a invalidité lorsqu'il est médicalement établi, sur la base de
signes objectifs, que par suite de maladie (y compris le déclin des facultés
mentales et physiques) ou de lésion corporelle involontaire, l'assuré n'est
totalement ou partiellement plus en mesure d'exercer sa profession ou une
autre activité lucrative conforme à sa position sociale, à ses connaissances
et à ses aptitudes, ou qu'il est invalide au sens de l'AI.

(2) En cas d'invalidité partielle, les prestations prévues pour une
invalidité totale sont accordées proportionnellement au degré d'invalidité.
L'invalidité de moins d'un quart n'ouvre pas droit aux prestations assurées.
Les prestations pleines sont accordées en cas d'invalidité d'au moins deux
tiers. Le degré d'invalidité correspond au moins à celui que reconnaît l'AI».

3.2 Le recourant reproche aux premiers juges d'avoir considéré que par la
définition de l'invalidité adoptée à l'art. 5 de son règlement de prévoyance,
l'intimée n'entendait pas s'écarter de la notion d'invalidité au sens de
l'assurance-invalidité. Selon lui, la juridiction cantonale n'était pas
fondée à confirmer le degré d'invalidité de 36 % fixé par l'intimée en
référence à l'estimation de l'organe de l'assurance-invalidité. Il soutient
que l'art. 5 du règlement consacre une incapacité médicale d'exercer sa
profession ou une autre activité lucrative et non une incapacité de gain. Il
aurait par conséquent droit à une rente correspondant à son degré
d'incapacité de travail de 50 %, tel qu'attesté par son médecin traitant.

3.3 Contrairement à ce qu'a retenu la juridiction cantonale, la disposition
du règlement relative à la notion d'invalidité va au-delà des exigences
légales prévues pour la prévoyance professionnelle obligatoire sous un double
aspect. D'une part, le règlement prévoit l'allocation d'une rente déjà à
partir d'un degré d'invalidité de 25 %. D'autre part, la notion d'invalidité
est définie de manière plus large que dans la LAI (et la LPP), puisque
l'invalidité peut résulter de l'incapacité d'exercer sa profession ou une
autre activité lucrative conforme à sa position sociale, à ses connaissances
et à ses aptitudes, l'invalidité au sens de l'AI ne constituant qu'une
alternative à cette possibilité. Le revenu de l'activité raisonnablement
exigible de l'assuré n'est ainsi pas calculé, comme dans
l'assurance-invalidité, en se référant à l'ensemble du marché du travail
entrant en ligne de compte. Cette solution vise à ne pas déclasser
professionnellement les assurés devenus invalides, spécialement les
travailleurs qualifiés (ATF 115 V 208 consid. 2b p. 211 et consid. 4b p. 219;
RSAS 1997 p. 71).

Il en découle par ailleurs que la notion d'invalidité prévue par le règlement
correspond bien à celle d'une incapacité de gain, c'est à dire de
l'incapacité pour l'assuré de mettre à profit la capacité de travail
résiduelle dans une activité qui peut raisonnablement être exigée de lui
compte tenu du marché du travail entrant en considération pour lui, à savoir
sa profession ou une autre activité lucrative conforme à sa position sociale,
à ses connaissances et à ses aptitudes. Il ne s'agit en revanche pas de
l'incapacité de travail dans sa profession, comme le soutient en vain le
recourant, puisque dans la définition réglementaire de l'invalidité,
l'incidence économique de l'atteinte à la santé doit être prise en
considération (voir aussi l'arrêt B 72/00 du 20 novembre 2001, consid. 3b,
qui portait sur une disposition identique [en allemand] à l'art. 5 du
règlement).

3.4 Cela étant, il reste à examiner si la Fondation a correctement fixé le
taux d'invalidité du recourant à 36 %, au regard de la disposition de son
règlement sur la notion d'invalidité.

L'intimée s'est essentiellement référée à cet égard au degré d'invalidité
fixé par l'office AI. Celui-ci a procédé à une évaluation du préjudice
économique subi par le recourant en raison d'une incapacité de travail de 50
%, en comparant, sur la base des comptes d'exploitation, le bénéfice réalisé
sans atteinte à la santé avec le bénéfice hypothétique après atteinte à la
santé. Il en résultait un préjudice économique de 36 % (cf. Enquête
économique pour les indépendants du 6 février 2002, complétée le 4 octobre
2002). Une telle comparaison des revenus revient à déterminer l'incidence
économique de l'atteinte à la santé subie par le recourant dans sa
profession, ce qu'exige précisément l'art. 5 du règlement (supra consid.
3.3).

Selon cette disposition, l'invalidité peut aussi résulter de l'incapacité
d'exercer une autre activité lucrative conforme à la position sociale, aux
connaissances et aux aptitudes de l'intéressé. On aurait dès lors également
pu envisager les possibilités pour le recourant d'exercer une autre activité
lucrative correspondant à ces exigences. Ces possibilités se seraient
toutefois avérées très théoriques, puisque le recourant exerce depuis de
nombreuses années son activité de vigneron-tâcheron qu'il n'a jamais été
question d'abandonner, l'un de ses fils ayant par ailleurs une formation de
viticulteur. Dans ces circonstances, la Fondation était fondée à se référer
uniquement à l'incapacité de gain dans la profession exercée, en reprenant
l'évaluation de l'invalidité effectuée par l'office AI, et à retenir un degré
d'invalidité de 36 % en application de la disposition réglementaire en cause.

3.5 Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris n'est pas
critiquable dans son résultat. Le recours s'avère dès lors mal fondé.

4.
Vu l'objet du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant,
qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ en corrélation
avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 27 mars 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La greffière: