Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 132/2006
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B 132/06

Arrêt du 21 août 2007
IIe Cour de droit social

MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Piguet.

O. ________,
recourant, représenté par Me Renaud Lattion, avocat, rue des Remparts 9,
1400 Yverdon-les-Bains,

contre

Caisse de pensions du personnel de X.________,
intimée, représentée par Me Pierre-André Oberson, avocat, rue du Grand-Chêne
5, 1002 Lausanne.

Prévoyance professionnelle,

recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud du 16 juin 2006.

Faits:

A.
A.a O.________, né en 1942, travaillait depuis 1979 en qualité de dessinateur
pour le compte de l'entreprise X.________, à M.________. Souffrant d'un
diabète de type I avec complications ophtalmologiques, artérielles et
neurologiques ayant entraîné une diminution progressive de la capacité de
travail depuis le mois de mai 1990, il a résilié son contrat de travail pour
le 31 mai 1991. Après avoir informé la Caisse de pensions du personnel de
X.________ (ci-après: l'institution de prévoyance) de son intention de
quitter définitivement la Suisse à ce moment-là, il a obtenu le versement en
espèces de sa prestation de libre passage, soit le montant de 108'675 fr. 35.

A.b Le 18 septembre 1992, la Caisse suisse de compensation a rendu deux
décisions par lesquelles elle a mis O.________, qui résidait désormais en
Espagne, au bénéfice d'une demi-rente de l'assurance-invalidité du 1er avril
au 30 juin 1991 et d'une rente entière à compter du 1er juillet 1991.

A.c Le 1er mars 2000, O.________ s'est adressé à l'institution de prévoyance
pour demander que le paiement de la prestation de libre passage soit remplacé
à titre rétroactif par le versement d'une rente ordinaire d'invalidité. Par
lettre du 29 mai 2000, l'institution de prévoyance a informé l'assuré qu'il
pouvait prétendre dans l'absolu au versement d'une rente mensuelle
d'invalidité depuis le 1er avril 1991. En raison du délai de prescription de
cinq ans relatif au recouvrement de prestations périodiques, ledit versement
ne pouvait cependant débuter que le 1er mars 1995. De plus, il convenait
encore de compenser les arriérés de rente avec la prestation de libre passage
qu'elle avait versée, ce qui repoussait le début du versement effectif de la
rente d'invalidité au 23 décembre 1999.

B.
Par demande du 20 mars 2001, O.________ a réclamé auprès du Tribunal des
assurances du canton de Vaud le paiement par l'institution de prévoyance de
la somme de 108'400 fr. au titre des rentes d'invalidité dues pour la période
courant du 1er mars 1995 au 31 mai 2000, avec intérêts à 5 % dès le 1er mars
2000. Au cours de l'instruction de la cause, la juridiction cantonale a fait
réaliser une expertise actuarielle et entendu les parties lors d'une audience
qui s'est tenue le 15 septembre 2005. Par jugement du 16 juin 2006, notifié
le 19 septembre suivant, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
rejeté la demande de l'assuré.

C.
O.________ a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il a demandé la réforme, en reprenant les conclusions formées en
première instance.
L'institution de prévoyance et l'Office fédéral des assurances sociales ont
conclu au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110)
est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte
attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ
(art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).

1.2 La procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations
d'assurances, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est pas limité à la
violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la décision
attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait constaté par la
juridiction inférieure, et il peut s'écarter des conclusions des parties à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

1.3 La novelle du 3 octobre 2003 modifiant la LPP (première révision) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2005 (sous réserve de certaines dispositions
dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er avril 2004 et au 1er janvier
2006), entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le
domaine de la prévoyance professionnelle (RO 2004 1677). Eu égard au principe
selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les
faits juridiquement déterminants se sont produits, le cas d'espèce reste régi
par les dispositions de la LPP en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004 (cf. ATF
130 V 102 consid. 1 p. 109, 129 V 1 consid. 1.2 p. 4, 127 V 466 consid. 1 p.
467).

2.
En l'espèce, il n'est pas contesté, ni contestable, qu'un cas d'assurance est
survenu au moment où le droit à la rente de l'assurance-invalidité a pris
naissance (art. 24 al. 2 du Règlement de la caisse de pensions du personnel
de X.________), à savoir le 1er avril 1991, soit une période antérieure à
celle où les conditions du droit au versement en espèces de la prestation de
libre passage étaient remplies (voir également les art. 27 al. 2 et
30 al. 2 let. a LPP a contrario, dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 1994, applicables ratione temporis). Dans la mesure où la
possibilité de demander le versement de cette prestation était éteinte, c'est
à juste titre que l'institution de prévoyance a annulé rétroactivement le
versement de la prestation de libre passage et octroyé en lieu et place une
rente d'invalidité. N'est pas non plus litigieux le fait que le recourant n'a
droit au versement des rentes qu'à partir du 1er mars 1995, les rentes dues
pour la période antérieure étant prescrites (art. 41 al. 1 LPP, dans sa
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004, lequel est en tous points
identiques avec l'actuel art. 41 al. 2 LPP; ATF 132 V 159 consid. 3 p. 162,
124 III 449 consid. 3b p. 451, 117 V 329 consid. 4 p. 332). Aux arrérages dus
à compter du 1er mars 1995, l'institution de prévoyance a opposé en
compensation la créance en restitution de la prestation de libre passage et
fixé le terme de celle-ci au 22 décembre 1999. Le recourant estime que la
compensation opérée par l'institution de prévoyance aurait dû se faire sur
les rentes, aujourd'hui prescrites, qui auraient dû être versées entre 1991 à
1995.  La prestation de libre passage versée en 1991 doit en effet être
considérée désormais comme valant paiement anticipé des rentes auxquelles il
a droit depuis cette date.
Au vu de ce qui précède, le litige porte sur le point de savoir si la
compensation opérée par l'institution de prévoyance est conforme au droit.

3.
3.1 Selon la doctrine et la jurisprudence, la compensation de créances
réciproques constitue un principe juridique général, ancré en droit privé aux
art. 120 ss CO, qui trouve application en droit administratif. En droit des
assurances sociales plus particulièrement, le principe est reconnu, même dans
les branches de ce droit qui ne le prévoient pas expressément; du reste, la
plupart des lois d'assurances sociales connaissent une réglementation
spécifique (ATF 128 V 50 consid. 4a p. 53 et 224 consid. 3b p. 228 et les
références; Rudolf Rüedi, Allgemeine Rechtsgrundsätze des
Sozialversicherungsprozesses, in: Recht, Staat und Politik am Ende des
zweiten Jahrtausends, Festschrift zum 60. Geburtstag von Bundesrat Arnold
Koller, Berne 1993, p. 454 et note 16).
Dans le domaine de la prévoyance professionnelle, la question particulière de
la compensation de créances est réglée de manière spécifique à l'art.
39 al. 2 LPP. Selon cette disposition, le droit aux prestations ne peut être
compensé avec des créances cédées par l'employeur à l'institution de
prévoyance que si ces créances ont pour objet des cotisations non déduites du
salaire. Cette interdiction quasi générale de compenser des expectatives de
prévoyance professionnelle ne vaut pas lorsque lesdites prétentions sont
exigibles. En effet, l'art. 39 al. 2 LPP ne règle pas la question de la
compensation des créances propres de l'institution de prévoyance avec celles
de la personne assurée. Dans ce cas, les dispositions du code des obligations
qui en fixent les conditions sont applicables par analogie (art. 120 ss).
Toutefois, en raison de la nature des créances en cause et compte tenu de
l'art. 125 ch. 2 CO, une créance d'une institution de sécurité sociale ne
peut être compensée avec une prestation due à un assuré, si de ce fait les
ressources de celui-ci descendent au-dessous du minimum vital (ATF 128 V 50
consid. 4a p. 53 et les références citées).

3.2 Pour que la compensation ait lieu, l'art. 124 al. 1 CO exige que le
débiteur fasse connaître au créancier son intention de l'invoquer. Il s'agit
d'une déclaration de volonté formatrice qui doit faire apparaître clairement
et de manière non équivoque la volonté de son auteur (arrêt du Tribunal
fédéral 4C.132/1995 du 19 juillet 1995, consid. 3; Pierre Engel, Traité des
obligations en droit suisse, 2ème éd., Berne 1997, p. 675; von Tuhr/Escher,
Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, vol. II, 3ème éd.,
Zurich 1974, p. 205). La déclaration doit permettre à son destinataire de
comprendre, en fonction des circonstances, quelle est la créance compensée et
quelle est la créance compensante (Viktor Aepli, Commentaire zurichois, n. 44
ad art. 124 CO). Si le débiteur ne précise pas quelle est la créance
compensée et quelle est la créance compensante, sa déclaration est incomplète
et, par voie de conséquence, dépourvue d'effet (von Tuhr/Escher, op.cit., p.
206).
Si débiteur et créancier ont, l'un envers l'autre, plusieurs créances qui
peuvent entrer en considération, le débiteur doit indiquer lors de la
compensation la créance au moyen de laquelle il compense et celle du
créancier qu'il éteint. Le débiteur a le choix, non seulement parmi ses
propres créances, mais encore, et comme en cas de paiement, parmi les
diverses créances compensables du créancier (art. 86 al. 1 CO; ATF 47 I 312
p. 318). Le créancier ne peut s'opposer au choix opéré par le débiteur et
désigner les créances auxquelles il conviendrait d'imputer la compensation
(Aepli, op. cit. n. 46 ss ad art. 124 CO; von Tuhr/Escher, op. cit., p. 206;
contra Alfred Koller, Die Verrechnung nach schweizerischem Recht, recht 2007,
p. 111 et Bruno von Büren, Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner
Teil, Zurich 1964, p. 486, lesquels estiment, par analogie avec le droit
allemand [§ 396 al. 1 BGB], que le créancier doit pouvoir disposer d'un droit
d'opposition). Si les deux parties déclarent vouloir compenser, la
déclaration opérante est celle qui est parvenue la première à l'autre partie
(Prioritätsprinzip). En cas d'arrivée simultanée de deux déclarations de
volonté qui s'excluent réciproquement, toutes deux sont considérées comme
inefficaces (Aepli, op. cit., n. 93 ss ad art. 124 CO; von Tuhr/Escher, op.
cit., p. 206; sur l'ensemble de la question, voir également Ingeborg
Schwenzer, Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, 4ème éd.,
Berne 2006, ch. 78.06; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches
Obligationenrecht Allge-meiner Teil, vol. II, 8ème éd., Zurich 2003, ch.
3441; Marius Schraner, Commentaire zurichois, n° 15 ss ad art. 86 CO).

3.3 Dans sa réponse du 29 mai 2000 à la demande de rente d'invalidité de
l'assuré, l'institution de prévoyance a fait connaître de manière claire et
non équivoque qu'elle entendait compenser les rentes dont elle reconnaissait
être débitrice à compter du 1er mars 1995 avec sa créance en restitution de
la prestation de libre passage. L'obligation de restitution de la prestation
de libre passage, fondée sur l'enrichissement illégitime (art. 62 à 67 CO;
ATF 130 V 414 consid. 2 p. 417, 128 V 50 et 236; pour la situation à partir
du 1er janvier 2005, art. 35a LPP), n'a pas été contestée dans son principe
et son étendue par le recourant. Celui-ci ne pouvait par conséquent s'opposer
à la déclaration de compensation faite par l'institution de prévoyance,
laquelle a procédé conformément au droit fédéral. L'argument avancé par le
recourant selon lequel il y avait lieu de requalifier a posteriori le
versement de la prestation de libre passage comme valant paiement anticipé de
la rente d'invalidité doit être rejeté. Les procédures qui aboutissent au
versement de chacune de ces prestations ne sont pas de même nature et ne
visent pas le même but. Elles s'inspirent en outre de principes distincts et
obéissent à des règles différentes, si bien qu'elles ne sauraient être
confondues.

4.
Le recourant se plaint, à titre subsidiaire, d'une violation du devoir
d'information de l'institution de prévoyance, en tant que celle-ci aurait dû
le rendre à l'époque attentif sur la possibilité qu'il avait de demander le
versement d'une rente d'invalidité en lieu et place du paiement en espèces de
sa prestation de libre-passage. Il invoque à cet égard l'art. 13 al. 2 de
l'ordonnance sur le maintien de la prévoyance et le libre passage du 12
novembre 1986 (en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994), aux termes duquel
l'institution de prévoyance était tenue d'informer l'assuré, lors d'un cas de
libre passage, de toutes les possibilités de maintenir la prévoyance
qu'offrent la loi et son règlement.
Contrairement à ce qu'a fait le Tribunal cantonal des assurances, il n'y a
pas lieu d'examiner plus avant si l'institution de prévoyance a violé son
obligation d'informer l'assuré. Le dommage consécutif à une telle violation
ne relève pas de la prévoyance professionnelle (au sens large ou au sens
étroit), mais de la responsabilité des institutions de prévoyance, dont le
juge désigné par l'art. 73 LPP n'a pas à connaître (ATF 120 V 26 consid. 3c
p. 31, 117 V 33 consid. 3d p. 42; Jürg Brühwiler, Obligatorische berufliche
Vorsorge, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit,
2ème éd., Bâle 2007, p. 2015, ch. 42; Hans-Ulrich Stauffer, Berufliche
Vorsorge, Zurich/Bâle/Genève 2005, p. 626, ch. 1650). Certes, d'après l'art.
73 LPP, les attributions du juge s'étendent aux prétentions en matière de
responsabilité, au sens de l'art. 52 LPP, et de recours et de droit au
remboursement, selon l'art. 56a al. 1 LPP. Toutefois, ces deux dispositions
légales ne visent que les personnes chargées de l'administration, de la
gestion ou du contrôle de l'institution de prévoyance (art. 52) ainsi que
celles qui sont responsables de l'insolvabilité de l'institution (art. 56a
al. 1). Les institutions de prévoyance elles-mêmes ne sont pas concernées.
Une action en responsabilité civile intentée contre une institution de
prévoyance n'est ainsi pas recevable devant les autorités juridictionnelles
désignées à l'art. 73 LPP (arrêts B 37/03 du 10 mars 2004, consid. 4.3,
publié in RSAS 2005 p. 176, et B 93/03 du 27 avril 2004, consid. 2.3, publié
in RSAS 2006 p. 44).

5.
Mal fondé, le recours doit par conséquent être rejeté.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le
recourant, qui succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). De
même, l'intimée, en sa qualité d'organisme chargé de tâches de droit public
au sens de l'art. 159 al. 2 OJ, n'a pas non plus droit à une indemnité de
dépens (ATF 128 V 124 consid. 5b p. 133).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours de droit administratif est
rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 21 août 2007

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: