Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Kassationshof in Strafsachen 6S.529/2006
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{T 0/2}
6S.529/2006 /rod

Arrêt du 8 février 2007
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Mathys.
Greffier: M. Vallat.

Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

X.________,
intimé.

Violation simple des règles de la circulation routière,

pourvoi en nullité contre le jugement du Tribunal de police de
l'arrondissement de l'Est vaudois du 3 octobre 2006.

Faits :

A.
X. ________, né en 1956, exerce la profession de médecin dans les cantons de
Vaud, Genève et Fribourg, au domicile de ses patients. Le samedi 8 octobre
2005, à 11 heures 15, sur l'autoroute A9, chaussée Lac, il s'est déplacé sur
la bande d'arrêt d'urgence et a emprunté cette dernière sur une distance de
cent mètres, avant d'être intercepté au kilomètre 29.300. Il roulait à 40
km/h environ, remontant les files de véhicules qui circulaient à très faible
allure en raison du ralentissement provoqué par les travaux du tunnel de
Glion. Il a déclaré avoir agi de la sorte dans le but de quitter l'autoroute
à la jonction de Montreux, qui se trouve au kilomètre 30.000, soit quelque
700 mètres plus loin, afin de se rendre au chevet d'une patiente souffrant de
problèmes respiratoires aigus à Clarens.

A raison de ces faits, il a été condamné par prononcé préfectoral du 17
janvier 2006 à une amende de 350 francs pour avoir dépassé par la droite sur
la bande d'arrêt d'urgence.

B.
Statuant sur appel de l'intéressé le 3 octobre 2006, le Tribunal de police de
l'arrondissement de l'Est vaudois a annulé le prononcé préfectoral,
considérant que l'intéressé pouvait se prévaloir de l'état de nécessité (art.
34 CP).

C.
Le Ministère public du canton de Vaud interjette un pourvoi en nullité contre
ce jugement. Il conclut à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal
de police pour nouveau jugement.

Invité à se déterminer sur le pourvoi, X.________ a conclu à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007,
de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110).
Or, conformément à l'art. 132 al. 1 LTF, cette loi ne s'applique aux
procédures de recours que si l'acte attaqué a été rendu après son entrée en
vigueur. C'est donc sur la base de l'ancien droit de procédure, en l'espèce
les art. 268 ss PPF concernant le pourvoi en nullité que doit être tranchée
la présente cause.

En outre, le 1er janvier 2007 sont également entrées en vigueur les nouvelles
dispositions de la partie générale du code pénal. Toutefois, celles-ci ne
sont pas non plus applicables puisque le Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi
en nullité examine uniquement si l'autorité cantonale a correctement appliqué
le droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF), soit celui qui était en vigueur au
moment où elle a statué (ATF 129 IV 49 consid. 5.3 p. 51 s. et les arrêts
cités).

2.
La voie du pourvoi en nullité est ouverte contre les arrêts rendus par les
tribunaux de police vaudois statuant sur appel contre une sentence
préfectorale (ATF 127 IV 220, consid. 1b p. 224).

3.
Il n'est pas contesté en l'espèce que l'intimé a emprunté la bande d'arrêt
d'urgence et a roulé sur cette dernière, sur environ cent mètres à 40 km/h,
remontant les files de véhicules qui circulaient à très faible allure en
raison du ralentissement provoqué par les travaux du tunnel de Glion, dans
l'intention d'atteindre plus rapidement la sortie de l'autoroute, située
quelque 700 mètres plus loin. Ce comportement  réalise l'infraction de
dépassement interdit par la droite (art. 35 al. 1 LCR, art. 8 al. 3 et 36 al.
5 OCR; ATF 114 IV 55; arrêt du 11 janvier 2007 [6A.53/2006], destiné à la
publication au Recueil officiel). Est seul litigieux, devant la cour de
céans, l'état de nécessité (art. 34 CP) retenu par le Tribunal de police.

4.
Conformément à l'art. 34 ch. 2 CP, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2006, lorsqu'un acte aura été commis pour préserver d'un danger
imminent et impossible à détourner autrement un bien appartenant à autrui,
notamment la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le
patrimoine, cet acte ne sera pas punissable. Si l'auteur pouvait se rendre
compte que le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de
celui auquel le bien appartenait, le juge atténuera librement la peine.
L'état de nécessité suppose donc l'existence d'un danger imminent qui ne peut
être détourné autrement. La subsidiarité est absolue (Kurt Seelmann,
Strafgesetzbuch I, Art. 1 110 StGB, Niggli/Wiprächtiger [Hrsg.], Art. 34
StGB, n. 8). Elle constitue une condition à laquelle aucune exception ne peut
être faite (Philippe Graven, L'infraction pénale punissable, 2e éd., Berne
1995, p. 136 ss).

En l'espèce, il ressort de l'arrêt entrepris que l'intimé aurait eu la
possibilité de faire appel au réseau d'urgence du 144 plutôt que d'enfreindre
la loi. Cette constatation de fait de la cour cantonale lie la cour de céans
(art. 277bis al. 1 2e phrase PPF). Il s'ensuit que l'intimé avait à sa
disposition une possibilité de parer au danger sans commettre d'infraction
qu'il ne pouvait pas écarter a priori et qu'il ne pouvait ignorer en sa
qualité de médecin. Il souligne certes, dans ses observations, que sa
patiente ne désirait absolument pas l'intervention des services d'urgence,
mais la sienne. Cet élément tendrait cependant plutôt à relativiser l'urgence
de la situation et ne permet pas d'établir que le danger était impossible à
détourner autrement. En cas de réelle urgence vitale ou de danger pour
l'intégrité corporelle, on ne peut en effet objectivement reconnaître aux
préférences de la victime d'un malaise quant à l'identité du soignant, à
compétences médicales comparables, qu'une importance très relative, rien
n'empêchant, par ailleurs l'intimé, en plus d'appeler les services d'urgence,
de se rendre lui-même à son chevet. Il soutient également que son
intervention personnelle aurait été plus efficace et plus rapide que celle
des services d'urgence. On ne voit cependant pas en quoi l'intervention des
services spécialisés dans l'urgence, à compétences tout au moins égales à
celles de l'intimé, aurait pu être moins efficace que la sienne. Quant à la
rapidité de l'intervention, l'intimé ne tente pas de démontrer que les
services d'urgence n'auraient pu intervenir à temps pour préserver sa
patiente d'une atteinte à sa vie ou à son intégrité corporelle ni même qu'il
aurait cru, par erreur, que tel fût le cas. Il se borne à souligner, sur ce
dernier point, la difficulté d'apprécier l'état de santé de sa cliente sur la
base des seules déclarations de cette dernière au téléphone. Le fait qu'il a
lui-même été retardé par son interpellation par la police ne paraît, au
demeurant, pas avoir eu de conséquences dommageables.

Au vu de ce qui précède, l'arrêt entrepris, qui retient l'existence d'un état
de nécessité, viole le droit fédéral. Partant, il doit être annulé et la
cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle fixe la peine, sans qu'il
soit par ailleurs nécessaire de compléter l'instruction sur les différents
éléments de fait allégués par l'intimé dans ses observations, ni d'examiner
l'existence d'un éventuel état de nécessité putatif (art. 34 en corrélation
avec l'art. 19 CP; cf. ATF 122 IV 1 consid. 2b, p. 4).

5.
L'intimé, qui succombe, supporte les frais de la cause (art. 278 al. 1 PPF).
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux autorités recourantes (art. 159
al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est admis.

2.
L'arrêt entrepris est annulé et la cause renvoyée au Tribunal de police de
l'arrondissement de l'Est vaudois afin qu'il rende un nouveau jugement au
sens des considérants.

3.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge de l'intimé.

4.
Il n'est pas alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au Ministère public du canton de
Vaud, à l'intimé et au Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est
vaudois.

Lausanne, le 8 février 2007

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: