Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.421/2006
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{T 0/2}
6S.421/2006 /rod

Arrêt du 6 mars 2007
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Mathys.
Greffière: Mme Kistler.

Ministère public de la Confédération, 3003 Berne,
recourant,

contre

A.X.________, intimée, représentée par Me Fiorenzo Cotti, avocat, et Me
Nicolas Rouiller, avocat,
B.X.________, intimée, représentée par Me Yves Bertossa, avocat,

Frais judiciaires (art. 172 et 173 PPF), indemnité à titre de dépens (art.
176 PPF),

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des
affaires pénales, du 22 juin 2006.

Faits:

A.
Par arrêt du 22 juin 2006, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal
fédéral a condamné B.X.________ et A.X.________ pour blanchiment d'argent à
une peine de quarante-cinq jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux
ans, et les a acquittées des chefs d'accusation des infractions aux art. 242
et 244 CP. Elle a condamné B.X.________ et A.X.________ à s'acquitter chacune
d'un sixième des frais de la cause, à savoir d'un montant de 4741 fr. 65.
Enfin, elle a alloué, à titre de dépens, un montant de 6245 francs à
B.X.________ et un montant de 6090 francs à A.X.________, à charge du
Ministère public de la Confédération.

Cet arrêt repose sur les considérations suivantes:
A.aB.X.________ a fait la connaissance de Y.________ à Neuchâtel en 1999.
Expulsé du territoire suisse en janvier 2000, ce dernier est retourné dans
son pays d'origine, la Colombie. B.X.________ a entretenu une correspondance
régulière avec lui et s'est rendue à deux reprises en Colombie, une fois pour
le voir et une autre fois, le 7 avril 2004, pour l'épouser.

De janvier à mai 2004, B.X.________ a reçu plusieurs colis, contenant des
faux billets de 100 US$. Par l'intermédiaire de sa mère, A.X.________, elle a
changé les dollars en francs suisses au guichet de l'UBS, succursale de
La-Chaux-de-Fonds. A.X.________ a fait créditer le produit de la transaction
sur le compte qu'elle détenait auprès de cet établissement. Puis elle a
retiré un montant correspondant au distributeur de la banque et  remis
l'argent à sa fille qui l'a ensuite transféré en Colombie, par un
intermédiaire financier, en faveur de la soeur de son mari.

A.b Le Ministère public de la Confédération a renvoyé B.X.________ et
A.X.________ en jugement pour les infractions prévues par les art. 242 (mise
en circulation de fausse monnaie), 244 (importation, acquisition et prise en
dépôt de fausse monnaie) et 250 CP (monnaies et timbres de valeur étrangers),
subsidiairement pour infraction selon l'art. 305bis CP (blanchiment
d'argent). La Cour des affaires pénales a  acquitté B.X.________ et
A.X.________ du chef d'accusation des art. 242 et 244 CP au motif que les
éléments n'étaient pas suffisants pour retenir qu'elles avaient sciemment
participé à un trafic de fausse monnaie ni même qu'elles en avaient soupçonné
ou dû soupçonner l'existence. En revanche, le premier juge a retenu que
B.X.________ et A.X.________ s'étaient doutées de l'origine criminelle des
billets et les a condamnées pour blanchiment d'argent selon l'art. 305bis CP.

A.c La Cour a appliqué aux frais une clé de répartition d'un tiers à la
charge de B.X.________ et de A.X.________ et de deux tiers à la charge du
Ministère public de la Confédération, dès lors que les accusées avaient été
acquittées des chefs d'accusation principaux et condamnées uniquement pour
l'infraction subsidiaire par dol éventuel. Compte tenu du fait que la part de
responsabilité des deux accusées était identique, le premier juge les a
condamnées à s'acquitter chacune d'un sixième des frais, ce qui représente un
montant de 4741 fr. 65 pour chacune d'elles.

En outre, le premier juge a condamné le Ministère public de la Confédération
à allouer à B.X.________ et à A.X.________ une indemnité réduite à titre de
dépens. Elle a calculé les indemnités selon la même clef de répartition que
les frais et sur la base des notes d'honoraires de leurs défenseurs.
B.X.________ s'est vu allouer une indemnité de 6245 fr. et A.X.________ une
indemnité de 6090 fr.

B.
Contre cet arrêt, le Ministère public de la Confédération dépose un pourvoi
en nullité devant le Tribunal fédéral. Sous suite de frais et dépens, il
conclut à l'annulation partielle de l'arrêt attaqué, critiquant, d'une part,
la réduction des frais mis à la charge de B.X.________ et de A.X.________ et,
d'autre part, l'allocation à celles-ci d'une indemnité à titre de dépens.

Appelées à se déterminer, B.X.________ et A.X.________ concluent au rejet du
pourvoi. La seconde sollicite en outre l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2007, de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS
173.110). Or, conformément à l'art. 132 al. 1 LTF, cette loi ne s'applique
aux procédures de recours que si l'acte attaqué a été rendu après son entrée
en vigueur. C'est donc sur la base de l'ancien droit de procédure, en
l'espèce les art. 268 ss PPF concernant le pourvoi en nullité, que doit être
tranchée la présente cause.

1.2 L'art. 33 al. 3 let. b de la loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral
(RS 173.71; LTPF) prévoit que les arrêts de la Cour des affaires pénales
peuvent être portés devant la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral.
Il précise que le procureur général de la Confédération a qualité pour
recourir.

2.
Le premier juge a réduit les frais à la charge des intimées, au motif que
quoique condamnées, elles avaient été acquittées sur certains chefs. Le
Ministère public conteste cette manière de voir. Pour lui, les intimées n'ont
pas été libérées des chefs d'accusation, mais leurs comportements ont été
qualifiés autrement. En outre, aucune opération n'aurait été spécialement
effectuée pour élucider les comportements non retenus par le premier juge.

2.1
2.1.1 La répartition des frais, dépens et émoluments de la poursuite pénale
est dictée par les art. 172 à 177 PPF et, par renvoi de l'art. 245 PPF, par
les art. 146 à 161 OJ. Leur quotité est déterminée par les dispositions de
l'ordonnance sur les frais de la procédure pénale fédérale (RS 312.025), du
règlement sur les dépens et indemnités alloués devant le Tribunal pénal
fédéral (RS 173.710.31) et du règlement sur les émoluments judiciaires perçus
par le Tribunal pénal fédéral (RS 173.710.32).

2.1.2 Selon l'art. 172 PPF, les frais de la procédure pénale, y compris ceux
de la procédure de recherches, de l'instruction préparatoire, de l'acte
d'accusation et de la réquisition du Ministère public, sont en règle générale
à la charge du condamné (al. 1). La cour peut, pour des motifs spéciaux, les
lui remettre totalement ou partiellement (al. 2). Selon le message du 10
septembre 1929 du Conseil fédéral, la cour peut remettre les frais lorsque le
condamné est manifestement indigent ou que l'accusation s'est avérée fondée
en partie seulement, enfin dans les cas où une mesure coûteuse ordonnée dans
l'enquête se trouve avoir été superflue ou pour les frais nécessités par un
acte de l'instruction qui visait un co-condamné (FF 1929 II 657). Un large
pouvoir d'appréciation doit être laissé à la cour, qui peut réduire les frais
si l'équité l'exige, par exemple s'il existe une disproportion évidente entre
les frais et la culpabilité du condamné.

En cas d'acquittement, les frais de procédure sont supportés par la
Confédération, respectivement la Caisse fédérale (Schmid, Strafprozessrecht,
Eine Einführung auf der Grundlage des Strafprozessrechtes des Kantons Zürich
und des Bundes, 4e éd., Zurich 2004, § 66, n. 1205, p. 461). L'art. 173 PPF
prévoit que la cour peut condamner l'accusé acquitté à payer les frais, en
tout ou en partie, s'il a provoqué l'ouverture de l'instruction par sa faute
ou entravé sensiblement et sans raison la procédure (al. 2). Les frais ne
sont jamais exigés du Ministère public de la Confédération (art. 156 al. 2
OJ).

Il doit exister un lien de causalité entre les frais de l'enquête et le
comportement critiquable du prévenu (ATF 109 Ia 160 consid. 4a p. 163). Si le
prévenu est partiellement acquitté, la cour devra réduire les frais, sous
peine de porter atteinte à la présomption d'innocence (par ex. ATF 116 Ia
162; ZR 1997, n° 7), si le point sur lequel le prévenu a été acquitté a donné
lieu à des frais supplémentaires et si le prévenu n'est pas, de par un
comportement procédural gravement fautif, à l'origine de la partie de la
procédure pénale ayant engendré ces frais. Comme il est difficile de
déterminer avec exactitude les frais qui relèvent de chaque fait imputable ou
non au condamné, une certaine marge d'appréciation doit être laissée à la
cour.

2.2 Pour le premier juge, il se justifie d'appliquer aux frais une clé de
répartition d'un tiers à la charge [des intimées] et de deux tiers à charge
du MPC (jugement, p. 26). Cette formulation - maladroite - doit être comprise
dans le sens qu'un tiers des frais doit être mis à la charge des intimées et
que le reste des frais est supporté par la Confédération. Le dispositif est à
cet égard clair, puisqu'il prévoit que chacune des deux intimées est
condamnée à s'acquitter d'un sixième des frais de la cause et qu'il ne met
pas les frais restant à la charge du Ministère public.

Les intimées ont été renvoyées pour un complexe de fait qui a paru au
Ministère public constitutif de plusieurs infractions, mais le premier juge
n'a retenu la violation que d'une seule disposition. Aucune mesure
d'instruction spécifique n'a été ordonnée du fait des infractions pour
lesquelles les intimées ont été libérées. En outre, le comportement des
intimées est à l'origine de l'enquête et des frais en résultant. Dans ces
circonstances, aucune réduction des frais ne s'impose. Si néanmoins le
premier juge désire réduire les frais pour des raisons d'équité, notamment
pour tenir compte de l'abandon des chefs d'accusation, il peut le faire,
conformément à l'art. 172 al. 1 PP. Une diminution des deux tiers dépasse
cependant largement le pouvoir d'appréciation laissé au juge. Le pourvoi du
Ministère public doit donc être admis sur ce point.

3.
Le Ministère public conteste devoir verser des dépens aux intimées.

3.1 Selon l'art. 176 PPF, en cas d'acquittement, la cour statue conformément
aux principes de l'art. 122, al. 1, sur l'allocation d'une indemnité à
l'accusé acquitté. L'art. 122 PPF prévoit qu'une indemnité est attribuée sur
demande, pour préjudice résultant de la détention préventive ou d'autres
actes de l'instruction, à l'inculpé qui est mis au bénéfice d'une ordonnance
de non-lieu. L'indemnité peut être refusée lorsque l'inculpé a provoqué ou
entravé les opérations de l'instruction par son attitude répréhensible ou par
sa légèreté.

3.2
3.2.1 Il convient au préalable de noter que cette indemnité est versée par la
Confédération (Schmid, op. cit., § 67, n. 1223, p. 470), et non par le
Ministère public de la Confédération. En condamnant le Ministère public à
verser des dépens aux intimées, le premier juge a donc violé le droit
fédéral.

3.2.2 Le droit à l'indemnisation est donné pour tout préjudice résultant de
la détention ou d'autres actes d'instruction. La jurisprudence a précisé que
l'inculpé mis au bénéfice d'un non-lieu peut également obtenir le
remboursement de ses frais de défense nécessaires (ATF 115 IV 156 consid. 2c
p. 159). L'atteinte et le dommage doivent, pour être indemnisés, être d'une
certaine intensité (ATF 84 IV 44 consid. 2c p. 47). Le prévenu a droit à la
réparation du préjudice subi du fait de la procédure instruite à son
encontre, pour autant qu'elle ne soit pas imputable à son comportement. Il
est en règle générale admis qu'une indemnité peut être versée en cas
d'acquittement partiel (Schmid, op. cit., § 67, n. 1218, note en bas de page
79). Dans ce cas, le juge doit vérifier que le prévenu a droit à une
indemnité pour les infractions dont il a été libéré. En d'autres termes, le
chef d'accusation abandonné a dû occasionner des frais non négligeables au
prévenu.

En l'espèce, les conditions d'une indemnité selon l'art. 176 PPF ne sont pas
réalisées. Premièrement, le comportement répréhensible des intimées est
manifestement à l'origine de l'enquête. En outre, on ne voit pas que les
chefs d'accusation pour le même complexe de faits, pour lesquels le juge les
a libérées, leur auraient occasionné des frais spéciaux importants, pour
lesquels elles devraient être indemnisées.  Sur ce point également, le
pourvoi du Ministère public doit donc être admis.

4.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être admis, l'arrêt attaqué doit
être partiellement annulé et la cause renvoyée au Tribunal pénal fédéral pour
qu'il rende un nouveau jugement dans le sens des considérants.

5.
Nonobstant les conclusions prises par le recourant et le sort du pourvoi en
nullité, aucune indemnité n'est allouée au Ministère public de la
Confédération (art. 278 al. 3 2e phrase PPF).

A. X.________ a requis l'assistance judiciaire. Comme elle a suffisamment
démontré qu'elle était dans le besoin, l'assistance judiciaire lui sera
accordée (art. 152 al. 1 OJ). En conséquence, il ne sera pas perçu de frais
et une indemnité sera versée à son mandataire.

Bien que n'ayant pas sollicité l'assistance judiciaire, B.X.________ ne sera
pas condamnée à verser un émolument judiciaire, car l'arrêt attaqué l'a mise
en situation de devoir se défendre. Il ne lui sera en revanche pas alloué
d'indemnité.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est admis.

2.
Les chiffres 1.5, 1.10, 2.5 et 2.10 du dispositif de l'arrêt attaqué sont
annulés et la cause renvoyée au Tribunal pénal fédéral afin qu'il rende un
nouveau jugement sur ces points.

3.
La requête d'assistance judiciaire de A.X.________ est admise.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 3000 francs aux
mandataires de A.X.________.

5.
Il n'est pas perçu de frais.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie au Ministère public de la
Confédération, aux mandataires des intimées et au Tribunal pénal fédéral,
Cour des affaires pénales.

Lausanne, le 6 mars 2007

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: