Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.397/2006
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{T 0/2}
6S.397/2006 /rod

Arrêt du 2 novembre 2006
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Zünd.
Greffier: M. Vallat.

C. ________,
recourant, représenté par Me Olivier Gabus, avocat,

contre

Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, case postale 2672,
2001 Neuchâtel 1.

Fixation de la peine (art. 63 CP); fabrication de fausse monnaie (art. 240 ss
CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel du 19 juillet 2006.

Faits:

A.
Le 9 novembre 2005, le Tribunal correctionnel du Val-de-Travers a reconnu
C.________, né en 1962, coupable de violation de la loi fédérale sur les
stupéfiants en bande et par métier (art. 19 ch. 1 et 2 LStup), de
consommation de stupéfiants (art. 19a LStup), de prise en dépôt de fausse
monnaie en grande quantité (art. 244 al. 1 et 2 CP) et d'infraction à la loi
fédérale sur les substances explosibles (art. 18 et 38 LExpl, RS 941.41). Il
l'a condamné à vingt-sept mois de réclusion (dont à déduire 97 jours de
détention préventive), peine partiellement complémentaire à une peine de sept
jours d'emprisonnement prononcée le 15 octobre 1998. Il a en outre notamment
révoqué le sursis accordé pour cette peine de sept jours, fixé la créance
compensatrice en faveur de l'Etat à 50'000 francs et ordonné la confiscation
en faveur de l'Etat du bien-fonds no 838 du cadastre de N.________ (propriété
de la société Y.________ Sàrl, administrée par C.________, au bénéfice de la
signature individuelle).

B.
Par arrêt du 19 juillet 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal neuchâtelois a partiellement admis un pourvoi en cassation interjeté
par C.________. Elle a annulé la confiscation du bien-fonds no 838 et renvoyé
la cause au Tribunal correctionnel pour nouveau jugement sur ce point. Pour
le reste, elle a rejeté le pourvoi.

En résumé, les faits suivants ont été retenus à charge de C.________:
l'acquisition et la vente de 58 kg de cannabis pour un chiffre d'affaires de
323'000 francs; l'investissement de 150'000 à 200'000 francs dans divers
sites de production de chanvre indoor, dont certains exploités par son frère;
la vente de matériel d'exploitation de chanvre pour plus de 130'000 francs;
la mise à disposition et le financement d'un site de production de chanvre de
son frère près d'Yverdon; le montage et l'exploitation d'un site de
production de 1000 plants de chanvre; la location d'un séchoir pour du
chanvre; la consommation occasionnelle de cannabis; la détention de
cartouches d'explosifs, de mèches d'allumage et de détonateurs à domicile; la
détention de plus de mille anciennes coupures de 1000 francs suisses
fabriquées au moyen d'une photocopieuse couleur, à lui remises par un cousin.

C.
C. ________ s'est pourvu en nullité auprès du Tribunal fédéral. Il n'a pas
été ordonné d'échange des écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué n'est pas un jugement final. Il statue toutefois à titre
définitif sur diverses questions de droit fédéral déterminantes pour le sort
de la cause. Le pourvoi est partant recevable sur ces questions (ATF 128 IV
34 consid. 1a).

Saisi d'un pourvoi, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait
de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 2e phrase PPF). Il n'examine donc
l'application du droit fédéral que sur la base de l'état de fait retenu. Il
en découle que le recourant doit mener son raisonnement juridique
exclusivement sur la base de l'état de fait ressortant de la décision
attaquée. Il ne peut ni exposer une version des faits divergente de celle de
l'autorité cantonale, ni apporter des éléments de fait supplémentaires non
constatés dans la décision attaquée; il ne saurait en être tenu compte (ATF
126 IV 65 consid. 1). Le contenu de la volonté et des pensées d'une personne,
en particulier savoir ce que l'accusé a su, envisagé, voulu ou accepté et ce
à quoi il a consenti, relève des faits (ATF 128 I 177 consid. 2.2, 125 IV 49
consid. 2d, 123 IV 155 consid. 1a).

2.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 240 ss CP. Il semble soutenir
que la peine aurait dû être atténuée du fait que les billets de banque
avaient été fabriqués à la photocopieuse sans utiliser de papier particulier
et sans contrefaire les systèmes de sécurité, de sorte qu'ils n'étaient guère
crédibles au toucher.

2.1 La qualité de la fausse monnaie n'est pas déterminante. Il suffit que le
faux soit susceptible de créer un risque de confusion en cas d'examen rapide
et superficiel (ATF 123 IV 55 consid. 2c). Le recourant ne démontre ni même
ne soutient que l'autorité cantonale aurait méconnu ce principe et la notion
de risque de confusion.

Le recourant allègue que la qualité des billets était si mauvaise que leur
écoulement un par un était exclu et qu'une confusion n'était en l'espèce pas
possible. Ce faisant, il s'écarte de l'état de fait retenu par l'autorité
cantonale, ce qu'il n'est pas habilité à faire. Au demeurant, il est notoire
que des billets fabriqués avec une photocopieuse couleur ont une qualité
suffisante pour être écoulés (cf. Corboz Bernard, Les infractions en droit
suisse, vol. II, Berne 2002, art. 240 n. 9 i.f.). Dans la mesure où il n'est
pas irrecevable, le grief est infondé.

3.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 22 CP. Il estime qu'il
aurait dû être mis au bénéfice d'un repentir actif puisqu'il a gardé les
billets sans les sortir de leur emballage et sans les restituer à son cousin,
prenant ainsi les mesures propres à retirer les billets définitivement du
marché.

La Cour de cassation cantonale a retenu que le recourant avait d'abord gardé
les billets dans le but de les mettre en circulation ou à tout le moins de
les restituer à son cousin dans cette perspective, puis avait abandonné ce
but lorsque les nouvelles coupures de 1000 francs ont été introduites au 1er
mai 2000. Elle a néanmoins refusé de retenir un désistement (art. 21 CP), au
motif que le recourant n'avait pas renoncé de son propre mouvement, mais à
cause du changement des billets.

Le repentir actif (art. 22 al. 2 CP) auquel se réfère le recourant s'applique
aux délits matériels, qui se caractérisent par un résultat distinct du
comportement délictueux. L'infraction en cause étant un délit formel
instantané, l'art. 22 CP ne saurait d'emblée s'appliquer. Au demeurant, la
question du repentir actif ou, pour les délits formels, du désistement
sous-entend une infraction tentée: l'auteur fait en sorte que le résultat de
l'infraction ne se produise pas respectivement que l'infraction ne soit pas
consommée. Cette hypothèse n'est pas donnée en l'espèce, car l'infraction
était consommée et non seulement tentée dès lors que le recourant avait pris
la fausse monnaie en dépôt dans le dessein exigé par la loi. Le fait qu'il
n'a par la suite pas mis à exécution ce dessein et qu'il n'a donc pas remis
les faux billets en circulation signifie qu'il n'a pas commis une infraction
supplémentaire, mais ne constitue pas un repentir par rapport à la première
infraction. Le grief est infondé.

4.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 63 CP. Il estime la peine
excessivement sévère, d'une part en comparaison avec des peines prononcées
dans des cantons voisins, d'autre part eu égard au flou juridique qui aurait
existé à l'époque des faits suite aux débats politiques sur la dépénalisation
de la consommation du cannabis.

La Cour de cassation cantonale a rejeté le grief de l'inégalité de traitement
en se fondant sur la jurisprudence en la matière, à laquelle il peut être
renvoyé (ATF 124 IV 44 consid. 2c). Les comparaisons du recourant, fondées
uniquement sur les quantités de stupéfiants, ne sont d'emblée pas
pertinentes, car celles-ci ne sont qu'un élément parmi d'autres pour fixer la
peine (ATF 121 IV 193 consid. 2b/aa). En outre, pour ce qui est des cas dont
a connu le Tribunal fédéral, le rejet d'un pourvoi en nullité du condamné
contre la quotité de la peine signifie uniquement que la peine n'a pas été
considérée trop sévère, mais non pas qu'une peine plus sévère n'eût pas aussi
été encore compatible avec le large pouvoir d'appréciation qu'accorde l'art.
63 CP. Quant à la comparaison avec la peine d'également vingt-sept mois de
réclusion prononcée contre le coaccusé X.________, elle ne démontre pas
d'inégalité critiquable. Certes, ce dernier a produit une quantité de
cannabis quatre fois supérieure; mais le recourant, contrairement au coaccusé
précité, a commis d'autres infractions en matière de stupéfiants que la seule
production de cannabis et il s'est aussi rendu coupable d'infractions
importantes contre d'autres biens juridiques. Enfin, les vingt-sept mois
infligés à X.________ sont, comme les vingt-sept mois infligés au recourant,
une peine complémentaire; mais la peine de base du premier étant de six mois
et celle du dernier de sept jours seulement, la peine complémentaire de
X.________ apparaît en réalité plus sévère que la même peine complémentaire
du recourant.

L'argument des débats politiques sur la dépénalisation de la consommation du
cannabis est également sans pertinence. Le recourant ne conteste pas avoir
connu le caractère illégal de ses activités liées à la production de chanvre.
En outre, la discussion politique portait sur une libéralisation en matière
de consommation de cannabis, non pas de production de chanvre à grande
échelle par des particuliers.

Il reste à examiner si la peine apparaît en elle-même d'une sévérité
excessive. Au vu des infractions retenues à l'encontre du recourant et des
circonstances retenues par l'autorité cantonale (cf. jugement du Tribunal
correctionnel, du 9 novembre 2005, consid. 11, p. 26 s.), tel n'est
clairement pas le cas. Il s'ensuit le rejet du moyen.

5.
Le recourant se plaint enfin d'une violation de l'art. 58 al. 1 CP. Il estime
la confiscation de la partie souterraine de la mine, bien-fonds no 838 du
cadastre de N.________, disproportionnée (arrêt cantonal, consid. 12, p. 23
ss).

Le Tribunal correctionnel avait confisqué le bien-fonds dans son entier, qui
comprend une surface de 30'000 m2, une forêt, deux hangars et une mine
souterraine. La Cour de cassation cantonale a annulé ce point du jugement et
renvoyé la cause au Tribunal correctionnel pour nouveau jugement au sens des
considérants. Elle relève que le jugement de première instance "doit en tous
les cas être cassé dans la mesure où il ordonne la confiscation de l'entier
du bien-fonds" (arrêt cantonal consid. 12b i.f., p. 24), que la question de
la confiscation est "plus délicate s'agissant de la mine elle-même" (arrêt
cantonal, consid. 12c i.i., p. 24) et que ce point doit être renvoyé au juge
du fait, la Cour de cassation cantonale "n'étant pas en état de statuer
elle-même sur la base du dossier" (arrêt cantonal, consid. 12d, p. 25). Elle
ajoute qu'il appartiendra à l'autorité de renvoi de déterminer le meilleur
moyen de procéder concrètement à la confiscation de la mine, éventuellement
dans le sens proposé par le recourant (arrêt cantonal, consid. 12d i.f., p.
25).

La portée du renvoi n'est pas très claire. On ne sait s'il signifie que le
Tribunal correctionnel doit impérativement procéder à la confiscation de la
mine en vertu de l'art. 58 CP, à charge pour lui d'en fixer les modalités, ou
s'il peut le cas échéant y renoncer. Quoi qu'il en soit, la Cour de cassation
n'a pas définitivement statué sur la confiscation et sur l'application de
l'art. 58 CP dans le cas d'espèce. Il s'ensuit l'irrecevabilité du grief qui
est prématuré.

6.
Le recourant supporte les frais de la procédure (art. 278 PPF).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Neuchâtel et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal neuchâtelois.

Lausanne, le 2 novembre 2006

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: