Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.78/2006
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{T 0/2}
5P.78/2006 /frs

Arrêt du 30 août 2006
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Jordan.

Dame Y.________,
recourante, représentée par Me Corinne Arpin, avocate,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Thomas Barth, avocat,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 20 janvier 2006.

Faits:

A.
Y. ________, né en 1971, et dame Y.________, née en 1967, se sont mariés le
15 juillet 1994. Trois enfants sont issus de cette union: A.________, né le
23 janvier 1995, B.________, né le 25 mai 1999, et C.________, née le 11 mai
2005. Y.________ a contesté être le père de cette dernière, mais ne paraît
pas avoir déposé une action en contestation de paternité.

Les conjoints vivent séparés depuis le 7 novembre 2004.

B.
Statuant le 13 octobre 2005 sur la requête de mesures protectrices de l'union
conjugale déposée par l'épouse le 12 novembre 2004, le Tribunal de première
instance du canton de Genève a autorisé les époux à vivre séparés, attribué à
la mère la jouissance exclusive du domicile conjugal et la garde des enfants,
réservé au père un droit de visite usuel et instauré une curatelle au sens
des art. 308 al. 1 et 2 CC; il a en outre condamné le mari à verser
mensuellement pour l'entretien de sa famille 1'100 fr., allocations
familiales en sus, dès le 12 novembre 2004; il a enfin prononcé la séparation
de biens.

Statuant le 20 janvier 2006 par voie de procédure accélérée sur l'appel de
l'épouse - laquelle ne contestait que le montant de la contribution
d'entretien -, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé ce
jugement, compensé les dépens d'appel et débouté les parties de toutes autres
conclusions.

C.
Dame Y.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral,
concluant à l'annulation de l'arrêt cantonal, sous suite de frais et dépens.
Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.

Invité à répondre sur la requête d'effet suspensif, l'intimé se détermine
aussi sur le fond, demandant le rejet du recours, sous suite de dépens. Il
sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. L'autorité cantonale
se réfère à ses considérants.

D.
Par ordonnance du 20 mars 2006, le Président de la IIe Cour civile du
Tribunal fédéral a refusé l'effet suspensif au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les décisions sur mesures protectrices de l'union conjugale prises en
dernière instance cantonale peuvent être déférées au Tribunal fédéral par la
voie du recours de droit public, dès lors qu'elles ne constituent pas des
décisions finales au sens de l'art. 48 OJ (ATF 127 III 474 consid. 2a et b p.
476 ss et les références citées). Formé en temps utile, le présent recours
est ainsi recevable au regard des art. 84 al. 2, 86 al. 1 et 89 OJ.

2.
Dans un recours de droit public pour arbitraire, le Tribunal fédéral ne prend
pas en considération les allégations, preuves ou faits qui n'ont pas été
soumis à l'autorité cantonale: nouveaux, ils sont irrecevables (ATF 119 II 6
consid. 4a p. 7; 118 III 37 consid. 2a p. 38). Cette jurisprudence est
également applicable à la réponse (ATF 118 précité p. 39). La cour de céans
ne tiendra ainsi pas compte des pièces nouvelles produites avec la réponse
(lettre de licenciement, photocopie d'extraits du carnet postal, relevé de
compte bancaire, avis de modification de saisie de salaire). A cet égard,
c'est en vain que l'intimé mentionne la jurisprudence publiée aux ATF 126 I
95, qui traite de la recevabilité d'un avis de droit visant à renforcer et
développer le point de vue d'une partie confirmant, en le complétant, celui
produit en instance cantonale.

3.
D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse
concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore
faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais
aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et les arrêts
cités).

En ce qui concerne l'appréciation des preuves et l'établissement des faits,
le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en
la matière à l'autorité cantonale (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40; 118 Ia 28
consid. 1b p. 30 et les références). Il n'intervient, pour violation de
l'art. 9 Cst., que si le juge du fait a abusé de ce pouvoir, en particulier
lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou qu'il n'en tient
arbitrairement pas compte, lorsque des constatations de fait sont
manifestement fausses, enfin lorsque l'appréciation des preuves est tout à
fait insoutenable (ATF 128 I 81 consid. 2 p. 86; 127 I 38 consid. 2a p. 41;
cf. aussi: ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).

Par ailleurs, en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit
contenir, sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558),
un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés, précisant en quoi consiste la violation. Dans un recours de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine que les moyens expressément soulevés et
présentés de façon claire et détaillée, le principe jura novit curia n'étant
pas applicable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31). Le justiciable qui se plaint
d'arbitraire (art. 9 Cst.) ne peut dès lors se contenter d'opposer sa thèse à
celle de l'autorité cantonale, comme il le ferait dans une procédure d'appel,
où la juridiction supérieure jouit d'une libre cognition; il doit démontrer,
par une argumentation précise, que la décision déférée se fonde sur une
application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement
insoutenables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p.
120, 185 consid. 1.6 p. 189; 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid.
1b p. 495 et la jurisprudence mentionnée).

4.
La recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des charges de
l'intimé.

4.1 Elle soutient que le montant des impôts retenu par la Cour de justice
(398 fr. 35) est contredit par la pièce 16 du chargé de son mari, dont il
résulterait que ce dernier ne s'est acquitté, en 2005, que de la somme de 600
fr. Échelonnée sur douze mois, la charge fiscale s'élèverait ainsi à 50 fr.
par mois.

Mentionnant entre parenthèses - mais sans explications - le détail de son
calcul (478 fr. X 10 : 12), la cour cantonale a fixé à 398 fr. 35 la dépense
litigieuse. Une telle constatation ne peut être taxée d'insoutenable. La
pièce citée par la recourante atteste uniquement que l'intimé n'avait, au 26
août 2005, pas versé dans les délais légaux la totalité des acomptes
provisionnels échus à cette date, lesquels s'élèvent à 478 fr., payables dix
fois par an. Elle ne signifie pas encore que l'intimé ne s'acquitte pas du
montant total des impôts dus chaque année dont l'autorité cantonale a réparti
la charge sur douze mois.

4.2 La recourante prétend qu'il est arbitraire d'imputer à l'intimé une
charge locative de 850 fr. alors même qu'il est constaté dans l'arrêt attaqué
que son conjoint n'a pas allégué participer au loyer de l'appartement qu'il
occupe avec sa mère.

Cette critique est fondée. La cour cantonale ne pouvait, sans tomber dans
l'arbitraire, constater d'une part en fait que l'intimé n'a pas justifié  la
signature du bail d'un appartement avec son amie ou le paiement d'un loyer,
ni même n'a allégué participer au loyer de l'appartement qu'il occupe avec sa
mère et compter d'autre part dans les dépenses de l'intéressé une charge
locative de 850 fr., correspondant au montant que celui-là se serait engagé à
verser à sa mère tant qu'il logerait chez elle. Au-delà de cette
contradiction, il n'est pas inutile de rappeler que la capacité contributive
doit être appréciée en fonction des charges effectives du débirentier, étant
précisé que seuls les montants réellement acquittés peuvent être pris en
considération (cf. ATF 121 III 20 consid. 3a p. 22 et les arrêts cités).

5.
La recourante critique aussi le principe d'une répartition par moitié du
solde disponible, alors même qu'elle a la garde des trois enfants. La cour
cantonale a toutefois justifié un tel partage par le fait que l'intimé doit
faire face aux dettes contractées avant la séparation pour lesquelles il fait
l'objet d'une saisie de salaire, motivation que la recourante laisse intacte,
tout comme la constatation qui la fonde (art. 90 al. 1 let. b OJ, supra
consid. 3). Partant, on ne saurait entrer en matière sur le grief.

6.
Vu ce qui précède, le recours doit être partiellement admis dans la mesure où
il est recevable et l'arrêt attaqué annulé. Il y a lieu d'admettre les
requêtes d'assistance judiciaire des parties. La condition de l'indigence est
en effet manifestement remplie tant pour la recourante que pour l'intimé;
leurs conclusions respectives n'apparaissaient en outre pas manifestement
vouées à l'échec (art. 152 al. 1 OJ). Vu l'issue du recours, les frais
judiciaires seront mis pour un tiers à la charge de la recourante et pour
deux tiers à celle de l'intimé (art. 156 al. 3 OJ), mais seront
provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral. Compte tenu de la
situation financière de l'intimé, il convient en outre de prévoir d'emblée
l'indemnisation du conseil de la recourante.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable et
l'arrêt attaqué est annulé.

2.
La demande d'assistance judiciaire de la recourante est admise et Me Corinne
Arpin, avocate, lui est désignée comme avocate d'office.

3.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et Me Thomas Barth,
avocat, lui est désigné comme avocat d'office.

4.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis pour un tiers à la charge de la
recourante et pour deux tiers à la charge de l'intimé, mais il est
provisoirement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral.

5.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de chacune des parties
une indemnité de 1'200 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 30 août 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  La Greffière: