Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.500/2006
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{T 0/2}
5P.500/2006 /mdo

Arrêt du 7 mars 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Mairot.

X. ________,
recourante, représentée par Me Alain Thévenaz, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Rémy Balli, avocat,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Palais de justice
de l'Hermitage, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (responsabilité du propriétaire, immissions),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud
du 6 septembre 2006.

Faits :

A.
La recourante X.________ et l'intimé Y.________ sont propriétaires à
Z.________, respectivement, de la parcelle n° xxx et de la parcelle contiguë
n° yyy.

A proximité de la limite séparant ces deux biens-fonds se trouve un tilleul
centenaire, dont le tronc se situe sur le terrain de la recourante. Depuis
1997, l'intimé a entreposé des matériaux au pied dudit tilleul.

Au mois de mai 2002, la recourante a constaté que les feuilles du tilleul
commençaient à jaunir, puis à tomber. Selon les experts consultés par les
parties, ce phénomène était dû soit au tassement de la zone racinaire par le
dépôt des pierres (Jean Allenbach, paysagiste, Richard Olivier, adjoint
auprès de la Station cantonale d'arboriculture à Marcelin, Nicolas Béguin, de
la société Arboriste conseil Sàrl et son associé Cédric Leuba), soit au
manque d'eau affectant la région depuis plus d'une année (Baudat SA et Urbain
Girod, pépiniéristes).

Par requête de mesures provisionnelles du 24 octobre 2002, la recourante a
conclu devant le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est
vaudois à ce qu'ordre soit donné à l'intimé, sous menace des sanctions de
l'art. 292 CP, d'enlever dans les dix jours toutes les pierres, tous les
fûts, détritus et autres objets se trouvant sur sa propriété au pied du
tilleul en cause et ce dans un rayon de cinq mètres à partir du tronc. Après
avoir procédé à une inspection locale, le président du tribunal
d'arrondissement a rejeté la requête par ordonnance du 28 novembre 2002.

B.
Le 5 janvier 2003, la recourante a ouvert action devant le président du
tribunal d'arrondissement en concluant à l'enlèvement, dans les dix jours dès
jugement définitif et exécutoire, des pierres, détritus et autres objets se
trouvant sur la parcelle de l'intimé dans un rayon de cinq mètres à partir du
tronc et à ce qu'interdiction lui soit faite d'entreposer de tels objets dans
ce périmètre, de consentir à leur dépôt ou de le tolérer, sous menace des
sanctions de l'art. 292 CP.

Le 18 mars 2003, elle a renouvelé sa requête de mesures provisionnelles, que
le président du tribunal d'arrondissement a rejetée par ordonnance du 20 mai
2003. Saisi par la requérante d'un recours en nullité, le Tribunal cantonal
vaudois l'a déclaré irrecevable par arrêt du 20 août 2003. Statuant le 16
avril 2004 sur le recours de droit public déposé par l'intéressée, le
Tribunal fédéral l'a rejeté.

Une expertise judiciaire a été confiée à Jean-Paul Dégletagne, de
l'Association Arboretum du Vallon de l'Aubonne. Dans son rapport du 14
septembre 2004, l'expert a déclaré qu'en règle générale, tout dépôt de
matériaux, remblais et autres objets était néfaste pour l'arbre, cette règle
étant toutefois contredite par l'excellente vigueur et l'équilibre de la
couronne du tilleul en question. Lors de son audition, il a précisé que le
risque lié à l'entreposage de matériaux sur les racines de l'arbre était
abstrait et que tant la vitalité que la viabilité dudit tilleul n'étaient pas
compromises par ceux-ci.

Par jugement du 12 août 2005, le Président du Tribunal civil de
l'arrondissement de l'Est vaudois a rejeté les conclusions de la demande. Il
a considéré en bref que les immissions ne sont prohibées que si elles sont
excessives (art. 679 CC) et que la responsabilité prévue par l'art. 684 CC ne
suppose que l'excès objectif du droit de propriété, sans exiger de faute du
propriétaire foncier. Jugeant que les avis des experts désignés
unilatéralement par les parties n'étaient pas probants, l'impartialité de
leurs propos n'étant pas garantie, et se fondant sur l'expertise judiciaire
du 14 septembre 2004, le juge de première instance a relevé l'absence de
risques concrets, la bonne santé, sinon l'excellente vitalité actuelle de
l'arbre pour en conclure que les immissions en cause ne pouvaient être
qualifiées d'excessives.

Par arrêt du 6 septembre 2006, notifié le 2 novembre suivant, la Chambre des
recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours interjeté
par l'intéressée et a confirmé le jugement de première instance.

C.
Agissant par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire, X.________
demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 6 septembre 2006. Des
observations n'ont pas été requises.

Le 27 décembre 2006, elle a retiré le recours en réforme interjeté contre le
même arrêt (5C.307/2006).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance
cantonale, le présent recours est recevable au regard des art. 84 al. 2, 86
al. 1 et 89 al. 1 OJ.

2.
La loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée
en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1242). La décision attaquée ayant été
rendue avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1
LTF).

3.
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement apprécié
les preuves en estimant qu'un risque certain ou très probable d'atteinte,
justifiant la protection des art. 679 ss CC, n'était pas établi. Invoquant
l'expertise judiciaire ainsi que les divers avis et témoignages recueillis,
elle soutient que le dépôt de pierres, de fûts et d'autres matériaux
appartenant à l'intimé à proximité de la limite de propriété est à tout le
moins de nature à causer un préjudice irréparable au tilleul centenaire
protégé.

3.1 En ce qui concerne l'appréciation des preuves et la constatation des
faits, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il
reconnaît en la matière aux autorités cantonales (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p.
40; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 104 Ia 381 consid. 9 p. 399); il
n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst., que si le juge n'a
manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a
omis sans motif sérieux de tenir compte d'un moyen de preuve pertinent ou
encore s'il a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions
insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41 et les
arrêts cités). Il appartient au recourant de démontrer précisément, pour
chaque constatation de fait incriminée, comment les preuves administrées
auraient dû selon lui être correctement appréciées et en quoi leur
appréciation par l'autorité cantonale est insoutenable (art. 90 al. 1 let. b
OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492
consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). Il ne suffit pas qu'une solution
différente apparaisse concevable, voire préférable; la décision attaquée
n'est, de surcroît, annulée que si elle se révèle arbitraire, non seulement
dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p.
211 et les arrêts cités).

3.2 En l'espèce, l'autorité cantonale a considéré que, dans son rapport du 14
septembre 2004, l'expert judiciaire avait certes déclaré qu'en principe, tout
dépôt de matériaux, remblais et autres objets, était néfaste pour l'arbre.
Toutefois, s'agissant du tilleul de la recourante, l'expert avait relevé
l'excellente vigueur et l'équilibre de la couronne, qui contredisaient la
règle. Si ledit expert avait admis que l'enlèvement des matériaux sous la
couronne de l'arbre était la formule la plus appropriée, que l'entreposage de
matériaux sous le périmètre de celle-ci était néfaste pour la plante et
qu'éliminer rapidement les matériaux entreposés serait évidemment la
meilleure chose à faire, il avait toutefois aussi relevé que le tilleul avait
une excellente végétation et que la chute des feuilles observée précédemment
pouvait provenir de plusieurs causes, à savoir les changements climatiques
des dernières années, un probable endommagement des racines lors de
l'entrepôt des matériaux, un traitement avec un désherbant qui avait pu avoir
un effet négatif pendant quelques années ou encore d'autres matières
résiduelles pouvant provenir des matériaux entreposés sur le sol ou dans des
fûts, ceux-ci ayant été vidés depuis lors.

Entendu à l'audience de jugement, l'expert avait précisé que le risque que
l'entreposage des matériaux endommage les racines en surface, par effet de
compression, était abstrait dans le cas particulier, l'excellente vitalité
actuelle de l'arbre, qui se développait à nouveau par rapport au passé, ne
faisant que confirmer que la viabilité et la vigueur du tilleul n'étaient pas
compromises par les matériaux entreposés sur ses racines. La Chambre des
recours en a déduit que dans ces circonstances, une atteinte aux droits du
voisin, au sens de l'art. 679 CC, n'était pas réalisée; il n'existait pas non
plus de risque certain ou très probable susceptible de justifier la
protection des art. 679 ss CC.

3.3 La recourante ne démontre pas que cette opinion procéderait d'une
appréciation arbitraire des preuves. Dans la mesure où elle affirme qu'il
résulte clairement de l'expertise judiciaire que le dépôt des matériaux
litigieux est de nature à causer un dégât irréparable au tilleul, elle fait
une lecture partielle de l'expertise en question. Son interprétation des
propos de l'expert contredit la conclusion de celui-ci selon laquelle la
viabilité et la vitalité de l'arbre ne sont, en l'occurrence, pas compromises
par les matériaux entreposés sur ses racines, la chute des feuilles observée
précédemment pouvant avoir d'autres causes. Les avis corroborant sa thèse
auxquels elle se réfère sont par ailleurs infirmés par d'autres. De toute
manière, l'autorité cantonale pouvait, sans arbitraire, se fonder sur
l'expertise judiciaire plutôt que sur des témoignages émanant d'experts
désignés unilatéralement par les parties. Enfin, le reproche adressé à
l'autorité intimée d'avoir omis de retenir que les racines de l'arbre étaient
probablement déjà endommagées par le dépôt des matériaux litigieux est sans
pertinence, dès lors qu'il résulte des preuves administrées que la vitalité
du tilleul est excellente et que celui-ci se développe à nouveau par rapport
au passé.

4.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit par conséquent être
rejeté, dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe,
supportera dès lors les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas
lieu d'allouer des dépens, des observations n'ayant pas été requises.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 mars 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: