Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.447/2006
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{T 0/2}
5P.447/2006 /frs

Arrêt du 11 décembre 2006
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

X. ________,
recourant, représenté par Me Irène Buche, avocate,

contre

Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst. (maintien d'une interdiction),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève
du 15 septembre 2006.

Faits :

A.
Par ordonnance du 18 septembre 2002, le Tribunal tutélaire de la République
et canton de Genève a prononcé l'interdiction de X.________, né le 1er
janvier 1925. Il s'est fondé sur une expertise psychiatrique du 18 avril
2001, qui concluait à l'existence de troubles délirants persistants dans une
personnalité à traits paranoïaques, accompagnés de décompensation thymique.
La Cour de justice, saisie d'un appel interjeté par X.________, a confirmé
cette décision par arrêt du 14 février 2003. Le 22 avril 2003, le Tribunal
fédéral a déclaré irrecevable le recours de droit public formé par
l'intéressé.

B.
Le 11 octobre 2004, X.________ a demandé la mainlevée de son interdiction.
Selon les conclusions de l'expertise psychiatrique établie par le Dr
N.________, médecin auprès de l'Institut universitaire de médecine légale,
l'intéressé souffre de troubles délirants persistants et d'un trouble de la
personnalité de type paranoïaque. Sa maladie mentale qui se manifeste en
particulier par des symptômes d'accumulation pathologique d'objets divers
(syndrome de Diogène), le rend incapable de gérer ses affaires et nécessite
des soins psychiatriques et secours permanents non seulement pour
l'administration d'un éventuel traitement, mais également pour l'assister
dans tous les actes de la vie quotidienne. Le rapport préconisait notamment
une privation de liberté à des fins d'assistance. Entendu lors d'une audience
tenue le 30 juin 2005, le Dr N.________ a confirmé les conclusions de son
rapport et s'est opposé à la levée de la tutelle.

Le Tribunal tutélaire a également entendu la Dresse C.________, médecin
psychiatre qui suit X.________ depuis mai 2000, au rythme d'une ou deux
consultations tous les quinze jours. Ce médecin a posé le diagnostic de
troubles de la personnalité de type paranoïaque, mais ne confirme pas
l'existence de troubles délirants. Selon elle, le syndrome de Diogène dont
souffre le patient ne constitue pas une maladie mentale et ne l'empêche pas
de vivre de manière indépendante dans un appartement; dans ce cas, elle
recommande que le patient fasse l'objet d'une visite mensuelle afin de
vérifier ses conditions de vie.
Le 14 février 2006, le Tribunal tutélaire a rejeté la requête de mainlevée de
l'interdiction et prononcé la privation de liberté à des fins d'assistance de
l'intéressé, qui a été intégré, le 26 février 2006, à la Clinique de
Belle-Idée.

C.
Contre ces deux mesures, X.________ a recouru à la Cour de justice. Le 13
mars 2006, cette autorité a confirmé la privation de liberté à des fins
d'assistance. Lors de l'audience du 23 juin 2006, X.________ a déposé un
rapport établi le 6 mai 2006 par le Dr G.________, médecin adjoint au Service
de Psychiatrie gériatrique de la clinique de Belle-Idée. Selon ce
spécialiste, X.________ ne souffre d'aucun trouble psychiatrique aigu, ni de
trouble délirant persistant. Les symptômes observés (susceptibilité
importante au regard de l'autre, sentiment rapidement présent d'être agressé
et attaqué et vive réaction à cette perception d'attaque) lui permettent de
confirmer l'existence d'un trouble de la personnalité de type paranoïaque,
pour lequel il n'existe aucun traitement médicamenteux. Il souligne également
que l'accumulation d'objets ne représente pas une pathologie reconnue et
traitable et n'empêche pas le patient de prendre soin de lui dans un lieu de
vie choisi par l'intéressé.

Par arrêt du 15 septembre 2006, la Cour de justice a rejeté l'appel,
confirmant la décision du Tribunal tutélaire en ce qui concerne le maintien
de la mesure d'interdiction.

D.
Contre cet arrêt, X.________ interjette un recours de droit public au
Tribunal fédéral, concluant principalement à son annulation et,
subsidiairement, à la mainlevée de son interdiction après la mise en oeuvre
d'une contre-expertise par un médecin indépendant exerçant hors du canton de
Genève.

Il requiert d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire.

L'autorité cantonale n'a pas été invitée à déposer d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 et 32 al. 2 OJ; art. 1 de la loi
fédérale sur la supputation des délais comprenant un samedi; RS 173.110.3)
contre une décision finale (cf. art. 87 OJ) prise en dernière instance
cantonale (art. 86 al. 1 OJ), le recours est recevable au regard de ces
dispositions. Il l'est aussi du chef de l'art. 84 al 2 OJ, l'appréciation des
preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne pouvant être
critiquée que par la voie du recours de droit public pour arbitraire (cf.
consid. 2 et 3 infra; ATF 129 III 618 consid. 3; 119 II 84 et les arrêts
cités).

1.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit
public est de nature cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la
décision attaquée (ATF 125 I 104 consid. 1b et les références). Les
conclusions du recourant qui sortent de ce cadre sont donc irrecevables.

2.
Le recourant fait valoir une violation de son droit constitutionnel à être
entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Il reproche à l'autorité cantonale de ne pas
avoir donné suite à sa requête de contre-expertise psychiatrique.

Dans les contestations civiles, le droit à la preuve découle directement de
l'art. 8 CC (ATF 114 II 289 consid. 2a et les arrêts cités; 129 III 18
consid. 2.6; 126 III 315 consid. 4a). Le grief de violation du droit à la
preuve peut ainsi être soulevé par la voie du recours en réforme (art. 43 al.
1 OJ) lorsque, comme en l'espèce, celui-ci est ouvert; il ne saurait par
conséquent l'être dans un recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ). En
revanche, lorsque le juge renonce à administrer une preuve sur la base d'une
appréciation anticipée des preuves, c'est bien la voie du recours de droit
public qui est ouverte pour se plaindre du caractère arbitraire d'une telle
appréciation (art. 9 Cst.; ATF 114 II 289 consid. 2a et les arrêts cités; 131
I 153 consid. 3 et les arrêts cités).
En l'espèce, la cour cantonale a refusé d'ordonner la mise en oeuvre d'une
contre-expertise car elle a estimé que les faits pertinents  étaient établis
par l'expertise judiciaire, ainsi que par les avis de la Dresse C.________ et
du Dr G.________. Ce faisant, elle a procédé à une appréciation anticipée des
preuves, qui ne peut être critiquée que sous l'angle d'une violation de
l'art. 9 Cst. En tant qu'il est tiré de l'art. 29 al. 2 Cst., le grief est
irrecevable.

3.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves effectuée
par l'autorité cantonale.

3.1 De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral reconnaît au juge du fait
un large pouvoir d'appréciation (ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 118 Ia 28 consid.
1b). Il n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst., que si l'autorité
cantonale abuse de ce pouvoir, en particulier lorsqu'elle ne prend pas en
compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la
décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un
tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des
éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 124 I 208 consid. 4a; 118 Ia 28
consid. 1b; 112 Ia 369 consid. 3). Il appartient au recourant de démontrer
précisément, pour chaque constatation de fait incriminée, comment les preuves
administrées auraient selon lui dû être correctement appréciées et en quoi
leur appréciation par l'autorité cantonale procède d'une appréciation
insoutenable du résultat de l'administration des preuves ou est en
contradiction évidente avec les pièces du dossier (art. 90 al. 1 let. b OJ).

3.2 Le recourant fait d'abord grief à l'autorité cantonale d'avoir retenu les
conclusions de l'expert judiciaire sur le diagnostic; il lui reproche d'avoir
écarté les avis de la Dresse C.________ et du Dr G.________ qui seraient
parvenus, selon lui, à des conclusions différentes.
En l'espèce, l'autorité cantonale a retenu que le recourant présentait un
trouble de la personnalité de type paranoïaque. Pour ce faire, elle ne s'est
pas fondée seulement sur Ie rapport de l'expert judiciaire, mais aussi sur
les avis de la Dresse C.________ et du Dr G.________, qui concordaient sur
cette question avec le Dr N._________. Elle a aussi relevé que l'expert qui
s'était prononcé le 18 avril 2001 dans la procédure d'interdiction avait posé
le même diagnostic. Conformément aux conclusions des deux médecins traitants
du recourant, la Cour n'a pas retenu l'existence de troubles délirants, ni le
besoin d'un traitement médicamenteux. Le reproche adressé à l'autorité
cantonale d'avoir ignoré les opinions de la Dresse C.________ et du Dr
G.________ est donc injustifié. Par ailleurs, dans la mesure où les quatre
médecins qui ont examiné le recourant s'accordaient sur l'existence d'un
trouble de la personnalité de type paranoïaque, il n'était pas arbitraire de
la part de la cour cantonale de s'en tenir à ce diagnostic, sans ordonner de
contre-expertise. Le grief soulevé doit donc être rejeté.

3.3 Le recourant reproche ensuite à l'autorité cantonale d'avoir constaté que
le trouble de la personnalité dont il souffrait l'empêchait de gérer
convenablement ses affaires.

Cette critique est irrecevable car le recourant n'entreprend pas de
démontrer, par une argumentation précise, en quoi la constatation incriminée
serait arbitraire. Il se borne à affirmer de manière générale que la Cour de
justice n'aurait pas tenu compte des explications données par la Dresse
C.________ et le Dr G.________, pour substituer sa propre appréciation à
celle de la cour cantonale, ce qui est insuffisant au regard des exigences
posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Au demeurant, ces deux médecins ne se
sont pas prononcés sur le bien-fondé de la mesure d'interdiction; ils se sont
opposés uniquement à la mesure de privation de liberté à des fins
d'assistance, car selon eux, les troubles présentés par l'intéressé ne
l'empêchent pas de vivre hors d'une institution, dans un lieu de vie qu'il
aurait choisi lui-même, ce qui ne signifie pas encore que l'intéressé soit
capable de gérer ses affaires au sens de l'art. 369 CC.

En définitive, le reproche fait à la cour cantonale d'avoir confirmé un
jugement insoutenable, car fondé sur une expertise judiciaire non concluante,
tombe à faux.

4.
En conclusion, le recours se révèle manifestement mal fondé et doit être
rejeté, dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 156
al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 159 al. 2 OJ). Quant à
la requête d'assistance judiciaire fondée sur l'art. 152 OJ, elle doit être
rejetée, dès lors que le recours apparaissait d'emblée voué à l'échec au sens
de cette disposition.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 500 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à la Chambre civile
de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 11 décembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: