Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.443/2006
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{T 0/2}
5P.443/2006 /frs

Arrêt du 18 décembre 2006
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

Dame Y.________,
recourante, représentée par Me Daniel A. Meyer, avocat,

contre

A.________ et B.________,
intimés, représentés par Me Philippe H. Ehrenström, avocat,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst. (entretien d'enfants majeurs),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève du
15 septembre 2006.

Faits:

A.
A.a Par jugement du 2 mai 2002, le Tribunal de première instance de Genève a
prononcé le divorce des époux X.________, né le 1er mai 1943, et dame
Y.________, née le 29 avril 1959; il a attribué à la mère la garde et
l'autorité parentale sur les enfants A.________, né le 13 mai 1984, et
B.________, né le 9 janvier 1987.

A.b Fin mai 2003, dame Y.________ a rencontré Y.________, qu'elle a épousé le
11 décembre 2004. A la suite de divers incidents entre celui-ci, d'une part,
et B.________ et A.________, d'autre part, les deux garçons se sont installés
chez leur père, le premier en août 2003 et le second en mars 2004.

A. ________ a obtenu la maturité en juin 2003; il a ensuite suivi des cours
de comptabilité de fin août à fin septembre 2004; il a commencé des études
universitaires au semestre d'hiver 2004/2005 afin d'obtenir une licence en
sciences économiques et commerciales, et a passé les examens de la session
d'hiver 2005; il suit 20-30 heures de cours par semaine et accomplit un
important travail d'étude à domicile. En mai 2005, son frère B.________
fréquentait la troisième année au Collège de Saussure; après l'obtention de
sa maturité, il envisage d'entreprendre des études à la Faculté des sciences
sociales et économiques.

B.
Les 11 janvier et 7 avril 2005, A.________ et B.________ ont respectivement
introduit action contre leur mère devant le Tribunal de première instance de
Genève, en concluant chacun au paiement d'une contribution d'entretien de
1'250 fr. par mois. Les deux causes ont été jointes.

Par jugement du 10 novembre 2005, le Tribunal de première instance de Genève
a condamné dame Y.________ à verser à titre de contribution d'entretien, par
mois et d'avance, 760 fr. à A.________ à partir du 11 janvier 2004 et 750 fr.
à B.________ à partir du 7 avril 2004, aussi longtemps qu'ils poursuivront
des études sérieuses et régulières, mais au plus tard jusqu'à leur 25ème
anniversaire, lesdites pensions étant de surcroît indexées au coût de la vie.
Statuant le 15 septembre 2006, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève a confirmé cette décision.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pour
violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst., dame Y.________ conclut à l'annulation
de cet arrêt. Des observations n'ont pas été requises.

D.
La recourante a déposé parallèlement un recours en réforme.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément au principe posé à l'art. 57 al. 5 OJ, auquel il n'y a pas lieu
de déroger en l'occurrence (cf. ATF 122 I 81 consid. 1 p. 82/83), le recours
de droit public doit être examiné en premier.

2.
Le Tribunal fédéral vérifie d'office et librement la recevabilité du recours
dont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292).

2.1 Déposé en temps utile à l'encontre d'une décision finale rendue en
dernière instance cantonale, le présent recours est ouvert au regard des art.
86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

2.2 Vu la nature en principe cassatoire du recours de droit public (sur ce
point: ATF 124 I 327 consid. 4 p. 332 ss et les arrêts cités), le chef de
conclusions tendant à ce que les intimés soient déboutés de toutes leurs
conclusions est irrecevable.

3.
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue au sens
de l'art. 29 al. 2 Cst.; elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir refusé
de procéder à l'audition de Y.________, alors que son témoignage revêtait un
intérêt primordial pour apprécier les relations personnelles entre elle et
ses enfants.

3.1 Le droit d'être entendu étant une garantie de procédure de nature
formelle, dont la violation est sanctionnée par l'annulation de la décision
attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 127
V 431 consid. 3d/aa p. 437), ce moyen doit être examiné au préalable (ATF 124
I 49 consid. 1 p. 50).

3.2 A l'instar de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 108 Ia 293 consid. 4c p. 294),
l'art. 8 CC accorde au justiciable le droit de fournir des preuves quant aux
faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 114 II 289 consid.
2a p. 290; Hohl, Procédure civile, t. I, n. 1135 ss, avec d'autres
citations). Cette dernière norme est une disposition fédérale en matière de
preuve selon l'art. 63 al. 2 OJ, en sorte que sa transgression peut être
dénoncée à l'appui d'un recours en réforme lorsque - comme en l'espèce -
celui-ci est ouvert (Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, vol. II, n. 4.4.1 et 4.4.3 ad art. 43 OJ et les arrêts cités).
Partant, le moyen apparaît irrecevable dans cette mesure (art. 84 al. 2 OJ).

Au demeurant, la juridiction précédente a estimé que, dès lors que les faits
constatés permettaient de conclure que la rupture des relations personnelles
entre les parties n'était pas exclusivement imputable aux intimés,
l'ouverture d'enquêtes et l'audition du prénommé n'étaient pas nécessaires.
Or, la jurisprudence a rappelé à maintes reprises qu'une pareille
appréciation anticipée des preuves n'enfreint pas le droit d'être entendu
(ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 428/429 et les nombreux arrêts mentionnés),
mais peut être critiquée au titre de l'arbitraire (ATF 115 Ia 8 consid. 3a p.
11/12 et la jurisprudence citée), grief que la recourante a du reste soulevé
(cf. infra, consid. 4).

4.
La recourante soutient, en outre, que les juges cantonaux ont commis
arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves.

4.1 De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral se montre réservé en
matière d'établissement des faits et d'appréciation des preuves, vu le large
pouvoir qu'il reconnaît aux juridictions cantonales (ATF 104 Ia 381 consid. 9
p. 399 et les références citées); il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst.,
que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen
de preuve, s'il a omis sans motifs objectifs de tenir compte d'un moyen de
preuve pertinent ou encore s'il a effectué, sur la base des éléments
recueillis, des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).

Conformément à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir,
sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4a p. 558), un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste cette violation. Saisi d'un recours de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et
présentés de façon claire et détaillée, le principe iura novit curia étant
inapplicable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31). Le justiciable qui se plaint
d'arbitraire (art. 9 Cst.) ne peut, dès lors, se contenter de critiquer la
décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où la juridiction
supérieure dispose d'une libre cognition; en particulier, il ne saurait se
borner à opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit
démontrer par une argumentation précise que cette décision repose sur une
appréciation insoutenable des preuves (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262;
125 I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée).

4.2 En l'espèce, la Cour de justice a retenu que le relâchement, puis la
rupture, des relations personnelles entre la recourante et les intimés
trouvaient leur origine dans les altercations ayant éclaté entre ceux-ci et
le nouvel époux de celle-là. Les circonstances de ces événements démontraient
que tant les enfants que le mari endossaient une part de responsabilité dans
la survenance de ces disputes, sans qu'il y ait lieu de rechercher lequel des
protagonistes y avait contribué de manière prépondérante. Par conséquent, la
rupture des relations personnelles ne pouvait être imputée à la seule faute
des intimés. Comme les faits constatés permettaient de conclure que la
désunion n'incombait pas exclusivement à ces derniers, l'ouverture d'enquêtes
et l'interrogatoire du mari ne s'avéraient pas nécessaires.

En tant qu'il est dirigé à l'encontre de cette appréciation des preuves (cf.
supra, consid. 3.2), le grief est irrecevable; la recourante ne réfute
aucunement les motifs de l'autorité cantonale, mais se limite à exposer sa
propre argumentation. Par ailleurs, il est manifestement erroné de prétendre
que la juridiction cantonale se serait ralliée à la version des intimés
lorsqu'ils ont affirmé "que l'absence des relations personnelles était due au
seul comportement de M. Y.________"; les juges d'appel ont admis, au
contraire, qu'aucun des protagonistes n'assumait l'entière responsabilité de
la désunion. Pour le surplus, la recourante n'indique pas quels éléments du
dossier contrediraient "l'établissement des faits et l'appréciation des
preuves" incriminés, pas plus qu'elle n'explique en quoi résiderait le
"contexte ayant entouré les incidents" litigieux ou "l'attitude et la
véritable intention" de son mari. Il s'ensuit que le moyen est entièrement
irrecevable.

5.
En conclusion, le présent recours doit être déclaré irrecevable, aux frais de
la recourante (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux
intimés, qui n'ont pas été invités à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 18 décembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: