Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.438/2006
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{T 0/2}
5P.438/2006 /frs

Arrêt du 17 janvier 2007
IIe Cour de droit civil

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Escher.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

X. ________,
recourant,

contre

Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour de modération, case postale 56,
1702 Fribourg.

rémunération d'avocat d'office,

recours de droit public [OJ] contre l'arrêt de la Cour de modération du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg
du 15 septembre 2006.

Faits :

A.
Dans le cadre d'une procédure de divorce avec accord complet, le Président du
Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a, le 2 novembre 2005,
octroyé à dame Y.________ l'assistance judiciaire et désigné Me X.________ en
qualité de défenseur d'office. Par jugement définitif et exécutoire du 15
février 2006, le Président du Tribunal a prononcé le divorce des époux
Y.________ et a homologué la convention sur les effets accessoires.

B.
Par décision du 27 juin 2006, le Président du Tribunal civil de
l'arrondissement de la Sarine a fixé l'indemnité globale équitable due à Me
X.________ à 2'800 fr. Il a relevé que l'art. 1 al. 2 du Tarif du 14 juin
2000 concernant les indemnités allouées aux défenseurs en matière
d'assistance judiciaire au civil et au pénal et d'aide aux victimes
d'infractions prévoyait une indemnité horaire de 150 fr. en cas de fixation
sur la base d'une liste détaillée. Il a déclaré ce montant inconstitutionnel
et a appliqué un tarif horaire de 180 fr. en se référant à l'ATF 132 I 201
dans lequel le Tribunal fédéral a arrêté ce tarif comme règle de base pour la
rémunération des mandats d'office.

C.
Le Service de justice du canton de Fribourg a recouru à la Cour de modération
du Tribunal cantonal contre la décision du 27 juin 2006. Le 15 septembre
2006, la cour cantonale a admis le recours et a fixé l'indemnité globale de
Me X.________ en se fondant sur un tarif horaire de 150 fr.

D.
X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 15 septembre 2006 pour arbitraire (art. 9 Cst.) et violation de la
liberté économique (art. 27 Cst.). Il conclut, avec suite de frais et dépens,
à son annulation.

La Cour de modération n'a pas formulé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1; 131 II 58 consid. 1).

Interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement
protégés, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al.
1 OJ.

2.
Les juges de la Cour de modération se sont, sur le principe, ralliés à  l'ATF
132 I 201. Ils ont toutefois exposé que, d'une part, le 14 février 2006, le
Tribunal fédéral avait maintenu sa pratique antérieure posant comme exigence
que l'indemnité allouée au défenseur d'office devait couvrir au minimum les
frais généraux de l'avocat (arrêt 1P.713/2005 du 14 février 2006). D'autre
part, ils ont relevé que la modification de la jurisprudence n'était
intervenue qu'au début du mois de mars 2006. Ils en ont déduit que la
rétribution de 180 fr. était applicable uniquement pour les opérations que le
défenseur d'office avait effectuées à partir du 1er mars 2006. Dès lors qu'en
l'espèce, Me X.________ avait fourni des prestations jusqu'au 16 février
2006, le premier juge avait appliqué à tort le tarif horaire de 180 fr.
L'arrêt attaqué repose ainsi sur une double motivation.

3.
Le recourant tient pour arbitraire l'indemnité qui lui a été allouée. Selon
lui, dans l'arrêt du 14 février 2006 (arrêt 1P.713/2005), le Tribunal fédéral
n'a pas maintenu sa pratique antérieure posant comme exigence que l'indemnité
allouée au défenseur d'office devait au moins couvrir les frais généraux de
l'avocat. Il souligne que, dans cette affaire, le recourant avait fait valoir
l'insuffisance du tarif horaire de 150 fr., mais que le Tribunal fédéral
avait déclaré le grief irrecevable pour le motif qu'il n'avait pas été
soulevé devant la cour cantonale. Le recourant estime par conséquent
insoutenable de limiter l'effet rétroactif de la nouvelle jurisprudence
fédérale au 1er mars 2006 en raison d'un prétendu maintien de la pratique
antérieure.

3.1 Une décision n'est annulée pour cause d'arbitraire que lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction avec la
situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation formulée soit
insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son
résultat (ATF 131 I 217 consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1, 173 consid. 3.1).
3.2 En l'espèce, le reproche du recourant est fondé; dans l'arrêt en
question, le Tribunal fédéral n'a pas examiné sur le fond la
constitutionnalité du tarif horaire de 150 fr., mais a déclaré le grief y
relatif irrecevable pour le motif, d'une part, qu'il n'avait pas été invoqué
devant les instances cantonales et, d'autre part, qu'il n'était pas
suffisamment motivé au regard de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Le moyen du
recourant doit donc être admis. Toutefois, l'arrêt ne sera annulé que si la
seconde motivation ne résiste pas non plus à l'examen.

4.
Le recourant fait valoir que, selon l'ATF 132 I 201, le tarif horaire de 150
fr. n'est plus compatible avec l'interdiction de l'arbitraire et,
indirectement, avec la liberté économique (art. 27 Cst.), dans la mesure où
une indemnité horaire de 150 fr. n'assure plus une rémunération suffisante à
l'avocat d'office. Tel était déjà le cas en 2003 puisque le Tribunal fédéral
s'est fondé sur l'enquête de l'Université de St-Gall effectuée à la demande
de la Fédération suisse des avocats et prenant en compte les chiffres de
2003. Le recourant précise que le Tribunal fédéral a certes indexé les
chiffres, mais que cette indexation ne s'élève qu'à 4 fr. Il expose que, dans
l'ATF 132 I 201, le cas portait sur un tarif horaire de 150 fr. adopté par le
Grand Conseil du canton d'Argovie le 26 août 2003 et, qu'aux termes de cet
arrêt, toute rémunération fixée à 150 fr. l'heure depuis cette date, dans le
canton d'Argovie, est insuffisante. Le recourant ajoute que le Tribunal
fédéral a confirmé cette nouvelle jurisprudence dans un arrêt du 27 juin 2006
(2P.76/2005) en annulant une décision fixant la rémunération d'un défenseur
d'office à 150 fr. l'heure en application du tarif en vigueur dans le canton
de Glaris. Il précise que, dans cette affaire, les opérations à rémunérer,
antérieures au 15 février 2005, avaient probablement été effectuées en 2004.
Selon lui, la limitation au 1er mars de l'application de la rémunération de
180 fr., qui s'impose selon la nouvelle jurisprudence, ne trouve aucun
fondement dans les arrêts fédéraux cités et viole, de manière arbitraire, le
droit du recourant à une indemnité équitable.

4.1 Dans l'ATF 132 I 201, qui concernait le canton d'Argovie, dans lequel la
rémunération de l'avocat d'office était fixée à 150 fr. de l'heure, le
Tribunal fédéral a estimé qu'il ne se justifiait plus de limiter la
rémunération des défenseurs d'office au seul remboursement de leurs frais.
L'indemnisation pour les mandats d'office doit être déterminée de telle sorte
qu'il soit possible aux avocats de réaliser un gain modeste et non uniquement
symbolique. Le Tribunal fédéral a considéré qu'il fallait partir d'un tarif
horaire de l'ordre de 180 fr. comme règle de base. En se fondant sur deux
rapports dont les chiffres datent de 2003, il a constaté que les charges
horaires moyennes étaient d'environ 130 fr., comprenant la prévoyance
professionnelle, les assurances sociales et l'assurance d'indemnité
journalière de maladie (Urs Frey/Heiko Bergmann, Bericht : Studie
Praxiskosten des Schweizerischen Anwaltsverbandes, Schweizerisches Institut
für Klein- und Mittelunternehmen der Universität St. Gallen, 31 mars 2005, p.
26 ss; cf aussi Bruno Pellegrini, Umfrage bei den Schweizer Anwältinnen und
Anwälten zu den Praxiskosten, in : Revue des avocats 2005, p. 315). Il a par
conséquent estimé qu'une rétribution de 150 fr. par heure n'était pas
conforme à la constitution. Dans un arrêt postérieur se rapportant au canton
de Glaris, un tarif horaire de 150 fr. a ainsi été jugé insuffisant (arrêt
2P.76/2005 du 27 juin 2006).

4.2 En l'espèce, le grief du recourant doit être admis. La Cour de modération
est tombée dans l'arbitraire en refusant d'appliquer la nouvelle
jurisprudence en matière d'indemnisation des mandats d'office. En effet,
cette jurisprudence se rapporte à des situations de fait datant de 2003 et de
2004, alors que les opérations que le recourant a entreprises se situent
entre le 2 novembre 2005 et le 16 février 2006, soit à une époque
postérieure, ce que la cour cantonale a ignoré. Les réflexions et
constatations concernant l'indemnité équitable due pour des opérations se
situant en 2003/2004 valent également pour celles entreprises en 2005/2006.
La décision de la Cour de modération heurte d'une manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité; elle est manifestement insoutenable.

5.
En conclusion, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué doit être
annulé. Aucun frais n'est mis à la charge du canton de Fribourg (art. 156 al.
2 OJ), qui versera au recourant une indemnité à titre de dépens (ATF 125 II
518 consid. 5b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Le canton de Fribourg versera au recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre
de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à la
Cour de modération du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 17 janvier 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: