Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.425/2006
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{T 0/2}
5P.425/2006 /frs

Arrêt du 27 novembre 2006
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Rey-Mermet.

X. ________,
recourant, représenté par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat,

contre

Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

Art. 9 et 29 Cst. (assistance judiciaire),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 30 août 2006.

Faits:

A.
Le 8 juin 2006, X.________ a interjeté appel auprès de la Cour de justice du
canton de Genève contre un jugement du Tribunal de première instance de
Genève du 18 mai 2006 statuant sur requête de mesures protectrices de l'union
conjugale.

Par courrier du 19 juin 2006, le greffe de la Cour de justice a imparti à
l'appelant un délai de trente jours pour verser l'émolument prévu par l'art.
12f du règlement genevois fixant le tarif des greffes en matière civile du 9
avril 1997, soit 300 fr., sous peine d'irrecevabilité de l'appel (ci-après:
RTG/GE; RSG E 3 05.10).

B.
Le 5 juillet 2006, X.________ a sollicité le bénéfice de l'assistance
juridique pour la procédure d'appel, signalant qu'il avait reçu une demande
d'avance de 300 fr. en relation avec cette procédure.

Le 13 juillet 2006, le Vice-président du Tribunal de première instance de
Genève l'a mis au bénéfice de l'assistance juridique avec effet au  5 juillet
2006, limitée à 10 heures d'avocat d'office au maximum, et a nommé Me
Pierre-Bernard Petitat en qualité d'avocat d'office. Le magistrat a précisé
que la demande d'effet rétroactif au 8 juin 2006 était rejetée, car aucune
circonstance particulière ne justifiait une dérogation au principe fixé par
l'art. 5 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique du 18 mars 1996
(ci-après : RAG/GE; RSG E 2 05.04).

Par arrêt du 30 août 2006, la Cour de justice a déclaré l'appel irrecevable
au motif que l'émolument n'avait pas été versé dans le délai imparti.

C.
Agissant le 10 octobre 2006 par la voie du recours de droit public en se
plaignant d'une application arbitraire du droit cantonal de procédure (art. 9
Cst.), de violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9
Cst.) et de déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.), X.________ demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice, avec suite de
dépens.
L'intimée n'a pas été invitée à déposer d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit :

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1; 131 II 571 consid. 1).

1.1 Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87
et 89 OJ.

1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir,
sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d), un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste la violation. Dans un recours de droit public, le
Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et exposés de
façon claire et détaillée (ATF 130 I 26 consid. 2.1, 258 consid. 1.3). Le
principe jura novit curia est inapplicable (ATF 125 I 71 consid. 1c). Le
justiciable qui exerce un recours de droit public pour arbitraire ne peut dès
lors se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en
procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il
ne peut, en particulier, se contenter d'opposer son opinion à celle de
l'autorité cantonale, mais il doit démontrer, par une argumentation précise,
que cette décision repose sur une application de la loi ou une appréciation
des preuves manifestement insoutenable (ATF 129 I 113 consid. 2.1; 128 I 295
consid. 7a; 125 I 492 consid. 1b et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral
n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 130 I
258 consid. 1.3; 125 I 492 précité).

2.
Le recourant prétend que le jugement d'irrecevabilité procéderait d'une
application arbitraire du droit cantonal. Il reproche plus précisément à la
Cour de justice d'avoir méconnu l'art. 6 RTG/GE et d'avoir ainsi considéré
qu'il était tenu de verser l'avance de frais de 300 francs. Il estime qu'il
était dispensé de cette obligation car il était au bénéfice de l'assistance
judiciaire dès le 5 juillet 2006 et qu'à cette date, le délai pour verser
l'avance de frais courait toujours.

2.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une règle de droit ou un principe juridique clair et indiscuté ou
lorsqu'elle contredit de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité (ATF 131 I 57 consid. 2; 128 I 273 consid. 2.1 et les arrêts cités).
Arbitraire et violation de la loi ne sauraient être confondus; une violation
doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme
arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est
l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des
dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui
a été faite est défendable. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 132 III 209
consid. 2.1 et les arrêts cités).

2.2 En droit genevois, l'art. 121 de la loi d'organisation judiciaire du 22
novembre 1941 (ci-après : LOJ/GE; RSG E 2 05) dispose que les parties
avancent au greffe les émoluments fixés réglementairement. Selon l'art. 2 al.
2 du règlement édicté par le Conseil d'Etat conformément à l'art. 120 al. 1
LOJ/GE, les émoluments sont perçus, sauf disposition contraire, en première
et en deuxième instances. L'émolument de mise au rôle et les sûretés
destinées à garantir le paiement de l'émolument complémentaire ou de décision
sont perçus auprès de la partie demanderesse, sous peine d'irrecevabilité de
la demande (art. 3 al. 1 RTG/GE). Toutefois, la partie ayant sollicité
l'assistance juridique est provisoirement dispensée d'avancer ces émoluments
jusqu'à droit jugé sur sa demande d'assistance juridique (art. 6 al. 2
RTG/GE). Si elle est mise au bénéfice de l'assistance juridique, elle
n'acquitte pas les émoluments dont elle a été dispensée (art. 6 al. 1
RTG/GE). Dans le canton de Genève, la décision octroyant l'assistance
juridique rétroagit, en règle générale, au jour du dépôt de la requête (art.
5 RAG/GE).

2.3 En l'espèce, bien qu'elle soit muette à cet égard, la Cour de justice a
retenu implicitement que la décision d'assistance judiciaire du 13 juillet
2006 ne dispensait pas le recourant de verser l'avance de 300 francs. Par sa
critique, le recourant ne fait qu'opposer sa thèse à celle de l'autorité
cantonale. Il ne démontre nullement en quoi une telle interprétation de
l'art. 6 RAG serait arbitraire. Son grief paraît dès lors irrecevable au
regard des exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Supposé
recevable, il devrait être rejeté pour le motif suivant.

L'art. 6 RAG vise les cas où une demande d'assistance juridique est déposée
après que le plaideur a reçu une demande d'avance. Cette disposition précise
que, durant le traitement de la demande d'assistance juridique, le plaideur
est provisoirement dispensé du versement de l'avance (al. 1) et qu'en cas
d'admission de sa demande, il n'est pas tenu de verser les avances qui lui
ont été réclamées (al. 2). A contrario, cela signifie que, lorsque
l'assistance juridique relative à la dispense d'avance est rejetée, le
plaideur reste tenu de verser l'avance qui lui a été réclamée avant le dépôt
de sa demande d'assistance. Dans ces circonstances, il n'était dès lors pas
arbitraire de la part de la Cour de Justice de considérer que le recourant
devait verser l'avance de frais de 300 francs.

3.
Le recourant estime que l'autorité cantonale a violé les art. 9 et 29 al. 1
et 2 Cst. en déclarant son appel irrecevable et en la privant ainsi d'un
examen de la cause au fond. En tant qu'il se plaint d'un déni de justice
formel, son grief sera examiné à l'aune de l'art. 29 al. 1 Cst.

3.1 Il y a déni de justice formel au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. lorsqu'une
autorité n'applique pas ou applique de manière incorrecte une règle de
procédure de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui,
normalement, y aurait droit (Jean-François Aubert/Pascal Mahon, Petit
commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18
avril 1999, p. 265/266 et les références citées en note; cf. ATF 117 Ia 116
consid. 3a et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement ce
grief, en accordant une importance particulière aux circonstances du cas (ATF
128 II 139 consid. 2a; 127 I 31 consid. 2a/bb; 125 I 166 consid. 3a et 3d;
121 I 177 consid. 2b/aa et les références citées).

L'art. 29 al. 1 Cst. vise en particulier l'interdiction du formalisme
excessif. Il y a notamment formalisme excessif lorsqu'une autorité sanctionne
d'irrecevabilité un acte contenant des vices formels qui pourraient aisément
être corrigés sans que cela entraîne des longueurs ou des opérations
superflues. Selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 4 aCst.,
qui garde toute sa valeur sous l'empire de l'art. 29 al. 1 Cst., la sanction
de l'irrecevabilité d'un recours pour absence de paiement à temps de l'avance
de frais ne procède en principe pas d'un excès de formalisme (ATF 104 Ia 112,
96 I 521 consid. 4; cf. Jean-François Egli, La protection de la bonne foi
dans le procès, in : Juridiction constitutionnelle et juridiction
administrative, Zurich 1992, p. 234 et les arrêts non publiés cités). On
retrouve le même principe en droit fédéral (art. 150 al. 4 OJ) et dans la
plupart des procédures cantonales (Jean-François Poudret, Commentaire de la
loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, Berne 1992, n. 4 ad
art. 150). Il faut cependant que le plaideur soit averti de façon appropriée
du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences
de l'inobservation de ce délai (ATF 96 I 521; cf. aussi ATF 104 Ia 105
consid. 5). Dans l'ATF 96 précité, le Tribunal fédéral a considéré que
l'autorité de recours ne pouvait se contenter de renvoyer aux dispositions
légales applicables à l'avance de frais, mais devait indiquer à la partie le
montant de l'émolument à verser, sous peine de commettre un déni de justice
si elle n'entrait pas en matière pour le motif que l'avance de frais n'avait
pas été faite conformément aux prescriptions légales.

3.2 En l'espèce, le courrier du 19 juin 2006 impartissait au recourant un
délai de trente jours pour s'acquitter d'une avance de 300 francs; il
précisait qu'à défaut de paiement dans le délai, son recours serait déclaré
irrecevable. Le recourant a dès lors été informé d'une manière qui satisfait
aux conditions posées par la jurisprudence exposée plus haut (cf. consid. 3.1
supra). Par la suite, la demande d'assistance judiciaire du 5 juillet 2006
l'a dispensé provisoirement de verser l'avance requise. Reste à déterminer si
la décision du 13 juillet 2006 pouvait lui laisser penser qu'il était
définitivement libéré de cette obligation de procédure. Cette décision, qui
n'a pas été contestée, limitait expressément l'assistance à la rémunération
de dix heures d'avocat d'office au maximum. A contrario, le recourant, qui
était représenté par un avocat, devait comprendre qu'il restait tenu de
verser l'avance de frais réclamée précédemment. Cela devait lui paraître
d'autant plus manifeste que sa demande d'effet rétroactif au jour du dépôt de
l'appel avait été rejetée. Dans ces conditions, l'autorité judiciaire n'avait
pas à indiquer une nouvelle fois au recourant qu'il restait tenu de verser
l'avance, ni le nombre de jours restant à courir jusqu'à l'échéance du délai.
Elle pouvait, sans arbitraire, ni formalisme excessif, déclarer le recours
irrecevable, faute pour le recourant de s'être acquitté de l'avance dans le
délai imparti.

4.
En conclusion, le recours, mal fondé, doit être rejeté, dans la mesure où il
est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera par conséquent les
frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des
dépens, des observations n'ayant pas été requises.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 27 novembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: