Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.366/2006
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{T 0/2}
5P.366/2006 /frs

Arrêt du 26 avril 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Marazzi.
Greffier: M. Abbet.

X. ________,
recourant, représenté par Me Uzma Khamis Vannini, avocate,

contre

Présidente de la Cour de justice du canton de Genève, Assistance juridique,
case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst. (assistance judiciaire, divorce),

recours de droit public [OJ] contre la décision de la Présidente de la Cour
de justice du canton de Genève  du 3 août 2006.

Faits :

A.
Le 9 décembre 2005, X.________ a présenté une requête d'assistance juridique
dans la procédure d'appel introduite par son ex-épouse contre un jugement de
divorce ainsi que pour une demande en mainlevée d'interdiction qu'il avait
formée devant le Tribunal tutélaire. Le 3 février 2006, le Vice-président du
Tribunal de première instance de Genève a rejeté cette requête pour le motif
qu'il disposait d'un montant de 1'713 fr. 60 en sus de son minimum vital
élargi. Statuant sur recours le 28 avril 2006, la Présidente de la Cour de
justice du canton de Genève a confirmé cette décision, retenant que
X.________ disposait d'un montant de 712 fr. par mois en sus de son minimum
vital élargi et de plus de 65'000 fr. d'avoirs bancaires, certes saisis
civilement, mais dont il pouvait obtenir le déblocage auprès de l'autorité
compétente pour le montant nécessaire à régler ses frais de justice.

B.
Le 20 juillet 2006, X.________ a sollicité la reconsidération de la décision
du 28 avril 2006. Il invoquait comme faits nouveaux une situation financière
devenue catastrophique, ainsi que l'existence de poursuites pour des dettes
fiscales à hauteur de 13'888 fr. Par décision du 3 août 2006, la Présidente
de la Cour de justice a rejeté cette demande, estimant que X.________ n'avait
pas allégué ni établi un remboursement effectif de la charge fiscale pour
laquelle il était poursuivi, pas plus qu'une diminution de ses revenus ou une
augmentation de ses charges; elle a également retenu que la demande
d'assistance juridique concernait uniquement sa défense dans la procédure
d'appel contre le jugement de divorce et la procédure d'interdiction, mais
non le dépôt d'un appel incident que le recourant avait formé le 14 mars
2006.

Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Présidente de la Cour de
justice. Il se plaint d'une violation des art. 9 Cst. (protection contre
l'arbitraire) et 29 al. 3 Cst. (droit à l'assistance judiciaire gratuite); il
requiert en outre l'effet suspensif et le bénéfice de l'assistance judiciaire
pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
La Présidente de la Cour de justice se réfère à ses considérants.
Par ordonnance du 27 septembre 2006, le Président de la cour de céans a admis
la demande d'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2007 (RO 2006 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin
2005 (LTF; RS 173.110), l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire
(OJ) est applicable à la présente cause (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 II 58 consid. 1 p.
60).
Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente qui cause un
préjudice irréparable; dès lors, le recours de droit public est immédiatement
ouvert contre une telle décision en vertu de l'art. 87 al. 2 OJ (ATF 129 I
129 consid. 1.1 p. 131; 126 I 207 consid. 2a p. 210 s.).

3.
Le recourant se plaint d'une application arbitraire (art. 9 Cst.) de normes
de droit cantonal, plus particulièrement de certaines dispositions du
Règlement genevois sur l'assistance juridique du 18 mars 1996 (ci-après:
RAJ/GE), ainsi que d'une violation de l'art. 29 al. 3 Cst., qui consacre le
droit à l'assistance judiciaire pour toute personne qui ne dispose pas de
ressources suffisantes, pourvu que sa cause ne soit pas dénuée de toute
chance de succès.
Le droit à l'assistance judiciaire est régi en premier lieu par le droit
cantonal, dont le Tribunal fédéral ne contrôle l'interprétation et
l'application que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 129 I 129
consid. 2.1 p. 133; ATF 127 I 202 consid. 3a p. 205 et les arrêts cités).
Dans l'hypothèse où la protection accordée par le droit cantonal se révèle
insuffisante, il vérifie librement si les garanties minimales de procédure
découlant directement de l'art. 29 al. 3 Cst. ont été respectées (ATF 129 I
129 consid. 2.1 p. 133). C'est parce que l'art. 29 al. 3 Cst. pose un
standard minimum qu'il convient d'examiner d'abord la manière dont le droit
cantonal a été appliqué, avant de se prononcer sur le respect de cette
dernière disposition constitutionnelle (ATF 119 Ia 11 consid. 3a et la
jurisprudence citée).

4.
D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211; 131 I 57
consid. 2 p. 61); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable,
voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 126 III 438 consid. 3 p.
440); pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle
arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF
132 III 209 consid. 2.1 p. 211; ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219). Dans le
recours de droit public, il appartient au recourant d'établir la réalisation
de ces conditions en démontrant, par une argumentation claire et détaillée,
que la décision incriminée est insoutenable, une critique de nature purement
appellatoire étant irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258
consid. 1.3 p. 262; 129 I 185 consid. 1.6 p. 189; 122 I 70 consid. 1c p. 73).

4.1 En l'espèce, le recourant n'indique pas avec précision la norme de droit
cantonal que l'autorité précédente aurait appliqué arbitrairement. Il
mentionne tout d'abord l'art. 4 al. 1 RAJ/GE, qui dispose que l'assistance
juridique peut être limitée à une seule instance ou à certains actes de
procédure et que toute procédure ou démarche connexe doit faire l'objet d'une
nouvelle demande. L'autorité précédente s'est fondée sur cette disposition
pour refuser l'assistance juridique en ce qui concerne l'appel incident, dès
lors que le requérant ne l'avait pas sollicitée pour cette procédure, mais
uniquement pour résister à une procédure d'appel et demander la mainlevée de
son interdiction. En réalité, à la rubrique no 9 du formulaire de demande
d'assistance juridique, qui exige une description précise du procès,
notamment le nom de la partie adverse, les motifs et les conclusions ou le
conseil juridique désiré, le recourant a indiqué ce qui suit : "Recours
contre le jugement de divorce du 15.09.2005"; à la rubrique no 8, il a
précisé qu'il agissait dans un procès en cours, en qualité de défendeur.

4.2 Le recourant soutient d'une part que l'art. 4 RAJ/GE ne lui impose pas de
qualifier juridiquement l'acte de la procédure pour lequel il entend obtenir
l'assistance judiciaire; la mention "recours contre le jugement de divorce du
15.09.2005" aurait dû conduire l'autorité à lui accorder l'assistance
également pour un appel incident. D'autre part, comme le conseil du recourant
avait, dix jours après le dépôt de la requête, indiqué au Service
d'assistance juridique qu'il ne disposait pas de tous les éléments
nécessaires pour former un appel incident, ce service aurait dû, en vertu de
son obligation d'instruire la requête au sens de l'art. 10 RAJ/GE, prendre
des informations complémentaires et, sur la base de celles-ci, étendre
l'assistance judiciaire à la procédure d'appel incident.

On ne voit pas en quoi cette argumentation conduirait à affirmer que la
décision attaquée est entachée d'arbitraire. Le recourant démontre simplement
que, au moment de présenter sa requête d'assistance juridique, ni lui ni son
conseil ne savaient encore s'ils allaient ou non déposer un appel incident.
Or, sur la base de l'art. 4 RAJ/GE, le formulaire de requête d'assistance
juridique impose au requérant de décrire "précisément le procès", notamment
ses motifs et conclusions. L'autorité précédente ainsi que le Service
d'assistance juridique n'ont fait qu'appliquer le règlement (art. 4 al. 1 3e
phrase RAJ/GE) en exigeant une nouvelle requête pour cette procédure ou
démarche connexe. A fortiori, le refus par l'autorité cantonale de
reconsidérer sa décision n'a rien d'arbitraire.

4.3 Le recourant se contente d'affirmer que, en vertu de l'art. 10 al. 1
RAJ/GE, le Service d'assistance juridique aurait eu l'obligation de
l'interpeller sur sa volonté de déposer un appel incident. Or l'art. 10 al. 1
RAJ/GE dispose simplement que le Service d'assistance juridique instruit les
requêtes d'assistance; l'art. 9 al. 1 RAJ/GE prévoit en revanche que le
requérant doit fournir les renseignements et pièces nécessaires à
l'appréciation des mérites de sa cause et de sa situation personnelle. Quoi
qu'il en soit, le recourant ne démontre pas en quoi la Présidente de la Cour
de justice aurait appliqué de façon arbitraire l'art. 10 al. 1 RAJ/GE en ne
retenant pas une obligation pour le Service d'assistance juridique de
l'interpeller sur sa volonté de bénéficier de l'assistance juridique pour des
procédures qu'il n'a pas mentionnées expressément dans sa requête ou dont il
n'envisageait pas encore le dépôt avec certitude. Le grief est ainsi
irrecevable sous l'angle de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

4.4 Le recourant prétend encore que l'autorité cantonale aurait dû admettre
comme fait nouveau un prélèvement de 15'000 fr. effectué par le Tuteur
général sur son compte, cette opération ayant eu lieu après la décision du 28
avril 2006. Toutefois, dans cette décision, l'autorité cantonale avait nié
l'indigence du requérant en raison de l'existence d'un solde de 712 fr. en
sus du minimum vital élargi, relevant qu'au surplus il disposait d'environ
65'000 fr. d'avoirs bancaires. Dans la décision attaquée, sur
reconsidération, l'autorité cantonale se borne à rappeler que ni les revenus
ni les charges du recourant n'ont subi de modification, la diminution de
fortune de 15'000 fr. ne constituant pas un fait nouveau susceptible de
justifier une reconsidération. A cet égard, le recourant n'indique ni quelle
norme aurait été arbitrairement appliquée ni où réside l'arbitraire. Le grief
est donc également irrecevable.

4.5 S'agissant du refus par l'autorité cantonale de prendre en compte la
dette fiscale en raison de l'absence de paiement effectif, le recourant se
limite à invoquer une jurisprudence du Tribunal fédéral qui impose de prendre
en considération tous les éléments importants du cas particulier et interdit
de procéder de façon trop schématique. Il n'indique en revanche pas en quoi
la décision de la Présidente de la Cour de justice serait arbitraire sur ce
point. Il ne conteste pas que cette charge est demeurée entièrement impayée.
Insuffisamment motivé, le grief est irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).

5.
Le recourant se plaint également d'une violation de l'art. 29 al. 3 Cst.,
l'autorité précédente ayant nié à tort son indigence.

5.1 Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assumer les frais liés à
la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son
entretien et à celui de sa famille (ATF 128 I 225 consid. 2.5.1 p. 232; 127 I
202 consid. 3b p. 205 et la jurisprudence citée). Les règles du droit des
poursuites sur le minimum vital peuvent constituer une base de raisonnement
pour examiner l'état d'indigence du requérant, même s'il importe de
privilégier une appréciation concrète des circonstances de l'espèce (ATF 124
I 1 consid. 2a p. 2). Le Tribunal fédéral n'a pas jugé contraire à l'art. 4
aCst. une pratique cantonale qui majore de 25% le montant de base pour le
calcul du minimum vital (ATF 124 I 1 consid. 2c p. 4, 97 consid. 3b p. 99).
Il incombe au requérant de prouver son indigence; s'il ne fournit pas de
renseignements suffisants, pièces à l'appui, pour permettre une vision
complète de sa situation financière, sa requête doit être rejetée (ATF 125 IV
161 consid. 4 p. 164 s.)
Le Tribunal fédéral vérifie librement si les critères utilisés pour évaluer
l'indigence ont été correctement choisis mais n'examine que sous l'angle
restreint de l'arbitraire les constatations de fait de l'autorité cantonale
(ATF 130 I 180 consid. 2.1 p. 181 s.; 127 I 202 consid. 3a p. 205).

5.2 En l'espèce, l'autorité précédente a pris en compte, pour le calcul du
minimum vital, un montant de base majoré de 20% ainsi que les frais de
transport et de logement du recourant; elle parvient à un solde disponible de
712 fr. Le recourant n'a ni allégué ni établi qu'il ne percevait plus de
rente AI ni que ses charges effectivement payées avaient augmenté. Au début
de son argumentation, il affirme au contraire qu'il bénéficie encore de cette
rente. C'est donc en contradiction, non seulement avec les pièces du dossier,
mais également avec ses propres affirmations, qu'il prétend ne disposer
d'aucun revenu ni solde disponible. Le fait que le solde du compte du
recourant auprès du Tuteur général ait été momentanément proche de zéro n'est
pas pertinent dans le cadre du calcul du disponible. Le recourant n'indique
pas non plus en quoi le calcul effectué par l'autorité serait erroné. Le
moyen est ainsi mal fondé.

6.
Le recours doit donc être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les
conclusions du recourant étaient vouées à l'échec, de sorte que sa requête
d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ).
Compte tenu de l'issue du litige, le recourant acquittera l'émolument
judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). Il n'est pas alloué de dépens (art. 159 al. 2
in fine OJ; cf. Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, vol. V, Berne 1992, n. 3 in fine ad art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à la
Présidente de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 26 avril 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: