Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.358/2006
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{T 1/2}
5P.358/2006 /frs

Arrêt du 11 janvier 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Borgeat.

Max Natura SA,
recourante, représentée par Me Anna Hofer, avocate,

contre

Verlagsgesellschaft Work AG,
Syndicat Unia,
intimés,
tous deux représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat,
Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, case postale 56,
1702 Fribourg.

art. 9 Cst. (action en protection de la personnalité),

recours de droit public contre l'arrêt de la Ie Cour d'appel du Tribunal
cantonal de l'État de Fribourg du 27 mars 2006.

Faits :

A.
Le 22 février 2002, est paru, dans le journal bimensuel syndical
"Workaktuell", un article intitulé "Käfighaltung für die Güggeli-Verkäufer"
(trad. littérale: Elevage en batterie pour les vendeurs de poulets).
L'article faisait notamment état, témoignages à l'appui, des mauvaises
conditions de travail offertes par l'entreprise Max Natura SA à ses vendeurs
itinérants de poulets. "Workaktuell" est édité par la Verlagsgesellschaft
Work AG. Le Syndicat Unia distribue ce journal à ses membres
suisses-alémaniques.

B.
B.aLe 14 mai 2002, Max Natura SA a ouvert une action en protection de la
personnalité, devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine,
contre la Verlagsgesellschaft Work AG et le Syndicat Unia. Elle a conclu à ce
que le tribunal constate le caractère illicite de l'article paru le 22
février 2002 dans "Workaktuell" et à ce que la Verlagsgesellschaft Work AG
soit condamnée à publier le jugement (1); à ce qu'interdiction soit faite au
Syndicat Unia de distribuer le journal "Workaktuell" du 22 février 2002 (2);
à ce qu'interdiction lui soit faite de divulguer à des tiers, notamment à des
employés de Max Natura SA, les allégations des ex-employés de celle-ci parues
dans l'article du 22 février 2002 (3); à ce que la Verlagsgesellschaft Work
AG et le Syndicat Unia soient solidairement condamnés à lui verser des
dommages-intérêts d'un montant minimum de 27'250 fr. (4); et à ce qu'ils
soient tous deux condamnés à lui verser une indemnité pour tort moral d'un
montant à déterminer à dire de justice (5 et 6). Elle a également requis des
mesures provisionnelles concernant les chefs de conclusions 2 et 3.

B.b Par jugement du 22 juin 2004, le Tribunal civil de l'arrondissement de la
Sarine a tout d'abord pris acte du retrait des chefs de conclusions 2 et 3 de
la demande déposée le 14 mai 2002 par Max Natura SA; il l'a rejetée pour le
surplus.

B.c Statuant sur l'appel de Max Natura SA le 27 mars 2006, la Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'État de Fribourg l'a rejeté dans la mesure de sa
recevabilité, confirmant le jugement de première instance.

C.
Contre cet arrêt, Max Natura SA interjette un recours de droit public au
Tribunal fédéral, concluant à son annulation. Elle invoque la violation de
l'art. 9 Cst., la violation du droit d'être entendu ainsi que l'application
arbitraire du droit fédéral.

Les intimés n'ont pas été invités à répondre sur le fond.

Parallèlement à son recours de droit public, Max Natura SA a interjeté un
recours en réforme contre l'arrêt cantonal.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué ayant été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2007 (RO 2006 1205, 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral (LTF; RS 173.110), l'ancienne loi d'organisation judiciaire (OJ) est
applicable à la présente cause (art. 132 al. 1 LTF).

1.2
Conformément au principe posé par l'art. 57 al. 5 OJ, auquel il n'y a pas
lieu de déroger en l'espèce, il convient d'examiner le recours de droit
public en premier (ATF 122 I 81 consid. 1 p. 82/83).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60 et les arrêts cités).

2.1 Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, dans une contestation civile non pécuniaire (cf. ATF 127
III 481 consid. 1a p. 483 et la référence citée), pour violation notamment de
l'art. 9 Cst., le présent recours de droit public est recevable du chef des
art. 84 al. 1 let. a, 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1 OJ.

2.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir,
sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558), un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste la violation. Dans le cadre d'un recours de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés,
et présentés de façon claire et détaillée, le principe iura novit curia étant
inapplicable (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p.
120 et les arrêts cités). Le justiciable qui se plaint d'arbitraire (art. 9
Cst.) ne peut dès lors se contenter de critiquer la décision attaquée comme
il le ferait en instance d'appel, où la juridiction supérieure jouit d'une
libre cognition; en particulier, il ne saurait se limiter à opposer son
opinion à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer par une
argumentation précise que cette décision se fonde sur une application de la
loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenable (ATF 129 I 113
consid. 2.1 p. 120; 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495
et les arrêts cités).

3.
A part les critiques traitées au considérant 3 de l'arrêt attaqué, la cour
cantonale n'est entrée en matière, au considérant 4, que sur le grief
suffisamment motivé au regard de l'art. 294 al. 2 let. c CPC/FR (qui
correspond à l'art. 55 al. 1 let. c OJ; cf. consid. 2 de l'arrêt cantonal,
auquel renvoie le consid. 4), exposé dans le mémoire d'appel du 22 décembre
2004 en page 6, ch. 3 § 2. La recourante y reproche au tribunal de première
instance d'avoir procédé à l'examen des passages litigieux de l'article sans
tenir compte de leur signification pour un lecteur moyen sur la base du
contexte global de l'article; elle estime que les premiers juges ne pouvaient
pas se baser, comme ils l'ont fait, sur l'appréciation d'un lecteur syndiqué.

4.
La recourante invoque pêle-mêle la violation de l'art. 9 Cst., la violation
du droit d'être entendu et l'application arbitraire du droit fédéral. Pour
peu qu'on la comprenne, la recourante formule trois griefs.

4.1 Invoquant tout d'abord la violation de l'art. 9 Cst., la recourante
reproche à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu, en ne
tenant pas compte d'une grande partie des griefs formulés dans son mémoire
d'appel; elle estime à cet égard que l'arrêt cantonal est insuffisamment
motivé. Elle est d'avis que l'affaire doit être renvoyée à la cour cantonale
afin qu'elle complète l'état de fait et qu'elle statue à nouveau. Elle résume
ensuite les griefs invoqués dans son mémoire d'appel et réaffirme que la
motivation concernant l'absence d'atteinte à la personnalité fait totalement
défaut alors que, pourtant, ses griefs étaient présentés de manière correcte.
Une telle motivation ne répond pas aux exigences posées par l'art. 90 al. 1
let. b OJ (cf. consid. 2.2). La recourante confond la violation du droit
d'être entendu - qui relève de l'art. 29 al. 2 Cst. - et l'interdiction de
l'arbitraire qui ressortit à l'art. 9 Cst. Elle ne s'en prend pas à la
motivation de la cour cantonale, qui a écarté ses griefs en se fondant sur
leur défaut de motivation, au sens de l'art. 294 al. 2 let. c CPC/FR, ne se
plaint pas d'application arbitraire de cette disposition du droit de
procédure cantonal, ni ne démontre en quoi il était arbitraire d'écarter ses
griefs sur cette base, se bornant à les résumer. Ses critiques sont donc
irrecevables.

4.2 La recourante soutient également que la cour cantonale a appliqué et
interprété arbitrairement le droit fédéral en considérant que l'atteinte à la
personnalité devait être examinée du point de vue d'un lecteur syndiqué, en
n'examinant pas la véracité des faits présentés dans l'article et en ne
procédant pas à une pesée des intérêts entre l'intérêt à l'honneur commercial
de la recourante et l'intérêt  d'information de la presse.

Ce grief est irrecevable dans le recours de droit public dès lors que, dans
une contestation qui peut faire l'objet d'un recours en réforme (cf. ATF 127
III 481 consid. 1a p. 483 et la référence citée), les griefs relatifs à
l'application du droit fédéral doivent être présentés dans celui-ci (art. 84
al. 2 OJ et art. 43 al. 1 OJ).

4.3 Quant à l'appréciation juridique de l'article litigieux que propose la
recourante, comme l'aurait compris le lecteur moyen, à l'issue de laquelle
elle conclut que l'arrêt attaqué est matériellement arbitraire, elle est
également irrecevable dans le recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ et
art. 43 al. 1 OJ).

5.
En conclusion, le présent recours doit être déclaré irrecevable, aux frais de
son auteur (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux
intimés, qui n'ont pas été invités à répondre sur le fond.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.

Lausanne, le 11 janvier 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: