Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.330/2006
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{T 0/2}
5P.330/2006 /frs

Arrêt du 12 mars 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________, (époux),
recourant, représenté par Me Gilles Monnier, avocat,

contre

dame X.________, (épouse)
intimée, représentée par Me Gloria Capt, avocate,
Tribunal d'arrondissement de l'Est Vaudois, case postale, 1800 Vevey 1.

art. 9 Cst. etc. (mesures provisionnelles selon l'art. 137 CC),

recours de droit public [OJ] contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 juin 2006.

Faits :

A.
X. ________ et dame X.________, se sont mariés en 1985. Trois enfants sont
issus de cette union : A.________, né le 21 octobre 1986, B.________, née le
13 janvier 1989, et C.________, née le 7 août 1994.

Le 4 juillet 2002, le mari a déposé une demande unilatérale de divorce devant
le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois. Par convention du 30 avril
2003, ratifiée par le Président du Tribunal pour valoir ordonnance de mesures
provisoires, les époux ont notamment convenu que le mari contribue à
l'entretien des siens par le versement d'une pension mensuelle de 9'600 fr.,
allocations familiales en sus, dès et y compris le 1er août 2002, et par le
paiement des impôts du couple et des intérêts hypothécaires de la villa
conjugale.

B.
Le 1er avril 2005, le mari a déposé une requête de mesures provisoires
tendant à ce que la contribution d'entretien soit réduite à 6'000 fr. par
mois, allocations familiales en sus, dès le 1er janvier 2005. L'épouse s'est
opposée à la requête, que le Président du Tribunal a rejetée par ordonnance
du 1er juillet 2005, considérant qu'il n'existait aucun changement dans la
situation de l'une ou l'autre partie qui justifierait de modifier le montant
de la contribution d'entretien telle que fixée par la convention du 30 avril
2003.

Le mari a appelé de cette ordonnance auprès du Tribunal d'arrondissement, en
concluant à sa réforme en ce sens que dès le 1er janvier 2005, le mari
contribue à l'entretien des siens par le versement d'une pension mensuelle de
3'000 fr., allocations familiales en sus, ainsi que par la prise en charge
des intérêts hypothécaires de la villa conjugale, étant précisé que la
contribution due à A.________, désormais majeur, serait versée à part.

C.
Le Tribunal d'arrondissement a rejeté l'appel par arrêt du 13 février 2006,
dont la motivation en fait et en droit est en substance la suivante :
C.aLe mari est médecin indépendant, spécialisé en diabétologie et
endocrinologie. Il vit en concubinage avec Y.________, qui est employée à
mi-temps en qualité de secrétaire de direction dans son cabinet, et avec
laquelle il a eu un fils, D.________, né le 15 juin 2003. Il a réalisé en
2000 un bénéfice net de 616'000 fr. pour un chiffre d'affaires de 960'000
fr., en 2001 un bénéfice net de 605'000 fr. pour un chiffre d'affaires de
991'000 fr., en 2002 un bénéfice net de 636'000 fr. pour un chiffre
d'affaires de 1'041'000 fr., en 2003 un bénéfice net de 720'000 fr. pour un
chiffre d'affaires de 1'231'000 fr. et en 2004 un bénéfice net de 400'000 fr.
pour un chiffre d'affaires de 960'000 fr.

L'épouse a un CFC de couturière obtenu il y a une vingtaine d'années mais n'a
pas exercé d'activité lucrative depuis 1986. Elle vit avec ses trois enfants
dans la villa conjugale. L'enfant B.________, gravement handicapée, nécessite
des soins constants; elle fréquente un établissement spécialisé durant une
partie de la journée et rentre à la maison en fin de journée.

C.b Z.________, qui tient la comptabilité du cabinet du mari depuis 1993, a
établi un rapport d'analyse comptable le 3 novembre 2005, dans lequel il
expose notamment ce qui suit :
"(...) Nous confirmons donc que les investissements effectués durant les
exercices comptables 2003 et 2004 sont tout à fait conformes aux règles et
pratiques en vigueur dans les cabinets médicaux et que les décisions prises
par le Dr X.________i en relation avec la remise en état de son cabinet et de
son matériel étaient nécessaires et justifiées.

D'autre part, nous précisons que le coût de ces investissements n'affecte que
très partiellement le résultat des exercices concernés, du fait que les
bénéfices annuels du cabinet ne sont imputés que par l'amortissement des
immobilisations et non par le coût total de l'investissement.

(...) Les honoraires ont progressé normalement en 2000, 2001 et 2002, puis
plus fortement en 2003.

L'application du Tarmed dès le 1er janvier 2004 a infléchi cette progression.

(...) Si les honoraires ont diminué en 2004, cela ne résulte aucunement de la
baisse du nombre de patients, mais des incidences de la facturation (TARMED).
Le personnel n'a donc pu être réduit en conséquence.

(...) En fonction de ce qui précède, force nous est de constater que la
diminution du résultat provient principalement de la diminution des
honoraires, ceci et en résumé par le fait que :
- les frais généraux sont restés pratiquement stables
- les charges AVS du Dr X.________ sont proportionnelles aux résultats
- les salaires ont été maintenus au niveau de ceux versés en 2003
- les amortissements sont proportionnels aux investissements.

Pour autant que le Dr X.________ conserve le même rythme d'activité, cette
situation perdurera donc ces prochaines années."
Entendu comme témoin à l'audience du 9 janvier 2006, Z.________ a confirmé le
contenu de son rapport. Selon lui, le chiffre d'affaires du cabinet a diminué
en 2004 principalement en raison de l'introduction du tarif Tarmed; ce
nouveau système de tarification explique le 80% de la réduction, le solde de
20% résultant de quelques frais généraux supplémentaires et d'un
amortissement un peu plus élevé.

Selon le témoin E.________, qui s'occupe des appareils d'analyse dans
différents cabinets médicaux, les rénovations entreprises correspondent à ce
qui se fait dans les autres cabinets; Tarmed a conduit à une baisse de
revenus chez beaucoup de spécialistes, notamment en endocrinologie. Il estime
la baisse à 30-40% sur les analyses de laboratoires et à 20-30% sur les
consultations.

C.c Le mari reproche d'abord au premier juge de n'avoir pas tenu compte de la
diminution de ses revenus.

La contribution d'entretien fixée par convention du 30 avril 2003 l'ayant été
sur la base de la comptabilité de 2001, c'est à juste titre que le premier
juge a procédé à une comparaison entre les seules années 2001 et 2004. Il n'y
a donc pas lieu de se demander quelle influence a eu l'introduction de
Tarmed, ce d'autant que, selon le comptable, les résultats devraient à
l'avenir être identiques à ceux de 2004.

Il n'y a pas non plus lieu de se prononcer sur la nécessité des rénovations,
dès lors que, selon le comptable, celles-ci ont eu peu d'incidence sur les
comptes. En outre, au vu du rapport comptable, on ne retiendra pas
l'existence de charges salariales exagérées.

Chez un indépendant, ce sont les prélèvements privés qui constituent son
salaire et indiquent son niveau de vie. Or, en comparant les exercices 2001
et 2004, on constate que les prélèvements privés se sont élevés à 495'347 fr.
10 en 2001 et à 505'008 fr. 15 en 2004. Il apparaît ainsi que les revenus du
mari n'ont pas baissé par rapport à ceux qui avaient fondé la convention du
30 avril 2003.

C.d Le mari reproche ensuite au premier juge de n'avoir pas pris en
considération la naissance de son fils D.________, le 15 juin 2003.
Certes, une naissance est un élément nouveau, qui impose des charges
supplémentaires. En l'espèce toutefois, la mère de l'enfant travaille dans le
cabinet médical du mari et perçoit un salaire. La naissance de l'enfant
D.________ n'a dès lors que peu d'incidence sur la situation financière du
mari.

C.e Le mari reproche aussi au premier juge de n'avoir pas pris en compte
l'accession à la majorité de A.________.

Le 28 juillet 2005, le mari et son fils A.________ ont signé une convention,
dans laquelle le mari s'est engagé à payer une contribution d'entretien de
1'500 fr. directement en mains de son fils, dès le 1er septembre 2005 et
jusqu'à la fin de l'apprentissage de A.________ en août 2006; cette
convention prévoyait que le montant de 1'500 fr. serait déduit de la pension
versée à l'épouse. Interpellée, cette dernière a indiqué que son fils
utilisait son pécule d'apprenti pour payer les frais liés à sa voiture, et
que pour le reste, c'est elle qui subvenait à son entretien.

Certes, la contribution d'entretien en faveur d'un enfant majeur doit en
principe être versée en mains de celui-ci. Toutefois, on se trouve dans le
cadre de mesures provisoires et il n'y a pas d'urgence à changer le système
actuellement en place. Surtout, il résulte de l'instruction que c'est
l'épouse qui continue à assumer entièrement l'entretien de A.________, de
sorte que l'accession à la majorité de celui-ci n'a apporté aucune
modification dans la situation financière des parties. Il convient toutefois
de prévoir que les éventuels montants versés directement par le mari
viendront en déduction de la pension.

C.f Jusqu'à ce jour, la rente mensuelle versée par l'AI en faveur de l'enfant
B.________ a été versée sur un compte bancaire ouvert au nom de l'enfant,
tout prélèvement étant subordonné à l'acceptation de l'autre conjoint; lors
des précédentes mesures provisoires, les époux avaient manifesté la volonté
de ne pas toucher à ce compte, sauf dépenses extraordinaires nécessitées par
le handicap de leur fille.

Le mari soutient qu'il y aurait lieu désormais de prendre en compte les
montants versés par l'AI en faveur de B.________ dans le calcul des
contributions d'entretien. Il fait valoir que la situation serait différente
qu'à l'époque des précédentes mesures provisoires, le montant de l'ordre de
100'000 fr. accumulé sur le compte étant plus que suffisant pour faire face à
d'hypothétiques dépenses extraordinaires, qui seraient d'ailleurs peu
vraisemblables puisque l'invalidité est entièrement prise en charge par l'AI
et que la maison est entièrement équipée.
L'épouse a expliqué à l'audience d'appel que les parties étaient convenues
depuis de nombreuses années de mettre cet argent de côté pour le cas où elles
décéderaient prématurément. Elle a par ailleurs indiqué avoir utilisé
récemment 40'000 fr. pour équiper la salle de bains de façon correcte; elle
ne s'est pas adressée à l'AI, car elle ne voulait pas "profiter".

Le versement des rentes AI sur un compte bloqué a été décidé de longue date
et est resté en vigueur après l'ouverture de la procédure de divorce. Seule
une détérioration de la situation financière des parties justifierait que ce
système soit modifié. Or une telle détérioration n'est pas intervenue.

C.g Le mari reproche enfin au premier juge d'avoir retenu que l'on ne saurait
exiger de la part de l'épouse qu'elle exerce une activité lucrative.

À l'audience du 9 janvier 2006, les témoins F.________, également mère d'un
enfant handicapé, et G.________, enseignante spécialisée, ont relevé
l'importance pour B.________ de la présence de sa mère à ses côtés. Selon la
dernière nommée, l'horaire scolaire est de 9h à 15h30 et l'épouse doit être
disponible vers 15h30 pour aller chercher l'enfant à l'école ou pour
accueillir le taxi à la maison; il n'y a plus de système de garderie à
l'école, et mettre B.________ en internat serait néfaste pour elle.

Cela étant, on ne saurait exiger de l'épouse qu'elle exerce une activité
lucrative, même à temps partiel, vu les soins qu'elle doit donner à l'enfant
handicapé et la disponibilité liée aux horaires scolaires, à quoi s'ajoute la
situation financière confortable du mari.

D.
Contre cet arrêt sur appel, le mari a déposé simultanément un recours en
nullité auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de
Vaud - en se plaignant d'une appréciation arbitraire des preuves en ce qui
concerne la non-prise en considération de la diminution de ses revenus (cf.
lettre C.c supra) et la non-prise en considération de la rente versée par
l'AI en faveur de l'enfant B.________ (cf. lettre C.f supra) - et un recours
de droit public auprès du Tribunal fédéral (5P.114/2006).
Par ordonnance du 21 mars 2006, le Président de la cour de céans a suspendu
la procédure du recours de droit public jusqu'à droit connu sur le recours en
nullité déposé simultanément au Tribunal cantonal.

Par arrêt du 27 juin 2006, la Chambre des recours du Tribunal cantonal a
rejeté le recours en nullité dans la mesure où il était recevable et a
confirmé l'arrêt du Tribunal d'arrondissement.

E.
Le mari exerce un recours de droit public (5P.330/2006) contre l'arrêt de la
Chambre des recours, en concluant à son annulation. L'épouse s'en est remise
à justice sur ce recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110)
est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1242). L'arrêt attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par la loi
fédérale d'organisation judiciaire (OJ) du 16 décembre 1943 (art. 132 al. 1
LTF).

1.2 Les décisions statuant sur les mesures provisoires pendant la procédure
de divorce (art. 137 CC) ne sont pas des décisions finales au sens de l'art.
48 OJ et ne sont dès lors pas susceptibles d'être attaquées par la voie du
recours en réforme; elles constituent en revanche des décisions finales au
sens de l'art. 87 OJ et peuvent, comme telles, faire l'objet d'un recours de
droit public pour arbitraire (ATF 100 Ia 14 consid. 1 a et b; ATF 126 III 261
consid. 1).

1.3 Le recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions
rendues en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ).
En procédure vaudoise, l'ordonnance de mesures provisoires rendue par le
Président du Tribunal d'arrondissement peut faire l'objet d'un appel au
Tribunal d'arrondissement (art. 111 CPC/VD). L'arrêt sur appel rendu par ce
Tribunal est susceptible d'être attaqué par la voie du recours en nullité
selon l'art. 444 al. 1 ch. 1 à 3 CPC/VD (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure
civile vaudoise, 3e éd. 2002, n. 1 ad art. 108 CPC/VD). Le recours en nullité
pour violation des règles essentielles de la procédure (art. 444 al. 1 ch. 3
CPC/VD) permet notamment de se plaindre d'une appréciation arbitraire des
preuves (Poudret/Haldy/Tappy, op. cit., n. 15 ad art. 444 CPC/VD p. 657 et
les arrêts cités).
Cela a pour conséquence, sous l'angle de l'art. 86 al. 1 OJ, que l'arrêt sur
appel rendu par un Tribunal d'arrondissement peut directement faire l'objet
d'un recours de droit public pour application arbitraire du droit de fond,
tandis que le grief d'appréciation arbitraire des preuves doit être soulevé
par la voie du recours en nullité au Tribunal cantonal, dont l'arrêt peut
ensuite faire l'objet d'un recours de droit public au Tribunal fédéral.

1.4 En l'espèce, le recours de droit public formé en temps utile (art. 89 al.
1 OJ) contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal est donc
recevable en tant qu'il s'en prend, sous l'angle de l'arbitraire (art. 9
Cst.), à l'appréciation des preuves. Il est en revanche irrecevable en tant
qu'il s'en prend, sous l'angle de l'arbitraire, à l'application du droit de
fond : les griefs correspondants doivent être soulevés - et l'ont d'ailleurs
été - dans le cadre du recours de droit public (5P.114/2006) dirigé contre
l'arrêt du Tribunal d'arrondissement.

2.
Une modification des mesures provisoires ordonnées pendant la procédure de
divorce sur la base de l'art. 137 al. 2 CC peut être demandée en tout temps,
si, depuis l'entrée en vigueur de celles-ci, les circonstances de fait ont
changé d'une manière essentielle et durable, notamment en matière de revenus,
ou si le juge, lorsqu'il a ordonné les mesures provisoires dont la
modification est sollicitée, a ignoré des éléments essentiels ou a mal
apprécié les circonstances (Urs Gloor, Basler Kommentar, 2e éd. 2002, n. 15
ad art. 137 CC; cf. Franz Hasenböhler/Andrea Opel, Basler Kommentar, 3e éd.
2006, n. 3 et 4 ad art. 179 CC et les références citées).

3.
3.1 Le Tribunal cantonal a d'abord examiné les griefs du recourant dirigés
contre le refus du Tribunal d'arrondissement de retenir que les revenus du
recourant avaient diminué (cf. lettre C.c supra). Sur ce point, la motivation
de l'arrêt attaqué est en substance la suivante :

C'est à juste titre que le Tribunal d'arrondissement a considéré qu'il
s'agissait de comparer les résultats des années 2001 et 2004, puisque la
première de ces années était celle dont les résultats avaient été pris en
considération pour fixer, par convention du 30 avril 2003, le montant de la
contribution d'entretien due par le mari dès le 1er août 2002. Pour le
surplus, le Tribunal d'arrondissement a retenu très largement les chiffres et
observations résultant du rapport d'analyse comptable établi le 3 novembre
2005 par Z.________, responsable de la comptabilité du cabinet médical du
recourant depuis 1993, de sorte que son appréciation des données émanant du
comptable du recourant ne saurait être qualifiée d'arbitraire.

C'est à tort que le recourant reproche au Tribunal d'arrondissement d'avoir
confondu prélèvements privés et revenus pour avoir considéré que chez un
indépendant, ce sont les prélèvements privés qui constituent son salaire et
indiquent son niveau de vie. En effet, on ne voit pas là trace d'arbitraire
dans l'appréciation des preuves, le montant des prélèvements privés étant
assez régulièrement utilisé comme l'un des indices permettant de déterminer
la capacité contributive d'un indépendant.

3.2 Le recourant reproche à la Chambre des recours une appréciation
arbitraire des preuves pour avoir considéré, à la suite du Tribunal
d'arrondissement, que ses revenus n'avaient pas baissé entre 2001 et 2004 dès
lors que le montant des prélèvements privés effectués était sensiblement le
même pour ces deux années. Ce raisonnement, qui reviendrait à confondre
prélèvements privés et revenus, serait à proprement parler insoutenable. En
effet, dans l'hypothèse où le recourant aurait été en mesure d'être très
raisonnable au cours de l'année 2004 et de ne prélever que 300'000 fr., avant
de prélever le solde de 100'000 fr. en une seule fois au début de l'année
2005, la règle selon laquelle les revenus d'un indépendant sont constitués
par son bénéfice se serait imposée à chacun. Si en l'espèce, pour faire face
à des dépenses particulières, le recourant a bien dû prélever davantage que
son bénéfice, la différence ne constitue pas un revenu supplémentaire.
L'arrêt attaqué serait ainsi arbitraire non seulement dans son raisonnement,
mais aussi dans son résultat, puisqu'il revient à écarter du dossier une
baisse de revenus, pourtant établie (cf. lettres C.a et C.b supra), de
l'ordre de 25%.

3.3 Ce grief se révèle fondé. En effet, comme l'a relevé la Chambre des
recours, le Tribunal d'arrondissement a retenu très largement les chiffres et
observations résultant du rapport d'analyse comptable établi le 3 novembre
2005 par Z.________, responsable de la comptabilité du cabinet médical du
recourant depuis 1993. Il a ainsi notamment constaté que le recourant avait
réalisé en 2001 un bénéfice net de 605'000 fr. pour un chiffre d'affaires de
991'000 fr. et en 2004 un bénéfice net de 400'000 fr. pour un chiffre
d'affaires de 960'000 fr. (cf. lettre C.a supra). Il a également retenu que
la diminution du chiffre d'affaires du cabinet en 2004 était due
principalement à l'introduction du tarif Tarmed et que cette situation
perdurerait ces prochaines années (cf. lettre C.b supra). S'il a laissé
ouverte la question de la nécessité des rénovations, il a considéré au vu du
rapport comptable qu'il n'y avait pas lieu de retenir l'existence de charges
salariales exagérées (cf. lettre C.c supra). Ce nonobstant, le Tribunal
d'arrondissement a considéré que les revenus du recourant n'avaient pas
baissé par rapport à ceux qui avaient fondé la convention du 30 avril 2003,
pour le motif que les prélèvements privés se sont élevés à 495'347 fr. 10 en
2001 et à 505'008 fr. 15 en 2004, et que chez un indépendant, ce seraient ces
prélèvements qui constituent son salaire et indiquent son niveau de vie (cf.
lettre C.c supra).

Cette dernière appréciation est insoutenable. Le revenu d'un indépendant est
en principe constitué par le bénéfice net de son activité, soit par la
différence entre les produits et les charges. Pour subvenir à ses besoins
courants, un indépendant opère généralement des prélèvements privés réguliers
en cours d'exercice, avant de connaître le bénéfice net de l'exercice qui
résulte des comptes établis après la fin de l'exercice. Des prélèvements
inférieurs au bénéfice net entraînent la constitution de réserves, tandis que
des prélèvements supérieurs impliquent la dissolution de réserves. On ne
retiendra pas que les revenus de l'intéressé ont baissé lorsqu'il a opéré des
prélèvements privés inférieurs au bénéfice net de l'exercice. On ne saurait
davantage retenir que ses revenus n'ont pas baissé entre deux exercices de
référence simplement parce que, indépendamment des bénéfices réalisés, les
prélèvements privés sont comparables.
En l'espèce, il résulte ce qui suit des comptes au dossier, plus
particulièrement du "résumé du compte capital": En 2001, les prélèvements
privés se sont élevés à 495'347 fr. 10 pour un bénéfice net de 605'149 fr.
33, si bien que le poste "capital" est passé de 179'118 fr. 40 au 1er janvier
2001 à 285'320 fr. 63 au 31 décembre 2001. En 2004, les prélèvements privés
se sont élevés à 505'008 fr. 15 pour un bénéfice net de 400'026 fr. 90, si
bien que le poste "capital" est passé de 411'193 fr. 15 au 1er janvier 2004 à
300'211 fr. 90 au 31 décembre 2004. Si les montants des prélèvements privés
ont été comparables entre l'exercice 2001 et l'exercice 2004, c'est ainsi
parce qu'en 2001, il y a eu constitution de réserves pour quelque 105'000
fr., tandis qu'en 2004, il y a eu dissolution de réserves pour quelque
110'000 fr. Cela étant, il est arbitraire d'en déduire que les revenus du
recourant n'ont pas baissé, alors que le contraire est clairement établi. Le
recours doit donc être admis sur ce point.

4.
4.1 Le Tribunal cantonal a ensuite examiné les critiques du recourant à
l'encontre du refus du Tribunal d'arrondissement de prendre dorénavant en
compte la rente versée par l'AI en faveur de l'enfant B.________ dans le
calcul des contributions d'entretien (cf. lettre C.f supra). Sur ce point, la
motivation de l'arrêt attaqué est en substance la suivante :

Dans la mesure où le moyen relève bien de l'appréciation arbitraire des
preuves - et non de l'application arbitraire du droit de fond à travers la
notion même de capacité contributive, auquel cas il serait irrecevable -, il
se révèle mal fondé. En effet, le Tribunal d'arrondissement a rappelé que le
versement de la rente AI (2'110 fr. par mois) en faveur de l'enfant
B.________ sur un compte bloqué, qui devait permettre de faire face à des
dépenses extraordinaires nécessitées par le handicap de leur fille, avait été
décidé de longue date et était resté en vigueur après l'ouverture de la
procédure de divorce. Il a considéré qu'une modification de ce système ne se
justifierait qu'en cas de détérioration de la situation financière des
parties, détérioration qui n'était pas intervenue (cf. lettre C.f supra). Ce
raisonnement ne saurait être considéré comme arbitraire, en présence d'un
médecin dont les revenus demeurent très confortables. Contrairement à ce que
soutient le recourant, l'utilisation par l'intimée de 40'000 fr. pour équiper
la salle de bains de façon correcte - fait dont la réalité n'a pas été admise
par le Tribunal d'arrondissement, qui s'est borné à relater l'explication
donnée en audience par l'intimée - n'a pas été prise en compte par le
Tribunal d'arrondissement à l'appui de sa décision. Seule l'absence de
détérioration de la situation financière des parties a conduit le Tribunal à
considérer que le système instauré depuis des années d'un commun accord entre
parents ne devait pas être modifié. Par ailleurs, on ne saurait exclure que
les parties aient effectivement décidé de placer sur un compte bancaire au
nom de leur fille les sommes reçues de l'AI à la fois dans la perspective
d'éventuelles dépenses extraordinaires la concernant et pour lui garantir
quelques moyens supplémentaires en cas de décès prématuré de ses parents.

4.2 Le recourant taxe le raisonnement de la Chambre des recours
d'insoutenable. Il fait valoir qu'il est constant qu'en janvier 2005, le
montant accumulé sur le compte ouvert au nom de B.________ dépassait 100'000
fr. (cf. lettre C.f supra). Or ce montant serait plus que suffisant pour
faire face à d'hypothétiques dépenses extraordinaires, qui par extraordinaire
ne seraient pas prises en charge par l'AI, étant précisé que la maison est
déjà intégralement équipée et que la Chambre des recours a expressément
retenu que l'utilisation de 40'000 fr. pour équiper la salle de bains n'était
pas établie. Par ailleurs, on ne saurait retenir comme un fait constant les
déclarations faites par l'intimée à l'audience d'appel, selon lesquelles les
parties étaient convenues depuis de nombreuses années de mettre les montants
versés par l'AI de côté pour le cas où elles décéderaient prématurément; en
effet, en l'absence de toute preuve corroborant cette affirmation, il ne
suffirait pas qu'on ne "puisse exclure" une telle intention pour que celle-ci
doive être retenue, même au stade de la vraisemblance. Enfin et surtout,
l'appréciation selon laquelle il n'y aurait pas lieu de modifier le système
antérieur en l'absence de détérioration de la situation financière des
parties heurterait de manière flagrante le sentiment de la justice et de
l'équité. En effet, le recourant aurait précisément démontré avoir subi une
diminution notable de ses revenus, dont on ne saurait faire abstraction du
seul fait qu'on est "en présence d'un médecin dont les revenus demeurent très
confortables".

4.3 Le Tribunal d'arrondissement a retenu en fait que le versement de la
rente AI en faveur de l'enfant B.________ sur un compte bancaire ouvert au
nom de l'enfant, sur lequel tout prélèvement nécessitait l'acceptation de
l'autre conjoint, a été décidé de longue date et est resté en vigueur après
l'ouverture de la procédure de divorce; lors des précédentes mesures
provisoires, les époux avaient manifesté la volonté de ne pas toucher à ce
compte, sauf dépenses extraordinaires nécessitées par le handicap de leur
fille (cf. lettre C.f supra). Pour le surplus, le Tribunal n'a pas retenu que
les parties étaient convenues depuis de nombreuses années de mettre cet
argent de côté pour le cas où elles décéderaient prématurément, mais s'est
borné à relater l'explication donnée en audience par l'intimée. Comme l'a
exposé la Chambre des recours (cf. consid. 4.1 supra), seule l'absence de
détérioration de la situation financière des parties a conduit le Tribunal à
considérer que le système instauré depuis des années d'un commun accord entre
parents ne devait pas être modifié. Le grief du recourant sur l'intention des
parties de mettre les rentes versées par l'AI de côté pour le cas où elles
décéderaient prématurément tombe ainsi à faux.

Quant à l'appréciation des instances cantonales selon laquelle une
modification du système instauré depuis des années d'un commun accord entre
parents ne se justifierait qu'en cas de détérioration de la situation
financière des parties, elle relève de l'application du droit de fond et ne
peut donc être critiquée que dans le cadre du recours de droit public
(5P.114/2006) dirigé contre l'arrêt du Tribunal d'arrondissement (cf. consid.
1.4 supra). Il convient toutefois de préciser ici que l'autorité cantonale à
laquelle l'affaire sera renvoyée devra examiner si la diminution des revenus
du recourant (cf. consid. 3.3 supra) justifie le cas échéant que les rentes
versées par l'AI en faveur de l'enfant B.________ soient désormais prises en
compte, en tout ou en partie, dans le calcul des contributions d'entretien.

5.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être partiellement admis
(cf. consid. 3.3 supra) et l'arrêt attaqué annulé. Le recourant n'obtenant
que partiellement gain de cause, les frais judiciaires seront répartis par
moitié entre les parties (art. 156 al. 3 OJ). L'intimée, qui a renoncé à
répondre au recours et n'a donc pas elle-même encouru de frais d'avocat
devant le Tribunal fédéral, versera en outre au recourant une indemnité à
titre de dépens réduits (art. 159 al. 1 à 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis pour moitié à la charge du
recourant et pour moitié à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera au recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens
réduits.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 12 mars 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: