Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.327/2006
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{T 0/2}
5P.327/2006 /frs

Arrêt du 1er décembre 2006
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Escher.
Greffière: Mme Mairot.

X. ________ Sàrl,
recourante, représentée par Me Reza Vafadar, avocat,

contre

Y.________,
1204 Genève,
intimé,
Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst. (notes d'honoraires d'avocat; contrat d'assurance),

recours de droit public contre la décision de la Commission de taxation des
honoraires d'avocat
du canton de Genève du 4 juillet 2006.
Faits:

A.
Le 27 janvier 2006, X.________ Sàrl a invité la Commission de taxation des
honoraires d'avocat du canton de Genève (ci-après: la commission) à fixer les
honoraires et débours dus à Me Y.________, selon les notes des 11 octobre
2004, 8 août 2005 et 29 novembre 2005, d'un montant total de 38'292 fr.95,
TVA comprise. La requérante a exposé que l'avocat s'était engagé initialement
à régler l'affaire qu'elle lui avait confiée en 30 à 35 heures de travail et
à appliquer un tarif horaire de 300 fr., en l'absence d'une assurance de
protection juridique et compte tenu de la valeur litigieuse de 57'000 fr.; il
avait par ailleurs refusé, avant l'introduction d'une action en justice, une
proposition de la partie adverse de verser 20'000 fr. à titre transactionnel.

Dans sa réponse du 28 mars 2006, l'avocat a expliqué qu'il avait appliqué un
tarif horaire de 450 fr., montant accepté par sa cliente qui avait du reste
payé la première note d'honoraires, du 11 octobre 2004, établie selon ce
tarif. Il a contesté avoir promis de traiter l'affaire en 30 à 35 heures de
travail et avoir reçu une proposition transactionnelle de 20'000 fr.

B.
Par décision du 4 juillet 2006, la commission a arrêté à 35'049 fr.20, TVA
comprise, le montant des frais et honoraires dus par X.________ Sàrl à Me
Y.________.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour arbitraire (art. 9 Cst.)
et violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), X.________ Sàrl
conclut à l'annulation de la décision du 4 juillet 2006. Des observations
n'ont pas été requises.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé en temps utile contre une décision qui arrête, en dernière instance
cantonale (art. 38 al. 2 de la loi genevoise sur la profession d'avocat du 26
avril 2002; ci-après: LPAv/GE), des honoraires d'avocat, le recours est en
principe recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1
OJ (ATF 93 I 116 consid. 1 p. 120). La recourante a en outre qualité pour
recourir (art. 88 OJ).

2.
Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., la recourante se plaint d'une violation de
son droit à une décision motivée, dès lors qu'on ne comprendrait pas
pourquoi, après avoir constaté le caractère excessif des notes d'honoraires
de l'intimé, la commission s'est contentée de réduire ceux-ci de 10%.

2.1 La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu, garanti par
l'art. 29 al. 2 Cst., l'obligation pour le juge de motiver sa décision, afin
que l'intéressé puisse la comprendre ainsi que l'attaquer utilement s'il y a
lieu, et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge n'est
certes pas tenu de se prononcer sur tous les arguments soulevés par les
parties, et peut s'en tenir aux questions décisives; il faut toutefois qu'il
mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il
s'est fondé (ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540, 473 consid. 4.1 p. 477; 129 I
232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 97 consid. 2b p. 102/103).

Le droit d'être entendu étant une garantie constitutionnelle de nature
formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée
sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431
consid. 3d/aa p. 437; 126 V 130 consid. 2b p. 132), ce moyen doit être
examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50) et avec un plein
pouvoir d'examen (ATF 127 III 192 consid. 3 p. 194 et la jurisprudence
citée).

2.2 En l'espèce, l'autorité cantonale a estimé, compte tenu de l'ensemble des
critères déterminants, notamment de l'importance de l'affaire et du résultat
obtenu, qu'il y avait lieu de réduire ex aequo et bono de 10% les honoraires
facturés, hors débours et TVA; les trois notes de frais et honoraires des 11
octobre 2004, 8 août 2005 et 29 novembre 2005 devaient donc être diminuées de
3'243 fr.75 (10% de 32'437 fr.50), de manière à totaliser 35'049 fr.20
(38'292 fr.95 - 3'243 fr.75). Quoique brève, cette motivation se révèle
suffisamment explicite pour saisir le sens et la portée de la décision en
cause (cf. ATF 114 Ia 233 consid. 2d p. 242). Le grief de violation de l'art.
29 al. 2 Cst. apparaît ainsi infondé.

3.
La recourante reproche en outre à la commission d'avoir arbitrairement
apprécié certains faits.

3.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse
concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore
faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais
aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et les arrêts
cités).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, une
décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le
sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de
tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou
encore si, sur la base des éléments recueillis, il a tiré des conclusions
insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178).

3.2 La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir constaté de manière
erronée que le "time sheet" de l'intimé n'était pas contesté. A l'appui de ce
grief, elle fait valoir qu'elle n'a reçu les détails de ce document qu'au
mois de septembre 2005. La commission aurait donc retenu à tort qu'elle avait
accepté celui-ci. Ces allégations ne sont toutefois pas propres à démontrer
d'arbitraire sur ce point (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1
p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid.
1.6 p. 189; 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 71 consid. 1c p. 76).
L'autorité cantonale a en effet retenu que la recourante ne contestait pas le
temps nécessaire à chacune des interventions mentionnées dans le "time sheet"
de l'intimé. Or la recourante ne prétend pas que, contrairement à
l'affirmation de la commission, elle aurait formulé des critiques concernant
le temps consacré à l'affaire devant celle-ci, c'est-à-dire en dernière
instance cantonale conformément à l'art. 86 al. 1 OJ (ATF 128 I 354 consid.
6c p. 357; 119 Ia 88 consid. 1a p. 90 s.; 118 III 37 consid. 2a p. 38/39).

La recourante conteste en outre avoir accepté un tarif horaire de 450 fr.,
sans toutefois s'en prendre à la motivation de la commission selon laquelle
elle aurait payé sans protester la première note d'honoraires établie sur la
base de ce tarif. Autant qu'elle est recevable, sa critique est par
conséquent mal fondée. Enfin, à supposer qu'elles soient pertinentes, ses
allégations relatives au fait qu'elle n'aurait pas été mise en garde contre
les risques financiers d'un procès, d'une part, et celles concernant le
montant versé en sa faveur sur le compte de l'intimé et prétendument retenu
par lui en dépit des provisions déjà versées, d'autre part, sont de nature
purement appellatoire et ne peuvent dès lors être prises en considération
(ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495); au demeurant, les questions qui ont trait
au règlement des comptes entre les parties sont du ressort du juge ordinaire,
et non de la commission (arrêt 4P.256/2005 du 18 janvier 2006, consid. 3.2).

4.
La recourante fait par ailleurs grief à l'autorité cantonale d'avoir violé la
maxime d'office prévue par l'art. 37 al. 3 LPAv/GE, en renonçant à
interpeller le magistrat qui s'était occupé de l'affaire pour avoir une
explication sur le décalage entre l'indemnité valant participation aux
honoraires d'avocat accordée par le Tribunal de première instance - soit
2'500 fr. - et la facture finale de l'intimé. Ce grief ne répond pas aux
exigences de motivation circonstanciée déduites de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
(cf. supra, consid. 3.2). De toute manière, la commission n'était pas liée
par la décision du Tribunal de première instance, la fixation de l'indemnité
d'une partie pour ses dépens répondant au demeurant à d'autres critères.

5.
La recourante soutient aussi que l'autorité cantonale a arbitrairement
appliqué l'art. 34 LPAv/GE en ne réduisant pas notablement les honoraires et
en omettant de s'interroger sur les conséquences financières que ces frais
excessifs auraient pour elle. De plus, en octroyant à l'intimé la somme de
35'049 fr., TVA comprise, soit la majeure partie du montant de 37'124 fr.
gagné à l'issue du procès, la commission aurait rendu une décision
insoutenable.

5.1 Selon l'art. 34 LPAv/GE, les honoraires sont, sous réserve des décisions
de la commission de taxation, fixés par l'avocat lui-même compte tenu du
travail qu'il a effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire,
de la responsabilité qu'il a assumée, du résultat obtenu et de la situation
de son client. Il incombe ainsi en premier lieu à l'avocat de fixer le
montant de ses honoraires selon son appréciation, sans être lié à un tarif
(ATF 93 I 116 consid. 5b p. 122). S'il y a contestation de la part du client,
l'autorité cantonale de modération examinera si la rémunération de l'avocat
demeure dans un rapport raisonnable avec la prestation fournie et ne
contredit pas d'une manière grossière le sentiment de la justice (ATF 117 Ia
22 consid. 4b in fine p. 25; 93 I 116 consid. 5 p. 122/123 et les arrêts
cités). Sa décision ne sera annulée que si le montant global des honoraires
alloués au mandataire a été fixé de manière arbitraire, étant précisé que les
débours doivent être remboursés intégralement (ATF 109 Ia 107 consid. 3d p.
112). Le Tribunal fédéral n'intervient donc que si la commission a abusé de
son large pouvoir d'appréciation ou si elle l'a excédé (cf. à ce sujet: ATF
126 III 266 consid. 2b p. 273; 123 III 246 consid. 6a p. 255, 274 consid.
1a/cc p. 279/280; 119 II 157 consid. 2a in fine p. 160 et les arrêts cités).

En l'absence d'un tarif, l'autorité de modération apprécie le montant des
honoraires en tenant compte, dans chaque cas concret, de tous les éléments
nécessaires à la décision (arrêt 4P.256/2005 du 18 janvier 2006, consid. 3.3
et les références citées), au nombre desquels figure la valeur litigieuse
(ATF 117 II 282 consid. 4c p. 284). Cette valeur est généralement un critère
essentiel, s'agissant de rechercher l'existence d'une éventuelle
disproportion manifeste entre les services rendus par l'avocat et le montant
de sa rémunération (arrêt 4P.317/2001 du 28 février 2002, consid. 3). Le
résultat obtenu constitue aussi un élément d'appréciation pour fixer les
honoraires, afin de permettre une compensation entre les affaires compliquées
et peu rémunératrices, parce qu'elles portent sur des sommes modiques, d'une
part, et les affaires faciles qui procurent au client une satisfaction
appréciable et rapide, d'autre part. Toutefois, ce facteur n'est pas
déterminant à lui seul, et l'autorité de taxation n'a pas l'obligation de
tenir compte de tous les critères pouvant entrer en considération. Le rejet
des conclusions ne constitue pas un motif en soi de réduction des honoraires,
l'avocat n'ayant qu'une obligation de moyen et non de résultat (ATF 101 II
109 consid. 3b p. 114; 93 I 116 consid. 5a p. 122).

5.2 En l'espèce, l'autorité cantonale considère que l'activité déployée par
l'avocat et le temps qu'il a consacré à l'affaire résultent de manière
détaillée des notes de frais et honoraires ainsi que du "time sheet" figurant
au dossier. Le temps nécessaire à chacune des interventions décrites dans ce
"time sheet" n'est pas contesté et le tarif horaire appliqué n'a jamais été
clairement discuté; bien au contraire, la partie requérante a payé sans
protester la première note d'honoraires établie selon ce tarif. Toutefois,
l'ensemble des honoraires facturés, soit 32'437 fr.50, paraît disproportionné
par rapport à la valeur litigieuse, équivalente à 57'000 fr. et, surtout, au
résultat obtenu, d'un montant de 37'124 fr.75. En effet, les honoraires (sans
TVA ni débours) représentent près de 90% du gain résultant de l'activité de
l'avocat, et l'ensemble des frais et honoraires, y compris la TVA (soit
38'292 fr.95 au total), excède même celui-ci. Dans ces conditions, et compte
tenu de l'ensemble des critères déterminants, notamment de l'importance de
l'affaire et du résultat obtenu, il y a lieu de diminuer ex aequo et bono de
10% les honoraires facturés, hors débours et TVA. Les trois notes
d'honoraires doivent donc être réduites de 3'243 fr.75 (= 10% de 32'437
fr.50), de manière à ce qu'elles totalisent la somme de 35'049 fr.20 (=
38'292 fr.95 - 3'243 fr.75), frais et TVA compris.

5.3 La jurisprudence a précisé qu'en l'absence de circonstances particulières
et pour une cause d'une valeur litigieuse de 17'500 fr. environ, 10'000 fr.
constitue le montant maximal de la rémunération du mandataire, frais compris
(arrêt 4P.147/1993 du 28 octobre 1993, consid. 2b), ce qui représente une
proportion, arrondie, de 57%. En l'occurrence, l'autorité cantonale a arrêté
le montant global des honoraires de l'intimé (frais et TVA inclus) à 35'049
fr.20, soit environ 61% de la valeur litigieuse de 57'000 fr. Il convient
toutefois de relever que, contrairement à l'affaire précitée, la somme de
35'049 fr.20 comprend 7,6% de TVA. Appliqué aux seuls honoraires, d'un
montant de 29'193 fr.75 après la réduction de 10% opérée par la commission
(32'437 fr.50 - 3'243 fr.75 = 29'193 fr.75), ce taux donne une somme de 2'218
fr.75. Dès lors, si l'on se fonde uniquement sur les honoraires et débours
(35'049 fr.20 - 2'218 fr.75 = 32'830 fr.45), la rémunération de l'intimé
équivaut, dans le cas particulier également, à environ 57% de la valeur
litigieuse.

Selon la jurisprudence mentionnée ci-dessus, une telle rémunération constitue
certes, sauf motif spécial, un maximum. La recourante ne démontre cependant
pas que la solution à laquelle aboutit la décision attaquée serait
insoutenable (art. 90 al. 1 let. b OJ). Elle se contente en effet d'affirmer
qu'eu égard, notamment, au gain obtenu, d'un montant de 37'124 fr.75, la
commission n'a pas pris la conclusion qui s'imposait, à savoir une réduction
notable des honoraires de l'intimé, sans même préciser dans quelle mesure
elle aurait souhaité que ceux-ci soient diminués. De toute manière, les
honoraires à verser au mandataire ne sont pas la contre-partie d'un résultat
à produire, mais d'une activité à déployer; or la décision attaquée retient
que le temps consacré par l'intimé à chacune de ses interventions n'est pas
contesté. Quant au reproche d'absence de prise en compte de sa situation
financière, également formulé par la recourante, il se révèle entièrement
appellatoire et, partant, irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).

6.
En conclusion, le recours apparaît mal fondé et doit par conséquent être
rejeté, dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe,
supportera dès lors les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en
revanche pas lieu d'allouer des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commission de
taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève.

Lausanne, le 1er décembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: