Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.31/2006
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5P.31/2006 /frs

Arrêt du 23 mars 2006
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

X. ________ SA, Assurance maladie et accident,
recourante, représentée par Me Pascal Revaz, avocat,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Christian Favre, avocat,

Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de justice,
1950 Sion 2.

art. 9 Cst. (contrat d'assurance),

recours de droit public contre le jugement de la Cour civile II du Tribunal
cantonal du canton du Valais
du 14 décembre 2005.

Faits:

A.
Y. ________ a conclu auprès de X.________ SA, dès le 1er septembre 1994, une
assurance d'indemnités journalières pour perte de gain, avec risque accident,
pour un montant de 100 fr. par jour dès le 31ème jour d'incapacité de
travail. Le 2 décembre 1994, elle a été victime d'un accident de la
circulation au cours duquel elle a subi un traumatisme (coup du lapin)
entraînant une incapacité, totale puis partielle, de travail. A la suite de
cet accident, elle a touché de l'assureur les indemnités journalières selon
un taux d'incapacité de travail de 100% pendant trois mois, de 75% le
quatrième mois et de 50% du 10 avril 1995 au 31 décembre 1996. Estimant que
le taux de 50% d'incapacité de travail n'était plus réalisé un an après
l'accident, X.________ a refusé toute prestation après le 31 décembre 1996.

Après un nouvel accident survenu en mai 1998, Y.________ est au bénéfice
d'une demie-rente AI depuis le 1er novembre 1998, le taux de son invalidité
étant de 60%.

B.
Le 11 juin 2003, Y.________ a ouvert action contre X.________ en paiement du
montant de 31'275 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 1er octobre 1997. Dans
ses dernières conclusions, elle a requis le versement de 628 jours
d'indemnités journalières à 50 fr. du 1er janvier 1997 au 20 septembre 1998,
soit la somme de 31'375 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er septembre 1997.

Par jugement du 14 décembre 2005, la Cour civile II du Tribunal cantonal
valaisan a condamné la défenderesse à verser à la demanderesse le montant de
31'375 fr. avec intérêt à 5% dès le 11 novembre 1997.

C.
Agissant le 24 janvier 2006 par la voie du recours de droit public, la
défenderesse a requis le Tribunal fédéral d'annuler le jugement de la cour
cantonale et de renvoyer la cause à celle-ci pour nouvelle décision. Elle
invoque l'art. 9 Cst. et se plaint d'une appréciation arbitraire des preuves
sur plusieurs points.
Le dépôt de réponses n'a pas été requis.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé en temps utile contre une décision rendue en dernière instance
cantonale pour appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.), le présent
recours de droit public est recevable au regard des art. 84 al. 1 let. a, 86
al. 1 et 89 al. 1 OJ.

2.
Lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations
indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes, chacune
doit, sous peine d'irrecevabilité, être attaquée avec le moyen de droit
approprié (ATF 121 IV 94; 115 II 300 consid. 2a; 111 II 398 consid. 2).

3.
3.1 En l'occurrence, la cour cantonale a tout d'abord recherché la volonté
subjective des parties et, se basant sur plusieurs indices et comportements
des parties, elle a retenu que celles-ci avaient voulu conclure une assurance
d'indemnité fixe tant à l'occasion du premier que du second contrats passés
entre elles. En effet, s'agissant du premier contrat, la demanderesse l'avait
signé alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir un cabinet de thérapie naturelle et
bénéficiait déjà d'une telle assurance; elle n'avait par conséquent aucun
intérêt à conclure une assurance dommage, subordonnée de surcroît à la preuve
d'une perte de gain compliquée à rapporter pour une indépendante; ensuite, un
montant déterminé d'indemnité avait été fixé, le décompte AVS fourni n'étant
destiné qu'à établir que le montant journalier correspondait à son revenu;
puis, une fois l'accident survenu, la défenderesse avait versé les indemnités
journalières en 1995 et 1996 sans jamais exiger de décompte AVS ou fiscal de
manière à déterminer la perte de gain effective; enfin, les remarques de la
défenderesse sur les décomptes de prestations de l'année 1996 démontraient
qu'elle faisait dépendre le droit aux allocations de la seule incapacité de
travail. S'agissant du second contrat, la demanderesse n'avait pas renoncé ni
voulu aggraver les conditions de son indemnisation alors que le cas
d'assurance était déjà survenu; la précision de l'art. 1.1 des conditions
spéciales d'assurance 1997 (allocation des indemnités journalières jusqu'à
concurrence de la perte économique réelle) n'était pas déterminante, car la
défenderesse n'avait jamais entendu lui accorder la portée qu'elle voulait
lui donner dans la procédure en cours, n'ayant en particulier jamais exigé le
moindre décompte AVS ou fiscal en 1997 et 1998. Or, même si les termes
utilisés dans les conditions générales et spéciales pouvaient objectivement
être compris comme une assurance contre la perte effective de gain, la
volonté subjective était seule déterminante.

3.2 A titre subsidiaire, la cour cantonale a considéré que même si
l'interprétation objective conduisait à considérer qu'il s'agissait d'une
assurance perte de gain, le comportement adopté par la défenderesse dans la
procédure en cours contredisait de manière flagrante son comportement
antérieur et constituait ainsi un abus de droit qui ne pouvait mériter
protection; en effet, elle avait prétendu à l'application textuelle des
conditions générales d'assurance au sujet de la perte de gain pour la
première fois dans son mémoire de réponse, alors qu'elle avait toujours
subordonné jusque-là le droit aux indemnités journalières au taux
d'incapacité de gain, attendant les décisions de l'assurance invalidité et
les rapports médicaux pour s'acquitter des prestations.

Ce faisant, la cour cantonale a adopté une double motivation.

4.
4.1
La recourante soutient que l'interprétation subjective est en contradiction
avec l'interprétation objective claire, que la cour cantonale est tombée dans
l'arbitraire en admettant cette interprétation subjective et qu'une réelle et
commune volonté des parties n'est clairement pas démontrée; cela, tout
d'abord, parce qu'elle-même a toujours et pour tous ses clients considéré
l'assurance en question comme une assurance dommage, ayant rendu la
demanderesse attentive par sa lettre d'affiliation du 2 février 1995 au fait
qu'elle devait justifier sa perte de gain par une attestation AVS; ensuite
parce que, même si elle n'a pas exigé une telle attestation depuis 1997, la
production de ce document était une obligation du preneur; d'ailleurs, une
déclaration de perte de gain fournie par l'employeur ou une déclaration
personnelle de l'indépendant était exigée par les conditions spéciales 1997.
La recourante tient en outre la décision attaquée pour arbitraire dans son
résultat également. Elle estime enfin que l'interprétation des conditions
générales devrait tenir compte de leur valeur normative; puisqu'elles sont
applicables à tous les intéressés d'une communauté de risques, il importerait
qu'elles soient interprétées de façon uniforme et non pas en fonction de ce
qu'a compris tel ou tel intéressé.
En résumé, la recourante fait ainsi valoir qu'une "réelle et commune volonté
des parties n'est clairement pas démontrée", que l'interprétation subjective
n'a donc pas abouti et qu'il y aurait lieu, partant, de procéder à
l'interprétation objective, qui à ses yeux serait claire.

4.2 Dans la mesure où la recourante ne soutient pas que l'interprétation
subjective devrait aboutir au résultat inverse de celui auquel est parvenue
la cour cantonale - mais seulement que la volonté subjective n'est pas
"clairement démontrée" - et qu'elle se prévaut de l'interprétation objective
- qui, selon la jurisprudence, n'entre en jeu que si la volonté réelle des
parties ne peut pas être établie ou si le juge constate qu'une partie n'a pas
compris la volonté réelle manifestée par l'autre (ATF 127 III 444 consid. 1b;
121 III 118 consid. 4b) - elle ne pouvait s'abstenir de critiquer dans le
présent recours de droit public, s'agissant des constatations de fait, ou
dans un recours en réforme, s'agissant de l'application du droit - la
motivation subsidiaire de la cour cantonale, fondée sur l'abus de droit au
sens de l'art. 2 CC. Son recours ne remplit donc pas les conditions de
recevabilité susmentionnées (consid. 2) et, partant, il est irrecevable.

5.
Vu le sort du recours, les frais de la procédure doivent être mis à la charge
de la recourante (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens,
l'intimée n'ayant pas été invitée à répondre (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 23 mars 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: