Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.301/2006
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{T 0/2}
5P.301/2006 /frs

Arrêt du 27 juillet 2006
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourante, représentée par Me Laurent Panchaud, avocat,

contre

Y.________ Assurances,
intimée,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (faillite),

recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève du 21 juin 2006.

Faits:

A.
Statuant sur la réquisition formée par Y.________ Assurances, le Tribunal de
première instance du canton de Genève a déclaré le 5 mai 2006 la faillite de
X.________.

Le 15 mai 2006, la débitrice a recouru contre ce jugement auprès de la Cour
de justice du canton de Genève. Par lettres recommandées du 22 mai 2006,
cette autorité l'a invitée à acquitter dans les 15 jours un émolument de mise
au rôle de 220 fr., sous peine de l'irrecevabilité de l'appel, et l'a citée à
comparaître à l'audience du 15 juin 2006; ces plis ont été retournés à
l'expéditeur, avec la mention «non réclamé[s]».

B.
Le 21 juin 2006, la 1ère Section de la Cour de justice a déclaré l'appel
irrecevable pour non-paiement de l'avance de frais.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pour
violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst., X.________ conclut à l'annulation de
cet arrêt.

L'autorité cantonale se réfère aux considérants de sa décision, tandis que
l'intimée n'a pas répondu.

D.
Par ordonnance présidentielle du 20 juillet 2006, l'effet suspensif a été
attribué au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé à temps contre une décision qui confirme en dernière instance
cantonale un prononcé de faillite (ATF 119 III 49 consid. 2 p. 51; 118 III 4
consid. 1 p. 5 et les références), le présent recours est recevable sous
l'angle des art. 84 al. 2, 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ. La recourante étant
personnellement atteinte par l'arrêt attaqué, il l'est aussi du chef de
l'art. 88 OJ.

2.
La recourante expose que, après avoir reçu communication de l'arrêt attaqué,
elle s'est renseignée auprès de la Poste au sujet des envois recommandés
relatifs à la procédure d'appel. Le 4 juillet 2006, l'office postal concerné
lui a répondu que ceux-ci avaient été "avisés par le facteur puis gardés en
souffrance à l'office de Poste de A.________ pendant 10 jours"; comme ils
"n'ont pas été retirés dans ce délai, ils ont donc été retournés à
l'expéditeur". Il est ressorti de la "consultation du facteur [...] que le
destinataire des envois, donc vous-même, ne possédez pas de boîte aux lettres
au ...", en sorte que les avis de retrait ont été placés derrière "un pot aux
fleurs situé devant la vitrine de votre établissement et en abord de route";
vu son format et son épaisseur, "il est possible que [l'avis de retrait]
puisse s'envoler de l'endroit où il est déposé [...]".
2.1 La lettre de la Poste qu'invoque la recourante a été établie après la
reddition de l'arrêt déféré. Cette pièce est néanmoins recevable, car sa
production est précisément justifiée par la motivation de la décision
attaquée (arrêt 5P.171/2001 du 31 juillet 2001, consid. 2a in fine; pour le
principe général: ATF 129 I 49 consid. 3 p. 57 et les références); de
surcroît, elle ne fait que confirmer des faits qui existaient déjà lorsque la
cour cantonale a statué (cf. ATF 102 Ia 76 consid. 2f p. 79/80).

2.2 Les règles qui touchent à la notification ont pour but de garantir au
justiciable son droit d'être entendu (cf. ATF 117 Ib 347 consid. 2b/bb
p. 350; Darbellay, Le droit d'être entendu, in: RDS 1964 II p. 419 ss, spéc.
480 ss et les arrêts cités). Ce droit a été violé en l'espèce.

Il est constant que les plis recommandés litigieux étaient adressés au
domicile privé de l'intéressée (i.e. route ...), tout comme la citation à
l'audience de faillite en première instance; c'est également là qu'ont été
notifiés - à juste titre (cf. Schmid, in: Basler Kommentar, vol. I, n. 53 ad
art. 46 LP et les références citées) - le commandement de payer et la
commination de faillite. Il n'est pas démontré, ni même allégué, que le
facteur aurait eu l'habitude - ou reçu l'instruction - de distribuer les
actes judiciaires et de poursuite à l'endroit où elle exerce son activité
professionnelle (i.e. route ...). On ne saurait ainsi affirmer qu'elle devait
s'attendre à y recevoir les envois en cause, transmis au demeurant d'aussi
singulière façon. Supposée admissible, une signification sur le lieu de
travail n'eût pu intervenir, en l'absence de la destinataire, qu'en mains
d'un employé (Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure
civile genevoise, vol. I, n. 3 in fine ad art. 14 LPC/GE), hypothèse qui
n'est aucunement réalisée ici. Dans ces circonstances, force est d'admettre
que la notification est affectée d'un défaut ayant empêché la recourante de
prendre connaissance de l'ordonnance d'avance de frais et de s'y conformer en
temps utile.

2.3 Vu ce qui précède, il devient superflu d'examiner les griefs tirés du
formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) et de l'arbitraire (art. 9 Cst.).

3.
En conclusion, il y a lieu d'accueillir le recours et d'annuler la décision
attaquée.

L'intimée n'a pas procédé - ce qui n'est, en soi, pas décisif quant au sort
des frais et dépens (cf. ATF 123 V 156 et 159) - et ne répond pas du vice de
procédure incriminé (cf. arrêt 5P.378/1997 du 18 novembre 1997, consid. 4).
Cela étant, les dépens doivent être mis à la charge du canton de Genève (ATF
125 I 389 consid. 5 p. 393), à l'exception de l'émolument judiciaire (art.
156 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'État de Genève versera à la recourante une indemnité de 1'500 fr. à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la 1ère Section de
la Cour de justice du canton de Genève ainsi qu'à l'Office des faillites de
Genève.

Lausanne, le 27 juillet 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: