Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.254/2006
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{T 0/2}
5P.254/2006 /frs

Arrêt du 19 décembre 2006
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourant,

contre

Y.________ SA,
intimée,
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
route du Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (mainlevée d'opposition),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites
du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 10 mai 2006.

Faits:

A.
Par prononcé du 4 octobre 2005, motivé le 25 novembre 2005, le Juge de paix
du cercle de Vevey a levé provisoirement, à concurrence de la somme de
568'000 fr., avec intérêts à 10 % l'an dès le 1er avril 2004, l'opposition
formée par X.________ au commandement de payer que Y.________ SA lui a fait
notifier dans le cadre d'une poursuite en réalisation de gage immobilier.

B.
Le poursuivi a déféré ce prononcé au Tribunal cantonal vaudois.

Le 19 décembre 2005, le Greffe de la Cour des poursuites et faillites a fixé
au recourant un délai au 12 janvier 2006 pour fournir une avance de frais de
1'200 fr., à défaut de quoi le recours serait réputé non avenu et la décision
de première instance deviendrait exécutoire.

Le 6 janvier 2006, le recourant a sollicité une prolongation de ce délai, en
faisant valoir qu'il avait requis l'assistance judiciaire. Le 11 janvier
suivant, le Greffe de la Cour des poursuites et faillites a prolongé au 28
février 2006 le délai pour effectuer l'avance de frais ou produire la
décision du Bureau de l'assistance judiciaire.

Le recourant a demandé une nouvelle prolongation de délai au 31 mars 2006, à
laquelle le Greffe de la Cour des poursuites et faillites a donné suite le 2
mars 2006 dans les mêmes termes que précédemment.

Le 31 mars 2006, le recourant a présenté une troisième demande de
prolongation de délai au 30 avril 2006, en alléguant qu'il n'avait toujours
pas obtenu de décision du Bureau de l'assistance judiciaire. Par lettre du 7
avril suivant, la Présidente de la Cour des poursuites et faillites a informé
l'intéressé que ledit Bureau, interpellé à ce sujet, avait indiqué qu'aucune
requête n'était pendante à son nom et lui a imparti un "ultime délai" au 25
avril 2006 pour verser l'avance de frais ou produire une décision du Bureau
précité.

Le 25 avril 2006, le recourant a sollicité une ultérieure prolongation de
délai au 31 mai suivant; à l'appui de cette demande, il a exposé avoir
retourné au Bureau de l'assistance judiciaire, dûment complétés, les
documents que ce dernier lui avait envoyés le 23 février 2006, à savoir une
formule d'assistance judiciaire et un budget mensuel type.

C.
Par arrêt du 10 mai 2006, la Cour des poursuites et faillites a déclaré le
recours non avenu, faute pour le recourant d'avoir effectué l'avance de frais
ou produit une décision du Bureau de l'assistance judiciaire, et rayé la
cause du rôle.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pour
violation des art. 9 et 29 Cst., X.________ conclut sur le fond à
l'annulation de cette décision; il réclame le bénéfice de l'assistance
judiciaire pour la procédure fédérale.

La cour cantonale se réfère à son arrêt, alors que l'intimée s'en remet à
justice.

E.
Par ordonnance présidentielle du 14 juin 2006, l'effet suspensif a été
refusé.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté à temps à l'encontre d'une décision finale rendue en dernière
instance cantonale, le recours est ouvert sous l'angle des art. 86 al. 1, 87
et 89 al. 1 OJ. Il l'est également du chef de l'art. 88 OJ, le recourant
étant personnellement atteint dans ses intérêts juridiquement protégés par
l'arrêt attaqué.

2.
Le recourant dénonce une violation de son droit d'être entendu garanti par
l'art. 29 al. 2 Cst.; en bref, il reproche à la juridiction cantonale de ne
pas lui avoir donné la possibilité de prendre position sur la question de
l'envoi des documents relatifs à sa demande d'assistance judiciaire au Bureau
ad hoc.

2.1 Le droit d'être entendu étant une garantie de procédure de nature
formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée
sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431
consid. 3d/aa p. 437), ce grief doit être examiné d'abord (ATF 124 I 49
consid. 1 p. 50) et librement (ATF 131 I 185 consid. 2.1 p. 188).

2.2 Après avoir constaté que le recourant n'avait pas payé l'avance de frais
requise dans le délai fixé à cet effet et prolongé à trois reprises, la
troisième et dernière fois au 25 avril 2006, ni produit dans ce délai une
décision du Bureau de l'assistance judiciaire, la juridiction cantonale a
considéré qu'il incombait à l'intéressé de prouver qu'il avait bien requis
l'assistance judiciaire, en établissant avoir envoyé une telle demande, avec
les pièces nécessaires; il a, certes, produit la lettre du Bureau de
l'assistance judiciaire du 23 février 2006 lui transmettant les formulaires à
remplir pour bénéficier de cette assistance, ainsi que la copie de ces
documents complétés par ses soins, mais il n'a pas démontré les avoir
renvoyés à l'autorité (administrative) compétente.

Le moyen apparaît fondé. Tant le Greffe que la Présidente de la Cour des
poursuites et faillites ont invité le recourant à produire, dans le délai
prolongé, une "décision du Bureau de l'assistance judiciaire". Or, bien que
l'intéressé ait, dans chacune de ses demandes de prolongation de délai, fait
expressément référence à sa requête d'assistance judiciaire, l'autorité
cantonale n'a jamais exigé de lui qu'il prouve avoir présenté une telle
requête, munie des pièces idoines. Les magistrats cantonaux ne pouvaient
ainsi justifier le motif d'irrecevabilité tiré de l'absence de production
d'une "décision d'assistance judiciaire" - le seul qui entrait en
considération dans le cas présent - par l'argument que le recourant n'avait
pas prouvé le dépôt d'une requête d'assistance judiciaire, sans lui avoir
offert préalablement la possibilité d'apporter cette preuve.

La cour cantonale ajoute qu'il ressort d'une télécopie du 26 avril 2006,
émanant du Bureau de l'assistance judiciaire, qu'"aucune demande n'a été
enregistrée au nom du recourant". Cela ne change toutefois rien à l'affaire.
Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. accorde au
justiciable le droit de prendre connaissance des pièces que l'autorité a
recueillies d'office et de se prononcer sur leur contenu (ATF 115 Ia 8
consid. 2 p. 10/11; arrêt 5P.456/2005 du 17 février 2006, consid. 4.2 et les
références). Or, il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que le recourant aurait
été invité à se déterminer sur ce document, dont un exemplaire lui aurait été
dûment communiqué; la juridiction inférieure ne le prétend d'ailleurs même
pas.

2.3 L'admission du recours pour violation du droit d'être entendu rend
superflu l'examen des autres griefs du recourant.

3.
Vu ce qui précède, le présent recours doit être admis et l'arrêt attaqué
annulé. Cela étant, la requête d'assistance judiciaire du recourant est
devenue sans objet (ATF 109 Ia 5 consid. 5 p. 11).

L'intimée s'en est rapportée à justice - ce qui n'est pas déterminant pour le
sort des frais et dépens (cf. ATF 123 V 156 et 159) - et n'a pas provoqué la
décision déférée (cf. Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in
Zivilsachen, p. 35 et les arrêts cités), en sorte que les frais et dépens ne
sauraient être mis à sa charge. Le canton de Vaud, qui y serait en principe
tenu (ATF 125 I 389 consid. 5 p. 393), n'a pas non plus à verser de dépens:
le recourant a procédé sans le concours d'un mandataire professionnel et
aucun motif particulier ne justifie de lui allouer une indemnité (ATF 113 Ib
353 consid. 6b p. 356/357). Des frais ne peuvent davantage être perçus (art.
156 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
La requête d'assistance judiciaire est sans objet.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 19 décembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: