Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.236/2006
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5P.236/2006 /frs
{T 0/2}

Arrêt du 17 octobre 2006
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière : Mme Rey-Mermet.

X. ________,
recourante,

contre

Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

Expertise psychiatrique dans une procédure de mainlevée de l'interdiction,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 27 avril 2006.

Faits:

A.
Par ordonnance du 28 mai 2004, le Tribunal tutélaire de la République et
canton de Genève a prononcé l'interdiction de X.________. Il s'est fondé sur
une expertise psychiatrique du 18 juin 2002 du Dr B.________, établie sous la
direction du professeur Y.________, Directeur de l'Institut universitaire de
médecine légale (ci-après : l'Institut), qui concluait à l'existence d'un
trouble délirant persistant de type persécutoire. Le Tribunal tutélaire a
désigné comme tuteur M.________, tutrice adjointe auprès du Service du Tuteur
général du canton. La Cour de justice, saisie d'un appel interjeté par
X.________, a confirmé cette décision par un arrêt rendu le 8 octobre 2004.
Le 13 décembre 2004, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable pour cause de
tardiveté les recours en réforme et de droit public interjetés par X.________
(arrêts 5C.248/2004 et 5P.435/2004); le 8 février 2005, il a rejeté la
demande de révision déposée par l'intéressée (arrêt 5C.16/2005).
Parallèlement, la demande de révision cantonale de l'arrêt du 8 octobre 2004
a été rejetée par la Cour de justice le 27 janvier 2005 et le recours de
droit public interjeté contre cette décision a été déclaré irrecevable le 11
février 2005 (arrêt 5P.55/2005).

B.
Le 19 février 2005, X.________ a demandé la mainlevée de son interdiction.

Le 31 janvier 2006, le Tribunal tutélaire a ordonné l'expertise psychiatrique
de X.________ et nommé le Professeur Y.________, avec pouvoir de délégation.
Le Dr P.________ a été désigné par l'Institut pour effectuer l'expertise. Le
même jour, le Tribunal tutélaire a rejeté la requête de l'intéressée tendant
à la désignation de sa soeur comme tutrice et a confirmé M.________ dans ses
fonctions.

C.
Contre la décision d'expertise et de désignation de l'expert, X.________ a
recouru à la Cour de justice. Elle a requis la récusation du Professeur
Y.________ et a demandé que la nouvelle expertise soit confiée à un
"spécialiste du harcèlement", plutôt un psychologue qu'un psychiatre;
estimant ce spécialiste difficile à trouver en Suisse, elle a proposé la
Dresse H.________, psychiatre exerçant à Paris.
Par arrêt du 27 avril 2006, la Cour de justice a rejeté le recours, dans la
mesure de sa recevabilité, en tant qu'il concernait l'expertise et la
nomination de l'expert. Il a confirmé en tant que de besoin la décision qui
déboutait la recourante de ses conclusions tendant à la nomination de sa
soeur comme tutrice.

D.
Contre cet arrêt, X.________ interjette un recours de droit public au
Tribunal fédéral, concluant principalement à ce que les trois décisions
susmentionnées soient cassées et, subsidiairement, à ce que le Tribunal
fédéral constate la nullité absolue de l'interdiction et la fausseté de
l'expertise B.________, cosignée par le Professeur Y.________ et N.________.
Elle produit également des chargés de pièces, qui avaient été versés en
procédure et qui ne se trouvaient plus au dossier lorsqu'elle l'a consulté.

Elle requiert d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire.

E. La cour cantonale a déclaré se référer aux considérants de son arrêt quant
au fond.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1; 131 II 571 consid. 1).

1.1 Sous réserve d'exceptions qui n'entrent pas en considération en l'espèce
(art. 86 al. 2 OJ), le recours de droit public n'est recevable qu'à
l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1
OJ).

Dans cette mesure, les conclusions de la recourante tendant à casser les
ordonnances rendues par le Tribunal tutélaire le 31 janvier 2006 (cf. lettre
B supra) et à lui renvoyer la cause sont irrecevables.

1.2 Le recours de droit public n'est pas la simple continuation de la
procédure cantonale, mais ouvre en tant que moyen de droit indépendant et
extraordinaire une procédure nouvelle dont l'objet est d'examiner si la
décision cantonale, en soi définitive et exécutoire, viole les droits
constitutionnels des citoyens (ATF 118 III 37 consid. 2a). Le Tribunal
fédéral doit donc se limiter à vérifier si les décisions prises par
l'autorité cantonale sont conformes à la Constitution.

En l'espèce, les conclusions subsidiaires tendant à la constatation de la
nullité de l'interdiction et de la fausseté de l'expertise sont irrecevables.
En effet, ces deux questions n'ont pas été abordées dans l'arrêt attaqué,
dont l'objet se limite à la mise en oeuvre d'une expertise, à la désignation
de l'expert et à celle du tuteur.

Pour le même motif, le Tribunal fédéral ne peut examiner le grief pris de la
violation du droit à l'assistance gratuite d'un défenseur d'office (art. 29
al. 3 Cst). Cette question, traitée dans une procédure distincte (GE
AC/2906/2004), fait l'objet d'un recours actuellement pendant devant la Cour
de justice. Il convient toutefois de relever que, vu les intérêts en jeu (cf.
ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les arrêts cités), la procédure de mainlevée
d'interdiction ne saurait, sous réserve d'urgence qui ne paraît pas réalisée
en l'espèce, être poursuivie tant que la question du droit de l'intéressée à
l'assistance d'un défenseur d'office n'aura pas été tranchée définitivement,
étant précisé qu'un refus de l'assistance judiciaire par l'autorité cantonale
est susceptible de recours au Tribunal fédéral par la voie du recours de
droit public dans le délai de trente jours.

1.3 La recourante s'en prend à l'arrêt de la cour cantonale, en ce qu'il
confirme le refus de nommer sa soeur comme tutrice.

Cette critique générale ne répond toutefois pas aux exigences de l'art. 90
al. 1 let. b OJ, selon lequel l'acte de recours doit contenir, sous peine
d'irrecevabilité (ATF 125 I 492 consid. 1b), un exposé succinct des droits
constitutionnels ou des principes juridiques qui auraient été violés,
précisant en quoi consiste cette violation. En l'occurrence, la recourante
n'indique pas quel principe juridique la cour cantonale aurait enfreint. Sa
conclusion est dès lors insuffisamment motivée et  se révèle irrecevable.

1.4 La recourante critique l'arrêt attaqué en tant qu'il ordonne
l'administration d'une expertise psychiatrique et qu'il confie celle-ci au
Professeur Y.________.
Selon l'art. 87 al. 2 OJ, le recours de droit public est recevable contre les
décisions préjudicielles et incidentes - autres que celles sur la compétence
et sur les demandes de récusation - prises séparément s'il peut en résulter
un préjudice irréparable. La décision attaquée, qui a trait à
l'administration d'une preuve dans le cadre d'un procès civil est une
décision incidente (ATF 99 Ia 437 consid. 1; arrêt 4P.117/1998 du 26 octobre
1998, in : SJ 1999 I p. 186; cf. sur la notion de décision incidente, cf. ATF
128 I 215 consid. 2 et les arrêts cités). Elle ne peut faire l'objet d'un
recours de droit public que si elle cause à la recourante un dommage
irréparable au sens de la disposition précitée, par quoi on entend
exclusivement le dommage juridique qui ne peut être réparé ultérieurement,
notamment par le jugement final (ATF 129 I 313, consid. 3.2; 129 III 107
consid. 1.2.1 et les arrêts cités).

En l'occurrence, la recourante soutient que la décision incidente
compromettrait ses chances d'obtenir gain de cause dans la procédure
principale. Il ne s'agit cependant pas d'un préjudice irréparable, car le
point contesté pourra être attaqué en même temps que la décision finale de
dernière instance cantonale. Le recours de droit public se révèle ainsi
irrecevable à cet égard. Pour ce motif, les griefs que la recourante soulève
en relation avec la procédure incidente - violation du droit d'être entendu,
violation de l'interdiction de l'arbitraire - ne peuvent être examinés dans
le cadre du présent recours.

2.
Il résulte de ce qui précède que le recours de droit public doit être déclaré
irrecevable.

Quant à la requête d'assistance judiciaire fondée sur l'art. 152 OJ, elle
doit être rejetée, dès lors que le recours apparaissait d'emblée voué à
l'échec au sens de cette disposition. La recourante, qui succombe, supportera
ainsi les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer
de dépens (art. 159 al. 2 OJ) .

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 500 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 17 octobre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: