Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.229/2006
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{T 0/2}
5P.229/2006 /frs

Arrêt du 7 novembre 2006
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

A. ________,
X.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Regina Andrade, avocate,

contre

dame Y.________,
intimée, représentée par Me Leila Roussianos, avocate,
Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

Art. 9 Cst. (droit de visite),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre
des tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 25 avril 2006.

Faits:

A.
A. ________, né le 30 juillet 1994, est le fils de dame Y.________ et de
X.________, nés tous deux en 1972; celui-ci a reconnu l'enfant.

Les parents se sont séparés le 1er juillet 1997; ils sont convenus que
l'enfant vivrait chez son père.

B.
B.aLe 26 août 1998, X.________ a adressé à la Justice de paix du cercle de
Montreux une requête tendant à ce que l'autorité parentale et la garde sur
l'enfant lui soient attribuées; il faisait valoir que la mère s'adonnait à la
prostitution, consommait de l'alcool et des produits stupéfiants, et n'était
pas apte à s'occuper de son fils. Par décision du 8 septembre 1998, la
justice de paix a retiré provisoirement à la mère le droit de garde sur
l'enfant et l'a confié au Service de protection de la jeunesse (SPJ); un
mandat d'enquête a été donné à ce dernier et une expertise pédo-psychiatrique
a été ordonnée.

Lors de l'audience du 8 septembre 1998, dame Y.________ a formulé des
accusations d'abus sexuels à l'égard de X.________. Dans le cadre de
l'instruction de la plainte pénale pour dénonciation calomnieuse et atteinte
à l'honneur que celui-ci a déposée, il est apparu que la mère avait commis
des actes d'ordre sexuel sur l'enfant; l'intéressée a été condamnée à raison
de ces faits.
Dans sa séance du 27 avril 1999, la justice de paix, se fondant sur le
rapport déposé le 22 mars 1999 par E.________, psychologue et
psychothérapeute, a préavisé en faveur du retrait de l'autorité parentale à
la mère, institué une curatelle éducative et désigné le SPJ en qualité de
curateur; le droit de visite de la mère a été fixé à deux heures tous les
quinze jours auprès de l'Association Point Rencontre à Lausanne.

Le 25 mai suivant, la justice de paix a prononcé le retrait de l'autorité
parentale; cette décision a, cependant, été annulée le 25 mai 2000 par la
Chambre des tutelles du Tribunal cantonal vaudois.

B.b Le 25 octobre 2001, dame Y.________ a demandé un droit de visite usuel,
un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Par décision du 27
novembre 2001, la justice de paix a fixé provisoirement ce droit à quinzaine,
alternativement un samedi et un dimanche, pour une période de trois heures,
auprès de l'Association Point Rencontre à Lausanne. Elle a, en outre, décidé
de réévaluer la situation de l'enfant et les capacités éducatives respectives
des père et mère; dans ce but, elle a requis une expertise du Service de
psychiatrie et psychothérapie d'enfants et adolescents (SUPEA), dont le
rapport, du Dr C.________, a été déposé le 10 juin 2002.

Par décision du 11 mai 2004, la justice de paix a pris acte du rapport du Dr
C.________ (1), transmis le dossier à la Chambre des tutelles du Tribunal
cantonal afin qu'elle prononce le retrait de l'autorité parentale de la mère
(2), invité le Dr C.________ à se prononcer sur l'opportunité de la reprise
du droit de visite de la mère, en fixant, le cas échéant, les modalités de
l'exercice de ce droit (3) et suspendu le droit de visite de la mère jusqu'à
ce que les conclusions du Dr C.________ soient connues de la justice de paix
(4).

B.c Statuant le 22 novembre 2004 sur le recours de dame Y.________, la
Chambre des tutelles du Tribunal cantonal a réformé cette décision en ce sens
que le droit de visite s'effectuera à quinzaine, alternativement un samedi et
un dimanche pour une période de trois heures, auprès de l'Association Point
Rencontre à Lausanne, étant précisé que ce droit s'exercera exclusivement à
l'intérieur des locaux de l'association et que, une fois sur deux, la mère
est autorisée à amener sa fille B.________ lors des visites.

B.d Par arrêt du 2 septembre 2005 (5C.51/2005), le Tribunal fédéral a admis
le recours en réforme interjeté par l'enfant et le père, annulé la décision
entreprise et renvoyé la cause à la juridiction précédente pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.

C.
C.aStatuant à nouveau le 25 avril 2006, la Chambre des tutelles du Tribunal
cantonal a dit: que l'exercice du droit de visite de la mère sur son fils
s'exercera par l'intermédiaire du Point Rencontre de Lausanne, conformément
au règlement interne et aux principes de fonctionnement de celui-ci, qui sont
obligatoires pour les deux parents (ch. 4a); que le droit de visite
s'exercera une fois par mois, pour une durée maximale de deux heures, à
l'intérieur des locaux du Point Rencontre et que, une fois sur deux, la mère
est autorisée à amener sa fille B.________ lors des visites (ch. 4b); que
chaque parent est tenu de prendre contact avec le Point Rencontre pour la
mise en place des visites (ch. 4c); que le père est tenu d'amener son fils un
quart d'heure avant le début de la visite et de venir le rechercher un quart
d'heure après la fin de la visite (ch. 4d).

C.b Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
A.________ et X.________ concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué; ils
sollicitent le bénéfice de l'assistance judiciaire.

L'autorité cantonale se réfère aux considérants de sa décision, tandis que
l'intimée a renoncé à déposer un mémoire.

C.c Les recourants ont interjeté parallèlement un recours en réforme, tendant
à la suppression du droit de visite (5C.135/2006).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément au principe général posé à l'art. 57 al. 5 OJ, le recours de
droit public doit être examiné en premier.

2.
Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité des
recours dont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 III 667
consid. 1 p. 668 et les arrêts cités).

2.1 La qualité pour recourir du père et de l'enfant ayant été tranchée lors
de la précédente affaire, il n'y a plus lieu d'y revenir (5C.51/2005, consid.
2, publié in: RSPC 2006 p. 24).

2.2 Déposé en temps utile à l'encontre d'une décision finale rendue en
dernière instance cantonale, le recours est également recevable sous l'angle
des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

3.
En l'espèce, les recourants se plaignent d'arbitraire dans l'appréciation des
preuves.

3.1 De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral se montre réservé dans le
domaine de l'établissement des faits et de l'appréciation des preuves, vu le
large pouvoir qu'il reconnaît en la matière aux autorités cantonales (ATF 104
Ia 381 consid. 9 p. 399); il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si
le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de
preuve, s'il a omis sans motif sérieux de tenir compte d'un moyen de preuve
pertinent ou encore s'il a opéré, sur la base des éléments recueillis, des
déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; cf. aussi: ATF 127 I
38 consid. 2a p. 41 et les arrêts cités).

3.2 L'autorité précédente a fixé l'exercice du droit de visite de la mère au
Point Rencontre, dont les parents doivent obligatoirement respecter le
règlement interne ainsi que les principes de fonctionnement. Sur ce point,
elle a considéré que, vu les nettes réticences de l'enfant, il fallait
aménager un cadre de nature à rassurer celui-ci, de façon qu'il ne soit pas,
après plusieurs années sans contacts, confronté seul à sa mère, qu'il rejette
pour le moment; dans ces conditions, les visites doivent se passer dans les
locaux du Point Rencontre de Lausanne.

Or, le 14 février 2005, la coordinatrice de ce centre avait déjà informé le
Président de la juridiction cantonale que «le Point Rencontre a signifié aux
parents [qu'il estimait] actuellement ne pas être le lieu approprié pour
l'accompagnement et l'encadrement nécessaires» aux rencontres entre la mère
et son garçon, raison pour laquelle «[il ne planifiait] plus ces visites tant
que la situation n'aura pas été réévaluée par l'Autorité compétente». Dans le
cadre du complément d'instruction ordonné par la Cour de céans, le SPJ a
écrit au Tribunal cantonal, le 17 novembre suivant, que la reprise des
visites (décidée par l'arrêt cantonal annulé ultérieurement) «s'est si mal
déroulée, que le Point Rencontre a refusé de poursuivre». Les juges cantonaux
n'expliquent aucunement que les circonstances actuelles rendraient possible
l'exercice du droit de visite dans ce lieu. En contradiction manifeste avec
les pièces du dossier, la décision attaquée s'avère arbitraire et, partant,
doit être annulée.

4.
En conclusion, le présent recours doit être accueilli et l'arrêt attaqué
annulé. Cela étant, la demande d'assistance judiciaire des recourants
devient, en principe, sans objet (ATF 131 II 72 consid. 4 p. 80; 109 Ia 5
consid. 5 p. 11). Il se justifie, néanmoins, de prévoir l'indemnisation de
leur mandataire par la Caisse du Tribunal fédéral pour le cas où les dépens
ne pourraient pas être recouvrés. Encore qu'elle ait renoncé à présenter des
observations, l'intimée n'en supporte pas moins les frais et dépens de la
procédure fédérale (ATF 123 V 156 et 159).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Autant qu'elle n'est pas sans objet, la demande d'assistance judiciaire des
recourants est admise; Me Regina Andrade, avocate à Lausanne, leur est
désignée comme avocate d'office.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'intimée.

4.
L'intimée versera aux recourants une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

5.
Pour le cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés, la Caisse du
Tribunal fédéral versera au conseil des recourants une indemnité de 1'800 fr.
à titre d'honoraires d'avocat d'office.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 novembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: