Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.225/2006
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{T 0/2}
5P.225/2006 /frs

Arrêt du 2 octobre 2006
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Borgeat.

X. ________,
recourante, représentée par Me Damien Bender, avocat,

contre

Communauté de la PPE Y.________,
intimée,
Juge II du district de Monthey,
place de l'Hôtel-de-Ville 1, 1870 Monthey 2.

art. 9 Cst. (action en cessation de l'atteinte),

recours de droit public contre la décision du Juge II du district de Monthey
du 24 avril 2006.

Faits:

A.
X. ________ est propriétaire des deux parts d'étages n° 9928 et 9931 de la
propriété par étages Y.________, constituée sur la parcelle n° 1091 de la
Commune de A.________. Elle occupe l'appartement correspondant à la part n°
9931, sis au rez-de-chaussée. Lors des assemblées générales de la PPE des 3
mars 2004 et 2 mars 2005, elle a demandé l'abattage d'un arbre de 22 mètres
situé dans les parties communes de la PPE parce que le branchage
particulièrement dense de celui-ci, planté à moins de sept mètres de son
appartement, empêche partiellement la lumière du soleil d'y pénétrer et
induit une humidité qui provoque des tâches de moisissure sur les murs. Le
prix de l'abattage reviendrait à 2'920 fr. selon un premier devis et à
3'300 fr. selon un second. L'assemblée générale de la PPE a les deux fois
rejeté sa demande à la majorité des membres présents et représentés.

B.
X.________ a ouvert une action en cessation de l'atteinte (art. 679 et 684
CC) contre les copropriétaires de la PPE, soit B.________, C.________, époux
D.________, E.________, F.________, G.________, H.________ et époux
I.________. Le Juge de commune de A.________ l'a déclarée irrecevable par
jugement du 29 décembre 2005. Par décision du 24 avril 2006, le Juge II du
district de Monthey a rejeté le pourvoi en nullité interjeté par la
demanderesse.

C.
Contre cette décision, la demanderesse interjette un recours de droit public
au Tribunal fédéral. Elle conclut à son annulation et, principalement, à la
constatation que l'action en cessation de l'atteinte est recevable,
subsidiairement, au renvoi de la cause au juge de district, l'État du Valais
et, subsidiairement la Commune de A.________, devant être condamnés aux frais
et dépens de toutes les instances cantonales et fédérale. Elle reproche à
l'autorité cantonale d'avoir retenu un état de fait partiel (art. 9 Cst.),
d'avoir considéré arbitrairement que l'action en cessation de trouble ne lui
était pas ouverte, seule l'action en contestation de la décision de
l'assemblée générale de la PPE l'étant (art. 9 Cst.), et d'avoir procédé à
une substitution de motifs qui est lacunaire (art. 9 Cst.) et qui viole son
droit d'être entendue (art. 29 Cst.).
Les copropriétaires d'étages intimés n'ont pas répondu. L'autorité intimée a
renoncé à se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) contre une décision finale rendue en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ) par un juge de district, sur
pourvoi en nullité contre une décision d'un juge de commune, dans une
contestation civile dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 5'000 fr. (art.
22 al. 5 et 21 al. 2 CPC/VS, RS/VS 270.1), le recours, qui ne peut pas être
soumis au Tribunal fédéral par un autre moyen de droit (art. 84 al. 2 OJ),
est recevable.

2.
La recourante reproche au juge de district d'avoir violé l'art. 9 Cst. en
admettant, à tort, que la seule voie de droit à sa disposition était l'action
en contestation de la décision de l'assemblée générale de la PPE et, partant,
en déclarant irrecevable son action en cessation de trouble.

2.1 Selon la décision attaquée, la recourante se plaint d'une mauvaise
application de la loi en ce qui concerne la qualité pour agir d'un
propriétaire d'étage à l'égard des autres copropriétaires d'étages au sens
des art. 679 et 684 CC. Elle invoque à ce sujet l'arrêt 5C.183/2005 du 21
octobre 2005 - publié depuis in ATF 132 III 9 -. L'autorité de recours n'a
pas suivi la motivation du premier juge et a procédé par substitution de
motifs. Elle considère que la jurisprudence invoquée par la recourante - qui
reconnaît au propriétaire d'étage troublé dans ses parties exclusives le
droit d'exercer l'action négatoire contre le propriétaire d'étage à l'origine
du trouble - vise une autre situation et qu'il n'est pas du tout certain que
le Tribunal fédéral ait voulu lui donner le sens extensif que la recourante
lui donne; elle en conclut que c'est en vain que la recourante se plaint
d'une application arbitraire de la loi puisque la règle de droit qu'elle
invoque n'est ni suffisamment claire, ni certaine. Elle affirme ensuite que,
quoi qu'il en soit, il n'existe aucune disposition ou jurisprudence accordant
la possibilité à un propriétaire d'étage d'actionner directement en cessation
de trouble le reste des copropriétaires pour une immission due à un phénomène
naturel, qui de surcroît provient d'une partie commune, et qu'en pareille
situation une décision de l'assemblée des propriétaires d'étages est
indispensable. Elle ajoute encore que le sort d'une partie commune doit être
décidé par une décision de tous les copropriétaires, que l'abattage de
l'arbre litigieux doit être pris par une décision à la majorité des
copropriétaires représentant, leurs parts réunies, plus de la moitié de la
chose et que, si un propriétaire s'estime lésé par cette décision ou par une
décision négative, il peut recourir au juge dans le délai d'un mois en vertu
de l'art. 75 CC (par renvoi de l'art. 712m al. 2 CC).

2.2 Lorsque le juge de recours procède par substitution de motifs et qu'il
adopte de ce fait une nouvelle motivation, il ne peut pas lui-même qualifier
sa décision de non arbitraire, au motif que la loi n'est pas claire. La
première branche de la motivation du juge de district est ainsi insoutenable.

Dans sa seconde branche, sa motivation est également arbitraire. La loi et la
jurisprudence sont claires. Les art. 679 et 684 CC protègent, en tant que
règles minimales, le propriétaire voisin aussi bien à l'encontre des
immissions positives (chutes de feuilles, d'aiguilles, etc.; ATF 131 III 505)
que des immissions négatives (privation d'air, de soleil et de lumière et ses
conséquences telles que des moisissures; ATF 126 III 452). Le propriétaire
d'étage, comme tout propriétaire foncier ordinaire, dispose des actions
conférées par ces dispositions, de même que celles déduites de l'art. 641 al.
2 CC, à l'encontre aussi bien des tiers que des autres copropriétaires
d'étages qui troublent son droit d'utilisation de ses parties exclusives (ATF
132 III 9 consid. 3.6 p. 14; cf. aussi ATF 106 II 315 consid. 2a p. 317).
Contrairement à ce qu'affirme l'autorité cantonale, l'action de l'art. 75 CC
ne permet pas à un propriétaire d'étage d'obtenir l'abattage d'un arbre situé
dans les parties communes contre la volonté exprimée par la majorité des
copropriétaires. En effet, en vertu de l'art. 75 CC, en relation avec
l'art. 712m al. 2 CC, les décisions de l'assemblée des copropriétaires ne
peuvent être annulées par le juge que si elles violent des dispositions
légales relatives à la propriété par étages ou des dispositions statutaires;
l'action en annulation ne permet pas de faire contrôler l'opportunité et
l'adéquation des décisions de la communauté des copropriétaires; en entrant
dans la communauté des copropriétaires d'étages, chaque copropriétaire se
soumet à la volonté de la majorité, même si celle-ci choisit des solutions
qui ne correspondent pas à sa volonté (ATF 131 III 459 consid. 5.1 et 5.2
p. 461 et les arrêts cités). Dès lors qu'elle prive la recourante de toute
possibilité d'obtenir la protection de son droit de propriété contre les
atteintes alléguées qui y sont portées, la décision est également arbitraire
dans son résultat.
Le recours doit donc être admis et la décision attaquée annulée. Il s'ensuit
qu'il est superflu d'examiner les autres griefs - peu clairs - soulevés par
la recourante.

3.
Les intimés n'ont pas procédé - ce qui n'est, en soi, pas décisif quant au
sort des frais et dépens (cf. ATF 123 V 156 et 159) - , mais ils ne répondent
pas du vice incriminé (cf. arrêt 5P.378/1997 du 18 novembre 1997, consid. 4).
Cela étant, les dépens doivent être mis à la charge de l'État du Valais (ATF
125 I 389 consid. 5 p. 393), à l'exception de l'émolument judiciaire (art.
156 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'État du Valais versera à la recourante une indemnité de 1'500 fr. à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Juge II du
district de Monthey.

Lausanne, le 2 octobre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: