Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.216/2006
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{T 0/2}
5P.216/2006 /frs

Arrêt du 22 décembre 2006
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourant, représenté par Me Marco Crisante, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Dominique Amaudruz, avocate,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (contestation de l'état de collocation; notification d'un
jugement à l'étranger),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève du
7 avril 2006.

Faits:

A.
Dans le cadre de la faillite de la société Z.________ SA, Y.________ a
ouvert, le 14 juillet 2003, action en contestation de l'état de collocation à
l'encontre de X.________, en concluant à l'élimination de la prétention de
celui-ci (i.e. 7'502'000 fr.).

X. ________ a été cité par le Tribunal de première instance de Genève à
comparaître à l'audience d'introduction de la cause fixée au 10 décembre
2003; l'assignation lui a été notifiée le 26 septembre 2003 à son domicile
monégasque sis «...». Le 9 décembre 2003, le prénommé - sur papier à l'entête
«X.________ Monaco» - a informé le Tribunal que, en raison de la maladie, il
ne pouvait donner suite à cette convocation. Il a donc été assigné derechef
le 23 janvier 2004, à la même adresse, pour une nouvelle audience fixée au 21
avril suivant. Le défendeur ne s'y étant toutefois pas présenté, le Tribunal
a rendu, le 17 mai 2004, un jugement par défaut allouant au demandeur
l'entier de ses conclusions.

Le 25 mai 2004, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a requis l'autorité
monégasque compétente de notifier à X.________, au même domicile que
précédemment, le jugement par défaut. Le 6 juillet 2004, cette autorité a
informé l'OFJ que ledit jugement n'avait pu être remis à l'intéressé, motif
pris qu'il «n'a pas déféré aux convocations motivées qui lui ont été
adressées»; un constat de carence dressé par la police judiciaire monégasque
était annexé, disant que «l'intéressé(e) habite toujours à l'adresse
indiquée, mais qu'il (elle) n'a pu être touché(e) à son domicile et qu'il
(elle) n'a pas déféré aux convocations motivées qui lui ont été adressées».

Par courrier du 25 août 2004, X.________ a avisé le Tribunal de première
instance de Genève qu'il avait déménagé le 15 septembre 2003 et que sa
nouvelle adresse était «... à Monaco»; il a sollicité une nouvelle
notification du jugement par défaut. Le Tribunal a rejeté la requête le 3
septembre 2004 pour le motif que la précédente notification était régulière;
cette décision a été notifiée le 21 septembre 2004 par l'autorité monégasque
compétente à la nouvelle adresse du requérant.

B.
Par acte du 12 octobre 2004, X.________ a formé opposition au jugement par
défaut; il a notamment produit une attestation établie le 28 septembre 2004
par la Division de la Police administrative de la Principauté de Monaco, d'où
il ressort qu'il est enregistré à Monaco sous le nom de «X.________» et qu'il
a «signalé au service son changement d'adresse (... à Monaco) le 1er juin
2004».

Statuant le 7 avril 2005, le Tribunal de première instance de Genève a
déclaré l'opposition irrecevable pour cause de tardiveté; en substance, il a
considéré que la notification litigieuse était régulière, en sorte que le
délai pour former opposition a commencé à courir le 7 juillet 2004 pour
expirer (compte tenu des féries judiciaires) le 6 septembre suivant. Par
arrêt du 7 avril 2006, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève a confirmé ce jugement.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pour
violation de l'art. 9 Cst., X.________ conclut à l'annulation de cet arrêt.

Des observations n'ont pas été requises.

D.
Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a déclaré irrecevable le recours en
réforme interjeté parallèlement (5C.140/2006).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral vérifie d'office et librement la recevabilité du recours
dont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292).

1.1 En l'espèce, le recourant se plaint d'arbitraire dans l'«appréciation des
preuves» ainsi que dans l'«application du droit». Comme on l'a vu lors de
l'examen du recours connexe, ce dernier moyen ne ressortit pas au recours en
réforme. Le recours en nullité (art. 68 al. 1 let. d OJ) n'est pas davantage
ouvert (Poudret, COJ II, n. 7 ad art. 68 OJ). Le recours de droit public est
dès lors recevable (art. 84 al. 2 OJ).

1.2 Déposé en temps utile à l'encontre d'une décision finale rendue en
dernière instance cantonale, le recours est également recevable sous l'angle
des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

2.
Dans son arrêt préparatoire du 8 novembre 2005, la Cour de justice a invité
les parties, en application de l'art. 16 al. 1 LDIP, à se déterminer sur le
contenu du droit monégasque, plus précisément sur la question de savoir si
celui-ci connaît ou non la notification fictive.

Sur le vu de la documentation déposée par les plaideurs, la juridiction
précédente a retenu qu'il n'existait pas de décision des tribunaux de la
Principauté de Monaco quant à la notification d'un jugement par défaut à une
partie ayant changé de domicile en cours de procédure, sans en informer les
autorités judiciaires ou sa partie adverse. À la lecture des avis de droit
qu'ont produits les parties, le juge monégasque applique les «règles
[jurisprudentielles] du droit français», selon lesquelles «est valable la
signification effectuée en cours d'instance à une partie au domicile qu'elle
avait indiqué comme étant le sien depuis le début de la procédure, bien
qu'ultérieurement elle ait déclaré avoir un domicile nouveau, si elle n'a pas
dénoncé au requérant le lieu de son nouveau domicile» (Juris-Classeur
Procédure civile, 1998, fasc. 141, p. 13 et les arrêts cités). Comme les
principes à la base de la notification des actes judiciaires ne sont pas
foncièrement différents en France et à Monaco, ainsi d'ailleurs que dans
d'autres États qui connaissent la notification personnelle des actes de
procédure, une telle solution peut être reprise en l'occurrence; le défendeur
ne prétend pas qu'elle serait contraire à une norme légale monégasque ou
contreviendrait à l'ordre public de la Principauté. Par conséquent, faute
d'avoir annoncé en temps utile son changement d'adresse aux autorités
judiciaires suisses, le défendeur ne peut se prévaloir de son déménagement en
cours d'instance. Dès lors, la notification est censée avoir eu lieu le 6
juillet 2004, en sorte que la requête d'opposition au jugement par défaut se
révèle tardive.

Les magistrats d'appel ont ajouté que la solution serait la même si l'on
devait admettre que le juge monégasque ne doit pas s'inspirer du droit
français. Il faudrait alors constater que le contenu du droit monégasque n'a
pas été établi, ce qui entraînerait l'application du droit suisse (art. 16
al. 2 LDIP). Or, les règles suisses sur la notification fictive aboutissent à
la conclusion que la notification litigieuse est valablement intervenue le 6
juillet 2004.

2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et incontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une solution différente
apparaisse concevable, voire préférable; une telle décision n'est, de
surcroît, annulée que si elle s'avère arbitraire, non seulement dans sa
motivation, mais également dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p.
211 et les arrêts cités).

S'agissant de l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral se montre
réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en la matière aux autorités
cantonales (ATF 104 Ia 381 consid. 9 p. 399); il n'intervient, du chef de
l'art. 9 Cst., que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la
portée d'un moyen de preuve, s'il a omis sans motif sérieux de tenir compte
d'un moyen de preuve pertinent ou encore s'il a effectué, sur la base des
éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p.
9; 127 I 38 consid. 2a p. 41 et les arrêts cités).

Conformément à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir,
sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4a p. 558), un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste cette violation. Saisi d'un recours de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et
présentés de façon claire et détaillée, le principe iura novit curia étant
inapplicable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31). Le justiciable qui se plaint
d'arbitraire (art. 9 Cst.) ne peut, dès lors, se contenter de critiquer la
décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où la juridiction
supérieure dispose d'une libre cognition; en particulier, il ne saurait se
borner à opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, mais doit
démontrer par une argumentation précise que cette décision se fonde sur une
application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement
insoutenables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 II 297 consid. 2.2.2
p. 301; 125 I 492 consid. 1b p. 495; 117 Ia 10 consid. 4b p. 11/12).

2.2 À l'appui de son grief tiré de d'appréciation arbitraire des preuves, le
recourant se prévaut de l'avis de droit «clair» de Me S.________, dont
l'autorité cantonale aurait écarté le contenu et les conclusions sans en
exposer les motifs, alors qu'il ressortait de ce document que le jugement par
défaut souffrait d'un vice de notification en droit monégasque.

La juridiction précédente n'a aucunement passé sous silence l'avis de droit
en discussion; au contraire, elle en a expressément tenu compte pour retenir
que les tribunaux monégasques pouvaient «se référer à la jurisprudence
française (principalement de la Cour de cassation), dès lors que les règles
de droit sont identiques». Le recourant ne précise pas les passages de cette
pièce qui conforteraient sa position, et ceux qu'il reproduit dans un autre
contexte (violation de l'art. 16 LDIP) sont loin de justifier son reproche.
Enfin, la cour cantonale s'est clairement fondée sur l'avis de droit établi
par Me P.________; or, le recourant ne dit pas que cette consultation
juridique serait affectée de défauts à ce point évidents qu'il était
arbitraire de s'y fier (art. 90 al. 1 let. b OJ).

2.3 Le grief de déni de justice matériel apparaît aussi manifestement
irrecevable. Le recourant se borne à présenter sa propre argumentation
juridique, basée sur l'avis de droit «clair» de Me S.________, mais il ne
réfute en rien les motifs de la juridiction précédente, qui s'appuient sur
celui de Me P.________. Sur ce point, l'acte de recours ne satisfait donc pas
aux exigences légales de motivation (art. 90 al. 1 let. b OJ), telles
qu'elles ont été rappelées ci-dessus (consid. 2.1 in fine).

3.
Vu ce qui précède, le présent recours est irrecevable. Les conclusions du
recourant étaient dépourvues de chances de succès, si bien que sa demande
d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ) et l'émolument
de justice mis à sa charge (art. 156 al. 1 OJ). En revanche, il n'y a pas
lieu d'accorder des dépens à sa partie adverse, qui n'a pas été invitée à
répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 22 décembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: