Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.206/2006
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{T 0/2}
5P.206/2006 /frs

Arrêt du 29 septembre 2006
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Meyer et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

Dame X.________,
recourante, représentée par Me Pierre Ochsner, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Danièle-Christine Magnin, avocate,
Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (droit de garde),

recours de droit public contre la décision de l'Autorité de surveillance des
tutelles du canton de Genève du 6 avril 2006.

Faits:

A.
A. ________, née à Vienne (A) le 17 décembre 1997, est la fille de dame
X.________, de nationalité polonaise, et de Y.________, originaire de Genève.
Le 24 octobre 1999, les parents ont signé une convention relative à l'enfant,
portant, en particulier, sur son entretien. La mère est titulaire de
l'autorité parentale sur sa fille.

B.
B.aLe 10 février 2003, Y.________ a demandé au Tribunal tutélaire du canton
de Genève de retirer à la mère la garde de sa fille et de la lui confier, la
mère étant investie d'un droit de visite et condamnée à verser une
contribution d'entretien en faveur de l'enfant. L'audition des nombreux
témoins a confirmé le grave conflit divisant les parents et le fait que
l'enfant y avait été impliquée pour avoir assisté à des scènes mettant aux
prises ses père et mère.

Par ordonnance du 5 avril 2004, le Tribunal tutélaire a débouté le père de
ses conclusions tendant au retrait de la garde et à l'instauration d'une
garde alternée (ch. 1 et 2), réservé à l'intéressé un droit de visite
s'exerçant, sauf accord entre les parents, à raison d'un week-end sur deux,
du vendredi après-midi à la sortie de l'école au lundi matin au début de
l'école et durant la moitié des vacances scolaires (ch. 3), dit qu'il
incombait au père d'aller chercher sa fille le vendredi à la sortie de
l'école et de l'y ramener le lundi matin (ch. 4), confirmé la curatelle de
surveillance des relations personnelles instaurée le 4 novembre 2002 par voie
de mesures provisoires (ch. 5), décliné sa compétence pour connaître du
montant de la contribution d'entretien en faveur de l'enfant (ch. 6) et
débouté les plaideurs de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 7).

B.b Y.________ a recouru contre cette décision auprès de l'Autorité de
surveillance des tutelles du canton de Genève, en concluant à titre principal
au retrait du droit de garde à la mère, à l'octroi de ce droit à lui-même, à
un droit de visite en faveur de la mère, à la confirmation de l'institution
de la curatelle et à la condamnation de la mère à verser une contribution
d'entretien de 500 fr. par mois, allocations familiales non comprises,
jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de 9 ans. A titre subsidiaire, il a
réclamé un droit de visite à raison d'une semaine sur deux et de la moitié
des vacances scolaires; la mère devait être invitée à lui remettre le
passeport de l'enfant en vue de l'exercice du droit de visite et à respecter,
ainsi que son entourage, les sentiments légitimes de l'enfant à son égard;
enfin, il devait être autorisé à téléphoner à sa fille deux fois par semaine
durant la semaine où elle demeure auprès de sa mère.

De son côté, dame X.________ a conclu à ce que le droit de visite du père
soit arrêté, sauf entente contraire, à un week-end sur deux, du vendredi à la
sortie de l'école au dimanche soir, ainsi qu'à la moitié des vacances
scolaires, l'ordonnance attaquée étant confirmée pour le surplus.

B.c Le 16 juin 2004, l'Autorité de surveillance a entendu les parents et
tenté de les amener à trouver un terrain d'entente dans l'intérêt de leur
fille; le père a persisté à réclamer le retrait du droit de garde, alléguant
que la mère et son nouveau compagnon étaient des alcooliques.

B.d Le 21 octobre 2004, le père a déclaré maintenir ses conclusions
principales et subsidiaires, demandant préalablement que la mère soit soumise
à une expertise psychiatrique et médicale; il a conclu, à titre plus
subsidiaire, à ce que les relations personnelles s'exercent tous les
mercredis depuis la sortie de l'école à sa reprise le jeudi matin, un
week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Le 28 octobre 2004, la mère a confirmé ses conclusions, en précisant qu'il
incombait au père de venir chercher sa fille et de la ramener.

C.
Par décision du 10 novembre 2004, l'Autorité de surveillance a rejeté le
recours et confirmé l'ordonnance attaquée.

Saisie d'un recours en réforme de Y.________, la IIe Cour civile du Tribunal
fédéral a annulé cette décision et renvoyé la cause à l'autorité cantonale
pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des
considérants (arrêt 5C.257/2004 du 9 mars 2005).

D.
Statuant à nouveau le 6 avril 2006, après avoir ordonné une expertise,
l'Autorité de surveillance a annulé l'ordonnance entreprise, retiré à la mère
le droit de garde, l'a attribué au père, fixé le droit de visite de la mère,
confirmé la curatelle de surveillance des relations personnelles instaurée
sur mesures provisoires, étendu le mandat tutélaire au choix de l'école et du
pédopsychiatre de l'enfant, l'autorité parentale de la mère étant limitée
dans cette mesure, et débouté les parties de toutes autres conclusions.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pour
violation de l'art. 9 Cst., dame X.________ conclut à l'annulation de cette
décision ainsi qu'au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

L'intimé n'a pas été invité à répondre.

F.
La recourante a déposé parallèlement un recours en réforme.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément au principe posé par l'art. 57 al. 5 OJ (cf. ATF 122 I 81
consid. 1 p. 82/83), il convient d'examiner le recours de droit public en
premier.

2.
Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité des
recours dont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292).

2.1 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce (cf. ATF 124 I 327
consid. 4b p. 332/333), le recours de droit public est de nature cassatoire
et, partant, ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF
132 III 291 consid. 1.5 p. 294). Il s'ensuit que le chef de conclusions
tendant au renvoi de la cause à la juridiction précédente afin qu'elle
complète l'instruction et statue à nouveau dans le sens des considérants est
irrecevable.

2.2 Dans un recours de droit public pour arbitraire, l'invocation de faits
nouveaux est prohibée (ATF 118 III 37 consid. 2a p. 39 et les arrêts cités).
Le Tribunal fédéral s'en tient, dès lors, aux faits constatés par la
juridiction cantonale, à moins que le recourant ne démontre que ces
constatations sont arbitrairement erronées ou lacunaires (ATF 118 Ia 20
consid. 5a p. 26). Les divers compléments qu'apporte la recourante sont donc
irrecevables, sous réserve des griefs motivés en conformité avec les
exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. à ce sujet: ATF 125 I 492 consid.
1b p. 495 et les arrêts cités). Il en est ainsi, a fortiori, pour les faits
postérieurs à l'arrêt déféré (ATF 120 Ia 369 consid. 3b p. 374; Kälin, Das
Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., p. 370 et la
jurisprudence citée), en particulier ceux qui touchent à la réaction de
l'enfant (p. 7 let. G).

3.
En l'espèce, la recourante se plaint d'une «appréciation arbitraire des
faits»; en bref, elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir, d'une part,
attribué une force probante à une «expertise extrêmement partiale» et,
d'autre part, de s'en être écartée «dans ses conclusions finales».

3.1 De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral reconnaît un large
pouvoir aux autorités cantonales en matière de constatation des faits et
d'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40; 104 Ia 381
consid. 9 p. 399). Il n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst., que si
le juge cantonal n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un
moyen de preuve, a omis sans motifs sérieux de tenir compte de preuves
pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des
déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9); encore faut-il que
la décision attaquée en soit viciée, non seulement dans ses motifs, mais
aussi dans son résultat (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58; 124 IV 86 consid. 2a
p. 88).

Lorsque la juridiction cantonale se rallie au résultat d'une expertise, le
Tribunal fédéral n'admet le grief d'appréciation arbitraire des preuves que
si l'expert n'a pas répondu aux questions, si ses conclusions sont
contradictoires ou si, de quelqu'autre manière, l'expertise est entachée de
défauts à ce point évidents et reconnaissables, même en l'absence de
connaissances ad hoc, qu'il n'était tout simplement pas possible de les
ignorer. L'autorité cantonale n'est point tenue de contrôler à l'aide
d'ouvrages spécialisés l'exactitude scientifique des avis de l'expert. Il
n'appartient pas non plus au Tribunal fédéral de vérifier que toutes les
affirmations de l'expert sont exemptes d'arbitraire; sa tâche se limite à
examiner si l'autorité cantonale pouvait, sans arbitraire, faire siennes les
conclusions de l'expertise (arrêts 5P.421/2001 du 22 janvier 2002, consid.
4a; 5P.187/2001 du 29 octobre 2001, consid. 2a; 5P.457/2000 du 20 avril 2001,
consid. 4a).

3.2 La recourante ne prétend pas de manière motivée que l'expertise serait
entachée de l'un des défauts énumérés précédemment. Quant à la partialité de
l'expert, elle n'est stigmatisée que dans le «résumé des faits» de l'acte de
recours (p. 5/6 let. D); mais l'intéressée se contente ici de présenter sa
propre version des faits, ce qui ne satisfait pas aux prescriptions légales
de motivation (art. 90 al. 1 let. b OJ).
Le reproche adressé à l'autorité cantonale d'avoir substitué de façon
arbitraire son appréciation à celle de l'expert est injustifié. Comme la
recourante l'admet elle-même, le juge n'est pas impérativement lié par les
conclusions de l'expertise, mais il peut s'en écarter, sauf à motiver son
opinion (Hohl, Procédure civile, t. I, n. 1113/1114 et les références
citées). En réalité, elle se plaint de ce que la juridiction précédente n'a
pas suivi la proposition de l'expert (i.e. la garde alternée et l'exercice
conjoint de l'autorité parentale), dont le rapport avait précisément pour but
de «déterminer l'attribution du droit de garde»; or, la résolution de cette
question incombe au seul juge, et non à l'expert (ATF 132 II 257 consid.
4.4.1 p. 269; Hohl, op. cit., n. 1043). En tant qu'elle dénonce le caractère
«très laconique» de la motivation - implicitement la violation de son droit
d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.; ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102/103) -, à
savoir l'absence de requête commune des parents, le grief est infondé;
quoique brève, cette motivation s'avère néanmoins suffisamment explicite pour
saisir le sens et la portée de la décision en cause (cf. ATF 114 Ia 233
consid. 2d p. 242). Le point de savoir si ce motif est erroné ressortit au
recours en réforme (art. 43 al. 1 OJ).

La recourante n'ayant ainsi pas démontré qu'il était arbitraire de s'en tenir
au rapport contesté, on ne saurait reprocher aux juges cantonaux de n'avoir
pas ordonné de complément d'expertise (cf. ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146;
Hohl, op. cit., n. 1114, avec d'autres citations).

4.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité, aux frais de la recourante (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas
lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à
l'Autorité de surveillance des tutelles du canton de Genève.

Lausanne, le 29 septembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: