Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.186/2006
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{T 0/2}
5P.186/2006 /frs

Arrêt du 18 août 2006
IIe Cour civile

Mmes et M. les Juges Escher, juge présidant,
Hohl et Pagan, juge suppléant.
Greffier: M. Fellay.

Dame X.________,
recourante, représentée par Me Cédric Aguet, avocat,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Roland Burkhard, avocat,

Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 17 mars 2006.

Faits:

A.
X. ________, né à Martigny le 21 octobre 1967, et dame X.________, née à
Atacora (Djougou/Bénin) le 11 janvier 1969, originaires d'Orsières, ont
contracté mariage dans cette commune le 10 décembre 1994.

Une fille est issue de leur union, A.________, née à Genève le 23 août 1995.

L'épouse est par ailleurs mère de B.________, né le 16 octobre 1989, enfant
vivant auprès d'elle et dont le père, domicilié au Bénin, ne contribue pas à
son entretien. En 1998, le mari s'est engagé à apporter à cet enfant, en vue
de l'obtention d'un permis de séjour, "tout support matériel et moral" lui
permettant une bonne intégration en Suisse.

Les conjoints se sont séparés le 1er mars 2004. L'épouse est restée au
domicile conjugal avec ses deux enfants; puis le 1er octobre 2004, en
compagnie de ceux-ci, elle s'est établie à Essertines-sur-Rolle où elle
sous-loue à un ami une partie de la villa dont ce dernier est locataire. Pour
sa part, le mari s'est installé à Vésenaz avec une compagne; depuis le 15
décembre 2005, il vit seul dans un appartement pris à bail à Saint-Cergue.

Depuis la séparation, le mari a contribué à l'entretien de sa famille, à
concurrence de 6'000 fr. environ par mois, en prenant à sa charge  divers
frais et en effectuant des versements en espèces à son épouse.

B.
Par jugement de mesures protectrices de l'union conjugale du 1er décembre
2005, le Tribunal de première instance de Genève a notamment autorisé les
conjoints à vivre séparés, attribué à la mère la garde de sa fille, les
parents continuant à exercer en commun l'autorité parentale et le père étant
mis au bénéfice d'un droit de visite usuel. Le tribunal a par ailleurs
condamné le mari à contribuer à l'entretien de sa famille par le versement
d'une somme de 8'000 fr. par mois, allocations familiales non comprises.

Saisie d'un appel du mari, la Cour de justice de Genève a, par arrêt du 17
mars 2006, annulé le jugement de première instance sur deux points, dont l'un
concernant le montant de la contribution d'entretien. Statuant à nouveau sur
ce point, elle a condamné le mari à verser 6'000 fr. par mois à partir du 23
mai 2005, sous imputation des contributions versées jusqu'au 17 mars 2006, et
4'500 fr. dès le 1er juin 2006.

En ce qui concerne la situation des parties sur le plan matériel, la cour
cantonale a notamment retenu que l'épouse avait obtenu un baccalauréat dans
son pays d'origine, mais qu'elle n'avait pas poursuivi sa formation au-delà;
vivant en Suisse depuis 1994, elle n'avait pas exercé d'activité
professionnelle avant l'an 2000; durant deux ans, elle avait travaillé à
temps partiel comme vendeuse, puis exploité, pendant une période de même
durée, une boutique de vêtements, activité à laquelle elle avait renoncé, son
commerce étant déficitaire; depuis lors, elle n'avait pas recherché d'emploi,
tout en affirmant devant le premier juge qu'elle souhaitait reprendre une
activité lucrative. Quant au mari, fondé de pouvoir auprès de C.________ SA,
il avait réalisé en 2004 un revenu annuel net de 196'394 fr., soit 16'366 fr.
net par mois; il avait en outre perçu une indemnité de 15'000 fr. dont la
nature n'avait pas été explicitée; son minimum vital avait été fixé à 7'000
fr. jusqu'au 31 décembre 2005, puis à 7'300 fr.

S'agissant de la contribution d'entretien due par le mari, la cour cantonale
a estimé justifié de se référer aux critères de l'art. 125 CC concernant la
contribution d'entretien due en cas de divorce: le mariage avait duré dix ans
et l'épouse, sans formation professionnelle, avait consacré tout son temps,
jusqu'en 2000 en tout cas, à la tenue du ménage et à sa fille; les parties
s'étaient ainsi mises d'accord pour que le mari assume seul l'entretien de la
famille, y compris celui du fils de l'intimée; comme l'épouse avait déjà
exercé une activité lucrative et qu'elle avait manifesté son intention d'en
reprendre une, il pouvait être exigé d'elle qu'elle cherche un emploi à temps
partiel lui permettant de réaliser rapidement un revenu oscillant entre 1'500
fr. et 2'000 fr. par mois. Sur la base des montants admis et de la
contribution fixée par le tribunal de première instance, il restait au mari
un solde disponible de 1'300 fr. jusqu'au 31 décembre 2005, puis de 1'000
fr., alors que l'épouse disposait de 3'200 fr. La cour cantonale a jugé cette
disproportion trop importante, même si l'épouse avait deux enfants mineurs à
charge; à cela s'ajoutait que le mari ne pouvait être contraint à participer
à l'entretien du fils de son épouse au-delà de la séparation; en outre,
l'épouse ne soutenait pas avoir été dans l'obligation de s'endetter pour
survivre avec la contribution d'entretien de quelque 6'000 fr. par mois
versée par son mari durant la procédure. Dans ces conditions, il se
justifiait de fixer la contribution d'entretien due par le mari à 6'000 fr.
par mois, allocations familiales non comprises, pour la période allant du 23
mai 2005 au 31 mai 2006, puis à 4'500 fr. dès le 1er juin 2006, ce délai
étant destiné à permettre à l'intimée de retrouver un emploi.

C.
Contre l'arrêt de la Cour de justice, qui lui a été notifié le 24 mars 2006,
l'épouse a formé auprès du Tribunal fédéral, le 8 mai 2006, un recours de
droit public pour violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.)
et pour arbitraire (art. 9 Cst.). Elle conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué.

La demande d'effet suspensif partiel présentée par la recourante quant aux
subsides à elle alloués a été rejetée par ordonnance présidentielle du 30 mai
2006.

Une détermination sur le fond n'a pas été requise.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité d'un
recours de droit public (ATF 131 I 366 consid. 2; 130 I 226 consid. 1; 129 I
173 consid. 1, 302 consid. 1).

1.1 Les décisions sur mesures protectrices de l'union conjugale prises en
dernière instance cantonale peuvent être déférées au Tribunal fédéral par la
voie du recours de droit public, dès lors qu'elles ne constituent pas des
décisions finales au sens de l'art. 48 OJ (ATF 127 III 474 consid. 2a et 2b
p. 476 ss et les références citées). Formé en temps utile, le délai de
recours étant arrivé à échéance le lundi 8 mai 2006, le présent recours est
ainsi recevable au regard des art. 34 al. 1 let. a, 84 al. 2, 86 al. 1 et 89
OJ.

1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir,
sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558), un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste la violation. Dans le cadre d'un recours de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés,
et exposés de façon claire et détaillée (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258
consid. 1.3), ce qui suppose une désignation précise des passages du jugement
qu'il vise et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF
130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 71 consid. 1c). Le principe jura
novit curia est inapplicable (ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43; 125 I 71 consid.
1c p. 76 et arrêts cités).

Le justiciable qui exerce un recours de droit public pour arbitraire ne peut
dès lors se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en
procédure d'appel où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition, le
Tribunal fédéral n'entrant pas en matière sur les critiques de nature
appellatoire (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p.
495). Le recourant ne peut, en particulier, se contenter d'opposer son
opinion à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une
argumentation précise, que la décision attaquée est manifestement
insoutenable, parce que reposant par exemple sur une appréciation des preuves
manifestement insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou qu'elle heurte de manière choquante
le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 129
I 113 consid. 2.1 p. 120;128 I 273 consid. 2.1, 295 consid. 7a p. 312; 125 I
492 consid. 1b p. 495), étant précisé qu'il ne suffit pas qu'une autre
solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 126
III 438 consid. 3 p. 440).

1.3 Saisi d'un recours de droit public pour arbitraire, le Tribunal fédéral
s'en tient en principe aux faits constatés par l'autorité cantonale, à moins
que le recourant ne démontre que ces constatations sont arbitrairement
fausses ou incomplètes (ATF 127 I 145 consid. 5c/aa p. 160; 124 I 208 consid.
4b p. 212; 118 la 20 consid. 5a p. 26). En l'espèce, à défaut d'une telle
démonstration, le Tribunal fédéral ne prend pas en considération les
allégations de la recourante qui divergent de l'état de fait de l'arrêt
attaqué et se fonde donc uniquement sur celui-ci.

2.
La recourante soutient en premier lieu que la cour cantonale a violé son
droit d'être entendue, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., en refusant
d'inviter son mari, comme elle l'avait demandé, à prouver le montant de son
salaire en 2005 et 2006, alors que ce point était déterminant pour la
fixation de la contribution d'entretien litigieuse, s'agissant de la seule
source de revenus du couple.
Ce grief ne répond pas aux exigences de motivation posées par l'art. 90 al. 1
let. b OJ. En effet, la recourante n'indique pas en quoi l'administration de
la preuve en question aurait été de nature à influer sur le mérite de l'appel
interjeté par l'intimé, ni en quoi le refus de la cour cantonale procéderait
d'une appréciation anticipée des preuves arbitraire (cf. ATF 124 I 208
consid. 4a et les arrêts cités).

Le grief de violation du droit d'être entendu est par conséquent irrecevable.

3.
La recourante reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir fixé un délai
arbitrairement court en vue de la reprise par elle d'une activité
professionnelle à temps partiel. L'autorité cantonale aurait perdu de vue
qu'elle doit toujours s'occuper de ses enfants, qu'elle n'a aucune formation
professionnelle et qu'il est très difficile pour une personne dans sa
situation, surtout si elle est d'origine étrangère, de trouver un emploi à
Genève ou dans le canton de Vaud.

Sur ce point, l'acte de recours ne satisfait guère aux exigences légales de
motivation (art. 90 al. 1 let. b OJ). L'on y cherche en vain une
démonstration permettant de retenir que la cour cantonale aurait versé dans
l'arbitraire pour avoir tenu compte de la capacité de gain de l'épouse à
partir du 1er juin 2006. La recourante fait état de généralités sans donner
de précisions de fait permettant de dire que, dans son cas, il aurait fallu
lui accorder un délai plus long, ce d'autant qu'elle ne justifie pas avoir
accompli la moindre démarche en vue de retrouver un emploi, alors que la
séparation des parties remonte au 1er mars 2004, que sa fille a atteint l'âge
de dix ans le 23 août 2005 et que, de 2000 à 2004, elle a été en mesure
d'assumer une activité professionnelle comme vendeuse.

Ainsi, en l'absence de toute démonstration véritable, on ne peut considérer
que la cour cantonale a fixé à la recourante un délai arbitrairement court en
vue de la reprise d'une activité professionnelle.  Dans la mesure de sa
recevabilité, ce grief est de toute manière dépourvu de fondement eu égard à
ce qui vient d'être relevé.

4.
La recourante fait en outre grief à la cour cantonale d'avoir omis
arbitrairement de prendre en considération l'art. 278 al. 2 CC, qui traite du
devoir d'assistance d'un époux envers l'enfant de son conjoint.
De fait, l'arrêt attaqué retient de manière lapidaire qu'il ne saurait être
question d'imposer au mari de contribuer à l'entretien du fils de son épouse
postérieurement à la séparation. A cet égard, il sied de rappeler qu'un tel
devoir est subsidiaire (ATF 120 II 285 consid. 2b) et n'intervient que s'il
reste au débirentier des moyens après couverture de son propre entretien et
de celui de ses propres enfants (arrêt 5C.82/2004 du 14 juillet 2004 consid.
3.2.1, publié in FamPra.ch 2005 p. 172). La recourante ne présente aucune
argumentation permettant de discerner dans quelle mesure le recours à la
disposition légale en cause aurait été de nature à modifier la quotité de la
contribution d'entretien incombant à l'intimé et en quoi l'absence de prise
en considération de cette disposition rendrait l'arrêt attaqué arbitraire
dans son résultat, ce qui rend le grief irrecevable.

5.
La recourante prétend également que l'autorité cantonale a apprécié les
preuves de façon arbitraire en ne prenant pas en considération, dans la
détermination des charges du mari, des faits notoires comme la diminution du
montant des impôts de celui-ci du fait des contributions d'entretien mises à
sa charge, son assujettissement au fisc vaudois en raison de son domicile à
Saint-Cergue et la fiscalité moins lourde sur Vaud que sur Genève.

Là encore, un exposé conforme à l'art. 90 al. 1 let. b OJ fait défaut.
L'argumentation de la recourante ne permet pas de discerner dans quelle
mesure la prétendue diminution d'impôt serait de nature à influer sur le
montant de la contribution d'entretien lui revenant et en quoi la cour
cantonale aurait commis arbitraire sur ce point. La recourante perd
d'ailleurs de vue qu'en cas d'augmentation de la contribution qui lui est
due, suite à une éventuelle diminution des impôts du débirentier, son propre
revenu imposable serait augmenté d'autant, les contributions d'entretien dues
au crédirentier en vertu du droit de la famille étant imposables selon l'art.
7 al. 1 et 4 let. g de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS
642.14) et l'art. 23 let. f de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11; ATF 131 II 553 consid. 3.3). Ainsi,
force est de constater que la situation, d'ailleurs purement hypothétique,
que la cour cantonale aurait prétendument omis d'examiner n'est en l'état
nullement déterminante, les deux facteurs mis en évidence pouvant se
compenser.
Par ailleurs, la recourante n'étaie pas ses allégations par des données
chiffrées précises permettant de considérer que l'imposition de l'intimé dans
le canton de Vaud lui serait plus favorable et de nature à modifier la
situation de façon telle que l'appréciation de l'autorité cantonale pourrait
être qualifiée d'arbitraire. Au demeurant, comme les mesures protectrices de
l'union conjugale ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée en
matière de contributions d'entretien, il sera toujours loisible à la
recourante de demander une modification des mesures présentement critiquées
pour faits nouveaux, s'il est avéré que son mari est effectivement domicilié
sur territoire vaudois et qu'il en résulte la nécessité de revoir le statut
fixé par l'arrêt attaqué (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de
la loi de procédure civile genevoise, n. 1 et 6 ad art. 364 LPC/GE).

6.
Enfin, la recourante fait grief à l'autorité cantonale d'avoir procédé à un
calcul "manifestement farfelu" en estimant sa charge fiscale annuelle à 6'000
fr. par an, alors que cette charge serait de plus de deux fois supérieure
audit montant.

Sur ce point, la recourante se prévaut de faits qui n'ont pas été constatés
par la cour cantonale et ne motive pas son recours d'une façon conforme aux
exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

7.
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

La recourante qui succombe doit assumer les frais de justice (art. 156 al. 1
OJ). Il n'y a pas lieu en revanche de mettre à sa charge des dépens, l'intimé
n'ayant pas été invité à se déterminer sur le fond.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 18 août 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

La juge présidant:  Le greffier: