Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.184/2006
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{T 0/2}
5P.184/2006 /frs

Arrêt du 4 septembre 2006
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourant, représenté par Me Philippe Girod, avocat,

contre

dame X.________,
intimée, représentée par Me Thomas Barth, avocat,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève du
17 mars 2006.

Faits:

A.
X. ________, né en 1973, et dame X.________, née en 1967, se sont mariés en
1997. De leur union, sont issus trois enfants: A.________, née en 1997,
B.________, né en 1999, et C.________, né en 2002; l'épouse a, en outre, un
fils d'un précédent mariage, D.________, né en 1991. Le couple s'est séparé
en avril 2005; le mari a vécu pendant quelques mois dans une caravane puis,
en septembre, il a rejoint sa nouvelle compagne, Y.________, dans son
appartement.

B.
Statuant le 15 décembre 2005 par voie de mesures protectrices de l'union
conjugale, le Tribunal de première instance de Genève a, en particulier,
astreint le mari à contribuer à l'entretien de sa famille par le versement
d'une pension mensuelle de 2'300 fr., allocations familiales non comprises.
Les deux parties ont appelé de ce jugement: l'épouse a demandé que la
contribution d'entretien soit portée à 3'065 fr., allocations familiales non
comprises, alors que le mari a offert de payer 1'058 fr., allocations
familiales en sus.

Par arrêt du 17 mars 2006, la Chambre civile de la Cour de justice du canton
de Genève a condamné le mari à payer à sa femme la somme de 2'600 fr. par
mois à titre de contribution à l'entretien de la famille, allocations
familiales de 742 fr. en plus, à partir du 7 avril 2005, sous imputation des
montants déjà versés à ce titre.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pour
violation de l'art. 9 Cst., X.________ conclut à l'annulation de cet arrêt;
il sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le
Tribunal fédéral.

Des observations n'ont pas été requises.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
dont il est saisi (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 III 667 consid. 1 p.
668 et les arrêts cités).

1.1 Les décisions sur mesures protectrices de l'union conjugale sont
susceptibles d'un recours de droit public au Tribunal fédéral, dès lors
qu'elles ne constituent pas des décisions finales au sens de l'art. 48 al. 1
OJ (ATF 127 III 474 consid. 2a et b p. 476 ss et les citations). Le présent
recours est ainsi recevable de ce chef (art. 84 al. 2 OJ).

1.2 Déposé en temps utile - compte tenu des féries de Pâques (art. 34 al. 1
lit. a OJ) - contre une décision finale rendue en dernière instance
cantonale, le présent recours est aussi ouvert sous l'angle des art. 86 al.
1, 87 et 89 al. 1 OJ.

2.
En l'espèce, le recourant se plaint d'"appréciation arbitraire des faits et
des preuves" (art. 9 Cst.).
2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et incontesté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une solution différente
paraisse concevable, voire préférable; pour que la décision attaquée soit
annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans sa
motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211
et les arrêts cités).

De pratique constante, le Tribunal fédéral se montre réservé dans le domaine
de l'établissement des faits et de l'appréciation des preuves, vu le large
pouvoir qu'il reconnaît aux juridictions cantonales (ATF 120 Ia 31 consid. 4b
p. 40; 104 Ia 381 consid. 9 p. 399 et la jurisprudence citée); il
n'intervient, pour violation de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait a abusé
de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou
qu'il n'en tient arbitrairement pas compte, lorsque des constatations de fait
sont manifestement fausses, ou encore lorsque l'appréciation des preuves
apparaît tout à fait insoutenable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 81
consid. 2 p. 86; 127 I 38 consid. 2a p. 41 et la jurisprudence citée). Cette
retenue est d'autant plus grande lorsque, comme en l'espèce (Vetterli, in:
FamKomm Scheidung, 2e éd., n. 11 ad art. 175-179 CC et les références
citées), la cause n'est examinée que de façon sommaire (cf. ATF 120 II 393
consid. 4c p. 397/398; 104 Ia 408 consid. 4 p. 413; 97 I 481 consid. 3b p.
486/487).

2.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir,
sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4a p. 558), un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste cette violation. Saisi d'un recours de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et
présentés de façon claire et détaillée, le principe iura novit curia étant
inapplicable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31). Le justiciable qui se plaint
d'arbitraire (art. 9 Cst.) ne peut, dès lors, se contenter de critiquer la
décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où la juridiction
supérieure jouit d'une libre cognition; en particulier, il ne saurait se
borner à opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, mais doit
démontrer par une argumentation précise que cette décision repose sur une
appréciation insoutenable des preuves (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262;
125 I 492 consid. 1b p. 495). En outre, comme la sanction de l'annulation ne
se justifie que si l'appréciation critiquée influe sur le sort de la décision
attaquée (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 124 IV 86 consid. 2a p. 88), le grief
d'arbitraire ne peut être admis que s'il porte sur des faits décisifs (ATF
122 I 53 consid. 5 p. 57).

3.
3.1 Le recourant reproche d'abord à la Cour de justice d'avoir écarté les
dépenses liées à son traitement psychologique (pour la partie qui n'est pas
prise en charge par l'assurance-maladie). Il explique que son suivi
psychologique a commencé deux ans avant la séparation, dans un premier temps
pour des problèmes d'ordre personnel, mais que les séances se sont
intensifiées avec les difficultés conjugales et la fin de la vie commune.
Cette période pénible n'aurait pas pu être surmontée sans aide psychologique.
Dans ces circonstances, nier la nécessité de ce traitement heurte le
sentiment de justice et d'équité, et relève d'une appréciation manifestement
arbitraire de la réalité des faits.

Personne n'a contesté que le suivi psychologique dont a bénéficié le
recourant lui ait été utile pour surmonter ses difficultés personnelles et
conjugales; toutefois, admettre l'utilité de cette thérapie n'implique pas
forcément son caractère nécessaire. C'est tout ce qu'a dit la juridiction
précédente. Bien qu'ils ne soient pas privés de toute pertinence, les
arguments du recourant ne suffisent pas pour autant à démontrer que l'opinion
de l'autorité cantonale serait insoutenable.

3.2 Le recourant fait ensuite grief à la Cour de justice d'avoir procédé à un
calcul "extraordinairement restrictif" de son minimum vital, qui lui
reconnaît seulement la moitié du montant prévu pour un couple et la moitié du
loyer de l'appartement qu'il partageait avec sa compagne; le concubinage en
raison duquel ce calcul a été opéré n'était cependant pas suffisamment
stable, cette liaison s'étant d'ailleurs interrompue en février 2006. Ce "pur
calcul mathématique" de partage par moitié des charges, sans prendre en
considération les particularités de l'espèce, le place "dans une impasse" et
s'avère donc arbitraire.

Certes, le montant de 1'600 fr. retenu au titre du minimum vital est très
bas, mais les juges cantonaux n'ont fait qu'appliquer ici les principes
développés par la doctrine et la jurisprudence en cas de concubinage du
débirentier (cf. notamment: ATF 128 III 159 et les citations; arrêt
5P.90/2002, consid. 2, in: FamPra.ch 2002 p. 813; Perrin, La méthode du
minimum vital, in: SJ 1993 p. 425 ss, spéc. 435). Or, le recourant n'expose
pas, conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, pourquoi tant
la base mensuelle du minimum vital (Grundbetrag) que la charge locative ne
devraient pas être divisées par deux. Quant à la stabilité du concubinage -
autant qu'elle est pertinente dans le cadre des mesures protectrices (arrêt
5P.90/2002 précité, consid. 2b/bb) -, il n'était pas arbitraire de
l'admettre; c'est le recourant qui a emménagé chez son amie en septembre
2005, résolution dont on peut supposer qu'elle ne devait pas être temporaire,
et il ne prétend pas avoir formulé des réserves à ce sujet en instance
cantonale. Le fait que le recourant vit derechef seul dans sa caravane depuis
le mois de février 2006 est nouveau, en conséquence irrecevable dans un
recours de droit public pour arbitraire (ATF 118 III 37 consid. 2a p. 39 et
les arrêts cités).

3.3 Le recourant se plaint encore de ce que l'autorité cantonale a pris en
compte le revenu réalisé en 2004, en supposant que celui qu'il a perçu depuis
lors était au moins équivalent: or, son salaire a diminué à la suite d'un
changement d'activité au sein de La Poste, comme il l'avait indiqué durant la
procédure cantonale. Toutefois, il n'établit pas d'une manière conforme aux
exigences posées à l'art. 90 al. 1 lit. b OJ pourquoi la cour cantonale
serait tombée dans l'arbitraire en affirmant qu'il n'avait donné aucune
explication propre à justifier une diminution de sa rétribution pour l'année
2005. D'ailleurs, il apparaît significatif qu'il s'exprime à ce propos dans
le chapitre "En fait" de son mémoire de recours, mais sans se référer à une
pièce quelconque ni renvoyer à des allégués formulés en instance cantonale.
Pour autant qu'on puisse les tenir pour suffisantes, de telles allégations
sont nouvelles, partant irrecevables (supra, consid. 3.2 in fine).

3.4 Enfin, le recourant affirme que la Cour de justice est tombée dans
l'arbitraire en refusant de tenir compte de ses projets de logement.

Après avoir rappelé que la contribution d'entretien doit être arrêtée en
fonction des circonstances futures déjà certaines ou fort probables, la cour
cantonale a fait abstraction de l'intention du recourant d'obtenir avec sa
compagne un appartement plus grand, ce projet étant resté vague. L'intéressé
ne discute en rien cette argumentation, se limitant à la qualifier
d'arbitraire. Insuffisamment motivée, cette critique est dès lors irrecevable
(supra, consid. 2.2.).

4.
Vu ce qui précède, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité. Les conclusions du recourant étaient dénuées de chances de
succès, en sorte que sa demande d'assistance judiciaire doit être aussi
rejetée (art. 152 al. 1 OJ); le fait que ce bénéfice lui ait été octroyé
devant les autorités cantonales n'est pas déterminant pour l'instance
fédérale (ATF 122 III 392 consid. 3a p. 393). Il n'y a pas lieu d'allouer de
dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 4 septembre 2006

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: