Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.114/2006
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{T 0/2}
5P.114/2006 /frs

Arrêt du 12 mars 2007
IIe Cour de droit civil

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________, (époux),
recourant, représenté par Me Gilles Monnier, avocat,

contre

dame X.________, (épouse)
intimée, représentée par Me Gloria Capt, avocate,
Tribunal d'arrondissement de l'Est Vaudois, case postale, 1800 Vevey 1.

art. 9 Cst. etc. (mesures provisionnelles selon l'art. 137 CC),

recours de droit public [OJ] contre l'arrêt du Tribunal d'arrondissement de
l'Est Vaudois du 13 février 2006.

Faits :

A.
X. ________ et dame X.________, se sont mariés en 1985. Trois enfants sont
issus de cette union : A.________, né le 21 octobre 1986, B.________, née le
13 janvier 1989, et C.________, née le 7 août 1994.

Le 4 juillet 2002, le mari a déposé une demande unilatérale de divorce devant
le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois. Par convention du 30 avril
2003, ratifiée par le Président du Tribunal pour valoir ordonnance de mesures
provisoires, les époux ont notamment convenu que le mari contribue à
l'entretien des siens par le versement d'une pension mensuelle de 9'600 fr.,
allocations familiales en sus, dès et y compris le 1er août 2002, et par le
paiement des impôts du couple et des intérêts hypothécaires de la villa
conjugale.

B.
Le 1er avril 2005, le mari a déposé une requête de mesures provisoires
tendant à ce que la contribution d'entretien soit réduite à 6'000 fr. par
mois, allocations familiales en sus, dès le 1er janvier 2005. L'épouse s'est
opposée à la requête, que le Président du Tribunal a rejetée par ordonnance
du 1er juillet 2005, considérant qu'il n'existait aucun changement dans la
situation de l'une ou l'autre partie qui justifierait de modifier le montant
de la contribution d'entretien telle que fixée par la convention du 30 avril
2003.

Le mari a appelé de cette ordonnance auprès du Tribunal d'arrondissement, en
concluant à sa réforme en ce sens que dès le 1er janvier 2005, le mari
contribue à l'entretien des siens par le versement d'une pension mensuelle de
3'000 fr., allocations familiales en sus, ainsi que par la prise en charge
des intérêts hypothécaires de la villa conjugale, étant précisé que la
contribution due à A.________, désormais majeur, serait versée à part.

C.
Le Tribunal d'arrondissement a rejeté l'appel par arrêt du 13 février 2006,
dont la motivation en fait et en droit est en substance la suivante :
C.aLe mari est médecin indépendant, spécialisé en diabétologie et
endocrinologie. Il vit en concubinage avec Y.________, qui est employée à
mi-temps en qualité de secrétaire de direction dans son cabinet, et avec
laquelle il a eu un fils, D.________, né le 15 juin 2003. Il a réalisé en
2000 un bénéfice net de 616'000 fr. pour un chiffre d'affaires de 960'000
fr., en 2001 un bénéfice net de 605'000 fr. pour un chiffre d'affaires de
991'000 fr., en 2002 un bénéfice net de 636'000 fr. pour un chiffre
d'affaires de 1'041'000 fr., en 2003 un bénéfice net de 720'000 fr. pour un
chiffre d'affaires de 1'231'000 fr. et en 2004 un bénéfice net de 400'000 fr.
pour un chiffre d'affaires de 960'000 fr.

L'épouse a un CFC de couturière obtenu il y a une vingtaine d'années mais n'a
pas exercé d'activité lucrative depuis 1986. Elle vit avec ses trois enfants
dans la villa conjugale. L'enfant B.________, gravement handicapée, nécessite
des soins constants; elle fréquente un établissement spécialisé durant une
partie de la journée et rentre à la maison en fin de journée.

C.b Z.________, qui tient la comptabilité du cabinet du mari depuis 1993, a
établi un rapport d'analyse comptable le 3 novembre 2005, dans lequel il
expose notamment ce qui suit :
"(...) Nous confirmons donc que les investissements effectués durant les
exercices comptables 2003 et 2004 sont tout à fait conformes aux règles et
pratiques en vigueur dans les cabinets médicaux et que les décisions prises
par le Dr X.________ en relation avec la remise en état de son cabinet et de
son matériel étaient nécessaires et justifiées.

D'autre part, nous précisons que le coût de ces investissements n'affecte que
très partiellement le résultat des exercices concernés, du fait que les
bénéfices annuels du cabinet ne sont imputés que par l'amortissement des
immobilisations et non par le coût total de l'investissement.

(...) Les honoraires ont progressé normalement en 2000, 2001 et 2002, puis
plus fortement en 2003.

L'application du Tarmed dès le 1er janvier 2004 a infléchi cette progression.

(...) Si les honoraires ont diminué en 2004, cela ne résulte aucunement de la
baisse du nombre de patients, mais des incidences de la facturation (TARMED).
Le personnel n'a donc pu être réduit en conséquence.

(...) En fonction de ce qui précède, force nous est de constater que la
diminution du résultat provient principalement de la diminution des
honoraires, ceci et en résumé par le fait que :
- les frais généraux sont restés pratiquement stables
- les charges AVS du Dr X.________ sont proportionnelles aux résultats
- les salaires ont été maintenus au niveau de ceux versés en 2003
- les amortissements sont proportionnels aux investissements.

Pour autant que le Dr X.________ conserve le même rythme d'activité, cette
situation perdurera donc ces prochaines années."
Entendu comme témoin à l'audience du 9 janvier 2006, Z.________ a confirmé le
contenu de son rapport. Selon lui, le chiffre d'affaires du cabinet a diminué
en 2004 principalement en raison de l'introduction du tarif Tarmed; ce
nouveau système de tarification explique le 80% de la réduction, le solde de
20% résultant de quelques frais généraux supplémentaires et d'un
amortissement un peu plus élevé.

Selon le témoin E.________, qui s'occupe des appareils d'analyse dans
différents cabinets médicaux, les rénovations entreprises correspondent à ce
qui se fait dans les autres cabinets; Tarmed a conduit à une baisse de
revenus chez beaucoup de spécialistes, notamment en endocrinologie. Il estime
la baisse à 30-40% sur les analyses de laboratoires et à 20-30% sur les
consultations.

C.c Le mari reproche d'abord au premier juge de n'avoir pas tenu compte de la
diminution de ses revenus.

La contribution d'entretien fixée par convention du 30 avril 2003 l'ayant été
sur la base de la comptabilité de 2001, c'est à juste titre que le premier
juge a procédé à une comparaison entre les seules années 2001 et 2004. Il n'y
a donc pas lieu de se demander quelle influence a eu l'introduction de
Tarmed, ce d'autant que, selon le comptable, les résultats devraient à
l'avenir être identiques à ceux de 2004.

Il n'y a pas non plus lieu de se prononcer sur la nécessité des rénovations,
dès lors que, selon le comptable, celles-ci ont eu peu d'incidence sur les
comptes. En outre, au vu du rapport comptable, on ne retiendra pas
l'existence de charges salariales exagérées.

Chez un indépendant, ce sont les prélèvements privés qui constituent son
salaire et indiquent son niveau de vie. Or, en comparant les exercices 2001
et 2004, on constate que les prélèvements privés se sont élevés à 495'347 fr.
10 en 2001 et à 505'008 fr. 15 en 2004. Il apparaît ainsi que les revenus du
mari n'ont pas baissé par rapport à ceux qui avaient fondé la convention du
30 avril 2003.

C.d Le mari reproche ensuite au premier juge de n'avoir pas pris en
considération la naissance de son fils D.________, le 15 juin 2003.
Certes, une naissance est un élément nouveau, qui impose des charges
supplémentaires. En l'espèce toutefois, la mère de l'enfant travaille dans le
cabinet médical du mari et perçoit un salaire. La naissance de l'enfant
D.________ n'a dès lors que peu d'incidence sur la situation financière du
mari.

C.e Le mari reproche aussi au premier juge de n'avoir pas pris en compte
l'accession à la majorité de A.________.

Le 28 juillet 2005, le mari et son fils A.________ ont signé une convention,
dans laquelle le mari s'est engagé à payer une contribution d'entretien de
1'500 fr. directement en mains de son fils, dès le 1er septembre 2005 et
jusqu'à la fin de l'apprentissage de A.________ en août 2006; cette
convention prévoyait que le montant de 1'500 fr. serait déduit de la pension
versée à l'épouse. Interpellée, cette dernière a indiqué que son fils
utilisait son pécule d'apprenti pour payer les frais liés à sa voiture, et
que pour le reste, c'est elle qui subvenait à son entretien.

Certes, la contribution d'entretien en faveur d'un enfant majeur doit en
principe être versée en mains de celui-ci. Toutefois, on se trouve dans le
cadre de mesures provisoires et il n'y a pas d'urgence à changer le système
actuellement en place. Surtout, il résulte de l'instruction que c'est
l'épouse qui continue à assumer entièrement l'entretien de A.________, de
sorte que l'accession à la majorité de celui-ci n'a apporté aucune
modification dans la situation financière des parties. Il convient toutefois
de prévoir que les éventuels montants versés directement par le mari
viendront en déduction de la pension.

C.f Jusqu'à ce jour, la rente mensuelle versée par l'AI en faveur de l'enfant
B.________ a été versée sur un compte bancaire ouvert au nom de l'enfant,
tout prélèvement étant subordonné à l'acceptation de l'autre conjoint; lors
des précédentes mesures provisoires, les époux avaient manifesté la volonté
de ne pas toucher à ce compte, sauf dépenses extraordinaires nécessitées par
le handicap de leur fille.

Le mari soutient qu'il y aurait lieu désormais de prendre en compte les
montants versés par l'AI en faveur de B.________ dans le calcul des
contributions d'entretien. Il fait valoir que la situation serait différente
qu'à l'époque des précédentes mesures provisoires, le montant de l'ordre de
100'000 fr. accumulé sur le compte étant plus que suffisant pour faire face à
d'hypothétiques dépenses extraordinaires, qui seraient d'ailleurs peu
vraisemblables puisque l'invalidité est entièrement prise en charge par l'AI
et que la maison est entièrement équipée.
L'épouse a expliqué à l'audience d'appel que les parties étaient convenues
depuis de nombreuses années de mettre cet argent de côté pour le cas où elles
décéderaient prématurément. Elle a par ailleurs indiqué avoir utilisé
récemment 40'000 fr. pour équiper la salle de bains de façon correcte; elle
ne s'est pas adressée à l'AI, car elle ne voulait pas "profiter".

Le versement des rentes AI sur un compte bloqué a été décidé de longue date
et est resté en vigueur après l'ouverture de la procédure de divorce. Seule
une détérioration de la situation financière des parties justifierait que ce
système soit modifié. Or une telle détérioration n'est pas intervenue.

C.g Le mari reproche enfin au premier juge d'avoir retenu que l'on ne saurait
exiger de la part de l'épouse qu'elle exerce une activité lucrative.

À l'audience du 9 janvier 2006, les témoins F.________, également mère d'un
enfant handicapé, et G.________, enseignante spécialisée, ont relevé
l'importance pour B.________ de la présence de sa mère à ses côtés. Selon la
dernière nommée, l'horaire scolaire est de 9h à 15h30 et l'épouse doit être
disponible vers 15h30 pour aller chercher l'enfant à l'école ou pour
accueillir le taxi à la maison; il n'y a plus de système de garderie à
l'école, et mettre B.________ en internat serait néfaste pour elle.

Cela étant, on ne saurait exiger de l'épouse qu'elle exerce une activité
lucrative, même à temps partiel, vu les soins qu'elle doit donner à l'enfant
handicapé et la disponibilité liée aux horaires scolaires, à quoi s'ajoute la
situation financière confortable du mari.

D.
Contre cet arrêt sur appel, le mari a déposé simultanément un recours en
nullité auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de
Vaud - en se plaignant d'une appréciation arbitraire des preuves en ce qui
concerne la non-prise en considération de la diminution de ses revenus (cf.
lettre C.c supra) et la non-prise en considération de la rente versée par
l'AI en faveur de l'enfant B.________ (cf. lettre C.f supra) - et un recours
de droit public auprès du Tribunal fédéral (5P.114/2006).
Par ordonnance du 21 mars 2006, le Président de la cour de céans a suspendu
la procédure du recours de droit public jusqu'à droit connu sur le recours en
nullité déposé simultanément au Tribunal cantonal.
Par arrêt du 27 juin 2006, la Chambre des recours du Tribunal cantonal a
rejeté le recours en nullité dans la mesure où il était recevable et a
confirmé l'arrêt du Tribunal d'arrondissement.

Le mari a exercé un recours de droit public (5P.330/2006) contre l'arrêt de
la Chambre des recours, en concluant à son annulation.

L'épouse s'en est remise à justice sur le recours de droit public
(5P.114/2006) dirigé contre l'arrêt du Tribunal d'arrondissement.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110)
est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1242). L'arrêt attaqué
ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par la loi
fédérale d'organisation judiciaire (OJ) du 16 décembre 1943 (art. 132 al. 1
LTF).

1.2 Les décisions statuant sur les mesures provisoires pendant la procédure
de divorce (art. 137 CC) ne sont pas des décisions finales au sens de l'art.
48 OJ et ne sont dès lors pas susceptibles d'être attaquées par la voie du
recours en réforme; elles constituent en revanche des décisions finales au
sens de l'art. 87 OJ et peuvent, comme telles, faire l'objet d'un recours de
droit public pour arbitraire (ATF 100 Ia 14 consid. 1 a et b; ATF 126 III 261
consid. 1).

1.3 Le recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions
rendues en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ).

En procédure vaudoise, l'ordonnance de mesures provisoires rendue par le
Président du Tribunal d'arrondissement peut faire l'objet d'un appel au
Tribunal d'arrondissement (art. 111 CPC/VD). L'arrêt sur appel rendu par ce
Tribunal est susceptible d'être attaqué par la voie du recours en nullité
selon l'art. 444 al. 1 ch. 1 à 3 CPC/VD (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure
civile vaudoise, 3e éd. 2002, n. 1 ad art. 108 CPC/VD). Le recours en nullité
pour violation des règles essentielles de la procédure (art. 444 al. 1 ch. 3
CPC/VD) permet notamment de se plaindre d'une appréciation arbitraire des
preuves (Poudret/Haldy/Tappy, op. cit., n. 15 ad art. 444 CPC/VD p. 657 et
les arrêts cités).

Cela a pour conséquence, sous l'angle de l'art. 86 al. 1 OJ, que l'arrêt sur
appel rendu par un Tribunal d'arrondissement peut directement faire l'objet
d'un recours de droit public pour application arbitraire du droit de fond,
tandis que le grief d'appréciation arbitraire des preuves doit être soulevé
par la voie du recours en nullité au Tribunal cantonal, dont l'arrêt peut
ensuite faire l'objet d'un recours de droit public au Tribunal fédéral.

1.4 En l'espèce, le recours de droit public formé en temps utile (art. 89 al.
1 OJ) contre l'arrêt du Tribunal d'arrondissement est donc recevable en tant
qu'il s'en prend, sous l'angle de l'arbitraire (art. 9 Cst.), à l'application
du droit de fond. Il est en revanche irrecevable en tant qu'il s'en prend,
sous l'angle de l'arbitraire, à l'appréciation des preuves : les griefs
correspondants doivent être soulevés - et l'ont d'ailleurs été - dans le
cadre du recours de droit public (5P.330/2006) dirigé contre l'arrêt de la
Chambre des recours du Tribunal cantonal.

2.
Une modification des mesures provisoires ordonnées pendant la procédure de
divorce sur la base de l'art. 137 al. 2 CC peut être demandée en tout temps,
si, depuis l'entrée en vigueur de celles-ci, les circonstances de fait ont
changé d'une manière essentielle et durable, notamment en matière de revenus,
ou si le juge, lorsqu'il a ordonné les mesures provisoires dont la
modification est sollicitée, a ignoré des éléments essentiels ou a mal
apprécié les circonstances (Urs Gloor, Basler Kommentar, 2e éd. 2002, n. 15
ad art. 137 CC; cf. Franz Hasenböhler/Andrea Opel, Basler Kommentar, 3e éd.
2006, n. 3 et 4 ad art. 179 CC et les références citées).

3.
3.1 Le recourant reproche d'abord au Tribunal d'arrondissement d'avoir
considéré qu'"[i]l n'y a pas non plus lieu de se prononcer sur la nécessité
des rénovations, dès lors que, selon le comptable, celles-ci ont eu peu
d'incidence sur les comptes" (cf. lettre C.c supra). Il fait valoir que le
Tribunal a retenu les explications données par le comptable, qui a confirmé
"que les investissements effectués durant les exercices comptables 2003 et
2004 sont tout à fait conformes aux règles et pratiques en vigueur dans les
cabinets médicaux et que les décisions prises par le Dr X.________ en
relation avec la remise en état de son cabinet et de son matériel étaient
nécessaires et justifiées" (cf. lettre C.b supra). Si le comptable a précisé
que "le coût de ces investissements n'affecte que très partiellement le
résultat des exercices concernés, du fait que les bénéfices annuels du
cabinet ne sont imputés que par l'amortissement des immobilisations et non
par le coût total de l'investissement" (cf. lettre C.b supra), il n'en
resterait pas moins que la hausse des amortissements équivaudrait à un
montant annuel d'environ 30'000 fr., soit 2'500 fr. par mois. Le raisonnement
du Tribunal d'arrondissement - qui reviendrait simplement à soutenir que la
charge supplémentaire n'a pas à être prise en compte puisque le recourant a
les moyens, au vu de ses revenus, de l'assumer - serait donc arbitraire dans
son résultat puisqu'il refuserait de tenir compte d'une modification notable
et durable (le caractère durable résultant précisément du système de
l'amortissement, étalé sur plusieurs années) des charges du recourant.

3.2 Ce grief apparaît fondé, en ce sens que, du moment qu'une hausse des
amortissements sur plusieurs années à venir a été établie, le Tribunal
d'arrondissement ne pouvait pas simplement refuser d'en tenir compte pour les
motifs qu'il a indiqués. En effet, quand bien même cette augmentation de
charges ne représente pas le facteur principal de la baisse de revenu
alléguée par le recourant, elle porte malgré tout sur un montant mensuel non
négligeable par rapport à la contribution d'entretien due selon la convention
du 30 avril 2003.

4.
4.1 Le recourant reproche ensuite au Tribunal d'arrondissement d'avoir refusé
de tenir compte du fait nouveau que constitue la naissance de l'enfant
D.________ le 15 juin 2003, et ce au motif insoutenable que, puisque la mère
de cet enfant travaille dans le cabinet médical et perçoit un salaire, la
naissance de l'enfant D.________ n'aurait que peu d'incidence négative sur la
situation financière du recourant (cf. lettre C.d supra). Selon le recourant,
ce raisonnement heurterait de manière choquante le principe fondamental qui
veut que les deux parents doivent pourvoir à l'entretien de l'enfant, en
fonction des besoins de l'enfant et de leurs situations et ressources
respectives (art. 285 CC). En outre, il heurterait de manière choquante le
principe de l'égalité de traitement entre enfants (cf. ATF 126 III 353), en
considérant en substance que, contrairement aux autres enfants du recourant,
qui bénéficient chacun à travers la contribution d'entretien de la famille
d'un montant de base d'environ 2'500 fr. par mois, l'enfant D.________
n'aurait pas à être pris en considération.

4.2 L'art. 276 al. 1 CC impose aux père et mère de pourvoir à l'entretien de
l'enfant et d'assumer, par conséquent, les frais de son éducation, de sa
formation et des mesures prises pour le protéger. L'entretien est assuré par
les soins ou l'éducation ou, lorsque l'enfant n'est pas sous la garde de ses
père et mère, par des prestations pécuniaires (art. 276 al. 2 CC). Selon
l'art. 285 al. 1 CC, la contribution d'entretien doit correspondre aux
besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et
mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l'enfant, ainsi que de la
participation de celui des parents qui n'a pas la garde de l'enfant à la
prise en charge de ce dernier. Les enfants d'un même débiteur doivent être
financièrement traités de manière identique, proportionnellement à leurs
besoins objectifs, ce qui signifie que des frais éducatifs, médicaux ou de
formation spécifiques à chacun d'eux peuvent être pris en considération (ATF
126 III 353 consid. 2b et les références citées). Selon la jurisprudence, il
y a ainsi lieu de tenir compte, dans une procédure tendant à la modification
de contributions d'entretien, de la charge nouvelle que représente pour le
père débiteur d'entretien la naissance d'un enfant d'un nouveau lit, qui doit
être financièrement traité de manière égale aux enfants d'un précédent lit au
bénéfice de contributions d'entretien (arrêt 5P.26/2000 du 10 avril 2000,
reproduit in FamPra.ch 2000 p. 552, consid. 2).

4.3 En l'espèce, le Tribunal d'arrondissement a grossièrement méconnu ces
principes en considérant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des charges
financières imposées par la naissance de l'enfant D.________. La motivation
avancée pour justifier cette décision est insoutenable, puisqu'elle revient
fondamentalement à soutenir que la charge financière de D.________ devrait
être assumée par sa seule mère, qui travaille à mi-temps dans le cabinet du
recourant et aurait - selon ce qu'expose ce dernier dans son recours de droit
public - déjà trois enfants à charge, tandis que la charge financière des
enfants communs des parties devrait être assumée par le seul père de ces
enfants. Le recours se révèle dès lors fondé sur ce point, le Tribunal
d'arrondissement ayant sans motif objectif, et en violation d'un droit
certain, refusé de tenir compte d'une modification essentielle et durable
dans la situation du débiteur d'entretien.

5.
5.1 Le recourant fait grief au Tribunal d'arrondissement de n'avoir pas pris
en compte la convention du 28 juillet 2005 par laquelle le recourant et son
fils A.________, majeur depuis le 21 octobre 2004, ont convenu que le
recourant payerait une contribution d'entretien de 1'500 fr. directement en
mains de son fils, dès le 1er septembre 2005 et jusqu'à la fin de
l'apprentissage de A.________ en août 2006, et que ce montant de 1'500 fr.
serait déduit de la pension versée à l'épouse (cf. lettre C.e supra). Il fait
valoir qu'en vertu de la jurisprudence (ATF 129 III 55 consid. 3.1.5), même
lorsque l'enfant devenu majeur approuve les prétentions réclamées en son nom
par le parent qui détient l'autorité parentale ou la garde, le dispositif du
jugement doit énoncer que les contributions d'entretien seront payées en
mains de l'enfant. En outre, la constatation selon laquelle c'est l'épouse
qui continuerait à assumer entièrement l'entretien de A.________ reposerait
sur les seules affirmations non étayées de l'épouse et ne pouvait être
retenue sans arbitraire. Dans ces circonstances, considérer, comme l'a fait
le Tribunal d'arrondissement, qu'il n'y aurait pas d'urgence à changer le
système actuellement en place et que l'accession à la majorité de A.________
n'aurait apporté aucune modification dans la situation financière des parties
(cf. lettre C.e supra) serait clairement arbitraire. Le résultat serait
d'autant plus choquant que si le Tribunal a estimé nécessaire de prévoir que
les éventuels montants versés directement par le mari viendraient en
déduction de la pension (cf. lettre C.e supra), cette cautèle ne se retrouve
pas dans le dispositif de l'arrêt.

5.2 Lorsqu'une contribution d'entretien a été fixée en faveur d'un enfant et
que celui-ci accède à la majorité, la contribution ne doit plus être versée à
son représentant légal (art. 289 al. 1 CC), mais doit être payée en mains de
l'enfant (cf. ATF 129 III 55 consid. 3.1.5 in fine). En outre, l'enfant peut
conclure avec le débiteur d'entretien une convention d'entretien, dont la
validité ne nécessite pas l'approbation de l'autorité selon l'art. 287 CC,
s'agissant d'un enfant majeur (Peter Breitschmid, Basler Kommentar, 3e éd.
2006, n. 4 ad art. 287 CC et les références citées).

En l'espèce, le Tribunal d'arrondissement a fait fi de manière arbitraire de
ces principes juridiques clairs et indiscutés en ne tenant pas compte du fait
que A.________, qui a accédé à la majorité le 21 octobre 2004 (cf. art. 14
CC), a conclu une convention d'entretien avec le recourant, qui s'est obligé
à verser la contribution d'entretien convenue directement en mains de son
fils. En présence d'une telle modification de circonstances, le Tribunal
d'arrondissement, saisi d'une demande en modification de la contribution
d'entretien globale que le recourant s'était engagé par convention du 30
avril 2003 à verser pour l'entretien de son épouse et de leurs trois enfants
communs, aurait dû fixer à nouveau, dès le 1er septembre 2005, le montant à
verser à l'épouse pour son propre entretien et celui des deux enfants mineurs
sous sa garde (cf. art. 289 al. 1 CC), en tenant compte du fait que
l'entretien de A.________ était désormais réglé par la convention du 28
juillet 2005.

6.
6.1 Le recourant reproche au Tribunal d'arrondissement d'avoir refusé de
prendre en compte les rentes AI versées en faveur de l'enfant B.________ en
considérant que le versement des rentes AI sur un compte bloqué a été décidé
de longue date par les parties et que seule une détérioration de la situation
financière des parties aurait justifié que ce système soit modifié (cf.
lettre C.f supra). Selon le recourant, ce raisonnement reviendrait à le
contraindre de modifier son accord de déroger au système légal - qui veut que
pour calculer la contribution d'entretien due à un enfant, il s'agit de
déterminer tout d'abord quels sont les besoins de l'enfant et dans quelle
mesure ils sont couverts par des prestations sociales (cf. art. 285 CC; arrêt
non publié 5C.127/2003 du 15 octobre 2003, consid. 4.1.2) - alors même que le
montant de l'ordre de 100'000 fr. accumulé sur le compte bloqué serait plus
que suffisant pour faire face à d'hypothétiques dépenses extraordinaires. Au
surplus, le Tribunal d'arrondissement aurait retenu arbitrairement, sur la
seule base des déclarations non prouvées de l'intimée, d'une part que
celle-ci a utilisé 40'000 fr. pour équiper la salle de bains, et d'autre part
que les parties étaient convenues depuis de nombreuses années de mettre les
montants versés par l'AI de côté pour le cas où elles décéderaient
prématurément.

6.2 Dans la mesure où le recourant s'en prend à l'appréciation des preuves et
à la constatation des faits, sa critique est irrecevable, car de tels griefs
doivent être soulevés - et l'ont d'ailleurs été - dans le cadre du recours de
droit public (5P.330/2006) dirigé contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal cantonal (cf. consid. 1.4 supra). En revanche, l'appréciation du
Tribunal d'arrondissement selon laquelle une modification du système instauré
depuis des années d'un commun accord entre parents ne se justifierait qu'en
cas de détérioration de la situation financière des parties relève de
l'application du droit de fond, qui peut être examinée sous l'angle de
l'arbitraire dans le cadre du présent recours (cf. consid. 1.4 supra).
Toutefois, le recourant ne démontre nullement en quoi cette appréciation
serait insoutenable. Cela étant, l'autorité cantonale à laquelle l'affaire
sera renvoyée devra examiner si la modification de la situation financière du
recourant (cf. consid. 3.2 et 4.3 supra) justifie le cas échéant que les
rentes versées par l'AI en faveur de l'enfant B.________ soient désormais
prises en compte, en tout ou en partie, dans le calcul des contributions
d'entretien.

7.
7.1 Le recourant fait enfin grief au Tribunal d'arrondissement d'avoir retenu
qu'on ne saurait exiger de l'épouse qu'elle exerce une activité lucrative,
même à temps partiel, vu les soins qu'elle doit donner à l'enfant handicapé
et la disponibilité liée aux horaires scolaires, à quoi s'ajoute la situation
financière confortable du mari (cf. lettre C.g supra). Il fait valoir que si
la disponibilité de l'épouse est certes restreinte par les horaires scolaires
(de 9h à 15h30 selon les constatations de l'arrêt attaqué), ceux-ci lui
laissent néanmoins une plage de disponibilité qu'elle pourrait mettre à
profit pour trouver une place à temps partiel ou encore travailler à
domicile, ce que sa profession de couturière - qui, contrairement à d'autres
métiers, ne nécessite pas d'être périodiquement remise à jour - lui
permettrait sans aucun doute. Par ailleurs, la "situation financière
confortable" du recourant ne permettrait pas de faire fi du principe selon
lequel les époux en instance de divorce doivent être encouragés à acquérir
leur indépendance financière. L'arrêt attaqué méconnaîtrait ainsi de manière
arbitraire la jurisprudence selon laquelle, lorsque les parties vivent
séparées depuis plusieurs années et que la reprise de la vie commune
n'apparaît plus probable, il y a lieu d'appliquer les règles du divorce,
fondées sur le critère de l'indépendance qui remplace au fil des ans celui de
la solidarité. Le recourant expose qu'il ne s'agit pas d'exiger l'impossible,
mais bien de demander qu'au vu de la disponibilité laissée, des tentatives
soient faites et des démarches accomplies; or depuis plus de quatre ans,
aucune démarche, quelle qu'elle soit, n'aurait été mise en oeuvre.

7.2 Selon la jurisprudence, lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur
une reprise de la vie commune, il y a lieu de prendre en considération, pour
évaluer l'entretien, les critères applicables à l'entretien après le divorce,
en particulier la question de la reprise ou de l'augmentation de l'activité
lucrative d'un époux (ATF 128 III 65 consid. 4a). En effet, dans toute la
mesure du possible, chaque conjoint doit subvenir lui-même à ses propres
besoins après le divorce et doit être encouragé à acquérir sa propre
indépendance économique  (ATF 129 III 7 consid. 3.1). Une reprise de la vie
commune n'étant plus guère envisageable après le dépôt d'une demande de
divorce, l'objectif pour le conjoint de reprendre ou d'étendre son activité
lucrative apparaît déjà important dans le cadre des mesures provisoires de
l'art. 137 al. 2 CC; les principes jurisprudentiels sur l'entretien après le
divorce peuvent y être pris en compte dans une mesure plus étendue que dans
le cadre des mesures de protection de l'union conjugale (ATF 130 III 537
consid. 3.2 p. 542). Un conjoint peut ainsi se voir imputer un revenu
hypothétique supérieur à celui qu'il obtient effectivement de son travail,
pour autant qu'une augmentation correspondante de revenu soit effectivement
possible et qu'elle puisse raisonnablement être exigée de lui (ATF 128 III 4
consid. 4: 127 III 136 consid. 2a in fine; 119 II 314 consid. 4a; 117 II 16
consid. 1b; 110 II 116 consid. 2a). Un tel revenu hypothétique peut être
imputé non seulement au débiteur d'entretien, mais aussi au créancier
d'entretien, s'agissant de statuer sur une contribution d'entretien notamment
dans le cadre d'une procédure de mesures provisoires selon l'art. 137 al. 2
CC (cf. arrêts 5P.418/2001 du 7 mars 2002, reproduit in FamPra.ch 2002 p.
578, et 5P.488/2000 du 13 février 2001, consid. 2b, reproduit in FamPra.ch
2001 p. 814) ou d'une procédure de divorce (cf. ATF 127 III 136 consid. 2a et
2c).

7.3 En l'espèce, les parties sont en instance de divorce depuis le 4 juillet
2002 et une reprise de la vie commune n'apparaît guère vraisemblable. Le
Tribunal d'arrondissement devait donc examiner si, comme le soutient le
recourant, il pouvait être exigé de l'épouse qu'elle reprenne une activité
lucrative. C'est d'ailleurs bien ce qu'il a fait. Toutefois, il n'apparaît
pas admissible de considérer d'emblée et sans autre examen que tel ne serait
pas le cas "vu les soins [que l'épouse] doit donner à l'enfant handicapé et
la disponibilité liée aux horaires scolaires, à quoi s'ajoute la situation
financière confortable du mari". D'une part, en effet, la disponibilité
limitée de l'épouse en raison des soins à donner à B.________ et des horaires
scolaires de cette dernière, qui est prise en charge de 9h à 15h30, n'exclut
pas d'emblée la reprise d'une activité lucrative à temps partiel ou à
domicile, en particulier au regard de la formation de couturière de l'épouse.
D'autre part, ce n'est pas parce que le recourant bénéficie d'une situation
financière confortable que l'intimée pourrait prétendre ne pas avoir à mettre
en oeuvre sa propre capacité de gain, selon les critères applicables à
l'entretien après le divorce, le principe de la solidarité ne déployant ses
effets que dans la mesure où l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux
qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable (art. 125 al. 1 CC).
Le Tribunal d'arrondissement, auquel la cause doit de toute manière être
renvoyée, devra donc réexaminer sérieusement la question de savoir si et dans
quelle mesure il peut raisonnablement être exigé de l'épouse, en application
des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus, qu'elle mette à profit une
éventuelle capacité de gain. Il prendra en considération l'ensemble des
éléments pertinents, soit notamment l'étendue des soins nécessités par
l'enfant B.________ en dehors des horaires scolaires - élément pertinent au
regard de la jurisprudence sur la prise en charge des enfants (ATF 127 III
136 consid. 2c; 115 II 6 consid. 3c; cf. art. 125 al. 2 ch. 6 CC) -, la durée
du mariage (cf. art. 125 al. 2 ch. 2 CC), ainsi que les perspectives de gain
effectives de l'épouse au regard de son âge, de sa formation et du marché du
travail (cf. art. 125 al. 2 ch. 7 CC; ATF 130 III 537 consid. 3.2 p. 542).

8.
Il résulte de ce qui précède que le Tribunal d'arrondissement, en refusant,
pour des motifs insoutenables, de tenir compte d'éléments déterminants, a
rendu une décision qui se révèle également arbitraire dans son résultat. Le
recours doit par conséquent être admis et l'arrêt attaqué annulé. L'intimée,
qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera
au recourant une indemnité pour ses dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Sont mis à la charge de l'intimée :
2.1un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
2.2une indemnité de 2'000 fr. à verser au recourant à titre de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Tribunal d'arrondissement de l'Est Vaudois et à la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 12 mars 2007

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: