Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.68/2006
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{T 0/2}
4P.68/2006 /svc

Arrêt du 4 juillet 2006
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Cornaz.

Caisse de pensions X.________,
recourante, représentée par Me Sven Engel, avocat,

contre

les époux Y.________,
intimés, représentés par Me Skander Agrebi, avocat,
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois, case postale
3174, 2001 Neuchâtel 1.

art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des preuves en procédure civile),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation civile du
Tribunal cantonal neuchâtelois
du 1er février 2006.

Faits:

A.
Statuant sur requête de la Caisse de pensions X.________ (ci-après: la
Caisse) du 2 août 2005 par ordonnance du 27 octobre 2005, le Président du
Tribunal civil du district du Locle a prononcé l'expulsion des époux
Y.________ de l'appartement que la Caisse leur avait remis à bail, leur
fixant un délai au 30 novembre 2005 pour quitter les lieux. Il a considéré
que le 10 mai 2005, celle-ci leur avait adressé deux courriers séparés les
mettant en demeure de payer les arriérés de loyers jusqu'au 20 juin 2005 et
les menaçant de résilier le contrat au 31 juillet 2005 si la somme de
3'244 fr. 50 n'était pas payée. Le contrat avait été résilié (sic) le 20 juin
2005 pour le 31 juillet 2005 faute de paiement. Les conditions d'application
de l'art. 257d CO étaient donc réalisées, de sorte que l'expulsion devait
être prononcée.

B.
Agissant sur recours des époux Y.________ par arrêt du 1er février 2006, la
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a cassé
l'ordonnance du 27 octobre 2005 et rejeté la requête d'expulsion. Elle a
considéré que la mise en demeure du 10 mai 2005 fixait un délai au 20 juin
2005 pour verser les loyers d'avril, mai et juin 2005. La résiliation était
intervenue (sic) le 20 juin 2005, soit le dernier jour du délai fixé pour le
paiement du loyer. Le congé avait donc été notifié avant l'expiration du
délai comminatoire, ce qui impliquait qu'il était nul. L'expulsion n'aurait
ainsi pas dû être prononcée.

C.
Parallèlement à un recours en réforme, la Caisse (la recourante) interjette
un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant l'art. 9 Cst., elle
conclut à l'annulation de la décision attaquée, avec suite de frais et
dépens. Elle présente en outre une demande d'effet suspensif.
Les époux Y.________ (les intimés) proposent principalement l'irrecevabilité,
subsidiairement le rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Pour sa
part, la cour cantonale, n'ayant pas d'observations à présenter, se réfère à
son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément à la règle de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient en l'espèce de
traiter le recours de droit public avant le recours en réforme.

2.
A titre préalable, il y a lieu de souligner que la demande d'effet suspensif
présentée par la recourante est sans objet, en application de l'art. 54 al. 2
OJ.

3.
3.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).

3.2 L'arrêt attaqué est final, dans la mesure où la cour cantonale a statué
sur le fond du litige par une décision qui n'est susceptible d'aucun autre
moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal, s'agissant du grief de
violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 84 al. 2 et 86 al.
1 OJ).

3.3 La recourante est personnellement touchée par l'arrêt entrepris, qui la
déboute de ses conclusions, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel
et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en
violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, la qualité pour
recourir doit lui être reconnue (art. 88 OJ).

3.4 Par ailleurs interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme
prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours de droit public est en
principe recevable. Il en va de même de la réponse signée par un avocat
stagiaire, alors même que ce mandataire n'est pas un avocat patenté aux
termes de l'art. 29 al. 2 OJ (ATF 107 IV 68); cette disposition n'est en
effet pas applicable à la procédure du recours de droit public (art. 29 al. 2
OJ a contrario; ATF 105 Ia 67 consid. 1a).

3.5 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258
consid. 1.3 p. 262). Il n'entre pas en matière sur les griefs insuffisamment
motivés ou sur les critiques purement appellatoires. La partie recourante ne
peut se contenter de critiquer la décision attaquée comme elle le ferait dans
une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement
l'application du droit (ATF 128 I 295 consid. 7a). L'art. 90 al. 1 let. b OJ
n'autorise pas l'auteur d'un recours de droit public à présenter sa propre
version des événements (ATF 129 III 727 consid. 5.2.2). Le Tribunal fédéral
se fonde sur l'état de fait tel qu'il a été retenu dans l'arrêt attaqué, à
moins que la partie recourante n'établisse que l'autorité cantonale a
constaté les faits de manière inexacte ou incomplète en violation de la
Constitution fédérale (ATF 118 Ia 20 consid. 5a).

4.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante se plaint d'arbitraire dans
l'appréciation des faits.

4.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 57 consid. 2);
il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable
(ATF 132 III 209 consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1); pour que cette décision
soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans
ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I
217 consid. 2.1).
Dans la mesure où l'arbitraire est invoqué en relation avec l'établissement
des faits, il convient de rappeler que le juge dispose d'un large pouvoir
lorsqu'il apprécie les preuves (arrêt 4P.27/2006 du 30 mai 2006, consid. 3.1;
4C.246/2005 du 20 mars 2006, consid. 4.1). La partie recourante doit ainsi
expliquer dans quelle mesure le juge a abusé de son pouvoir d'appréciation
et, plus particulièrement, s'il a omis, sans aucune raison sérieuse, de
prendre en compte un élément de preuve propre à modifier la décision
attaquée, s'il s'est manifestement trompé sur son sens et sa portée ou encore
si, en se fondant sur les éléments recueillis, il en a tiré des constatations
insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41). Il ne
suffit pas que la partie recourante invoque seulement quelques moyens de
preuve dont elle souhaiterait qu'ils aient une portée différente de celle
retenue dans l'arrêt attaqué.

4.2 En l'espèce, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir commis
arbitraire en considérant le congé comme notifié le 20 juin 2005, ce qui ne
serait de toute évidence pas le cas puisque la résiliation avait été envoyée
à cette date-là et n'avait donc pu parvenir en mains des locataires - et donc
être considérée comme notifiée - au plus tôt le 21 juin 2005.
Force est d'admettre que la décision entreprise n'est pas d'une grande clarté
sur le point soulevé par la recourante. Le lecture de l'arrêt du 1er février
2006 en relation avec celle de l'ordonnance du 27 octobre 2005 permet
néanmoins de comprendre la chronologie des événements en ce sens que la
résiliation a été envoyée en recommandé le 20 juin 2005 et donc reçue au plus
tôt le 21 juin 2005. Les intimés ne semblent d'ailleurs pas le contester
puisque dans leur réponse, ils écrivent qu'"en envoyant sa résiliation dans
la journée du 20 mai 2005, alors que le délai de paiement arrive à échéance
le 20 mai à minuit, il y a lieu de considérer que la résiliation a été
effectuée avant la fin du délai de mise en demeure si bien que ladite
résiliation doit effectivement être considérée comme nulle".

L'on ne voit donc pas qu'il soit en l'espèce question d'arbitraire dans
l'établissement des faits. Dans la mesure où elle porte en réalité sur la
question de la réalisation - ou non - des conditions d'application de l'art.
257d CO, ainsi que sur les notions de résiliation et de notification en
relation avec l'application du principe de la réception, l'argumentation de
la recourante relève exclusivement du droit fédéral et doit être examinée
dans le cadre du recours en réforme. Par conséquent, le recours de droit
public ne peut qu'être déclaré irrecevable (art. 84 al. 2 OJ).

5.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
de la recourante (art. 156 al.1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de
2'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois.

Lausanne, le 4 juillet 2006

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: