Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.344/2006
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{T 0/2}
4P.344/2006 /viz

Arrêt du 27 février 2007
Ire Cour de droit civil

MM. et Mme les juges Corboz, président, Klett et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Raphaël Rey, avocat,

contre

X.________ SA,
intimée, représentée par Me Eric C. Stampfli, avocat,
Président du Tribunal de première instance du canton de Genève, case postale
3736, 1211 Genève 3.

procédure civile; émolument de mise au rôle

recours de droit public contre l'ordonnance du Président du Tribunal de
première instance du 4 décembre 2006.

Faits :

A.
Le 6 novembre 2006, A.________ a ouvert action contre X.________ SA devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève. Sa demande tendait à faire
constater que la défenderesse n'avait plus de conseil d'administration depuis
le 21 mars 2006 et que les décisions prises par son assemblée générale du 4
septembre 2006 étaient nulles; subsidiairement, la demande tendait à
l'annulation de ces mêmes décisions.
La défenderesse est une société anonyme dont le capital social, entièrement
libéré, s'élève à 100'000 fr.
Le greffe du tribunal a évalué la valeur litigieuse à 100'000 fr., d'après le
capital social, et il a taxé l'émolument de mise au rôle au montant de 5'000
fr. Invité à acquitter cet émolument dans un délai de trente jours sans quoi
le demande serait jugée irrecevable, le demandeur a fait opposition; il
soutenait que l'objet de l'action était non pécuniaire et que le greffe
devait percevoir un émolument de 800 fr. seulement.
Par ordonnance du 4 décembre 2006, le Président du Tribunal de première
instance a rejeté l'opposition et confirmé la taxation litigieuse.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, le demandeur requiert le
Tribunal fédéral d'annuler ce prononcé. Invoquant l'art. 9 Cst., il se plaint
d'une application arbitraire du tarif déterminant.
La défenderesse et intimée conclut au rejet du recours; le Président du
Tribunal de première instance n'a pas présenté d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le prononcé dont est recours est intervenu avant l'entrée en vigueur, au 1er
janvier 2007, de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF; RO 2006 p. 1242). En vertu de l'art. 132 al. 1 de cette loi, le recours
demeure soumis à la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre
1943 (OJ).

2.
Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être exercé contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). La décision attaquée doit en principe n'être
susceptible d'aucun autre recours cantonal ou fédéral apte à redresser
l'inconstitutionnalité (art. 84 al. 2, 86 al. 1 OJ). Cette condition est
satisfaite en l'espèce. Aux termes de l'art. 87 al. 2 OJ, le recours de droit
public n'est recevable contre des décisions préjudicielles ou incidentes,
prises séparément du fond, que s'il peut en résulter un préjudice
irréparable; dans les autres cas, en règle générale, les décisions incidentes
ne peuvent être attaquées qu'avec la décision finale (art. 87 al. 3 OJ).
Selon la jurisprudence, la partie astreinte à fournir des sûretés en garantie
des dépens se trouve exposée à un préjudice de ce genre si elle ne se soumet
pas à la décision concernée, de sorte que ce prononcé est susceptible du
recours immédiat (ATF 77 I 42 de consid. 2 p. 46; 111 Ia 276 consid. 2b p.
278; arrêt 4P.29/2001 du 30 juillet 2001, consid. 2b, SJ 2002 I 97 p. 100);
cela vaut aussi lorsque, comme en l'espèce, la partie est astreinte à un
paiement plutôt qu'à des sûretés.
Pour le surplus, l'exigence d'un intérêt actuel, pratique et juridiquement
protégé à l'annulation de la décision attaquée (art. 88 OJ) est également
satisfaite; les conditions légales concernant la forme et le délai du recours
(art. 30, 89 et 90 OJ) sont aussi observées.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les
griefs fondés sur les droits constitutionnels, invoqués et motivés de façon
suffisamment détaillée dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF
130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1; 128 III 50 consid.
1c p. 53). Il statue sur la base des faits constatés dans la décision
attaquée, à moins que le recourant ne démontre que la cour cantonale a retenu
ou, au contraire, ignoré de manière arbitraire certains faits déterminants
(ATF 118 Ia 20 consid. 5a).

3.
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle
viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité
cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs
objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que
les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci
soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus
qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse
être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 132
I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 467 consid. 3.1 p. 473/474; 129 I 8 consid. 2.1
p. 9).

4.
Selon les art. 120 al. 1 et 121 de la loi genevoise sur l'organisation
judiciaire, les plaideurs avancent au greffe les émoluments fixés d'après un
tarif à édicter par le Conseil d'Etat. Cela concerne surtout un émolument de
mise au rôle que la partie demanderesse, devant le Tribunal de première
instance, ou la partie appelante, devant la Cour de justice, doit verser
d'emblée et sous peine d'irrecevabilité (art. 2 al. 1 et 2, art. 3 al. 1 du
règlement fixant le tarif des greffes en matière civile, ci-après TG, du 9
avril 1997). L'émolument est taxé par le greffe; en cas de contestation, le
président compétent statue en dernière instance cantonale (art. 4 al. 2 TG).
Lorsque la valeur litigieuse est indéterminée, la mise au rôle d'une demande
de nature pécuniaire est subordonnée à un émolument de 800 fr.; un complément
d'émolument est perçu ultérieurement si la valeur litigieuse est élucidée en
cours d'instance (art. 11 al. 1 let. a TG). En règle générale, les demandes
non pécuniaires donnent lieu au même émolument de 800 fr. (art. 12 let. f
TG). Un barème (art. 11 al. 1 let. b à f TG) est appliqué lorsque la valeur
litigieuse est déterminée; ainsi, l'émolument s'élève à 5'000 fr. pour une
demande pécuniaire avec valeur litigieuse de 100'000 fr. (let. d).
Dans une cause pécuniaire qui ne porte pas sur le paiement d'une somme
d'argent, la valeur litigieuse correspond à celle de l'objet du litige; si,
en cours d'instance, la valeur se révèle supérieure à celle d'abord évaluée,
un complément d'émolument est perçu (art. 5 al. 1 let. e TG). Le tarif ne
prévoit aucune remise ni restitution de l'émolument de mise au rôle, hormis
les cas d'assistance juridique ou d'instance terminée sans jugement au fond
(art. 6 et 23 TG). L'émolument s'incorpore aux dépens que, selon l'issue du
procès, la partie grevée peut recouvrer contre une autre partie (art. 181 al.
2 let. b LPC gen.).

5.
La demande introduite le 6 novembre 2006 a surtout pour objet une action en
annulation des décisions de l'assemblée générale régie par les art. 706 et
706a CO, soit une action qui ne porte pas sur le paiement d'une somme
d'argent.

5.1 D'après la jurisprudence relative à l'art. 46 OJ, cette action est
pécuniaire et la valeur déterminante est celle de l'intérêt de la société au
maintien des décisions contestées, intérêt dont la valeur est en principe
plus élevée que celle de l'intérêt personnel de l'actionnaire demandeur (ATF
75 II 149 consid. 1 p. 152; voir aussi ATF 92 II 243 consid. 1b p. 246; 107
II 179 consid. 1 p. 181). Cette solution n'est guère critiquée en doctrine
(cf. Brigitte Tanner, Commentaire zurichois, 2e éd., ch. 59 à 68 ad art. 706a
CO) et la révision du droit de la société anonyme, en 1991, n'a rien changé à
son sujet (Andreas Casutt, Rechtliche Aspekte der Verteilung der
Prozesskosten im Anfechtungs- und Verantwortlichkeitsprozess, in Neues zum
Gesellschafts- und Wirtschaftsrecht: zum 50. Geburtstag von Peter Forstmoser,
Zurich 1993, p. 83). Le droit cantonal peut néanmoins consacrer des règles
différentes pour la taxation des émoluments judiciaires cantonaux.
Dans l'application de l'art. 46 OJ ou de dispositions correspondantes, le
Tribunal fédéral a jugé qu'une action doit être considérée comme pécuniaire
même si l'intérêt en cause n'a pas de valeur précise ou que cette valeur est
très difficile à évaluer (ATF 54 II 51; 66 II 43 consid. 1 p. 46/47; cf.
Siegfried Schuller, Die Berechnung des Streitwertes: Grundsätze
zivilprozessualer Streitwertberechnung im Bund und in den Kantonen, thèse,
Zurich 1974, p. 73). Les autorités cantonales peuvent donc, sans violer
l'art. 9 Cst., adopter le même principe dans l'application du droit cantonal;
elles doivent cependant tenir compte des règles de ce droit qui, le cas
échéant, visent spécialement les causes pécuniaires dont la valeur litigieuse
est indéterminée ou, ce qui est équivalent, difficile à élucider ou non
susceptible d'une évaluation précise (cf. Schuller, op. cit., p. 79 et 80).
L'art. 11 al. 1 let. a TG, prévoyant un émolument de 800 fr. pour les causes
de valeur litigieuse indéterminée, constitue une règle de ce genre; cette
disposition n'est toutefois pas invoquée par le recourant et, au regard de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le Tribunal fédéral ne peut donc pas la prendre en
considération. Pour le surplus, d'après la jurisprudence précitée concernant
l'art. 46 OJ, on peut retenir sans arbitraire que l'action en annulation des
décisions de l'assemblée générale est une cause pécuniaire aux termes de
l'art. 5 al. 1 let. e TG, et que la valeur en litige est celle de l'intérêt
de la société au maintien des décisions contestées.

5.2 D'ordinaire, la valeur litigieuse est estimée concrètement d'après
l'objet des décisions de l'assemblée générale dont l'annulation est requise
(précédents cités par Tanner, loc. cit., ch. 62 à 67); le montant du capital
social n'est pas significatif et il ne joue normalement aucun rôle dans cette
opération.
Il se peut toutefois que le juge ne dispose pas des renseignements
nécessaires à une évaluation concrète. En pareille situation, on ne voit pas
qu'il soit arbitraire de raisonner par présomptions, en supposant d'abord que
la valeur des décisions contestées soit en rapport avec celle des affaires
que la société traite ou a pour but de traiter en général, et ensuite que
cette valeur se trouve elle-même dans un ordre d'importance correspondant au
montant du capital social. Selon cette approche, à défaut de base
d'évaluation topique, ce dernier montant constitue une référence pertinente.
Ainsi, dans son arrêt 4C.47/2006 du 30 mai 2006, le Tribunal fédéral a retenu
que l'intérêt d'une société à la nomination de son administrateur unique « ne
saurait être inférieur à la valeur de son capital-actions » (consid. 1.2);
l'ordonnance dont est recours fait référence à cette affaire. Dans une cause
antérieure, le Tribunal fédéral avait déjà retenu une valeur litigieuse égale
au capital social, au motif qu'une évaluation des intérêts en cause était
difficile et que la juridiction cantonale avait elle-même adopté ce critère
(arrêt 4C.88/2000 du 27 juin 2000, consid. 4b).
En l'espèce, il n'apparaît pas que le Président du Tribunal de première
instance fût en mesure d'effectuer une évaluation concrète de la valeur
litigieuse et que cette évaluation l'eût conduit à retenir un montant
différent de celui du capital social, inférieur à 100'000 fr. Le recourant
échoue donc à mettre en évidence une violation de l'art. 9 Cst.

6.
Le recours de droit public se révèle mal fondé, ce qui entraîne son rejet. A
titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument
judiciaire et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr.

3.
Le recourant acquittera une indemnité de 2'500 fr. due à l'intimée à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal de première instance du canton de Genève.

Lausanne, le 27 février 2007

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: