Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.216/2006
Zurück zum Index I. Zivilabteilung 2006
Retour à l'indice I. Zivilabteilung 2006


{T 0/2}
4P.216/2006 /ech

Arrêt du 21 novembre 2006
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Cornaz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Eric Stauffacher,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Philippe Richard,
Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois, Palais de justice de l'Hermitage,
route du Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 6 par. 1 CEDH; art. 5 al. 1, 9, 29, 30, 36 al. 1 Cst.; principe de la
légalité; déni de justice formel; arbitraire,

recours de droit public contre l'arrêt rendu le 28 avril 2006 par la Chambre
des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Faits:

A.
Statuant par jugement du 15 avril 2005 dans le cadre d'une action en paiement
du solde du prix de vente d'un immeuble ainsi que d'intérêts conventionnels
et moratoires, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a prononcé que
l'action en libération de dette de B.________ déposée le 29 juin 2000,
modifiée par réplique complémentaire du 16 mars 2004, était très
partiellement admise (I), que B.________ devait payer à A.________ la somme
de 311'147 fr. 30 avec intérêt à 6 % l'an dès le 8 janvier 2000, dont à
déduire 74'979 fr., valeur 6 septembre 2002 (II) et que l'opposition formée
par B.________ au commandement de payer qui lui avait été notifié par
l'Office des poursuites de Lausanne-Est était définitivement levée à
concurrence de la somme et des intérêts alloués sous chiffre II (III).

Par arrêt du 9 décembre 2005, la Cour de céans a déclaré irrecevable le
recours en réforme interjeté par A.________ contre cette décision. Elle a
considéré que, bien qu'invoquant formellement l'art. 8 CC, en ce qu'il a plus
particulièrement trait au droit à la preuve, ainsi que des dispositions du
droit cantonal de procédure (réd.: art. 6 et 163 al. 1 du Code de procédure
civile du canton de Vaud du 14 décembre 1966 - ci-après: CPC/VD) qui
n'avaient pas leur place dans un recours en réforme, A.________ présentait
une argumentation qui relevait davantage de la demande d'interprétation,
voire de la demande de revision, qui devait être adressée à l'autorité
cantonale compétente, conformément au code de procédure civile cantonal. En
définitive, force était de constater que l'on ne voyait pas trace de
violation du droit fédéral dans les griefs de celui-ci, dont le recours
devait par conséquent être déclaré irrecevable.

B.
Le 19 janvier 2006, A.________ a déposé un recours en nullité au Tribunal
cantonal contre le jugement de la Cour civile du 15 avril 2005. Par arrêt du
28 avril 2006, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a écarté
le recours et dit que l'arrêt était exécutoire.

Elle a retenu que A.________ fondait la recevabilité de son recours sur
l'art. 451a al. 3 CPC/VD, qui dispose que, lorsque le Tribunal fédéral saisi
d'un recours en réforme contre un jugement principal de la Cour civile le
déclare irrecevable en raison de la nature de la cause, du droit applicable
ou de l'insuffisance de la valeur litigieuse, les parties peuvent encore
recourir au Tribunal cantonal contre ledit jugement dans les dix jours dès la
communication de l'expédition complète de l'arrêt du Tribunal fédéral.

Elle a considéré d'une part que l'art. 451a al. 3 CPC/VD n'ouvrait que le
recours en réforme au Tribunal cantonal, non le recours en nullité. Cela
résultait de l'exposé des motifs et de la place de cette disposition, dans la
subdivision III, chapitre premier du titre XV du CPC/VD (voir la note
marginale ad art. 451 CPC/VD). La limitation de cette voie de recours
subsidiaire au recours en réforme correspondait du reste au système des
recours visant un jugement principal de la Cour civile: le jugement doit être
attaqué d'abord par un recours (immédiat) en nullité au Tribunal cantonal,
l'éventuel recours fédéral en réforme n'étant examiné qu'une fois connu le
sort du recours cantonal en nullité (art. 57 OJF). La décision sur le recours
fédéral en réforme intervient donc alors que la voie du recours cantonal en
nullité est épuisée. Pour ce premier motif, le recours était irrecevable.

Elle a retenu d'autre part que cette voie subsidiaire de recours n'était
ouverte que dans trois hypothèses, limitativement énumérées par la loi.
L'irrecevabilité devait découler de la nature de la cause, du droit
applicable ou de l'insuffisance de la valeur litigieuse. En l'espèce, il
s'agissait bien d'une contestation civile, la valeur litigieuse atteignait le
seuil de 8'000 fr. (arrêt du Tribunal fédéral, p. 5) et le droit applicable
était le droit fédéral. Aucune des hypothèses prévues par l'art. 451a al. 1
CPC/VD n'étant réalisée, le recours était irrecevable et le serait aussi s'il
tendait à la réforme.

C.
A.________ (le recourant) interjette un recours de droit public au Tribunal
fédéral contre l'arrêt de la Chambre des recours du 28 avril 2006. Invoquant
les art. 6 par. 1 CEDH, 5 al. 1, 9, 29, 30 et 36 al. 1 Cst., il se plaint de
la violation du principe de la légalité, de l'interdiction du déni de justice
formel et de la prohibition de l'arbitraire. Il conclut à l'annulation de la
décision attaquée, avec suite de frais et dépens.

B. ________ (l'intimé) propose le rejet du recours dans la mesure où il est
recevable, sous suite de frais et dépens. Pour sa part, la cour cantonale se
réfère aux considérants de son arrêt.
L'effet suspensif au recours, sollicité par le recourant, a été accordé à
titre superprovisoire le 13 septembre 2006 et maintenu par ordonnance
présidentielle du 20 octobre 2006.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Exercé en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. b et 89
al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), pour violation
de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ), contre une
décision finale prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), par
le recourant qui est personnellement touché par la décision attaquée, de
sorte que la qualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 88 OJ), le
recours de droit public soumis à l'examen du Tribunal fédéral est en principe
recevable.

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258
consid. 1.3 p. 262). Il se fonde sur l'état de fait tel qu'il a été retenu
dans l'arrêt attaqué, à moins que la partie recourante n'établisse que
l'autorité cantonale a constaté les faits de manière inexacte ou incomplète
en violation de la Constitution fédérale (ATF 118 Ia 20 consid. 5a).

2.
Dans un premier grief, le recourant, invoquant les art. 6 par. 1 CEDH, 5 al.
1, 29, 30 et 36 al. 1 Cst., reproche à la cour cantonale d'avoir commis un
déni de justice et violé le principe de la légalité en déclarant son recours
en nullité irrecevable au mépris d'une disposition claire et explicite du
CPC/VD. En l'espèce, il avait fait expressément allusion, dans son mémoire de
recours en nullité, à l'art. 444 al. 2 CPC/VD, qui prévoit que le recours en
nullité est irrecevable pour les griefs qui peuvent faire l'objet d'un
recours en réforme au Tribunal fédéral et que l'art. 451a al. 3 CPC/VD est
applicable par analogie. En déclarant son recours en nullité irrecevable au
seul motif que cette voie ne serait ouverte que pour le recours en réforme,
les juges cantonaux auraient tout simplement "oublié" l'art. 444 al. 2 in
fine CPC/VD. Pour le surplus, le recourant se réfère à l'avis de droit qu'il
produit en annexe.
La cour cantonale n'a effectivement pas cité l'art. 444 al. 2 CPC/VD. La
lecture de la motivation complète de l'arrêt entrepris permet toutefois de
comprendre que les juges cantonaux ont implicitement tenu compte du renvoi de
l'art. 444 al. 2 CPC/VD à l'art. 451al. 3 CPC/VD et écarté le recours en
considérant que les conditions d'application de cette dernière disposition
n'étaient pas réunies, ce qui ressort en particulier de la dernière phrase du
consid. 2 de la décision attaquée, selon laquelle "le recours est irrecevable
et le serait aussi s'il tendait à la réforme". En conséquence, l'on ne
saurait considérer que l'autorité cantonale n'est pas entrée en matière et,
sous cet angle, le grief se confond en réalité avec celui d'arbitraire dans
l'application du droit cantonal de procédure.

3.
Dans un second grief, le recourant, invoquant l'art. 9 Cst., soutient
subsidiairement que l'arrêt entrepris serait également grossièrement
arbitraire.

3.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 57 consid. 2);
il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable
(ATF 132 III 209 consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1); pour que cette décision
soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans
ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I
217 consid. 2.1). Il appartient à la partie recourante de démontrer, par une
argumentation précise, en quoi la décision incriminée est arbitraire (ATF 130
I 258 consid. 1.3 p. 262).

Lorsque la partie recourante invoque une violation arbitraire du droit
cantonal, elle doit indiquer avec précision quelle est la disposition
cantonale qui aurait été violée et l'examen se limite à cette question (ATF
128 I 273 consid. 2.1 p. 275 s.). Le Tribunal fédéral ne revoit l'application
du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 131 I 217 consid.
2.1; 128 I 177 consid. 2.1; 128 II 311 consid. 2.1).
3.2 Le recourant est d'avis qu'il aurait été démontré que la décision
entreprise constituait une violation du principe de la légalité puisqu'une
norme cantonale, claire et précise, n'aurait tout simplement pas été
appliquée par l'autorité compétente. Il s'agirait au surplus d'une violation
crasse et grossière du droit cantonal, non seulement en ce qui concerne la
gravité de la faute commise, mais également eu égard à ses conséquences
puisque l'autorité interdirait ainsi, sans aucun motif valable, l'accès d'un
justiciable à la justice.

Dans cette mesure, l'argumentation du recourant n'est pas pertinente puisque,
comme précédemment indiqué, l'on comprend à la lecture de l'arrêt entrepris
que la cour cantonale a implicitement tenu compte du renvoi de l'art. 444 al.
2 CPC/VD à l'art. 451a al. 3 CPC/VD, dont elle a examiné les conditions
d'application, rappelant que la voie de droit n'était ouverte que dans trois
hypothèses limitativement énumérées par la loi, dans lesquelles
l'irrecevabilité du recours au Tribunal fédéral découlait de la nature de la
cause, du droit applicable ou de l'insuffisance de la valeur litigieuse. Or,
en l'espèce, il s'agissait bien d'une contestation civile, la valeur
litigieuse atteignait le seuil de 8'000 fr. et le droit applicable était le
droit fédéral. Il apparaît ainsi que la cour cantonale a considéré que les
termes "mêmes conditions" figurant à l'art. 444 al. 2 CPC/VD se rapportaient
à la cause d'irrecevabilité retenue par le Tribunal fédéral.

Pour sa part, le recourant semble soutenir que la portée du renvoi de l'art.
444 al. 2 CPC/VD est limitée au délai de dix jours qui y est indiqué et ne
s'étend pas aux trois hypothèses d'irrecevabilité susceptibles d'entrer en
ligne de compte. En effet, dans l'avis de droit annexé à son recours, auquel
il a renvoyé dans son premier grief, on peut lire qu'"il en résulte ainsi
clairement que, lorsque le recours en réforme au Tribunal fédéral est déclaré
irrecevable (parce que le grief invoqué ne relève pas selon le Tribunal
fédéral du droit fédéral), le recourant a la possibilité de saisir la Chambre
des recours du Tribunal cantonal d'un recours "dans les dix jours dès la
communication de l'expédition complète de l'arrêt du Tribunal fédéral". Les
termes "mêmes conditions" se rapportent à cette exigence. En vertu de
l'objectif d'éviter qu'il y ait un dépôt simultané d'un recours en réforme au
Tribunal fédéral pour violation d'une règle de procédure fédérale et en
nullité pour violation d'une règle essentielle de la procédure au sens de
l'art. 444 CPC/VD, il paraît évident que si, comme en l'espèce, le recourant
invoque une violation d'une disposition fédérale (art. 8 CC) dans son recours
en réforme au Tribunal fédéral et que celui-ci déclare le recours irrecevable
en raison du fait que le grief relève du droit cantonal de procédure, l'art.
444 al. 2 in fine CPC/VD permet de déposer un recours en nullité pour
violation des règles essentielles de la procédure".
Force est de constater que l'exposé de ce point de vue ne permet pas de
démontrer en quoi la cour cantonale aurait arbitrairement considéré que la
possibilité de recourir en nullité au sens de l'art. 444 al. 2 CPC/VD était
également restreinte aux trois causes d'irrecevabilité du recours au Tribunal
fédéral limitativement énumérées à l'art. 451a al. 3 CPC/VD. Quant bien même,
il convient de souligner qu'en l'espèce, la Cour de céans a déclaré le
recours en réforme irrecevable au motif que si le recourant avait certes
invoqué, formellement, l'art. 8 CC, en ce qu'il a plus particulièrement trait
au droit à la preuve, son argumentation, quant à sa substance, ne relevait
pas de la violation d'une règle - fédérale ou cantonale - de procédure, mais
davantage de la demande d'interprétation, voire de la demande de revision.
L'on ne se trouve donc pas dans un cas où le Tribunal fédéral aurait
considéré que le recourant avait invoqué la violation d'une même règle de
procédure dont il aurait estimé à tort qu'elle ressortissait au droit
fédéral, au sens de l'art. 43 OJ, alors qu'elle appartenait en réalité au
droit cantonal - dualité à laquelle le législateur a entendu mettre fin en
introduisant le renvoi de l'art 444 al. 2 CPC/VD à l'art. 451a al. 3 CPC/VD
(cf. Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e éd., Lausanne 2002,
n. 17 in medio ad art. 444 CPC/VD). L'on relèvera d'ailleurs à cet égard que
la motivation contenue dans le recours en nullité que le recourant a déposé
au Tribunal cantonal diffère sensiblement de celle qui figurait dans son
recours en réforme au Tribunal fédéral, ce que la possibilité de déposer un
recours au sens de l'art. 444 al. 2 CPC/VD ne saurait vraisemblablement
permettre.

3.3 En définitive, l'on ne voit donc pas que l'on puisse reprocher aux
précédents juges d'avoir commis arbitraire dans l'application du droit
cantonal, de sorte que le recours de droit public doit être rejeté.

4.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge
du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 21 novembre 2006

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: