Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.140/2006
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{T 0/2}
4P.140/2006 /ech

Arrêt du 18 août 2006
Ire Cour civile

Mme et MM. les juges Klett, juge présidant, Favre et Mathys.
Greffière: Mme Crittin.

X. ________, en liquidation,
recourante, représentée par Me Marc Mathey-Doret,

contre

les époux A.________,
intimés, représentés par Me Irène Buche,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (procédure civile; appréciation des preuves),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et loyers du canton de Genève du 3 avril 2006.

Faits:

A.
A.a X.________, société anonyme de siège social à Genève, devenue en cours de
procédure X.________, en liquidation, a donné en location aux époux
A.________, à compter du 1er avril 1987, un appartement de dix pièces, situé
au 10ème étage d'un immeuble à Genève. Le bail a été conclu pour une durée de
douze ans, soit du 1er avril 1987 au 31 mars 1999, et devait être annoté au
registre foncier pour toute cette durée. Le loyer mensuel s'élevait à 4000
fr., charges non comprises, avec clause d'indexation tous les trois ans à
raison de 80% de l'augmentation du coût de la vie.

A.b L'appartement en question devait faire l'objet de travaux lourds,
puisqu'il était créé sur la base de la restructuration de deux duplex et
devait être aménagé de manière luxueuse. A teneur d'accords passés entre les
parties, les locataires devaient participer à ces frais et verser une somme
pour l'annotation du bail au registre foncier; en cas de départ des
locataires avant la première échéance de douze ans, une indemnité de 150'000
fr. leur était due.

Outre les frais d'aménagement de l'appartement, dont la participation des
locataires a été fixée à 100'000 fr., puis à 150'000 fr., ceux-ci se sont
engagés à verser à la bailleresse la somme de 200'000 fr., à titre, d'une
part, de prix de l'annotation d'un bail de longue durée auprès du registre
foncier et, d'autre part, de participation aux travaux lourds de
restructuration des appartements en attique. Les travaux définitifs se sont
élevés à 187'775 fr., sans qu'aucun décompte définitif n'ait été signé par
les locataires.

A.c En 1994, une procédure devant la Commission de conciliation a été
introduite par les locataires, sans pour autant qu'elle soit menée à terme.

A.d La bailleresse a résilié le bail pour défaut de paiement avec effet le 31
mars 1998. Pour leur part, les locataires ont résilié leur bail pour le 30
avril 1998. Un constat d'état des lieux a été établi le 30 avril 1998 par un
huissier judiciaire. A cette date, les locataires ont quitté l'appartement
après avoir remis les clés au propriétaire.

B.
Un certain nombre de documents signés de la main de B.________, en qualité de
représentant dûment autorisé de la société créancière, ont été versés en
cause par les locataires, afin d'attester des divers paiements effectués.
Lors même que les locataires prétendent s'être acquittés de 330'000 fr., la
société bailleresse n'admet le versement que de 280'000 fr., la différence de
50'000 fr. provenant de la prise en compte de deux titres visant tous deux la
somme de 50'000 fr., mais qui porteraient sur le même versement.

C.
Après s'être vus notifier plusieurs commandements de payer et avoir fait
opposition à ces actes, les locataires ont, à leur tour, fait notifier à la
bailleresse un commandement de payer la somme de 161'000 francs. La mainlevée
de l'opposition faite audit commandement de payer a été prononcée à
concurrence de 150'000 fr., sous déduction des loyers impayés de 65'702
francs.

La bailleresse a introduit action en libération de dette devant le Tribunal
des baux et loyers du canton de Genève.

D.
D.aPar jugement rendu le 5 septembre 2005, le Tribunal a condamné la
demanderesse à verser aux défendeurs la somme de 150'000 fr., avec intérêt à
5% l'an dès le 1er mai 1998, à titre de restitution de la participation des
locataires aux travaux d'aménagement. L'autorité de première instance a aussi
condamné les défendeurs à verser à la partie adverse les sommes de 65'702
fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 1er octobre 1997, à titre d'arriérés de
loyers, de 2000 fr., en capital, pour les travaux de remise en état de la
cheminée, et de 20'000 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 1er avril 1994,
correspondant au solde dû à titre de participation aux travaux d'aménagement.
La mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer a
donc été prononcée à concurrence de 150'000 fr., avec intérêt à 5% l'an dès
le 1er mai 1998, sous déduction des montants dus par les défendeurs à la
demanderesse, en capital et intérêts.

D.b La Chambre d'appel en matière de baux et loyers a été saisie à la fois
d'un appel et d'un appel incident, le premier interjeté par la demanderesse
et, le second, par les défendeurs. L'autorité cantonale a, au fond, confirmé
le jugement attaqué, condamné chacune des parties à verser à l'Etat un
émolument de 300 fr. et débouté celles-ci de toutes autres conclusions.
En substance, les juges cantonaux ont confirmé le jugement de première
instance s'agissant des prétentions de la demanderesse relatives aux frais de
remise en état du logement, en estimant que les avis des défauts relatifs aux
dégâts constatés étaient parvenus tardivement aux locataires. Les magistrats
ont ensuite considéré que les premiers juges ont retenu, sans violer les
règles sur le fardeau de la preuve, que la bailleresse n'avait pas démontré
l'existence d'un accord entre les parties portant sur une participation des
locataires supérieure à 150'000 fr. pour l'aménagement de leur propre
appartement. Ils ont ainsi arrêté que la participation totale dont devaient
contractuellement s'acquitter les locataires s'élevait à 350'000 francs.
Enfin, ils ont jugé que, sur ce dernier montant, une somme de 330'000 fr. a
été acquittée. Malgré l'existence de certains indices susceptibles de
considérer la lettre datée des 3 et 4 juillet 1987 comme la simple
confirmation du versement concerné par la précédente quittance du 2 juillet
1987, les juges ont estimé que ces indices ne permettaient pas d'écarter de
manière certaine l'existence de deux versements successifs de 50'000 fr., le
2 juillet, puis les 3-4 juillet 1987.

E.
E.a
La demanderesse exerce un recours de droit public contre ce jugement. Elle
conclut, préalablement, à ce que l'effet suspensif soit accordé et, au fond,
à l'annulation de l'arrêt attaqué. Elle invoque la violation du droit d'être
entendu et l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement
des faits.

Les défendeurs concluent, quant à eux, au déboutement de la demanderesse,
sous suite de frais et dépens.

E.b
Après avoir été accordée le 26 mai 2006 à titre superprovisoire, la demande
d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance présidentielle du 21 juin
2006.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours de droit public qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1; 131 I
153 consid. 1; 366 consid. 2 et l'arrêt cité).

La recourante, qui a vu sa demande en justice rejetée, a un intérêt
personnel, actuel et juridiquement protégé à obtenir l'annulation du prononcé
entrepris. Elle a donc qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ.

Il y a lieu, partant, d'entrer en matière sur le recours, interjeté en temps
utile (art. 89 al. 1 en lien avec l'art. 34 al. 1 let. a OJ), et d'examiner,
le cas échéant, la recevabilité des griefs articulés par la recourante.

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1, 258 consid.
1.3). Il n'entre pas en matière sur les griefs insuffisamment motivés ou sur
les critiques purement appellatoires. La partie recourante ne peut se
contenter de critiquer la décision attaquée comme elle le ferait dans une
procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement
l'application du droit (ATF 128 I 295 consid. 7a). L'art. 90 al. 1 let. b OJ
n'autorise pas l'auteur d'un recours de droit public à présenter sa propre
version des événements (ATF 129 III 727 consid. 5.2.2). Par ailleurs, le
Tribunal fédéral se fonde sur l'état de fait tel qu'il a été retenu dans
l'arrêt attaqué, à moins que la partie recourante n'établisse que l'autorité
cantonale a constaté les faits de manière inexacte ou incomplète en violation
de la Constitution fédérale (ATF 118 Ia 20 consid. 5a).

2.
La cour cantonale se voit tout d'abord reprocher une violation du droit
d'être entendu de la recourante.

Aux dires de la recourante, la juridiction inférieure n'a pas mentionné dans
sa décision plusieurs moyens de preuve décisifs et, a fortiori, n'en a pas
tenu compte dans son appréciation. Il s'agit du courrier de la recourante du
17 juillet 1987 (pièce no 33), des relevés bancaires de celle-ci pour les
périodes litigieuses (pièces nos 40 à 44) et du courrier "du conseil des
intimés" du 17 février 1998, qui précise que ceux-ci ont versé à la
recourante un montant de 50'000 fr. sur les 110'000 fr. prélevés à la fin
juin 1987, sans mention d'aucun autre versement (pièces intimés nos 47 et
48). La recourante prétend que l'absence de toute référence à ces pièces
viole son droit d'être entendu, puisque les titres en question sont
manifestement pertinents et susceptibles de modifier la décision entreprise
s'ils avaient été examinés, particulièrement eu égard aux doutes exprimés par
l'autorité cantonale.

2.1 Comme aucune violation des règles du droit cantonal de procédure n'est
invoquée en relation avec le grief de violation du droit d'être entendu, le
grief sera examiné exclusivement à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF
126 I 15 consid. 2a et les arrêts cités), étant précisé que la jurisprudence
rendue sous l'empire de l'ancienne Constitution demeure applicable (cf. ATF
128 V 272 consid. 5b/bb).

Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.,
comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments
pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation
juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné
suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration
des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat,
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497
consid. 2.2; 127 I 54 consid. 2b; 126 I 15 consid. 2a/aa).

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu le devoir pour l'autorité
de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre,
l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse
exercer son contrôle (ATF 129 I 232 consid. 3.2). Il suffit cependant que le
juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur
lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se
rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause
(ATF 125 II 369 consid. 2c; 123 I 31 consid. 2c). L'autorité n'a pas
l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et
griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à
ceux qui, sans arbitraire, lui apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid.
2b et les arrêts cités). Savoir si la motivation présentée est convaincante
est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors
que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision des juges, le
droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée
est erronée.

2.2 En l'occurrence, s'agissant des deux titres litigieux produits par
les intimés - celui manuscrit du 2 juillet 1987 et celui dactylographié des
3-4 juillet 1987 -, la cour cantonale a constaté, d'une part, la présence du
document confirmant la réception d'une somme de 50'000 fr. les 3-4 juillet
1987 et, d'autre part, l'existence de certains indices susceptibles de
considérer cette lettre comme la simple confirmation du versement concerné
par la précédente quittance du 2 juillet 1987. Elle a toutefois arrêté que
les indices en question ne permettaient pas d'écarter de manière certaine
l'existence de deux versements successifs de 50'000 fr., le 2 juillet, puis
les 3-4 juillet. Ainsi, elle s'en est remise à la présomption attachée au
titre dactylographié et a retenu que le second versement a effectivement eu
lieu. Elle a précisé que les éléments, dont s'est prévalu la recourante pour
démontrer qu'elle n'a réellement pas reçu la somme de 50'000 fr. visée dans
le titre en question, n'apparaissaient pas déterminants et ne la
convainquaient en tout cas pas que ce document avait pour but de confirmer le
versement du 2 juillet précédent. L'instance cantonale a même ajouté que la
situation aurait été sans doute différente si le document des 3-4 juillet
1987 était plus précis et faisait expressément référence à un paiement
antérieur, voire si un décompte précis des versements avait été rapidement
établi et non contesté. Elle a enfin relevé l'attitude peu cohérente de la
recourante dans la contestation des versements reçus, dès lors qu'elle a dans
un premier temps nié la valeur probante des deux quittances de 25'000 fr.,
avant de se raviser une fois ces titres avérés parfaitement authentiques.

2.3 Tout d'abord, force est de constater que, lors même que les juges ont
motivé leur arrêt au regard des seules pièces qui leur sont apparues
pertinentes, ils n'ont pas omis d'examiner, dans le cadre de leur
appréciation, l'ensemble des éléments de preuve cités à l'appui de
l'argumentation de la recourante. En effet, les magistrats ont dûment précisé
que les éléments que la bailleresse fait valoir n'apparaissent pas
déterminants et ne les convainquent en tout cas pas que le document des 3-4
juillet 1987 ne visait qu'à la confirmation du versement du 2 juillet
précédent, avant de se rattacher, au terme de leur analyse, à la présomption
découlant de ce dernier titre, soit à l'existence de deux versements
successifs, de 50'000 fr. chacun, le 2, puis le 3 ou le 4 juillet 1987.
Ainsi, même si les moyens, invoqués par la recourante en appel et repris,
pour l'essentiel, dans le cadre du présent recours de droit public, n'ont pas
tous été discutés par la juridiction cantonale, celle-ci n'a pas failli à son
devoir de motivation, faute de pertinence des moyens soulevés:

En premier lieu, si l'on examine la lettre du 17 juillet 1987, il convient de
relever qu'elle n'apparaît pas en contradiction avec la teneur de sa réponse
du 24 août 1987, qui figure seule dans l'arrêt entrepris. Bien plus, ce
dernier titre confirme pour l'essentiel le contenu de la lettre à laquelle il
répond. Ainsi, le fait que la correspondance du 17 juillet 1987 ne soit pas
expressément invoquée dans l'arrêt entrepris est, en l'état, sans pertinence
et c'est à juste titre que l'autorité cantonale ne l'a pas mentionnée dans la
motivation de son arrêt. Au demeurant, lorsque la recourante cite ce courrier
- qu'elle intitule "décompte" -, elle semble perdre de vue qu'il y est
expressément indiqué que le "versement d'un premier acompte, pour travaux de
transformation, de Fr. 50'000.--" a été effectué "en date du 4.7.87" - et non
pas du 2 juillet 1987. Or, cette indication plaide en sa défaveur,
puisqu'elle laisse penser, d'une manière contraire à ce que tente de
démontrer la recourante, que deux versements différents ont été opérés.

Le même résultat s'impose en ce qui concerne tant le décompte du 14 avril
1988 que le "courrier du conseil des intimés du 17 février 1998". En effet,
le premier titre nommé est sans pertinence aucune, dès lors que le contenu de
son point 4, qui se rapporte au financement des travaux, a été entièrement
rediscuté dans le décompte du 18 mai 1988. Or, ce décompte a été dûment pris
en considération par l'autorité intimée, de même que le dernier établi en
date du 18 mars 1994. Quant au "courrier du conseil des intimés du 17 février
1998", non signé et qui est, en réalité, une correspondance de l'Association
genevoise de défenses des locataires (Asloca), il ne fait que mentionner
qu'un montant de 110'000 fr. a été prélevé le 30 juin 1987 sur un compte du
locataire et que, sur ce prélèvement, un montant de 50'000 fr. a été versé à
M. A.________, ce qui a du reste été dûment retenu par l'autorité de première
instance, sans que cet élément ne soit critiqué par la recourante dans son
écriture d'appel.

S'agissant enfin des relevés de comptes bancaires, il convient d'observer que
la recourante fait erreur lorsqu'elle prétend que "tous les versements non
litigieux et qui ont été mentionnés dans les décomptes de la recourante
ressortent de ces relevés bancaires". Ainsi, les deux premiers versements,
opérés en 1986, n'apparaissent sur aucun relevé de compte produit. Seules y
figurent en définitive clairement les transactions bancaires opérées le 2
juillet 1987 à concurrence de 50'000 fr., le 26 août 1987 à concurrence de
50'000 fr. et le 13 novembre 1987 à concurrence de 30'000 francs. A la
lecture de ces titres, les deux versements de 25'000 fr. sont inexistants.
Quant aux deux opérations de juin 1987, respectivement des 19 et 23, elles se
rapportent à des montants qui ne sont indiqués sur aucune quittance et qui ne
sont, de surcroît, nulle part cités par les locataires. C'est en effet de
manière unilatérale que la bailleresse affirme, pour la première fois en
appel - après avoir modifié sa première version des faits -, que ces deux
montants correspondent aux 50'000 fr., visés tant par le reçu daté du 2
juillet 1987 que par la lettre de confirmation des 3-4 juillet 1987. Partant,
la teneur de ces extraits de compte bancaire, dont les montants et les dates
ne correspondent pas tous à ceux et celles visés par les quittances, n'est
pas à même de renverser, de manière péremptoire, la présomption retenue par
la cour cantonale.

Partant, le grief est dénué de tout fondement.

3.
La recourante se plaint également d'arbitraire dans l'appréciation des
preuves et dans les constatations de fait qui en découlent.

A son sens, l'autorité cantonale aurait arrêté, de manière arbitraire, que
deux des huit justificatifs de paiement produits par les intimés, datés
respectivement des 2 et 3-4 juillet 1987, se référaient à deux versements
différents. Elle en veut pour preuve le libellé et la forme des deux
justificatifs en question. De son point de vue, le caractère peu formel du
reçu de 50'000 fr. du 2 juillet 1987, signé sur une simple carte de visite,
explique que les intimés aient pu vouloir une confirmation de ce reçu, qui
leur a effectivement été adressée le 4 juillet 1987. Cette confirmation,
effectuée à la demande des intimés, était justifiée par le fait qu'elle était
destinée au père de l'un d'eux, qui leur avait avancé les fonds. De même, la
recourante prend appui sur les termes utilisés dans la correspondance des
intimés du 24 août 1987, rédigée en réponse à celle de la partie adverse du
17 juillet 1987, et se réfère tout particulièrement à l'indication "à titre
de deuxième acompte pour les travaux de transformation". Elle relève
également l'absence de contestation des décomptes présentés, dont tous n'ont
pas été mentionnés par l'autorité intimée. Enfin, elle affirme que les
relevés du compte bancaire de l'administrateur de la recourante sur lequel
les versements des locataires ont été opérés viennent confirmer de façon
indubitable les montants reçus à l'époque litigieuse.

3.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid.
2.1; 131 I 57 consid. 2); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse
également concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée,
encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs,
mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 217 consid.
2.1).

S'agissant de l'appréciation des preuves et des constatations de fait,
l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans
aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore
lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des
constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1). Il appartient au
recourant d'établir la réalisation de ces conditions en tentant de démontrer,
par une argumentation précise, que la décision incriminée est insoutenable
(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 185 consid. 1.6; 122 I 70 consid. 1c).
Lors de son examen, le Tribunal fédéral base son arrêt sur les faits
constatés dans la décision attaquée, à moins que le recourant ne démontre que
la cour cantonale a retenu ou omis certaines circonstances déterminantes de
manière arbitraire (ATF 118 Ia 20 consid. 5a).

3.2 Liminairement, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la
recourante fonde son argumentation - de caractère largement appellatoire -
sur des preuves, dont la pertinence a été précédemment déniée, sa critique
est dénuée de fondement.

En outre, lorsque la recourante construit son argumentation liée au caractère
peu formel du reçu de 50'000 fr. du 2 juillet 1987, lequel aurait nécessité
une confirmation dactylographiée, elle invoque un fait qui ne correspond à
aucune constatation de la cour cantonale. Celle-ci n'a, en effet, pas retenu
que le titre établi les 3-4 juillet 1987 aurait été rédigé à la demande des
intimés et à l'intention du père de l'un d'eux, qui aurait avancé les fonds.
A cet égard, le moyen est irrecevable.

Quant à l'argumentation de la recourante, qui se base sur le contenu de la
correspondance du 24 août 1987 et l'affectation des paiements, on ne saurait
déduire de l'indication "deuxième acompte" et de la mention - travaux de
transformation - apparaissant tant sur la correspondance précitée que sur la
quittance du 2 juillet 1987 et sur le document des 3-4 juillet 1987, qu'un
seul et même versement de 50'000 fr. a eu lieu au début du mois de juillet
1987. En effet, il est significatif de relever à cet égard que la recourante
affirme, dans son écriture de recours, que les 50'000 fr. comptabilisés le 2
juillet 1987 correspondent aux deux quittances d'un montant de 25'000 fr.
chacune; un peu plus loin dans son recours, elle précise que cette somme fait
partie de celle affectée à "l'inscription du bail à long terme + travaux
lourds", distincte d'autres travaux de transformation. Il découle de cette
explication, donnée par la recourante elle-même, que l'intitulé "travaux de
transformation" pouvait englober, selon les cas, l'un des deux types de
travaux opérés, soit ceux lourds de restructuration des appartements en
attique ou ceux d'aménagement de l'appartement. Cette analyse est par
ailleurs corroborée par la terminologie utilisée dans le dernier décompte
daté du 18 mars 1994, qui intitule les deux types de travaux entrepris - sans
que cette dénomination n'ait fait l'objet d'une quelconque contestation -
"travaux de transformation", pour les premiers d'entre eux, et travaux
"tendant à une amélioration de standing", pour les seconds. Sur la base de
ces éléments, il n'est pas insoutenable de considérer que deux versements de
50'000 fr. aient été opérés en juillet et août 1987 au titre de premier et
deuxième acompte dans le cadre de la seconde catégorie de travaux -
d'aménagement de l'appartement ou d'amélioration de standing - et qu'un
versement antérieur de 50'000 fr. soit également intervenu au début du mois
de juillet pour régler d'autres travaux.

En ce qui concerne l'absence de contestations par les locataires des
décomptes produits, qui font état d'un versement total de 280'000 fr. et non
pas de 330'000 fr., la recourante ne démontre nullement dans quelle mesure le
raisonnement de la cour cantonale est arbitraire; elle se contente de
substituer sa propre appréciation à celle du tribunal, ce qui est insuffisant
pour retenir une violation de l'art. 9 Cst.

Enfin, s'agissant des relevés bancaires de la recourante, dès lors qu'il a
été retenu que leur portée n'est pas décisive (cf. supra, consid. 2.3 in
fine), la cour cantonale ne s'est pas livrée à une appréciation arbitraire
des preuves, en ne les prenant pas en considération dans leur analyse.

Le grief portant sur l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et la
constatation des faits s'avère, donc, privé de fondement, si tant est qu'il
soit recevable.

4.
En conséquence, le recours ne peut qu'être rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité.

5.
La recourante, qui succombe, paiera l'émolument judiciaire et versera aux
intimés, solidairement entre eux, une indemnité à titre de dépens (art. 156
al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera aux intimés, solidairement entre eux, une indemnité de
3'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 18 août 2006

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

La juge présidant:  La greffière: