Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.768/2006
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{T 0/2}
2A.768/2006 /rod

Arrêt du 23 avril 2007
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Karlen.
Greffier: M. Addy.

X. ________,
Y.________,
recourantes,
toutes les deux représentées par Me Alexandre Bernel, avocat,

contre

Département fédéral de justice et police,
p.a. Tribunal administratif fédéral, case postale,
3000 Berne 14.

Refus d'approbation à la prolongation d'une autorisation de séjour et renvoi
de Suisse,

recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
justice et police du 16 novembre 2006.

Faits :

A.
Après s'être mariés le 1er septembre 1994 à Lausanne, X.________,
ressortissante brésilienne née en 1968, et A.________, ressortissant suisse
né en 1934, sont partis vivre au Brésil. Le 6 avril 1997, l'épouse a donné
naissance dans ce pays à une fille, Y.________, dont le père est un
ressortissant allemand du nom de B.________.

Le 27 mai 2001, A.________ est rentré en Suisse en compagnie de son épouse et
de l'enfant Y.________ qui ont toutes deux été mises au bénéfice d'une
autorisation de séjour au titre du regroupement familial jusqu'au 26 mai
2002. A.________ est entre-temps décédé le 2 avril 2002 au Brésil où il avait
apparemment repris domicile, à Rio de Janeiro (cf. acte de décès du 11 avril
2002).
Par décision du 21 février 2003, le Service de la population du canton de
Vaud a accepté de prolonger, sous réserve de l'approbation de l'autorité
fédérale, les autorisations de séjour délivrées à X.________ et sa fille,
bien que le motif initial de séjour n'existât plus. Le 3 octobre suivant,
l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration,
aujourd'hui devenu l'Office fédéral des migrations (ci-après cités: l'Office
fédéral), a refusé de donner son approbation aux autorisations précitées, au
motif que les intéressées ne séjournaient durablement en Suisse que depuis le
27 mai 2001 et que leurs séjours antérieurs dans ce pays, soit notamment
trois mois pour la mère en 1995, étaient de trop courte durée pour être pris
en considération. X.________ et sa fille ont recouru contre ce refus, en
faisant valoir qu'en raison de la nationalité allemande de cette dernière,
elles pouvaient tirer un droit à une autorisation de séjour de l'Accord signé
le 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté
européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des
personnes (ci-après: Accord sur la libre circulation des personnes ou Accord
ou ALCP; RS 0.142.112.681).

Par décision du 16 novembre 2006, le Département fédéral de justice et police
a rejeté le recours, en estimant que, du moment que B.________ vivait et
travaillait en Allemagne et n'avait pas l'intention de s'établir en Suisse,
l'Accord sur la libre circulation des personnes ne conférait de droit de
séjour ni à l'enfant Y.________ ni à sa mère.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ et sa
fille demandent au Tribunal fédéral de réformer, sous suite de frais et
dépens, la décision attaquée, et de les mettre au bénéfice d'une autorisation
de séjour, subsidiairement d'annuler ce prononcé et de renvoyer la cause à
l'Office fédéral ou au Département fédéral pour nouvelle décision. Elles
fondent leurs conclusions sur l'Accord sur la libre circulation des personnes
et l'art. 8 par. 1 CEDH.

Invité à se déterminer sur le recours en qualité d'autorité ayant repris les
compétences juridictionnelles du Département fédéral, le Tribunal
administratif fédéral a renoncé à faire usage de cette possibilité.

C.
Par ordonnance du 15 janvier 2007, le Président de la IIe Cour de droit
public a fait droit à la requête de X.________ d'exercer, comme jusqu'ici,
une activité lucrative pendant la durée de la procédure fédérale.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la loi sur le Tribunal fédéral
du 17 juin 2005 (LTF; RO 2006 1205 - RS 173.110), a entraîné l'abrogation de
la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ) (cf. art.
131 al. 1 LTF). Comme l'arrêt attaqué a été rendu avant le 31 décembre 2006,
cette dernière loi reste néanmoins encore applicable au présent litige à
titre de réglementation transitoire (cf. art. 132 al. 1 LTF a contrario).

2.
Aux termes de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère
pas un droit. Selon l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent
librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas droit à l'autorisation de
séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est irrecevable, à moins que
ne puisse être invoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un
traité accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (cf. ATF
131 II 339 consid. 1 p. 342; 130 II 388 consid. 1.1 p. 389, 281 consid. 2.1
p. 284 et les arrêts cités).

En l'espèce, il est constant qu'au plus tard depuis le décès de son époux le
2 avril 2002, avec lequel elle avait vécu moins de cinq ans en Suisse,
X.________ ne peut plus déduire aucun droit à une autorisation de séjour du
droit interne (cf. art. 7 al. 1 LSEE; ATF 120 Ib 16). Elle ne le prétend du
reste pas, mais soutient que sa fille Y.________  bénéficie, comme
ressortissante allemande, d'un droit de séjour fondé directement sur l'Accord
sur la libre circulation des personnes, si bien qu'elle-même pourrait, en sa
qualité de mère, invoquer cet accord et/ou l'art. 8 par. 1 CEDH pour rester
auprès de son enfant au titre du droit au respect de la vie familiale. Etant
donné sa nationalité allemande, l'enfant Y.________ peut en principe recourir
sans égard au motif d'irrecevabilité prévu à l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3
OJ (cf. ATF 131 II 339 consid. 1.2 p. 343 s.). En revanche, la recevabilité
du recours apparaît sur ce point plus douteuse en ce qui concerne la mère de
l'enfant; la question peut néanmoins rester ouverte, car le recours est de
toute façon mal fondé sur le fond (cf. infra consid. 3).

3.
3.1 Aucune disposition de l'Accord sur la libre circulation des personnes ne
confère à l'enfant Kelly, âgée de dix ans, un droit originaire à une
autorisation de séjour. L'intéressée ne relève en effet d'aucun des cas
prévus à l'art. 24 annexe I ALCP (par renvoi de l'art. 6 ALCP) pour les
personnes n'exerçant pas d'activité lucrative. En particulier, sa situation
ne tombe pas sous le coup de l'art. 24 par. 4 annexe I ALCP: calquée sur
l'art. 1er de la directive 93/96/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 relative
au droit de séjour des étudiants (JO no L 317, p. 59), cette disposition de
l'accord vise en effet seulement les étudiants qui suivent à titre principal
une formation professionnelle dans un établissement agréé, à l'exclusion, par
conséquent, des élèves en âge de scolarité obligatoire (sur le champ
d'application personnel de la directive précitée, cf. Denis Martin, La libre
circulation des personnes dans l'Union européenne, Bruxelles 1995, pp. 27 s.,
277 ss et les références citées à la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes [ci-après: la Cour de justice]). Au demeurant, à
supposer même que l'intéressée pût être assimilée à une étudiante au sens de
l'art. 24 par. 4 annexe I ALCP, un tel statut n'eût conféré aucun droit à une
autorisation de séjour à sa mère (cf. art. 3 par. 2 lettre c annexe I ALCP).

Par ailleurs, dans la mesure où B.________ vit et travaille en Allemagne et
n'a apparemment pas manifesté l'intention de venir en Suisse, l'enfant
Y.________ ne peut pas davantage déduire un droit dérivé à une autorisation
de séjour des art. 7 lettre d ALCP et 3 par. 1 et 2 annexe I ALCP, en
l'absence d'un droit originaire auquel elle pourrait rattacher son propre
droit (dérivé) (cf. ATF 130 II 113 consid. 7.2 p. 125 s. et les références
citées). Les recourantes n'allèguent du reste même pas que le père et la
fille auraient des contacts entre eux.

3.2 Les recourantes objectent toutefois que si A.________ avait eu la
nationalité d'un Etat membre de la Communauté européenne, elles auraient, à
sa mort, bénéficié "d'un droit de séjour autonome et originaire sans
imputation sur les nombres maximums" et sans égard à leur situation
personnelle, notamment financière. Aussi bien estiment-elles qu'elles peuvent
également prétendre à un tel droit, car l'Accord sur la libre circulation des
personnes tend, font-elles valoir, à instaurer une égalité de traitement
entre les ressortissants suisses et les ressortissants des Etats membres de
la Communauté européenne. Elles se réfèrent également à l'arrêt rendu le 17
septembre 2002 par la Cour de justice dans l'affaire Baumbast et R.
(C-413/1999, Rec. 2002, p. I-7091).

Le grief est infondé pour le motif déjà qu'au décès de A.________ le 2 avril
2002, puis à l'échéance du permis de séjour le 26 mai suivant, l'Accord sur
la libre circulation des personnes n'était pas encore applicable, étant entré
en vigueur le 1er juin 2002 seulement. Au demeurant, les recourantes ne
peuvent pas se prévaloir du principe de non-discrimination inscrit à l'art. 2
ALCP: la mère n'est en effet pas ressortissante d'un Etat membre de la
Communauté européenne, tandis que la fille n'apparaît pas discriminée en
raison de sa nationalité allemande par rapport à un enfant suisse se trouvant
dans sa situation.

3.3 En réalité, l'argumentation des recourantes revient à se plaindre d'une
discrimination à rebours, tenant au fait que les enfants (ou beaux-enfants)
d'un ressortissant suisse seraient, en cas de décès de celui-ci, moins bien
traités que ceux d'un ressortissant communautaire placés dans la même
situation. Dans la mesure où A.________ est décédé, on peut se demander si
les recourantes sont qualifiées pour soulever la discrimination qu'elles
dénoncent, n'étant victimes de celle-ci que par ricochet. Peu importe
toutefois, car le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de préciser, en se
référant à la jurisprudence topique de la Cour de justice (cf., en
particulier, l'arrêt du 7 juillet 1992, dans la cause Singh, C-370/90, Rec.
1992 p. I-4265, points 15 à 24), que les ressortissants suisses ne peuvent se
prévaloir des droits conférés par l'Accord en matière de regroupement
familial que s'ils ont eux-mêmes déjà fait usage des droits attachés à la
libre circulation des personnes dans un Etat membre de la Communauté
européenne (cf. ATF 130 II 137 consid. 4 p. 145 ss, qui confirme l'ATF 129 II
249). Or, tel n'est justement pas le cas de A.________ qui est arrivé en
Suisse après un séjour passé au Brésil.

En conséquence, l'arrêt précité Baumbast n'est pas pertinent pour le cas
d'espèce (sur la portée de cette jurisprudence pour la Suisse, cf. arrêt du
25 mai 2005, 2A.475/2004, consid. 4), car les principes que la Cour de
justice y a développés concernent les membres de la famille d'un travailleur
communautaire. Elle a ainsi jugé que, lorsque le parent dont découle le droit
originaire divorce ou n'a plus la qualité de travailleur migrant dans l'Etat
d'accueil, il faut reconnaître à l'enfant (ou à l'enfant de son conjoint ou
ex-conjoint) et au parent qui en a la garde, le droit, quelle que soit leur
nationalité, de poursuivre leur séjour dans l'Etat d'accueil jusqu'à ce que
l'enfant ait pu terminer sa formation (y compris sa scolarité obligatoire).
Or, dans le cas d'espèce, non seulement feu A.________ n'était pas un
ressortissant communautaire et ne pouvait, comme on l'a vu, pas se prévaloir
des droits garantis par l'Accord comme citoyen suisse, mais encore il n'avait
même pas le statut de travailleur, s'étant installé en Suisse comme rentier.

3.4 Enfin, en raison précisément du statut de rentier de A.________ lors de
son retour en Suisse, les recourantes ne pourraient pas non plus tirer
avantage, l'Accord leur serait-il seulement applicable, des art. 7 lettre c
ALCP et 4 annexe I ALCP, le droit de demeurer qui y est prévu n'entrant en
ligne de compte pour les personnes concernées que s'il fait suite à
l'exercice d'une activité économique (dépendante ou indépendante) en Suisse
pendant un certain délai (cf. les art. 2 et 3 du règlement [CEE] no 1251/70
de la Commission du 29 juin 1970 [JO no L 142, 1970, p. 24] auquel il est
fait référence à l'art. 4 par. 2 annexe I ALCP; sur ce règlement, cf. Martin,
op. cit., p. 235 ss).

3.5 Pour le surplus, comme elles ne disposent ni l'une ni l'autre d'un droit
de présence assuré en Suisse, les recourantes ne peuvent pas invoquer la
protection de la vie familiale découlant de l'art. 8 par. 1 CEDH (cf. ATF 130
II 281 consid. 3.1 p. 285; 129 II 215 consid. 4 p. 218 s.; 126 II 335 consid.
2a p. 339 et les arrêts cités).

4.
Il suit de ce qui précède que le recours est mal fondé en tant qu'il est
recevable.

Succombant, les recourantes doivent supporter un émolument judiciaire
solidairement entre elles (art.156 al. 1 et 7 OJ) et n'ont pas droit à des
dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'200 fr. est mis à la charge des recourantes
solidairement entre elles.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourantes, au
Département fédéral de justice et police, ainsi qu'au Service de la
population du canton de Vaud.

Lausanne, le 23 avril 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: