Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.592/2006
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{T 0/2}
2A.592/2006/svc

Arrêt du 25 janvier 2007
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Yersin.
Greffière: Mme Mabillard.

AX.________, recourante,
représentée par Me Bruno Kaufmann, avocat,

contre

Service de la population et des migrants
du canton de Fribourg, les Portes-de-Fribourg,
route d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Ière Cour administrative, route André-Piller 21,
case postale, 1762 Givisiez.

Refus de renouveler une autorisation de séjour,

recours de droit administratif contre l'arrêt de la
Ière Cour administrative du Tribunal administratif
du canton de Fribourg du 24 août 2006.

Faits :

A.
AX.________, ressortissante macédonienne née en 1976, est entrée en Suisse
sans visa le 8 juillet 2001. Le 28 septembre 2001, elle a épousé BX.________,
ressortissant suisse, et a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour,
régulièrement renouvelée jusqu'au 28 septembre 2005.
Le 26 janvier 2005, BX.________ a été condamné à trente-deux mois
d'emprisonnement, moins trois cent nonante cinq jours de détention
préventive, pour crime contre la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les
stupéfiants et les substances psychotropes (RS 812.121).
Informé par le Ministère public de l'Etat de Fribourg qu'au cours de
l'enquête pénale menée à son encontre, BX.________ avait indiqué à plusieurs
reprises que son mariage avec AX.________ avait été arrangé, le Service de la
population et des migrants du canton de Fribourg (ci-après: le Service
cantonal) a informé cette dernière de son intention de ne pas renouveler son
autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Dans le délai
imparti pour formuler des objections, l'intéressée a contredit les
déclarations de son époux et confirmé que l'union conjugale était effective
jusqu'à l'incarcération de celui-ci. BX.________ a été libéré
conditionnellement à partir du 9 octobre 2005. Auditionnée par le Service
cantonal le 22 mars 2006, l'intéressée a indiqué n'avoir aucun contact avec
son époux, qu'elle n'avait plus revu depuis son incarcération en juin 2003.

B.
Le 19 avril 2006, le Service cantonal a rejeté la demande de renouvellement
d'autorisation de séjour de AX.________, lui impartissant un délai de trente
jours pour quitter le territoire.

C.
Saisi d'un recours de l'intéressée contre la décision du Service cantonal du
19 avril 2006, le Tribunal administratif du canton de Fribourg (ci-après: le
Tribunal administratif) l'a rejeté le 24 août 2006. Il a en substance
considéré qu'en se prévalant d'une union conjugale strictement formelle et
vide de tout contenu, AX.________ commettait un abus de droit et ne pouvait
par conséquent prétendre au renouvellement de son autorisation de séjour, ni
au demeurant à l'octroi d'une autorisation d'établissement.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral,
AX.________ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt
du Tribunal administratif du 24 août 2006 et à l'octroi d'une nouvelle
autorisation de séjour. Elle fait valoir une violation de l'art. 7 de la loi
fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20), en corrélation avec l'art. 8 CEDH, ainsi qu'une violation
de son droit d'être entendue. Elle requiert en outre un deuxième échange
d'écritures.
Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours et le Service cantonal
renonce à se déterminer.
L'Office fédéral des migrations propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007. L'acte attaqué ayant été rendu avant
cette date, la procédure reste régie par la loi fédérale du 16 décembre 1943
d'organisation judiciaire (ci-après: l'OJ; art. 132 al. 1 LTF).

1.2 En vertu de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif est irrecevable contre l'octroi ou le refus d'autorisations
auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit. Les autorités
compétentes statuent librement, dans le cadre des prescriptions légales et
des traités avec l'étranger, sur l'octroi ou le refus de l'autorisation de
séjour ou d'établissement (art. 4 LSEE). En principe, l'étranger n'a pas de
droit à l'octroi ou à la prolongation d'une autorisation de séjour. Le
recours de droit administratif n'est donc pas recevable, à moins que ne
puisse être invoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un
traité accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 131
II 339 consid. 1 p. 342/343).
L'art. 7 al. 1 LSEE dispose que le conjoint étranger d'un ressortissant
suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour
ainsi que, après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, à
l'autorisation d'établissement. Pour juger de la recevabilité du recours de
droit administratif, seule est déterminante la question de savoir si un
mariage au sens formel existe (cf. ATF 128 II 145 consid. 1.1.2 p. 148; 124
II 289 consid. 2b p. 291). La recourante est mariée avec un Suisse. Il
s'ensuit que le recours est recevable sous l'angle de l'art. 100 al. 1 lettre
b ch. 3 OJ.
Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi,
le recours est recevable en vertu des art. 97 ss OJ.

2.
La recourante a requis un deuxième échange d'écritures. Une telle mesure
d'instruction n'est ordonnée qu'exceptionnellement (art. 110 al. 4 OJ). En
l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'art. 110 al. 4 OJ dans
la mesure où l'intéressée a eu la possibilité de s'exprimer sur l'ensemble
des circonstances de fait et de droit de la cause.

3.
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris l'abus et l'excès du pouvoir d'appréciation (art. 104
lettre a OJ). Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit
fédéral sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1
in fine OJ). Lorsque le recours est dirigé contre la décision d'une autorité
judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la
décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 104 lettre b
et 105 al. 2 OJ). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir
l'opportunité de l'arrêt entrepris, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel
examen dans ce domaine (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

4.
La recourante fait valoir la violation de son droit d'être entendue. Elle
estime que l'autorité intimée aurait dû, en vertu de la maxime inquisitoire,
ordonner d'office une procédure probatoire et convoquer son époux en qualité
de témoin.

4.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend le
droit pour le justiciable de produire des preuves pertinentes et d'obtenir
qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 131 I 153
consid. 3 p. 157 et les arrêts cités).
En l'espèce, la recourante n'a pas requis l'audition de son époux en tant que
témoin lors de la procédure devant le Tribunal administratif. Elle ne peut
dès lors pas reprocher à l'autorité intimée d'avoir refusé un moyen de preuve
et, partant, violé son droit d'être entendue.

4.2 La procédure administrative est régie essentiellement par la maxime
inquisitoire, selon laquelle l'autorité définit les faits pertinents et les
preuves nécessaires, qu'elle ordonne et apprécie d'office. Cette maxime doit
cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir des parties de
collaborer à l'établissement des faits (ATF 128 II 139 consid. 2b p. 142; 120
V 357 consid. 1a p. 360). L'administré doit ainsi renseigner le juge sur les
faits de la cause, indiquer les moyens de preuve disponibles et motiver sa
requête, en particulier en procédure contentieuse (cf. art. 52 PA; ATF 119
III 70 consid. 1 p. 71/72 et la jurisprudence citée). Ce devoir de
collaboration existe notamment lorsqu'il s'agit de faits que les parties sont
mieux à même de connaître, parce qu'ils ont trait spécifiquement à leur
situation personnelle, qui s'écarte de l'ordinaire (ATF 131 II 265 consid.
3.2 non publié et les références). Au demeurant,  l'autorité peut mettre un
terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de
former sa conviction (cf. ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429 et les arrêts
cités).
Dans le cas particulier, AX.________ avait un devoir de collaboration
spécialement élevé pour tout ce qui avait trait à la réalité de son mariage,
puisqu'il s'agissait de faits qu'elle connaissait mieux que quiconque. Dès
lors, la maxime inquisitoire n'imposait pas à l'autorité intimée d'ordonner
d'office l'audition de son époux, ce d'autant que ce moyen de preuve ne
paraissait pas pertinent. En effet, le Tribunal administratif était
suffisamment renseigné, vu que le dossier comprenait plusieurs déclarations
de BX.________ sur les circonstances de son mariage et que la recourante a
été amplement en mesure d'y opposer sa propre version des faits.

5.
5.1 Selon l'art. 7 al. 1 1ère phrase LSEE, le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de
l'autorisation de séjour. Quant à l'art. 7 al. 2 LSEE, il prévoit que le
conjoint étranger d'un ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi ou à la
prolongation de l'autorisation de séjour lorsque le mariage a été contracté
dans le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des
étrangers et notamment celles sur la limitation du nombre des étrangers.
D'après la jurisprudence, le fait d'invoquer l'art. 7 al. 1 LSEE peut être
constitutif d'un abus de droit en l'absence même d'un mariage contracté dans
le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des
étrangers, au sens de l'art. 7 al. 2 LSEE (ATF 131 II 265 consid. 4.1 p.
267).

5.2 Il y a abus de droit notamment lorsqu'une institution juridique est
utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des intérêts que celle-ci ne
veut pas protéger. L'existence d'un éventuel abus de droit doit être
appréciée dans chaque cas particulier et avec retenue, seul l'abus de droit
manifeste pouvant être pris en considération (ATF 121 II 97 consid. 4a p.
103).
L'existence d'un abus de droit découlant du fait de se prévaloir de l'art. 7
al. 1 LSEE ne peut en particulier être simplement déduit de ce que les époux
ne vivent plus ensemble, puisque le législateur a volontairement renoncé à
faire dépendre le droit à une autorisation de séjour de la vie commune (cf.
ATF 118 Ib 145 consid. 3 p. 149 ss). Pour admettre l'existence d'un abus de
droit, il ne suffit pas non plus qu'une procédure de divorce soit entamée; le
droit à l'octroi ou à la prolongation d'une autorisation de séjour subsiste
en effet tant que le divorce n'a pas été prononcé, car les droits du conjoint
étranger ne doivent pas être compromis dans le cadre d'une telle procédure.
Enfin, on ne saurait uniquement reprocher à des époux de vivre séparés et de
ne pas envisager le divorce. Toutefois, il y a abus de droit lorsque le
conjoint étranger invoque un mariage n'existant plus que formellement dans le
seul but d'obtenir une autorisation de séjour, car ce but n'est pas protégé
par l'art. 7 al. 1 LSEE (ATF 131 II 265 consid. 4.2 p. 267 et les arrêts
cités). Le mariage n'existe plus que formellement lorsque l'union conjugale
est rompue définitivement, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a plus d'espoir de
réconciliation; les causes et les motifs de la rupture ne jouent pas de rôle
(ATF 130 II 113 consid. 4.2 p. 117 et les références).

5.3 Dans le cas particulier, à peine trois mois après son arrivée illégale en
Suisse, la recourante a fait la connaissance et épousé BX.________,
ressortissant suisse de dix-sept ans son aîné. Les époux ont fait ménage
commun pendant treize mois avant de prendre des logements séparés. A partir
du mois de juin 2003, BX.________ a été incarcéré. Il a refusé de voir son
épouse lorsque celle-ci s'est rendue à la prison une semaine après son
arrestation. Depuis lors, la recourante n'a jamais été rendre visite à son
époux en prison; elle n'a pas non plus échangé de correspondance avec lui, ni
pris et donné de nouvelles par personne interposée. Auditionnée par le
Service cantonal le 22 mars 2006, elle a déclaré qu'elle n'avait aucun
contact avec son époux et, dans ses déterminations du 5 avril 2006, elle a
affirmé qu'elle n'attendait plus que sa libération. Or, BX.________ était en
liberté conditionnelle depuis le 9 octobre 2005.
Les époux X.________ vivent séparés depuis plus de quatre ans et
n'entretiennent plus aucun contact depuis le mois de juin 2003, alors même
que BX.________ est sorti de prison depuis plus d'une année. Ces éléments,
auxquels s'ajoutent les déclarations constantes faites par BX.________ en
cours d'enquête pénale au sujet de son mariage, laissent supposer que le
véritable but du mariage conclu entre les époux X.________ n'était pas de
créer une véritable communauté conjugale. La question peut toutefois rester
indécise de savoir s'il s'agissait d'un arrangement constitutif d'un mariage
fictif au sens de l'art. 7 al. 2 LSEE, étant donné que, même si le mariage a
effectivement été vécu jusqu'à l'incarcération de BX.________, les faits
précités démontrent à l'évidence que, depuis lors, l'union conjugale est
vidée de toute substance et n'existe plus que formellement.

5.4 Au surplus, contrairement à ce que fait valoir la recourante, les raisons
pour lesquelles les époux se sont séparés importent peu. En effet, selon la
jurisprudence (ATF 130 II 113 consid. 4.2 p. 117 et les arrêts cités), les
motifs de la séparation ne jouent pas de rôle pour juger de la question de
l'abus de droit dans le cadre de l'art. 7 LSEE. Est seul déterminant le point
de savoir si une reprise de la vie commune est envisageable de part et
d'autre. Or, malgré les affirmations de la recourante, aucun élément concret
n'indique que tel serait le cas en l'espèce. BX.________ aurait dit à son
épouse qu'il ne voulait pas d'elle (cf. procès-verbal de l'audition de la
recourante du 22 mars 2006, p. 5) et, dans son mémoire de recours,
l'intéressée fait remarquer qu'"il semblerait qu'il (son époux) ne voulait
pas reprendre la vie commune". A l'heure actuelle, la recourante n'a
entrepris aucune démarche pour renouer avec son époux, lequel refuse de se
manifester, ce qui confirme que la séparation du couple est définitive. Que
la recourante déclare aimer toujours son époux et ne pas avoir d'autres
relations amoureuses n'est pas déterminant.
Dès lors, en invoquant son mariage avec BX.________ pour obtenir le
renouvellement de son autorisation de séjour sur la base de l'art. 7 al. 1
LSEE, la recourante commet un abus de droit.

6.
AX.________ invoque en outre le principe de la confiance dans la mesure où,
le 15 juillet 2004, le Service cantonal avait renouvelé son autorisation de
séjour jusqu'au 28 septembre 2005 alors même qu'elle avait indiqué que son
époux était en prison. Ce grief ne résiste pas à l'examen. En effet, le
Service cantonal ne pouvait pas déduire du simple fait que BX.________ était
en prison que le lien conjugal était irrémédiablement rompu. Comme la
recourante le relève elle-même, le Ministère public de l'Etat de Fribourg a
fait parvenir le 7 février 2005 au Service cantonal les déclarations de
BX.________ sur les circonstances de son mariage; en procédant à des
investigations, le Service cantonal a ainsi pu établir que, outre que les
époux X.________ ne faisaient plus ménage commun, leur mariage n'était plus
vécu. Dès lors, que le Service cantonal ait renouvelé l'autorisation de
séjour de la recourante sur la base des renseignements incomplets de celle-ci
à propos de son mariage ne peut pas fonder une situation protégée par le
principe de la confiance.

7.
La recourante se réclame enfin de l'art. 8 CEDH en tant qu'il garantit le
droit au respect de la vie privée et familiale. Encore faut-il, pour pouvoir
invoquer cette disposition, que la relation entre l'étranger et un membre de
sa famille ayant le droit de présence en Suisse soit étroite et effective
(ATF 131 II 265 consid. 5 p. 269; 129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211). En
l'occurrence, comme il a été constaté ci-dessus (consid. 5.3 et 5.4), le
mariage des époux X.________ n'est pas effectivement vécu et aucune reprise
de la vie commune n'est envisagée. Il n'y a dès lors pas lieu de reconnaître
à la recourante un droit de résider en Suisse sur la base de l'art. 8 CEDH.

8.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, la recourante
doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a
pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Service de la population et des migrants et à la Ière Cour administrative du
Tribunal administratif du canton de Fribourg ainsi qu'à l'Office fédéral des
migrations.

Lausanne, le 25 janvier 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: