Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.588/2006
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{T 0/2}
2A.588/2006 /col

Arrêt du 19 avril 2007
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président, Wurzburger, Müller, Yersin et Karlen.
Greffier: M. Vianin.

la société A.________,
recourante, représentée par Fiduciaire X.________,

contre

Service cantonal des contributions du canton du Valais, case postale 351,
1951 Sion,

Commission cantonale de recours en matière fiscale du canton du Valais,
bâtiment Planta 577, 1950 Sion.

impôt fédéral direct pour l'année 1997,

recours contre la décision de la Commission cantonale de recours en matière
fiscale du canton du Valais du
28 janvier 2004.

Faits:

A.
La société A.________ (ci-après: la Société ou la recourante) a pour but
toutes les activités et opérations financières, mobilières ou immobilières
ayant trait au commerce de vins ou de jus de raisin. B.________ en est
l'actionnaire et l'administrateur unique. Il exploite également l'entreprise
individuelle "Cave Y.________" et contrôle les sociétés suivantes actives
dans le commerce des vins: C.________, D.________, E.________ et F.________.
Cette dernière société contrôle à son tour à 100% la société G.________, en
Afrique du Sud.
Ces sociétés apparentées commercent les unes avec les autres.
La Société a vu son chiffre d'affaires passer de 3'619'563 fr. en 1993 à
12'653'406 fr. en 1997. Elle a été active principalement dans le commerce de
vins provenant d'Afrique du Sud, acquis tant auprès de sociétés apparentées
que de sociétés tierces, sises en Suisse et à l'étranger.
En mai 1999, le Service cantonal des contributions du canton du Valais a
procédé à un contrôle des comptes de la Société, portant sur les exercices
1993 à 1997. A cette occasion, il a constaté qu'une facture du 31 décembre
1997 de 4'633'244 Sud African Rand (ci-après: SAR), soit 1'389'973 fr., avait
été portée en augmentation du compte "Achats de marchandises". La Société a
indiqué qu'il s'agissait d'un ajustement de prix de 0.90 SAR - soit environ
0.30 fr. - par litre, sur la totalité des vins qu'elle avait achetés à
G.________ Ltd durant l'exercice 1997. Cette correction des prix unitaires
résultait "des difficultés à maîtriser l'éclatement des prix d'achat des vins
en Afrique du Sud" ainsi que des "bons prix de vente obtenus" sur ce marché
(rapport de l'expert du Service cantonal des contributions du 5 juillet 1999,
p. 2). L'auteur du contrôle a estimé que ce réajustement des prix opéré pour
la première fois au terme de l'exercice 1997 était insolite, car aucune des
factures établies durant cet exercice ne mentionnait qu'elles étaient
provisoires. De plus, la facture en question avait été établie le 31 décembre
1997, date à laquelle la Société était en mesure de connaître son résultat,
au moins dans les grandes lignes. La correction était la même pour tous les
types de vins, sans distinction de cépage ni de qualité. Cette façon de
procéder n'aurait pas été utilisée entre tiers indépendants. Par ailleurs, la
correction avait un effet important sur le résultat de la Société, dont le
bénéfice net passait de 1'431'311 fr. 57 à 41'338 fr. 57. Dans ces
conditions, l'auteur du contrôle a considéré que le cas d'espèce présentait
tous les éléments caractéristiques de l'évasion fiscale et il a proposé de
reprendre le montant de 1'389'973 fr. en le réintégrant dans le bénéfice
imposable de l'exercice 1997.

B.
Par décision du 30 juillet 1999, la Commission d'impôt des personnes morales
du canton du Valais a fixé l'impôt cantonal sur le bénéfice et l'impôt
fédéral direct de la Société pour 1997 en effectuant la reprise mentionnée
ci-dessus. Sur réclamation, ladite Commission a confirmé la reprise par
décision du 21 mars 2000.
La Société a déféré ce prononcé à la Commission cantonale de recours en
matière fiscale du canton du Valais, qui a rejeté le recours par décision du
28 janvier 2004, notifiée le 31 août 2006. Cette autorité a considéré que les
éléments caractéristiques tant de la distribution dissimulée de bénéfice que
de l'évasion fiscale étaient réunis en l'espèce, de sorte que la reprise
litigieuse était justifiée à ces deux titres.

C.
Le 2 octobre 2006, la Société a recouru contre cette décision à la fois au
Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal) et au
Tribunal fédéral.
Dans son recours au Tribunal de céans, la Société demande, en substance, sous
suite de frais, de réformer la décision du 28 janvier 2004 en ce sens que le
bénéfice imposable est celui ressortant de sa comptabilité. Elle se plaint
d'un retard injustifié et d'une violation de son droit d'être entendue et
soutient que l'ajustement de prix effectué au 31 décembre 1997 ne présente
pas les caractéristiques d'une évasion fiscale.
Le Service cantonal des contributions ainsi que l'Administration fédérale des
contributions, Division principale de l'impôt fédéral direct, de l'impôt
anticipé et des droits de timbre, concluent au rejet du recours. L'autorité
intimée renonce à se déterminer.
Le 17 novembre 2006, le Tribunal cantonal a rejeté le recours dans la mesure
où il était recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 p. 1205 ss, 1242). L'acte
attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par la loi
fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (ci-après: OJ; art.
132 al. 1 LTF).

1.2 S'agissant de la période fiscale 1997, la loi fédérale du 14 décembre
1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes
(LHID; RS 642.14) n'était pas encore applicable (cf. art. 72 al. 1 et 2
LHID), de sorte que le parallélisme des voies de recours en matière d'impôt
fédéral direct et d'impôt cantonal harmonisé, instauré par cette loi (cf. ATF
130 II 65 consid. 6 p. 75 ss), ne s'imposait pas encore. Ainsi, l'autorité
intimée a statué en dernière instance cantonale s'agissant de l'impôt fédéral
direct, alors que le recours au Tribunal administratif était ouvert en
matière d'impôt cantonal et communal. Il s'ensuit que le recours - qui a au
surplus été déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi -
est recevable comme recours de droit administratif, en vertu des art. 97 ss
OJ ainsi que de la règle particulière de l'art. 146 LIFD, pour ce qui est de
l'impôt fédéral direct. Faute d'épuisement des instances cantonales, il est
en revanche irrecevable comme recours de droit public en tant qu'il concerne
l'impôt cantonal et communal (sans compter qu'il n'est pas suffisamment
motivé à cet égard).

2.
La recourante se plaint des lenteurs de la procédure, en prétendant avoir
subi un préjudice, du fait qu'elle n'a pu adapter ses prix de transfert dans
l'intervalle.
Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, dès lors que l'autorité
intimée a rendu son arrêt, le grief de déni de justice formel est
irrecevable, les recourants n'ayant pas d'intérêt actuel à la constatation
d'un tel déni (art. 103 lettre a OJ; ATF 131 II 361 consid. 1.2 p. 365; 128
II 34 consid. 1b p. 36, 156 consid. 1c p. 159). Au demeurant, à supposer que
le grief de retard injustifié soit recevable, il devrait de toute manière
être rejeté. En effet, la recourante ne prétend pas être intervenue auprès de
l'autorité intimée pour s'inquiéter de l'avancement de la procédure, de sorte
qu'elle ne peut, en vertu du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.),
soulever ce grief une fois l'arrêt rendu (cf. ATF 125 V 373 consid. 2b/aa p.
375/376). Enfin, on ne saurait admettre que la recourante a subi un préjudice
du fait des lenteurs de la procédure: cela n'empêchait pas, en effet, les
sociétés en cause d'adapter leurs prix au marché pour les exercices et
périodes fiscales suivants; pour ce qui est de la recourante elle-même, qui
achetait les vins en question, elle ne saurait naturellement se prévaloir
d'un préjudice du fait que les prix de ceux-ci auraient été inférieurs à ceux
du marché.

3.
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue:
l'autorité intimée n'aurait pas donné suite à sa requête d'être entendue
oralement.
La recourante ne se réfère toutefois à aucune disposition qui lui conférerait
un tel droit et qui aurait ainsi été violée. Or, pour ce qui est du droit
fédéral - dont le Tribunal de céans vérifie d'office le respect dans le cadre
d'un recours de droit administratif -, le droit d'être entendu oralement
n'est en l'occurrence pas garanti. En particulier, l'art. 29 al. 2 Cst. ne
confère pas à lui seul un tel droit (ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 428). Dès
lors, le grief est mal fondé et doit être rejeté.

4.
4.1 Selon l'art. 58 al. 1 let. b LIFD, le bénéfice net imposable comprend tous
les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde
du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées
par l'usage commercial, tels que les distributions ouvertes ou dissimulées de
bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par
l'usage commercial.
Selon la jurisprudence, il y a prestation appréciable en argent lorsque: (a)
la société ne reçoit aucune contre-prestation ou pas de contre-prestation
équivalente, (b) le bénéficiaire acquiert directement ou indirectement (par
exemple par l'intermédiaire d'une personne ou d'une entreprise qui lui est
proche) un avantage qui n'aurait pas été accordé à un tiers dans les mêmes
conditions, ce qui rend la prestation insolite, enfin (c) lorsque le
caractère de cette prestation était reconnaissable pour les organes de la
société (ATF 131 II 593 consid. 5 p. 607 ss; 119 Ib 431 consid. 2b p. 435;
115 Ib 274 consid. 9b p. 279).

4.2 Le droit fiscal suisse ne connaît pas de régime spécial pour les groupes
de sociétés, sauf dispositions légales expresses (telles que celles de la loi
fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et
le transfert de patrimoine [loi sur la fusion, LFus; RS 221.301], qui n'était
toutefois pas encore en vigueur lors de la période fiscale litigieuse).
Les opérations entre les sociétés d'un groupe doivent intervenir comme si
elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre
concurrence (principe du "dealing at arm's length"). Cela vaut tant pour le
choix des formes juridiques que pour la fixation des montants (ATF 119 Ib 116
consid. 2 p. 119; 2A.346/1992, Archives 65 p. 51/57, StE 1995 B 72.11 no 3
consid. 3b). Les sociétés contribuables sont du reste liées par les actes
juridiques qu'elles concluent ainsi que par leur comptabilité.
En particulier, les transactions internationales entre sociétés du même
groupe doivent correspondre à ce qui se ferait entre tiers. Même s'il n'est
pas toujours facile de déterminer les prix de transfert pour ces opérations
au sein d'un groupe, notamment lorsqu'il n'existe pas de marché, ceux-ci ne
peuvent être fixés de manière à déplacer un bénéfice d'un Etat dans un autre
ou à égaliser les résultats des sociétés. Lorsqu'il existe un marché, les
prix de celui-ci sont déterminants (2A.263/2003, Archives 74 p. 660, StE 2004
B 72.13.22 no 42 consid. 2.3; 2A.346/1992, précité, consid. 3b; Xavier
Oberson, Précis de droit fiscal international, 2ème éd., Berne 2004, n. 631).
Lorsque les sociétés concernées ont fixé le prix de leurs transactions, une
correction après coup n'est possible que si elle l'est entre tiers. Le modèle
de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l'Organisation de
Coopération et de Développement économiques (OCDE), qui traite à son art. 9
des entreprises associées établies dans deux Etats différents, ne prévoit pas
que de telles corrections puissent être effectuées a posteriori (cf. OCDE,
Comité des Affaires fiscales, Modèle de Convention fiscale concernant le
revenu et la fortune, vol. I, Introduction, Modèle de Convention,
Commentaires, Paris 2000 ss [feuillets mobiles avec mises à jour], ad art.
9). Par ailleurs, il appartient à l'autorité fiscale d'examiner la réalité
des prix de transfert dans le cadre du contrôle de la déclaration d'impôt et,
au besoin, de les corriger.
Dans la mesure où une société procède a posteriori à de telles écritures,
soi-disant correctrices, en diminution de son bénéfice au profit d'une autre
société du groupe, alors qu'elle ne le ferait pas à l'égard d'une société
tierce, il s'agit en général d'un avantage appréciable en argent accordé à la
société apparentée. Cet avantage peut être qualifié de distribution
dissimulée de bénéfice s'il est considéré comme acquis par la société mère ou
la personne physique actionnaire ou d'apport dissimulé s'il est acquis par
une société fille ou représenter successivement les deux - selon la théorie
du triangle - si la bénéficiaire est une société soeur ou une autre société
apparentée (cf. ATF 119 Ib 116 consid. 2 p. 119; Walter Ryser/Bernard Rolli,
Précis de droit fiscal suisse, 4ème éd., Berne 2002, p. 318, 321 s.).

5.
5.1 La recourante soutient que l'ajustement des prix litigieux effectué dans
ses rapports avec G.________ Ltd correspond à l'augmentation des prix au
cours des années 1996, 1997 et 1998. Elle aurait soumis la question à un
auditeur indépendant, BDO Spencer Steward Chartered Accountants SA, au Cap
(Afrique du Sud), dont elle produit le rapport. Les prix ajustés seraient de
"justes prix", des "prix objectifs excluant toute évasion fiscale", conformes
au but de l'art. 9 de la Convention entre la Confédération suisse et la
République d'Afrique du Sud en vue d'éviter les doubles impositions en
matière d'impôts sur le revenu, conclue le 3 juillet 1967 (RS 0.672.911.81).
La recourante en veut pour preuve que, sans l'ajustement, elle aurait réalisé
durant l'exercice 1997 un bénéfice net de 11,3% de son chiffre d'affaires, ce
qui représenterait une marge nette "tout à fait insolite" pour une entreprise
active dans le commerce international des vins. Au demeurant, l'ajustement
aurait permis d'éviter que G.________ Ltd ne doive déposer son bilan et
constituerait ainsi un acte de gestion normal au sein d'un groupe de
sociétés. Enfin, le procédé utilisé pour l'ajustement n'aurait rien
d'insolite, quand bien même les factures ne comportaient aucune mention
indiquant leur caractère provisoire: celles-ci auraient été "établies d'après
des données habituelles et corrigées en fin d'exercice".

5.2 Lorsqu'elle tente d'établir que les prix des vins sud-africains sont
montés entre 1996 et 1998 et étaient supérieurs aux prix pratiqués avec
G.________ Ltd, la recourante n'indique pas si les vins achetés à cette
dernière étaient de la même qualité que ceux auxquels elle les compare. Quoi
qu'il en soit, à supposer que la hausse soit avérée, on peut partir de l'idée
que la recourante en avait connaissance et qu'elle a préféré traiter avec
G.________ Ltd à des prix plus bas, ce qu'elle aurait fait aussi avec un
tiers - du moment que cela était conforme à ses intérêts -, si elle le
pouvait. En revanche, la recourante n'avait pas de raison de revenir sur ces
prix après coup, rien dans ses relations contractuelles avec G.________ Ltd
ne l'y obligeant. Quant au rapport de BDO Spencer Steward Chartered
Accountants SA, il est daté du 28  mai 1999 et ne peut par conséquent avoir
joué de rôle dans la décision d'accepter la facture complémentaire du 31
décembre 1997. En outre, le fait que la recourante a admis l'ajustement
litigieux, en prenant à sa charge la plus grande partie de la perte de
G.________ Ltd, apparaît insolite, car celle-là n'aurait pas agi de la sorte
à l'égard d'un tiers. L'ajustement a eu pour effet de réduire sa marge brute
dans une mesure importante: celle-ci est passée de 33,16% - niveau
correspondant aux marges dégagées durant les exercices 1993 à 1996 (comprises
entre 33,52% en 1996 et 38,97% en 1995) - à 22,17% (cf. rapport de l'expert
du Service cantonal des contributions du 5 juillet 1999, p. 3).
Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que tous les éléments
caractéristiques d'une prestation appréciable en argent sont en l'espèce
réunis. Il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant s'il s'agit d'une
distribution dissimulée de bénéfice ou d'un apport dissimulé, car, dans l'un
et l'autre cas, le montant de 1'389'973 fr. doit être réintégré dans le
bénéfice imposable de la recourante, duquel il a été soustrait.

6.
Les considérants qui précèdent conduisent, pour ce qui est de l'impôt fédéral
direct, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. En tant qu'il
concerne l'impôt cantonal et communal, le recours est irrecevable.
Succombant, la recourante supporte les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la représentante de la recourante,
au Service cantonal des contributions et à la Commission cantonale de recours
en matière fiscale du canton du Valais ainsi qu'à l'Administration fédérale
des contributions, Division juridique impôt fédéral direct.

Lausanne, le 19 avril 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: