Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.574/2006
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{T 0/2}
2A.574/2006 viz

Arrêt du 6 décembre 2006
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.
Greffière: Mme Mabillard.

A. ________, recourant,
représenté par M. Claude Paschoud, conseiller juridique,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Exception aux mesures de limitation,

recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
justice et police du 21 août 2006.

Faits :

A.
Ressortissant macédonien né en 1961, A.________ est arrivé en Suisse en
automne 1990. Il a, depuis lors, travaillé à Lausanne sans autorisation.

Le 14 juillet 2004, il a sollicité du Service de la population du canton de
Vaud (ci-après: le Service cantonal) l'octroi d'une autorisation de séjour et
de travail. Il a indiqué à cette occasion que sa femme et les quatre enfants
issus de son mariage vivaient en Macédoine.

Le 29 avril 2005, le Service cantonal a informé l'intéressé qu'il était
disposé à lui délivrer une autorisation de séjour et a transmis son dossier
pour approbation à l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de
l'émigration, actuellement l'Office fédéral des migrations (ci-après:
l'Office fédéral). Le 21 septembre 2005, l'Office fédéral a refusé d'exempter
l'intéressé des mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f de
l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS
823.21).

B.
A.________ a porté sa cause devant le Département fédéral de justice et
police (ci-après: le Département fédéral) qui, par décision du 21 août 2006,
a rejeté le recours. Le Département fédéral a considéré en substance que la
relation de l'intéressé avec la Suisse n'était pas à ce point exceptionnelle
qu'il faille faire abstraction de l'illégalité de son séjour et admettre
l'existence d'un cas personnel d'extrême gravité. Les liens de A.________
avec la Suisse n'étaient au demeurant pas tels qu'il ne puisse envisager un
retour dans son pays d'origine.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au
Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler la décision du
Département fédéral du 21 août 2006, de dire qu'il est exempté des mesures de
limitation du nombre des étrangers et de transmettre le dossier au Service
cantonal pour qu'il statue sur son autorisation de séjour. II reproche pour
l'essentiel à l'autorité intimée d'avoir mal constaté et apprécié les faits
déterminants.

Le Département fédéral conclut au rejet du recours. Le 3 novembre 2006, le
Service cantonal a produit son dossier.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60).

La voie du recours de droit administratif étant en principe ouverte contre
les décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation
prévues par l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403
consid. 1 p. 404/405) et les autres conditions formelles des art. 97 ss OJ
étant remplies, le présent recours est recevable.

2.
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris l'abus et l'excès du pouvoir d'appréciation (art. 104
lettre a OJ). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit
fédéral, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114
al. 1 in fine OJ). Lorsque, comme en l'espèce, le recours n'est pas dirigé
contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral peut
également revoir d'office les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105
al. 1 OJ). En revanche, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité
de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen
dans ce domaine (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un rapport
équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la population
étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail
et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et
c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation "les
étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas personnel
d'extrême gravité ou en raison de considérations de politique générale".
Cette disposition a pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers
qui, en principe, seraient comptés dans les nombres maximums fixés par le
Conseil fédéral, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop
rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas ou pas
souhaitable du point de vue politique.

II découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition
dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions
auxquelles la reconnaissance d'un cas de rigueur est soumise doivent être
appréciées restrictivement. II est nécessaire que l'étranger concerné se
trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses
conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne
des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire
que le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximums
comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas
personnel d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des
circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel
d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse.
Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez
longue période, qu'il s'y soit bien intégré, socialement et
professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de
plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas personnel d'extrême
gravité; il faut encore que la relation du requérant avec la Suisse soit si
étroite qu'on ne puisse pas exiger qu'il aille vivre dans un autre pays,
notamment dans son pays d'origine (ATF 124 II 110 consid. 2 p. 112). A cet
égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que le requérant a
pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si
étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exemption des mesures de
limitation du nombre des étrangers (ATF 130 II 39 consid. 3 p. 41/42 et la
jurisprudence citée).

Le Tribunal fédéral a précisé que les séjours illégaux n'étaient en principe
pas pris en compte dans l'examen d'un cas de rigueur. La longue durée d'un
séjour en Suisse n'est pas, à elle seule, un élément constitutif d'un cas
personnel d'extrême gravité dans la mesure où ce séjour est illégal. Il
appartient dès lors à l'autorité compétente d'examiner si l'intéressé se
trouve pour d'autres raisons dans un état de détresse justifiant de
l'exempter des mesures de limitation du nombre des étrangers. Il est donc
inexact d'affirmer, comme le fait le recourant, que la situation d'un
étranger en séjour irrégulier ne pourrait jamais être régularisée. Pour cela,
il y a lieu de se fonder sur les relations familiales de l'intéressé en
Suisse et dans sa patrie, sur son état de santé, sur sa situation
professionnelle, sur son intégration sociale, etc. (ATF 130 II 39 consid. 3
p. 42, et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu de revenir sur cette
jurisprudence. Celle-ci crée, assurément, une inégalité de traitement entre
les étrangers qui séjournent illégalement dans notre pays et ceux qui, dès
leur arrivée, entreprennent d'obtenir par les voies légales un statut de
police des étrangers, mais cette inégalité est voulue. Sa justification
réside dans le fait que, à vouloir tenir compte de la durée d'un séjour
illégal, on créerait une prime à l'illégalité et l'on consacrerait une autre
inégalité, tout-à-fait injustifiée celle-ci, au détriment des étrangers
respectueux de la légalité.

4.
Dans le cas particulier, le recourant ne séjourne régulièrement en Suisse que
depuis juin 2004, et encore au bénéfice d'une simple tolérance. Le fait qu'il
ait spontanément décidé d'entreprendre la régularisation de sa situation n'y
peut rien changer. Le recourant ne saurait donc se prévaloir d'un long séjour
régulier dans notre pays.

Il n'est pas contesté, et l'autorité intimée ne l'a nullement ignoré, que
A.________ est bien intégré professionnellement et socialement. Il résulte du
dossier qu'il a toujours assuré sa propre indépendance financière, sans
émarger à l'aide sociale, et qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite. Son
comportement, même abstraction faite de l'illégalité de son séjour, ne peut
en revanche être taxé d'entièrement irréprochable dans la mesure où, en
novembre 2005, il a été dénoncé pour avoir logé une ressortissante polonaise
résidant et travaillant sans autorisation. En toute hypothèse, aucun élément
du dossier ne permet de retenir que cette intégration serait à ce point
exceptionnelle que l'on ne pourrait raisonnablement exiger du recourant un
retour en Macédoine, où, quoi qu'il en dise, il a vécu les années décisives
de sa jeunesse et jusqu'à l'âge adulte. A.________ allègue, mais sans en
fournir la moindre preuve, qu'il a perdu tout contact dans son pays
d'origine, au point qu'un retour dans celui-ci représenterait un véritable
déracinement; or, il est constant qu'il y a encore son épouse et ses enfants
ainsi qu'une partie au moins de sa proche famille. A supposer qu'il ait,
comme il le prétend, perdu tout contact avec eux, il serait de toute manière
en mesure de se refaire une existence en toute indépendance. Il est certes
probable qu'il se trouvera alors dans une situation économique sensiblement
inférieure à ce qu'elle est dans notre pays; rien ne permet cependant de
penser que cette situation serait sans commune mesure avec celle que
connaissent ses compatriotes. Quoi qu'il en soit, l'art. 13 lettre f OLE n'a
pas pour but de soustraire les étrangers aux conditions générales de leur
pays d'origine.

Enfin, le recourant ne saurait rien tirer en sa faveur du fait que sa venue
en Suisse en 1990 était motivée par le projet d'un employeur de demander pour
lui une autorisation saisonnière, alors que la chose n'était juridiquement
déjà plus possible.

5.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Succombant, le
recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a
OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au représentant du recourant, au
Département fédéral de justice et police ainsi qu'au Service de la population
du canton de Vaud.

Lausanne, le 6 décembre 2006

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: