Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.568/2006
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{T 0/2}
2A.568/2006 /ajp

Arrêt du 30 janvier 2007
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Yersin et Karlen.
Greffier: M. Dubey.

X. ________,
recourante, représentée par Me Edmond Tavernier, avocat,

contre

Régie fédérale des alcools, Länggassstr. 31,
3000 Berne 9,
Commission fédérale de recours en matière d'alcool, avenue Tissot 8, 1006
Lausanne.

Classement fiscal des produits "Martini Rosso"
et "Martini Bianco",

recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale
de recours en matière d'alcool du 23 août 2006.

Faits :

A.
La société X.________ SA est une société anonyme qui commercialise en Suisse
les produits de la société Martini & Rossi spa du groupe italien
Bacardi-Martini, notamment le "Martini Rosso" et le "Martini Bianco".

Le 26 janvier 2005, X.________ SA a soumis à la Régie fédérale des alcools
(ci-après: la Régie fédérale) une nouvelle recette de "Martini Rosso" et
"Martini Bianco" (14% vol., 100cl) dans laquelle interviennent, en lieu et
place du procédé antérieur de cryoextraction, des vins blancs à forte teneur
en alcool. Elle demandait à la Régie fédérale de bien vouloir lui confirmer
que ces produits ne tombaient pas sous le coup de la loi fédérale du 21 juin
1932 sur l'alcool (Lalc; RS 680).

Selon la recette communiquée à la Régie fédérale, les vins utilisés pour la
fabrication des Martini sont des vins à haut degré d'alcool (15% selon le
fabriquant, 15,1 et 15,2% selon les analyses de la Régie). Ils font l'objet
de coupages (mélanges de vins blancs), d'une clarification pour les rendre
limpides et incolores, d'une décantation puis d'une filtration (cellulose et
perlite). La préparation aromatique consiste en la macération d'herbes
aromatiques, notamment de l'artemisia, dans de l'alcool à 93% pour le
"Martini Rosso" et 73,5% pour le "Martini Bianco". Une fois coupé, clarifié,
décanté et filtré, le vin est mélangé au sucre (14,3 kg/hl pour le "Rosso" et
15,4 kg/hl pour le "Bianco"), auquel s'ajoute la préparation aromatique, plus
le caramel pour le "Rosso". Le processus de fabrication se termine par une
phase de stabilisation et de filtration, qui précède la mise en bouteille.

B.
Le 30 juin 2005, après avoir procédé à l'analyse des boissons et s'être
renseignée sur leur traitement fiscal dans les pays voisins, la Régie
fédérale a décidé que le "Martini Rosso" et le "Martini Bianco" (nouvelle
formule) étaient des produits alcooliques destinés à la consommation
répondant à la définition de l'art. 23bis al. 1 lettre c Lalc, leur
composition et leurs caractéristiques organoleptiques ne différant guère des
vermouths mis actuellement sur le marché par la requérante sous la
dénomination "Martini Rosso" et "Martini Bianco", qui contiennent tous deux
15% du volume d'alcool. Ils devaient par conséquent être soumis, en raison de
leur teneur en alcool ne dépassant pas 22% du volume, "à un impôt réduit sur
l'alcool s'élevant à 14.50 fr. par litre à 100% d'alcool", le "Martini Rosso"
comptant 14,2% vol. d'alcool et 135,2 g/l de sucre et le "Martini Bianco"
14,0% vol. d'alcool et 146,9 g/l de sucre.

C.
Par mémoire du 12 août 2005, X.________ SA a interjeté recours contre la
décision rendue le 30 juin 2005 par la Régie fédérale auprès de la Commission
fédérale de recours en matière d'alcool (ci-après: la Commission fédérale de
recours). Elle se plaignait d'une motivation insuffisante, de la violation de
l'art. 2 al. 2 et 3 Lalc et d'inégalité de traitement par rapport à d'autres
produits.

Par observations complémentaires du 2 juin 2006, la Régie fédérale a exposé
que les produits présentés pour comparaison par X.________ SA (la "Sangria",
le "Fragolino" et le "Frizz") étaient des boissons (7% vol. alc. et plus) ou
des cocktails (jusqu'à 7% vol. alc.) à base de vin certes, mais aromatisées à
l'aide de fruits, d'extraits de fruits ou d'arômes de fruits et non pas à
l'aide de plantes ou autres substances aromatiques. Elles ne pouvaient par
conséquent pas être comparées au vermouth ou autres vins de raisins frais
préparés avec des plantes ou des substances aromatiques dont faisaient partie
les "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (nouvelle recette) et ne tombaient
pas sous le coup de l'art. 23bis al. 2 lettre c Lalc. X.________ SA s'est
déterminée le 4 juillet 2006.

D.
Par décision du 23 août 2006, la Commission fédérale de recours a rejeté le
recours de X.________ SA. La décision attaquée, malgré sa brièveté, avait été
suffisamment motivée. L'interprétation littérale, historique et systématique
des art. 2 al. 2 et 23bis Lalc conduisait à considérer le second comme lex
specialis l'emportant sur le premier. L'art. 23bis Lalc constituait une base
légale suffisante pour soumettre les boissons en cause à l'imposition
réduite. Il n'y avait pas d'inégalité de traitement; les produits présentés
pour comparaison ne pouvaient être considérés comme des vermouth ou autres
vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances
aromatiques, à la différence des produits de X.________ SA qui étaient des
vins de raisins frais préparés en particulier avec de l'artemisia
caractéristique du vermouth. La décision n'était en outre ni arbitraire ni
inopportune.

E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ SA demande
au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision
rendue le 23 août 2006 par la Commission fédérale de recours, de constater
que les produits "Martini Rosso" et "Martini Bianco" ne sont pas soumis à la
loi fédérale sur les alcools ni soumis aux droits de monopole. Elle se plaint
de la violation des art. 2 al. 2 et 3 et 23bis Lalc ainsi que  d'inégalité de
traitement et tient la décision attaquée pour contraire au principe de la
légalité, pour arbitraire dans son résultat et inopportune parce que
contraire aux solutions adoptées dans les pays voisins.

La Commission fédérale de recours et la Régie fédérale des alcools renoncent
à déposer des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142).

La loi d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable en l'espèce (art.
132 al. 1 LTF).

1.1 Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de
droit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit
public fédéral, à condition qu'elles émanent des autorités énumérées à l'art.
98 OJ et pour autant qu'aucune des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou
dans la législation spéciale ne soit réalisée. Ces conditions sont remplies
en l'espèce. La décision attaquée, qui se fonde notamment sur la loi fédérale
du 21 juin 1932 sur l'alcool (Lalc; RS 680), a été rendue par la Commission
de recours en matière d'alcool (art. 98 let. e OJ) et ne tombe pas sous le
coup de art. 99 à 102.

1.2 En outre, déposé en temps utile (art. 106 OJ) et dans les formes requises
(art. 108 OJ), le présent recours est recevable au regard des art. 97 ss OJ.

2.
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation (art. 104
lettre a OJ). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit
fédéral, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al.
1 in fine OJ). En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce,
contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts
ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ). En outre, le Tribunal fédéral
ne peut pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral
ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
3.1 En vertu de l'art. 105 Cst., la législation sur la fabrication,
l'importation, la rectification et la vente d'alcool obtenu par distillation
relève de la compétence de la Confédération. Celle-ci tient compte en
particulier des effets nocifs de la consommation d'alcool. La Confédération
peut percevoir un impôt à la consommation spécial notamment sur les boissons
distillées et sur la bière (art. 131 al. 1 lettres b et c Cst.).
3.2 Aux termes de l'art. 1 Lalc, la fabrication, la rectification,
l'importation, l'exportation, le transit, la vente et l'imposition des
boissons distillées sont régis par la loi sur l'alcool. Sont réservées, sauf
disposition contraire, la législation sur les douanes et celle qui règle le
commerce des denrées alimentaires et de divers objets usuels. D'après l'art.
2 al. 1 Lalc, est réputé «boisson distillée» l'alcool éthylique sous toutes
ses formes, quel qu'en soit le mode de fabrication (sur la portée générale de
cet article, cf. arrêt A.352/1987 du 3 juin 1988). Cette disposition étend
quelque peu la compétence fédérale au-delà de la lettre de l'art. 105 Cst.,
qui ne vise en principe que les boissons alcooliques "obtenues par
distillation" et non pas celles obtenues par fermentation telles que le vin,
la bière et le cidre (cf. Jean-François Aubert/Pascal Mahon, Petit
commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse,
Schulthess 2003, n° 2 ad art. 105 Cst., p. 806 s.). Voulue par le
législateur, elle lie le Tribunal fédéral (art. 190 Cst., dans sa version en
vigueur depuis le 1er janvier 2007, auparavant art. 191 Cst.)
Ne sont pas en revanche pas soumis aux dispositions de la loi sur l'alcool
les produits alcooliques obtenus uniquement par fermentation dont la teneur
en alcool ne dépasse pas 15% du volume (art. 2 al. 2 Lalc, dans sa nouvelle
teneur en vigueur depuis le 1er juillet 1999), pour autant qu'ils n'aient pas
été additionnés d'alcool (art. 2 al. 3 Lalc). Toute autre sorte d'alcool
pouvant servir de boisson ou remplacer l'alcool éthylique peut être soumis
aux dispositions de la loi sur l'alcool par ordonnance du Conseil fédéral
(art. 2 al. 4 Lalc). Selon l'art. 2 lettre c de l'ordonnance du 12 mai 1999
relative à la loi sur l'alcool et à la loi sur les distilleries domestiques
(ordonnance sur l'alcool, OLalc; RS 680.11, en vigueur depuis le 1er juillet
1999), les produits alcooliques obtenus uniquement par fermentation sont les
produits définis comme un vin, un cidre, un cidre dilué, une bière, un vin de
fruits ou vin de baies ne contenant pas plus de 15% du volume d'alcool sans
adjonction de boissons distillées.

3.3 Selon l'art. 29, 2e phrase, Lalc (dans sa teneur depuis le 1er juillet
1999), les droits de monopole perçus à l'importation de produits alcooliques
destinés à la consommation sont réglés conformément à l'art. 23bis Lalc.
Selon celui-ci (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 1999), sont
imposés de la même manière que les eaux-de-vie de spécialités, les produits
additionnés de boissons distillées (al.1 let. a), les vins naturels, les vins
de fruits et de baies et les vins faits à partir d'autres matières premières,
dont la teneur en alcool dépasse 15% du volume, les spécialités de vin, les
vins doux et les mistelles (al. 1 let. b) et les vermouths et autres vins de
raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques (al. 1
let. c). Toutefois, selon l'art. 23bis al. 2 Lalc, l'impôt est réduit de 50%
pour les vins naturels, les vins de fruits et de baies et les vins faits à
partir d'autres matières premières, dont la teneur en alcool est de plus de
15% mais au plus de 22% du volume (lettre a), les spécialités de vin, les
vins doux et les mistelles, dont la teneur en alcool est au plus de 22% du
volume (lettre b), les vermouths et autres vins de raisins frais préparés
avec des plantes ou des substances aromatiques, dont la teneur en alcool est
au plus de 22% du volume (lettre c).

3.4 L'ordonnance du 23 novembre 2005 du DFI sur les boissons alcoolisées
(ordonnance sur les boissons alcoolisées; RS 817.022.110) distingue plusieurs
sortes de boissons à base de vins: les boissons aromatisées à base de vins
(art. 17), les cocktails aromatisés à base de vin (art. 18) et les vins
aromatisés (art. 19). Selon l'art. 17 de l'ordonnance sur les boissons
alcoolisées, les boissons aromatisées à base de vin sont des boissons
obtenues, sans adjonction d'alcool, à partir de vin et aromatisées avec des
arômes naturels ou identiques aux naturels, des préparations aromatisantes,
des épices, des herbes aromatiques ou toute autre denrée alimentaire sapide,
dont la teneur en vin du produit fini doit être d'au moins 50% masse et la
teneur en alcool d'au moins 7%, mais inférieure à 14,5%. Selon l'art. 18 de
l'ordonnance, les cocktails aromatisés à base de vins sont des boissons
obtenues, sans adjonction d'alcool, à partir de vin ou de moût de raisin,
aromatisées avec les mêmes ingrédients qu'indiqués ci-dessus, dont la teneur
en vin ou en moût de raisin du produit fini doit être d'au moins 50% masse et
la teneur en alcool inférieure à 7%. Selon l'art. 19 de l'ordonnance sur les
boissons alcoolisées, les vins aromatisés sont des boissons obtenues à partir
de vin ou de moût de raisin rectifié (muté à l'alcool), additionnées d'alcool
éthylique d'origine agricole, de distillat d'origine agricole, d'eau-de-vie
de vin, de brandy ou d'eau-de-vie de marc, aromatisées également avec les
mêmes ingrédients qu'indiqués ci-dessus. La teneur en vin ou en moût de
raisin rectifié (muté à l'alcool) du produit fini doit être d'au moins 75%
masse et la teneur en alcool d'au moins 14,5%, mais inférieure à 22% volume.

4.
4.1 La Commission fédérale de recours a jugé que, même si les boissons
"Martini Rosso" et "Martini Bianco" produites selon la nouvelle formule
réalisaient les conditions de l'art. 2 al. 2 et 3 Lalc - ce qu'elle n'a pas
définitivement tranché - elles devaient néanmoins être soumises à imposition
en application de l'art. 23bis Lalc, qui constituait une lex specialis par
rapport à l'art. 2 al. 2 Lalc. A son avis, en exigeant à la lettre b de l'al.
1 de l'art. 23bis Lalc une teneur en alcool supérieure à 15% pour les vins
naturels, les vins de fruits et de baies et les vins fait à partir d'autres
matières premières, sans répéter une telle exigence à la lettre c pour les
vermouths et autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des
substances aromatiques, le législateur autorisait l'imposition de ces
derniers produits quelle que soit leur teneur en alcool, c'est-à-dire même
lorsque cette dernière, comme en l'espèce, était inférieure à 15% du volume.
Seuls les vins naturels et autres vins de fruits, de baies et faits à partir
d'autres matières premières étaient exonérés en dessous de ce seuil. Cette
solution correspondait au but de protection de la santé publique poursuivi
par la loi fédérale.

4.2 La recourante soutient en revanche que cette interprétation est contraire
au texte clair de l'art. 2 al. 2 Lalc: les produits alcooliques qu'il décrits
ne sont pas soumis aux dispositions de la loi fédérale sur l'alcool - à moins
d'être additionnés d'alcool (al. 3).

5.
5.1 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Selon la
jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par
voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser
que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De
tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de
la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas
absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il
convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la
dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux
préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur
lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions
légales (ATF 131 II 13 consid. 7.1 p. 31).

5.2 Selon le Message du Conseil fédéral du 22 novembre 1995 concernant une
révision partielle de la fédérale sur l'alcool (FF 1995 I p. 341 ss, spéc.
343 s., 349; ci-après: Message du Conseil fédéral du 22 novembre 1995) qui a
conduit à la novelle du 4 octobre 1996 entrée en vigueur le 1er juillet 1999,
le champ d'application de l'art. 2 al. 2 Lalc a été modifié de manière que
les produits fermentés (tels que le vin, la bière, etc.) puissent à certaines
conditions être soumis à la loi sur l'alcool dans le but de respecter le
principe d'égalité de traitement et d'éliminer toute discrimination prohibée
par les engagements suisses à l'OMC entre les produits fermentés indigènes et
les produits importés. En effet, avant le 1er juillet 1999, en application de
l'ancien art. 29 Lalc (RO 48, 437 ss, spéc. 449), les vins contenant plus de
12% d'alcool pur pouvaient, lors de leur importation, être soumis à un droit
de monopole pour l'excédent. En pratique, cela signifiait que seuls les vins
étrangers riches en alcool étaient imposables - même si une telle imposition
n'était toutefois que partiellement appliquée en raison des accords
commerciaux en vigueur (cf. Victor J. Steiger, Développement, principes et
application de la législation sur l'alcool en Suisse, Berne 1973, p. 7, spéc.
32 et 42), tandis que les produits suisses obtenus uniquement par
fermentation, tels que le vin et le cidre, n'étaient soumis à aucune
imposition sans égard à leur teneur en alcool, la bière étant imposée
séparément depuis le 1er janvier 1935 (arrêté du 4 août 1934 du Conseil
fédéral concernant un impôt fédéral sur les boissons; RS 641.411). Il ressort
encore du Message du 22 novembre 1995 que dite révision était indépendante de
la révision partielle de la Constitution dans le domaine des substances
engendrant la dépendance ordonnée par le Conseil fédéral le 27 avril 1994
visant également l'alcool (Message du Conseil fédéral du 22 novembre 1995, p.
344).

Par conséquent, en révisant les art. 2 al. 2 et 23bis Lalc, le législateur
entendait uniquement, pour se conformer aux accords GATT/OMC, rétablir dans
la loi l'égalité de traitement entre produits indigènes et importés. A cet
effet, il devait soumettre nouvellement à l'imposition certains produits
suisses jusqu'alors exonérés. Il ne souhaitait en revanche nullement réduire
le nombre de ceux qui jusqu'alors étaient soumis à imposition pour des motifs
de santé publique.

5.3 D'un point de vue systématique, l'art. 23bis  al. 1 Lalc distingue quatre
catégories de produits imposables: 1° les produits additionnés de boissons
distillées (lettre a), 2° les vins naturels, vins de fruits, de baies et
faits à partir d'autres matières dont la teneur en alcool dépasse 15% du
volume (lettre b, 1ère partie), 3° les spécialités de vin, vins doux (lettre
b, 2ème partie) et 4° les vermouths et autres vins de raisins frais préparés
avec des plantes ou des substances aromatiques (lettre c). Selon la lettre et
la systématique de l'art. 23bis al. 1 Lalc, le législateur fédéral n'a par
conséquent exigé, pour une imposition, une teneur minimale en alcool de 15%
du volume que pour les vins naturels et vins de fruits, de baies et faits à
partir d'autres matières. Tous les autres produits alcooliques sont en
revanche imposables sans égard à leur teneur d'alcool. Il en va ainsi
notamment des vermouth et autres vins de raisins frais préparés avec des
plantes ou des substances aromatiques. Ces distinctions correspondent à la
portée limitée de la révision ayant conduit à la novelle du 4 octobre 1996,
dont se prévaut à tort la recourante, puisqu'il ne s'agissait que de
supprimer toute discrimination entre vins importés et vins indigène (cf.
ci-dessus, consid. 5.2). Parmi ces quatre catégories enfin, seules les trois
dernières sont imposables à un taux réduit de 50% conformément à l'al. 2 de
l'art. 23bis Lalc.

La recourante se prévaut en vain des dispositions de l'ordonnance sur les
boissons alcoolisées pour établir des distinctions supplémentaires à celles
résultant de l'art. 23bis al. 1 Lalc. Quand bien même elles concernent en
partie les mêmes objets, les catégories des art. 17 ss de l'ordonnance sur
les boissons alcoolisées (cf. consid. 3.4 ci-dessus) ne correspondent pas à
celles de l'art. 23bis Lalc et, conformément à l'art. 1 Lalc, ne trouvent
d'application que dans la mesure où les dispositions spéciales de la loi
fédérale sur l'alcool n'en disposent pas autrement (art. 1 Lalc; Alfred
Reichmuth, Das schweizerische Alkoholmonopol, thèse Fribourg, Zurich 1971, p.
63); elles poursuivent d'ailleurs un objectif de protection des consommateurs
en grande partie différent de celui de protection de la santé publique
assigné à l'imposition des produits alcooliques en Suisse. Dans ces
conditions, les définitions des art. 17 ss de l'ordonnance sur les boissons
alcoolisées ne sont d'aucun secours pour déterminer les catégories imposables
de produits alcooliques destinés à la consommation en application de l'art.
23bis Lalc.

5.4 Enfin, il est conforme au mandat constitutionnel de protection de la
santé publique ancré à l'art. 105 Cst., repris sans changement de l'art.
32bis al. 2 aCst. et récemment réaffirmé (Message du Conseil fédéral du 26
février 2003 concernant l'introduction d'un impôt spécial sur les alcopops
[FF 2003 1980, p. 1983 n° 1.3 et 1.4]), d'imposer - sans limite minimale de
teneur en alcool - les produits alcooliques destinés à la consommation autres
que les seuls vins naturels, les vins de fruits et de baies et les vins faits
à partir d'autres matières premières, dont la teneur en alcool minimale est
fixée à 15% du volume.

5.5 Par conséquent, quoi qu'en pense la recourante, l'imposition des produits
alcooliques destinés à la consommation trouve son fondement légal dans les
dispositions de l'art. 23bis Lalc, dont le champ d'application n'est en rien
réduit par l'art. 2 al. 2 Lalc. Bien que s'écartant de la lettre de l'art. 2
al. 2 Lalc, cette interprétation résulte des travaux préparatoires à
l'origine de la révision de 1995, correspond au système de la loi fédérale
sur l'alcool et répond au but de protection de la santé publique assigné au
législateur par l'art. 105 al. 1 Cst.

5.6 En l'espèce, la Commission fédérale de recours a constaté, sans être
contredite par les parties, que les boissons "Martini Rosso" et "Martini
Bianco" produites selon la nouvelle formule avaient une teneur en alcool de
14,2% pour la première et de 14% pour la deuxième et étaient "effectivement
composées essentiellement de vins fermentés auxquels aucun alcool d'aucune
sorte n'est ajouté". Dans ces conditions, la Commission fédérale de recours a
jugé à bon droit que celles-ci tombaient sous le coup de l'art. 23bis al. 2
lettre c Lalc au titre d'autres vins de raisins frais préparés avec des
plantes ou des substances aromatiques dont la teneur en alcool est au plus de
22% du volume.

Par conséquent, en jugeant que l'art. 23bis Lalc l'emporte sur l'art. 2 al. 2
Lalc et que les boissons "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (nouvelle
recette) sont soumises à l'impôt réduit de 50%, la Commission fédérale de
recours a appliqué correctement le droit fédéral.

6.
Il reste à examiner si, comme le prétend la recourante, l'imposition des
boissons en cause viole le droit à l'égalité ancré à l'art. 8 Cst. Etant
toutes des "boissons aromatisées à base de vin" au sens de l'art. 17 de
l'ordonnance sur les boissons alcoolisées, les "Martini" (nouvelle recette)
seraient comparables à la "Sangria" (alc. 7% vol.), au "Fragolino" (alc. 10%
vol.) et au "Frizz" (alc. 7,5% vol.), dont elle affirme que l'importation
n'est pas soumise aux droits de monopole.

6.1 Une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle
établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif
raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle
omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances,
c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière
identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il
faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une
situation de fait importante (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2 p. 114; 129 I 113
consid. 5.1 p. 125 et la jurisprudence citée).

Selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité
administrative (cf. art. 5 al. 1 Cst.) prévaut sur celui de l'égalité de
traitement (ATF 126 V 390 consid. 6A p. 392). En conséquence, le justiciable
ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité de traitement,
lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle l'aurait
été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas. Cela
présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée,
la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en
question; le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il
y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de
la loi (ATF 90 I 159 consid. 3 p. 167 ss; 127 II 113 consid. 9 p. 121 et les
références citées).

6.2 En l'espèce, laissant ouverte la question de savoir si la "Sangria", le
"Fragolino" et le "Frizz" étaient, ou non, soumis à la loi fédérale sur
l'alcool, la Commission fédérale de recours a considéré, à l'instar de la
Régie fédérale des alcools, que ces boissons étaient de composition et de
mode de fabrication différents. Elles ne pouvaient par conséquent être
comparées au vermouth ou autres vins de raisins frais préparés avec des
plantes - notamment l'artemisia - ou des substances aromatiques dont
faisaient partie les "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (nouvelle recette).

La distinction opérée par la Commission fédérale de recours est  confuse.
Toutefois en tant qu'elle différencie les produits en cause sous l'angle non
seulement du type d'arômes, mais également  de leur teneur en vin dans le
produit fini, en sucre ajouté et en alcool, sa décision paraît fondée. En
effet, contrairement aux boissons en cause, la "Sangria", le "Fragolino" et
le "Frizz" ont une teneur en alcool inférieure et ne contiennent pas d'arôme
extrait de l'artemisia qui fait la caractéristique des vermouth et aux autres
vins analogues visés par l'art. 23bis al. 1 lettre c et al. 2 lettre c Lalc.
Par conséquent, nonobstant leur teneur en sucre, qui n'est pas connue pour la
"Sangria", le "Fragolino" et le "Frizz", mais qui revêt de l'importance
lorsqu'il s'agit d'examiner la nuisance de ces boissons en termes de santé
publique (cf. la définition des alcopops, art. 23bis al. 2bis Lalc et les
motifs à l'appui du message, FF 2003 1980), elles ne sont pas comparables. Il
importe peu, dans ces conditions, contrairement à ce qu'affirme la
recourante, que toutes les boissons en cause répondent à la définition de
boissons aromatisées à base de vin de l'art. 17 de l'ordonnance sur les
boissons alcoolisées, ces définitions n'ayant pas d'influence sur
l'interprétation de l'art. 23bis Lalc (cf. consid. 5.3). Il suffit de
constater que l'imposition des "Martini" (nouvelle recette) au taux réduit de
50% au sens de l'art. 23bis al. 2 lettre c Lalc (cf. consid. 5) a bien été
voulue par le législateur fédéral, ce qui lie le Tribunal fédéral (art. 190
Cst.).

Enfin, même si les boissons "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (nouvelle
recette) étaient comparables à la "Sangria", au "Fragolino" et au "Frizz",
comme l'affirme la recourante, la Régie fédérale des alcools n'a pas déclaré
qu'elle refuserait de modifier sa pratique et de les soumettre au droit de
monopole, si une interprétation correcte de la loi l'imposait. Dès lors, les
conditions de l'égalité dans l'illégalité ne sont pas réunies.

7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. La décision
rendue le 23 août 2006 par la Commission fédérale de recours en matière
d'alcool est confirmée. Succombant, la recourante doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La décision rendue le 23 août 2006 par la Commission fédérale de recours en
matière d'alcool est confirmée.

3.
Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à la
Régie fédérale des alcools et à la Commission fédérale de recours en matière
d'alcool.

Lausanne, le 30 janvier 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: