Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.434/2006
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{T 0/2}
2A.434/2006

Arrêt du 13 septembre 2006
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________ (Société A.X.________),
recourant, représenté par Me Robert Fox, avocat,

contre

Direction générale des douanes,
Monbijoustrasse 40, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de douanes, avenue Tissot 8, 1006
Lausanne.

Perception subséquente de redevances dues,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale
de recours en matière de douanes du 13 juin 2006.

Faits:

A.
En tant qu'exploitant de la raison individuelle A.X.________, qui a pour but
la vente de semences bovines aux éleveurs suisses, X.________ a importé de la
semence de taureau à quatre reprises au cours de l'année 1999 (soit les 16
mars, 6 et 24 septembre ainsi que 28 octobre), après avoir revendiqué et
obtenu le taux contingent tarifaire (ci-après: TCT).

L'Office fédéral de l'agriculture (ci-après: l'Office fédéral) ayant informé
les autorités douanières qu'aucune part de contingent tarifaire n'avait été
octroyée à X.________ pour les importations susmentionnées, la Direction du
IIIe arrondissement des douanes (ci-après: la Direction d'arrondissement) a
ouvert, en décembre 1999, une enquête pénale administrative à l'issue de
laquelle l'intéressé a été reconnu coupable d'infractions à la législation
sur les douanes.

Le 24 juillet 2002, la Direction d'arrondissement a rendu une décision de
perception subséquente de redevances d'entrée s'élevant à 93'264,85 fr.,
représentant (outre la taxe sur la valeur ajoutée) la différence entre les
redevances calculées au taux hors contingent tarifaire (ci-après: THCT) et
celles calculées, à tort, au TCT (plus favorable) pour les importations
litigieuses.

B.
X.________ a alors porté sa cause devant la Direction générale des douanes
(ci-après: la Direction générale) qui, par décision du 7 octobre 2003, a
rejeté le recours et confirmé la perception subséquente des droits de douane
contestés. Le TCT avait été appliqué à tort aux importations en cause et les
redevances non perçues devaient l'être après coup. Par ailleurs, l'allégation
de X.________ selon laquelle il aurait reçu, pour chaque importation
litigieuse, une autorisation téléphonique de l'Office fédéral, par
l'intermédiaire des autorités douanières, s'était révélée inexacte après
vérification auprès de l'agent concerné, c'est-à-dire Y.________.

C.
Le 7 novembre 2003, X.________ a recouru auprès de la Commission fédérale de
recours en matière de douanes (ci-après: la Commission fédérale de recours)
contre la décision de la Direction générale du 7 octobre 2003, dont il a
demandé de prononcer la nullité. Il se plaignait en particulier d'une
violation de son droit d'être entendu, puisqu'il n'avait pas pu interroger
Y.________.

Statuant le 9 septembre 2004, la Commission fédérale de recours a rejeté le
recours et confirmé la décision de la Direction générale du 7 octobre 2003.
Elle a notamment écarté le grief de violation du droit d'être entendu.

D.
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre la décision de la
Commission fédérale de recours du 9 septembre 2004, le Tribunal fédéral l'a
admis, par arrêt du 12 janvier 2005 (2A.596/2004). Il a retenu que le droit
d'être entendu de X.________ avait été violé dans la mesure où, d'une part,
l'intéressé n'avait pas été invité à se déterminer sur de nouveaux éléments
intervenus en cours de procédure et, d'autre part, il n'avait pas pu
interroger Y.________. La cause a été renvoyée à la Commission fédérale de
recours pour qu'elle complète l'instruction en procédant notamment à
l'audition du témoin Y.________ en présence de X.________ et qu'elle statue à
nouveau.

E.
La Commission fédérale de recours a alors ordonné un nouvel échange
d'écritures, puis elle a tenu une audience au cours de laquelle elle a
procédé à l'audition de deux personnes, dont Y.________, en présence de
X.________. Les parties ont encore pu déposer des déterminations. Par une
nouvelle décision du 13 juin 2006, la Commission fédérale de recours a rejeté
le recours formé le 7 novembre 2003 par X.________. Elle a confirmé la
légalité de la créance fiscale alléguée par la Direction générale et estimé
que les conditions liées à l'application du principe de la bonne foi invoqué
par X.________ n'étaient pas toutes remplies. Ainsi, l'intéressé n'avait pas
apporté la preuve de promesses de dédouanement au TCT et il n'avait pas pris
des mesures dont la modification lui serait préjudiciable après l'avènement
desdites promesses.

F.
X.________ a déposé un recours de droit administratif au Tribunal fédéral
contre la décision de la Commission fédérale de recours du 13 juin 2006. Il
demande, sous suite de frais et dépens, principalement, de prononcer la
nullité de la décision attaquée, la cause étant renvoyée à la Commission
fédérale de recours pour nouvelle décision dans le sens des considérants et,
subsidiairement, de réformer la décision entreprise en ce sens qu'il n'est
pas débiteur de 93'264,85 fr. à titre de perception subséquente de redevances
d'entrée à la suite d'un dédouanement à tort des importations ayant eu lieu
les 16 mars, 6 et 24 septembre ainsi que 28 octobre 1999. Il invoque en
substance la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.).

La Commission fédérale de recours et la Direction générale ont expressément
renoncé à répondre au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 131 II 571 consid. 1 p. 573).

1.1 Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi contre une
décision prise par une commission fédérale de recours et fondée sur le droit
public fédéral, le présent recours, qui ne tombe pas sous le coup d'une des
exceptions des art. 99 à 102 OJ, est en principe recevable au regard des art.
97 ss OJ ainsi que, plus particulièrement, de l'art. 109 al. 1 lettre e et
al. 3 de la loi fédérale du 1er octobre 1925 sur les douanes (RS 631.0).
1.2 Selon l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut être
formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit
fédéral, qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen (ATF
130 I 312 consid. 1.2 p. 318; 130 III 707 consid. 3.1 p. 709), sans être lié
par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ; cf. ATF
132 II 47 consid. 1.3 p. 50). En revanche, lorsque le recours est dirigé,
comme en l'occurrence, contre la décision d'une autorité judiciaire, le
Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette décision, sauf
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2
OJ; ATF 132 II 21 consid. 2 p. 24). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas
revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant
pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

2.
Le recourant ne se plaint plus de violation du droit d'être entendu. Il ne
conteste pas l'existence ni la quotité de la créance de la Direction
générale, mais soutient qu'il n'a pas à s'acquitter des redevances qui lui
sont réclamées dans la mesure où il doit être protégé dans sa bonne foi. A
cet égard, il critique l'appréciation faite par l'autorité intimée du
témoignage de Y.________.

2.1 Ancré à l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique,
le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se
comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration
doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et elle ne
saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou
insuffisance de sa part. A certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger
de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances qu'elle lui a
faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placée dans
celles-ci (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636/637; 129 II 361 consid. 7.1 p.
381). Selon la jurisprudence (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et la
jurisprudence citée; cf. aussi ATF 114 Ia 209 consid. 3a p. 213/214, rendu
sous l'empire de l'ancienne Constitution), la protection de la bonne foi est
subordonnée à la réalisation des conditions cumulatives suivantes:
a)l'autorité est intervenue dans une situation concrète à l'égard de
personnes déterminées;
b)l'autorité a agi ou est censée avoir agi dans les limites de sa compétence;
c)l'administré a eu de sérieuses raisons de croire à la validité de l'acte
suivant lequel il a réglé sa conduite;
d)l'administré s'est fondé sur l'acte en question pour prendre des
dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir un préjudice;
e)la loi n'a pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée.
Le principe de la bonne foi régit également les rapports entre les autorités
fiscales et les contribuables; le droit fiscal étant toutefois dominé par le
principe de la légalité, le principe de la bonne foi ne peut alors avoir
qu'une influence limitée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les
références).

2.2 Dans son arrêt du 12 janvier 2005 (2A.596/2004), le Tribunal fédéral a
rappelé qu'il incombait au recourant d'apporter la preuve de l'existence
d'autorisations orales pour importer les doses de semence en cause au TCT et
qu'en raison du caractère insolite de la forme sous laquelle ces prétendues
autorisations auraient été délivrées - au travers d'une simple conversation
téléphonique avec l'Office fédéral à laquelle le recourant n'avait même pas
participé -, les exigences quant à la preuve seraient élevées. Par ailleurs,
l'autorité de céans est en principe liée par les faits constatés dans la
décision attaquée (art. 105 al. 2 OJ).

Le recourant fait valoir qu'il a satisfait aux exigences susmentionnées en
apportant la preuve de l'existence de téléphones entre les autorités
douanières et l'Office fédéral, qu'il a établi que ces contacts téléphoniques
étaient courants en cas de doute quant au taux de dédouanement, qu'il faisait
lui-même l'objet d'un contrôle systématique et sérieux à la douane et que, si
ses interlocuteurs de l'Office fédéral avaient toujours répondu à Y.________
qu'il devait dédouaner au THCT, il n'était pas exclu que d'autres personnes
de l'Office fédéral aient pu fournir une indication différente à certains
collègues de Y.________. Le recourant avait ainsi fourni la preuve d'une
pratique administrative fondée sur l'oralité et il incombait à
l'administration de démontrer qu'il n'avait pas obtenu l'autorisation orale
invoquée lors des quatre importations litigieuses.

A titre de preuve de l'existence d'une promesse ou d'une assurance de
l'administration, le recourant a sollicité l'audition de deux témoins. L'un,
Z.________, qui exerçait en 1999 la fonction de caissier auprès de
l'Inspection des douanes de l'aéroport de Genève (ci-après: l'Inspection des
douanes), a déclaré n'avoir jamais eu de contacts téléphoniques avec l'Office
fédéral. Quant à l'autre, Y.________, chef de la subdivision Fret auprès de
l'Inspection des douanes, il a expliqué qu'il n'avait été affecté au fret
qu'au cours du deuxième semestre de 1999. Il n'a pas pu se remémorer avec
précision s'il avait eu des contacts téléphoniques avec l'Office fédéral pour
les importations en cause: il a d'abord admis qu'il avait fait deux
téléphones à l'Office fédéral, mais a finalement déclaré qu'il n'était pas
certain d'y avoir procédé. Par conséquent, il existe déjà un doute sur la
question de savoir si certaines promesses - deux au maximum - ont pu être
données au recourant par l'intermédiaire de ce témoin. A supposer que deux de
ces conversations téléphoniques aient bien eu lieu, Y.________ a clairement
expliqué que, selon l'Office fédéral, le recourant ne pouvait dédouaner qu'au
THCT. Ledit témoin n'a donc pas pu transmettre au recourant une autorisation
donnée oralement par l'Office fédéral d'importer les marchandises litigieuses
au TCT. L'audition de Y.________ n'a donc pas permis d'établir l'existence
des promesses orales alléguées pour les importations en cause, au regard
notamment des exigences liées au caractère insolite de la forme de ces
prétendues promesses et de l'influence limitée du principe de la bonne foi en
matière de contributions publiques. A cet égard, l'allégation de la pratique
administrative invoquée n'est pas suffisante pour renverser le principe du
fardeau de la preuve selon lequel il appartient à l'administré d'établir les
faits de nature à lui procurer un avantage. Quant à l'hypothèse du recourant
selon laquelle, pour les quatre importations en cause de 1999, l'Office
fédéral aurait pu exceptionnellement autoriser un dédouanement au TCT et
fournir cette autorisation à une autre personne que Y.________, elle relève
de la pure conjecture et non pas de l'établissement des faits.

La Commission fédérale de recours n'a donc pas fait preuve d'arbitraire dans
l'appréciation du témoignage de Y.________ et la décision entreprise échappe
à la critique dans la mesure où elle retient que l'existence d'une promesse
de dédouanement au TCT n'a pas été établie à satisfaction de droit. Le
principe de la bonne foi n'est pas applicable en l'espèce, puisque la
condition principale à laquelle est subordonnée son application - soit
l'existence d'une promesse - n'est pas remplie.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
La présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la
Direction générale des douanes et à la Commission fédérale de recours en
matière de douanes.

Lausanne, le 13 septembre 2006

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: