Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.432/2006
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{T 0/2}
2A.432/2006

Arrêt du 24 novembre 2006
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Denis Merz, avocat,

contre

Police cantonale du commerce du canton de Vaud, rue Caroline 11, 1014
Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne,

Autorisation d'exercer l'activité de courtier en crédit à la consommation,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Vaud du 16 juin 2006.

Faits :

A.
Ressortissant portugais, X.________ exploite à A.________ depuis 1990, selon
ses dires, un négoce d'intermédiaire en matière de crédits à la consommation.

Sur requête d'un de ses concurrents ayant ouvert action civile, le Président
du Tribunal d'arrondissement de la Côte a rendu, le 13 septembre 2002, une
ordonnance de mesures provisionnelles par laquelle il a interdit à X.________
de faire une publicité incorrecte (indication trompeuse du taux d'intérêt),
sous menace des peines prévues à l'art. 292 CP. En dépit de ladite
ordonnance, X.________ a fait parvenir à des tiers une publicité tombant sous
le coup de cette interdiction, à quatre reprises au moins entre novembre 2002
et avril 2003. En conséquence, le Tribunal de police de l'arrondissement de
la Côte l'a condamné, le 8 juillet 2004, pour concurrence déloyale et
insoumission à une décision de l'autorité à 45 jours d'emprisonnement, avec
sursis pendant 2 ans, et à 1'500 fr. d'amende. Ce jugement a notamment retenu
l'amateurisme avec lequel l'intéressé exerçait son activité (étroitesse de
son bureau, désordre y régnant et désorganisation administrative).

B.
Le 14 juillet 2004, X.________ a demandé l'autorisation d'exercer l'activité
de courtier en crédit à la consommation. Le 23 juin 2005, la Police cantonale
du commerce du canton de Vaud (ci-après: la Police du commerce) lui a refusé
cette autorisation, a ordonné la fermeture immédiate de son commerce et lui a
interdit la poursuite de ses activités liées au crédit à la consommation,
sous menace des peines prévues à l'art. 292 CP. Elle s'est fondée en
particulier sur les art. 39 et 40 de la loi fédérale du 23 mars 2001 sur le
crédit à la consommation (LCC; RS 221.214.1) et sur l'art. 4 de l'ordonnance
du 6 novembre 2002 relative à la loi fédérale sur le crédit à la consommation
(ci-après: l'Ordonnance ou OLCC; RS 221.214.11).

C.
Par arrêt du 16 juin 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours de X.________
contre la décision de la Police du commerce du 23 juin 2005 et confirmé
ladite décision. Il a considéré que X.________ ne remplissait pas les
conditions des art. 40 LCC ainsi que 4 al. 1 et 2 OLCC. En outre, il a estimé
que la garantie de la liberté économique n'avait pas été violée.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif du 16 juin 2006 et de renvoyer le dossier aux
autorités cantonales vaudoises pour nouvelle décision dans le sens des
considérants; subsidiairement, le recourant demande au Tribunal fédéral que
l'arrêt attaqué soit réformé en ce sens qu'il est autorisé à exercer
l'activité d'octroi de crédit et de courtage de crédit, au cas où les
conditions légales autres que celles résultant de l'art. 4 al. 2 OLCC
seraient également remplies. Il se plaint en substance de violation du droit
d'être entendu et du principe de la proportionnalité.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. La Police du commerce
conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

L'Office fédéral de la justice a renoncé à répondre au recours.

E.
Par ordonnance du 23 août 2006, le Juge présidant la IIe Cour de droit public
a admis la requête d'effet suspensif présentée par X.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi contre un
arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 98 lettre g OJ) et fondé sur
le droit public fédéral, le présent recours est en principe recevable en
vertu des art. 97 ss. OJ, dès lors qu'aucune des exceptions prévues aux art.
99 à 102 OJ n'est réalisée.

2.
Selon l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut être
formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation. Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit
fédéral, qui englobe notamment les droits constitutionnels des citoyens ainsi
que les traités internationaux (cf. ATF 130 I 312 consid. 1.2 p. 318 et la
jurisprudence citée), sans être lié par les motifs invoqués par les parties
(art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, lorsque le recours est dirigé,
comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal
fédéral est lié par les faits constatés dans cette décision, sauf s'ils sont
manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de
règles essentielles de procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ). En
outre, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de l'arrêt
entrepris, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière
(art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
Il convient de rappeler d'emblée les règles applicables au présent litige.
L'art. 40 LCC traite des conditions auxquelles est subordonnée l'autorisation
d'exercer l'activité d'octroi de crédits à la consommation ainsi que le
courtage en crédit. Le premier alinéa de cette disposition prévoit notamment
que "l'autorisation est octroyée si le demandeur est fiable et que sa
situation économique est saine" (lettre a). Par ailleurs, la section 3 de
l'Ordonnance (art. 4 à 8a OLCC) est consacrée aux conditions susmentionnées.
Plus particulièrement, l'art. 4 OLCC, intitulé "Conditions d'ordre
personnel", dispose:
"1 Le requérant doit jouir d'une bonne réputation et présenter toutes
garanties d'une activité irréprochable.

2 Il ne doit pas avoir subi, durant les cinq années qui précèdent la demande
d'autorisation, de condamnation pénale présentant un lien avec l'activité
soumise à autorisation.

3 Il ne doit pas exister d'acte de défaut de biens à son encontre."
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2004.

4.
4.1 Le recourant reproche au Tribunal administratif d'avoir violé son droit
d'être entendu, voire d'être tombé dans l'arbitraire, en invoquant des motifs
que la Police du commerce n'avait pas retenus pour refuser l'autorisation
litigieuse. Cela l'aurait empêché de s'exprimer sur les motifs de refus
relevant de l'application des art. 40 al. 1 lettre a LCC et 4 al. 1 OLCC.

4.2 Le droit d'être entendu garanti constitutionnellement comprend le droit
pour la personne concernée de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer
sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa
situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il
soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à
l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer
sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à
rendre (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504/505; 127 III 576 consid. 2c p.
578/579).

4.3 Contrairement à ce que prétend le recourant, la décision de la Police du
commerce du 23 juin 2005 n'est pas fondée uniquement sur l'art. 4 al. 2 OLCC.
Elle se réfère d'emblée aux art. 39 et 40 LCC ainsi qu'à l'art. 4 OLCC.
Prenant appui sur le jugement pénal précité du 8 juillet 2004, elle constate
que l'intéressé ne remplit pas les conditions de l'art. 4 al. 1 OLCC,
puisqu'il ne jouit pas d'une bonne réputation et ne présente pas toutes les
garanties d'une activité irréprochable. Puis, elle fait application,
séparément, de l'art. 4 al. 2 OLCC, après avoir relevé que l'intéressé a fait
l'objet d'une condamnation pénale présentant un lien avec l'activité de
courtier en crédit dans les cinq ans précédant la demande d'autorisation. Le
recourant pouvait donc s'attendre à ce que le Tribunal administratif ne se
limite pas à examiner la question de l'autorisation litigieuse sous l'angle
de l'art. 4 al. 2 OLCC. Ainsi, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même s'il ne
s'est pas exprimé, dans son recours cantonal, sur l'application qui a été
faite dans son cas des art. 40 al. 1 lettre a LCC et 4 al. 1 OLCC. Par
conséquent, le grief de violation du droit d'être entendu, voire
d'arbitraire, n'est pas fondé.

5.
D'après les faits retenus par le Tribunal administratif, le recourant a
utilisé une publicité incorrecte. Alors qu'il s'était vu interdire l'usage de
cette publicité, il a continué à y recourir à quatre reprises au moins, ce
qui lui a valu la condamnation pénale susmentionnée du 8 juillet 2004. De
plus, son bureau est insuffisant; il y règne désordre et désorganisation
administrative. L'activité du recourant présente dès lors des lacunes. Ces
faits qui ne sont pas manifestement inexacts ni établis en violation de
règles essentielles de procédure (cf. consid. 4, ci-dessus) lient l'autorité
de céans, selon l'art. 105 al. 2 OJ. Du reste, le recourant ne conteste pas
vraiment leur exactitude.

Le recourant n'offre pas les garanties de fiabilité requises; il ne jouit pas
d'une bonne réputation et ne donne pas l'assurance d'une activité
irréprochable. En outre, dans les cinq ans précédant la demande
d'autorisation, il a subi une condamnation pénale ayant un lien avec
l'activité de courtier en crédit à la consommation. C'est dès lors à bon
droit que le Tribunal administratif a retenu que l'intéressé ne remplissait
pas les conditions des art. 40 al. 1 lettre a LCC ainsi que 4 al. 1 et 2
OLCC.

Reste à examiner si le principe de la proportionnalité a été respecté. Le
refus d'autorisation est certes lourd de conséquences pour le recourant.
Toutefois, celui-ci a montré de graves lacunes et incorrections dans son
activité. Non seulement, il a enfreint le principe d'honnêteté dans sa
publicité mais encore, alors que cela lui avait été formellement interdit par
décision de justice, il a transgressé derechef les règles applicables en la
matière. Au demeurant, il est sans importance qu'il ait été dénoncé par un
concurrent. Ce qui est décisif, c'est que le recourant ne donne pas les
garanties nécessaires à la protection du public. Il existe un intérêt public
important à protéger les preneurs de crédit à la consommation qui l'emporte
en l'espèce sur l'intérêt privé du recourant à pouvoir poursuivre son
activité, compte tenu des lacunes et incorrections dont il a fait preuve dans
l'exercice de celle-ci. C'est donc à tort que l'intéressé prétend que l'arrêt
attaqué viole le principe de la proportionnalité.

6.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la
Police cantonale du commerce et au Tribunal administratif du canton de Vaud,
ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 24 novembre 2006

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: